Lundi 21 janvier 2019

« Celui qui attend est comme un arbre avec ses deux oiseaux, solitude et silence. »
Christian Bobin

Dans un premier temps, j’avais eu l’intention d’utiliser simplement : « L’attente » comme exergue de ce mot du jour.

Mais je suis tombé sur un poème de Christian Bobin qui m’a paru donné plus de profondeur et de force à ce que je souhaitais partager aujourd’hui, après une pause d’un mois.

C’est Christophe André qui m’avait fait découvrir cet écrivain né en 1951. Et c’est une citation de Christian Bobin que j’avais utilisée lors du mot du jour du « Jeudi 18 mai 2017» pour terminer la série de mots du jour consacré à l’émission « 3 minutes à méditer » qu’avait réalisée Christophe André :

« Pour qu’une chose se termine, il faut qu’une autre chose commence –
et les commencements, c’est impossible à voir»

L’attente est l’état de celui qui attend ou le temps pendant lequel on attend.

C’est un état qui pour beaucoup devient rapidement insupportable tant la société nous presse vers l’immédiateté : tout, n’importe quoi, tout de suite, donc sans l’attente.

Dès qu’une esquisse d’envie nous touche, surtout dans le domaine de la consommation, il suffit d’aller vers nos outils numériques et de commander sur les sites marchands en ligne.

J’ai appris récemment que pour l’instant Amazon réalise une marge infime dans son métier de commerce en ligne et cela notamment en raison de sa stratégie de vouloir livrer tous ses clients dans des délais extrêmement contraints.

Pourtant la vie est constituée de beaucoup d’attentes.

Quand on est enfant, on attend de devenir grand.

Avant l’enfant, il faut la naissance c’est encore une attente, qui est calibrée, il faut neuf mois à quelques jours près.

On attend une rencontre, un rendez-vous, sa première expérience sexuelle, son premier job et tant d’autres choses.

Ce site attribue à Jules Renard la citation suivante :

« Si l’on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce en serait la salle d’attente. »

Car le mot « attente » peut aussi avoir le sens de l’espérance ou de l’espoir. C’est le cas dans les expressions suivantes :

  • Cet enfant a répondu à l’attente qu’on avait de lui.
  • Il a rempli notre attente.

Pendant ses années d’études on attend, aussi notamment les résultats des examens. Dans ce cas l’attente est en effet espérance.

Et puis, il en est d’autres examens dont on attend les résultats.

Je me souviens avoir vu ce très beau film : « Cléo de 5 à 7 » d’Agnès Varda avec dans le rôle principal Corinne Marchand.

L’action se déroule à Paris, près de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Cléo, une jeune et belle chanteuse plutôt frivole, craint d’être atteinte d’un cancer. Il est 17 heures et elle doit récupérer les résultats de ses examens médicaux dans 2 heures. Pour tromper sa peur, elle cherche un soutien dans son entourage. Elle va se heurter à l’incrédulité voire à l’indifférence et mesurer la vacuité de son existence. Elle va finalement trouver le réconfort auprès d’un inconnu à l’issue de son errance angoissée dans Paris. Le film est constitué par ce temps de deux heures d’attentes

Télérama écrit :

«  La jolie chanteuse (métier de Cléo) égocentrée et narcissique des premières scènes cède peu à peu la place à une autre femme, non plus objet mais sujet, qui regarde, qui écoute, qui se laisse enfin atteindre par les autres. C’est l’histoire inoubliable d’une transfiguration. »

Un film à voir et à revoir.

Je me trouvais dans la salle d’attente de la médecine nucléaire de Villeurbanne qui dispose d’un équipement très performant pour ausculter le corps humain.

Une femme très agitée est entrée. Elle avait mon âge.

Nous avons échangé des paroles, j’ai compris qu’elle était là non pour elle, mais parce qu’elle attendait sa fille de 25 ans.

Son attente n’était pas espérance, mais inquiétude

Nous avons échangé peu de paroles, mais l’échange se fait aussi par le regard, par l’attitude corporelle, par le silence.

Car le silence peut être habité, la solitude peut percevoir l’empathie.

Et l’empathie fait du bien à celui qui accepte de la recevoir.

Mais l’empathie fait aussi du bien à celui qui donne.

Et le don de l’empathie est probablement plus fort encore quand celui qui le donne se trouve lui-même dans la solitude et le silence.

L’exergue est extrait de ce poème qui se trouve dans «L’autre visage» publié aux Éditions Lettres Vives en 1991, aux pages 52 et 53 :

Celui qui attend

Celui qui attend est comme un arbre
avec ses deux oiseaux, Solitude et Silence.
Il ne commande pas à son attente.
Il bouge au gré du vent,
docile à ce qui s’approche,
souriant à ce qui s’éloigne.
Celui qui attend,
nous l’appelons le « tout comblé »
car dans l’attente,
le commencement est comme la fin,
la fleur est comme le fruit,
le temps comme l’éternel.

Christian Bobin

Un site que j’aime beaucoup, https://www.espritsnomades.net, parce qu’on y trouve de belles pages sur la musique classique et la littérature, a consacré une page à Christian Bobin : <Christian Bobin, notre part manquante>

<1174>

5 réflexions au sujet de « Lundi 21 janvier 2019 »

  • 21 janvier 2019 à 8 h 39 min
    Permalink

    Je te souhaite une bonne année Alain ainsi qu’à annie et tes enfants j’espère que ta santé va bien et que tu continueras à nous faire réfléchir tous les jours par ton mot

    Répondre
  • 21 janvier 2019 à 10 h 34 min
    Permalink

    Il est vrai que l’attente n’est pas vraiment en phase avec notre société impatiente.
    Pourtant l’attente n’est pas simplement une perte de temps ou au mieux un moment de respiration heureuse, c’est aussi la possibilité de s’assurer du bon moment avant d’agir.
    Attendre le bon moment avant d’agir est la la condition nécessaire d’un acte volontaire et conscient, un acte qui ne s’effectue pas automatiquement en fonction des circonstances extérieures ou intérieures

    Répondre
  • 21 janvier 2019 à 14 h 32 min
    Permalink

    On a été dans l’attente du premier mot de 2019.
    Et quel plaisir de le lire après cette attente.

    Répondre
  • 21 janvier 2019 à 16 h 12 min
    Permalink

    L’attente aura été longue, mais… il me reste encore…mes meilleurs vœux pour toi et ta famille.
    Je te laisse… je vais… attendre le bus…

    Répondre
  • 22 janvier 2019 à 0 h 05 min
    Permalink

    « La patience, c est l art d’ espèrer ». Vauvenargues…
    je vous souhaite cette patience, comme une respiration large où l horizon peut s y engouffrer…
    Anait L.
    Du précieux partage d Annie,
    je découvre votre Blog, et ses mots savoureux, pour éveiller les vivants… a devenir Vivant.
    merci…

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *