Lundi 31 Août 2015

Lundi 31 Août 2015
« Une fois qu’une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement économique est sans influence sur l’évolution du bien-être moyen de sa population. »
Constat appelé le paradoxe d’Easterlin
Je vais innover cette semaine, car les 5 mots du jour de la semaine renverront tous à la même émission : «L’esprit Public du 26/07/2015», dans laquelle l’économiste Daniel Cohen donnait sa vision du système économique d’aujourd’hui et de demain.
Daniel Cohen fait partie de ses rares économistes qui me plaisent bien parce qu’il ne fait ni partie de ces économistes croyants aux vertus absolues du libéralisme et qui pense que tout va s’arranger, il suffit de libérer encore davantage les marchés et faire reculer le rôle de la puissance publique à sa portion congrue, ni de ceux qui sont aussi des croyants mais d’une autre religion celle où le Politique peut tout régler, il suffit d’avoir la volonté et d’accumuler les Lois et les contraintes.
Les 3 premiers mots seront consacrés au contexte. C’est-à-dire les forces et les contraintes qui sont à l’œuvre. Le quatrième sera consacré à une réflexion sur la grande incertitude économique d’aujourd’hui. Le cinquième permettra d’aborder les esquisses de pistes que Daniel Cohen se risque à formuler pour faire face à ces questions existentielles.
Je commence donc par le premier élément de contexte qu’on appelle le paradoxe d’Easterlin
<Richard Easterlin>, est un économiste né aux Etats-Unis en 1926.
Je cite Wikipédia : C’est un « théoricien de l’économie du bien-être, il est le créateur du paradoxe qui porte son nom, selon lequel la mesure du développement de l’économie d’une société par le biais de l’évolution du produit intérieur brut (PIB) n’est pas pertinente. Plus précisément, Richard Easterlin a mis en évidence le fait qu’une fois qu’une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement économique est sans influence sur l’évolution du bien-être moyen de sa population. »
«L’évolution de ce bonheur est en réalité, selon Easterlin, à mettre en corrélation relative avec celle de la richesse des membres les plus fortunés de la société. En clair, ce sont ces derniers qui sont les plus heureux, mais uniquement parce que l’augmentation de l’inégalité leur permet de progresser économiquement plus vite que le reste de la population ; cela signifie donc qu’un membre d’une société dont l’évolution de la fortune se situe dans la moyenne ne se déclarera pas plus heureux, à l’inverse des éléments qui progressent plus rapidement. C’est donc, plus prosaïquement, le revenu relatif, et non sa progression brute, qu’il convient de prendre en compte.
Cette relativité de l’évolution (pourtant existante) du sentiment de bien-être, comparativement à la croissance économique, aboutit donc à un paradoxe. »
L’indicateur du <bonheur intérieur net (BIN)>, institué par le magazine économique français L’Expansion et un think tank canadien, le «  Centre d’étude des niveaux de vie », se veut la traduction statistique des travaux de Richard Easterlin.
Daniel Cohen est convaincu que ce paradoxe est bon, c’est-à-dire qu’il décrit bien la réalité des sociétés modernes.
Selon lui, toutes les études statistiques convergent, il existe en effet une corrélation faible entre la richesse d’une société (au-delà d’un certain seuil cependant) et le bien être d’une population mesuré à travers des enquêtes de satisfaction ou d’un indicateur plus neutre : le taux de suicide.
Ainsi, si on prend les États-Unis, pays le plus évolué dans le monde capitaliste, le taux de bien être ne cesse de stagner voire de décliner depuis les années 60 selon différentes enquêtes qui ont été faites.
Si on prend la France, nous sommes deux fois plus riches aujourd’hui qu’en 1970, et selon différents indicateurs de bien-être, nous sommes  exactement au même niveau qu’en 70.
Daniel Cohen explique que ce paradoxe a parfois été mal compris, car certains pensent qu’il signifie qu’il n’y a pas de conséquence sur le bien être dans le fait de s’enrichir.
Ce n’est pas ce que dit Easterlin. Ce qu’il décrit c’est que la richesse devient très vite un élément d’accoutumance.
En revanche, la croissance, elle, est déterminante pour développer le sentiment de bien-être
C’est elle qui, si elle est présente, contribue au bien-être des sociétés. C’est-à-dire, le fait que vous sachiez que vous allez être plus riche demain qu’aujourd’hui. C’est la promesse que vous puissiez vous hisser au-dessus du niveau que vous avez atteint.
Alfred Sauvy disait « Le moderne est un marcheur qui n’atteint jamais l’horizon qu’il voit ».
Un autre critère déterminant dans cette réflexion est la comparaison avec le voisin (il semblerait même que la comparaison avec le beau-frère est essentielle) : car en période de croissance, on pense quasi toujours qu’on pourra s’en sortir mieux que lui  et cette conviction paraît très importante pour le bien-être.
Daniel Cohen conclut :
« Alors bien sûr, c’est quelque chose de déterminant
Déterminant, quand on est dans une économie où il y a plus de croissance, il n’y a plus de moteur, il n’y a plus cet essence pour avancer. C’est comme une drogue.
Les dérèglements politiques ont certainement beaucoup plus à voir avec cette perte de la croissance qu’on veut le reconnaître généralement.  »
Suite au prochain épisode…
Daniel Cohen a écrit un livre publié le 26 août 2015 : <Le-Monde est clos et le désir infini>
L’Obs a fait également sa “Une” sur ce livre