Hans Joachim Schellnhuber est un physicien allemand, climatologue et fondateur de l’institut de Potsdam de Recherche sur le climat.
Il fut un des premiers scientifiques à avertir sur le danger du réchauffement climatique, il est connu comme père du concept de la limite de 2°C
Il était bien sûr à Bonn, à la COP23, la 23e conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui a été organisée conjointement par les iles Fidji et l’Allemagne du 6 novembre au 17 novembre. Il était déjà à la COP1 à Berlin en 1995
Après les espoirs de la COP 21 d’il y a deux ans à Paris, il y eut entretemps une COP 22 à Marrakech, les nouvelles ne sont pas bonnes.
Il y a bien sûr l’attitude irresponsable du Président des Etats-Unis mais aussi une nouvelle hausse de la production mondiale de CO2.
La situation est telle que 15 000 scientifiques de 184 pays ont signé un appel contre la dégradation de l’environnement qui a été publié dans la revue Bio Science de l’Université d’Oxford, le lundi 13 novembre. Vous trouverez une version française <ICI>. Cet appel rappelle qu’il y eut un premier appel il y a 25 ans. Il y a 25 ans, il n’était que 1500 scientifiques indépendants, dont la majorité des lauréats du prix Nobel dans les sciences qui avaient écrit l’avertissement des scientifiques du monde à l’humanité de 1992.
Ce nouveau texte base son analyse sur les évolutions de 9 indicateurs mondiaux, dont l’évolution est suivie depuis 1960 jusqu’à 2016.
Le site France Culture consacre une page « Alerte de 15 000 scientifiques » qui donne la liste des 9 indicateurs et renvoie vers plusieurs émissions consacrées à ces différents sujets.
Voici ces 9 indicateurs
1/ L’ozone stratosphérique : le seul indicateur au vert, grâce au protocole de Montréal (1987)
Ce qui prouve que si les humains agissent, ils ont la capacité de faire évoluer les choses
2/ L’eau douce : des ressources par habitant divisées de moitié par rapport à 1960
3/ La pêche : les limites d’une pêche soutenable sont dépassées depuis 1992
4/ Les zones mortes maritimes : plus de 600 en 2010. Les zones mortes maritimes, déficitaires en oxygène, voient la vie sous-marine asphyxiée (poissons, coraux…), dans des zones de plus en plus importantes, en taille et en nombre. Elles sont principalement dues au lessivage des engrais agricoles.
5/ La déforestation : une superficie de forêts de la taille de l’Afrique du Sud perdue entre 1990 et 2015
6/ Les espèces vertébrées : diminution de 58% entre 1970 et 2012
7/ Les émissions de CO2 : après une courte stabilisation depuis 2014, une nouvelle hausse
8/ La hausse des températures : les 10 années les plus chaudes depuis 136 ans ont eu lieu depuis 1998, c’est-à-dire au cours des 20 dernières années.
9/ La population : les humains pourraient être 11 milliards en 2100
Ces scientifiques qui plaident notamment pour la promotion de nouvelles technologies vertes et l’adoption massive des sources d’énergie renouvelables, considèrent aussi qu’il faut réviser notre économie pour réduire les inégalités et veiller à ce que les prix, la fiscalité et les systèmes incitatifs tiennent compte des coûts réels que les modes de consommation imposent à notre environnement.
Ils ont aussi cette proposition qui heurte un grand nombre de politiques et d’économistes qui dénoncent un retour aux théories de Malthus :
« Estimer une taille de population humaine scientifiquement défendable et durable à long terme tout en rassemblant les nations et les dirigeants pour soutenir cet objectif vital. »
La conclusion des scientifiques est préoccupante :
« Pour éviter une misère généralisée et une perte de biodiversité catastrophique, l’humanité doit adopter des pratiques alternatives plus durables sur le plan environnemental que les modalités actuelles. Cette prescription a été bien formulée par les plus grands scientifiques du monde il y a 25 ans, mais, à bien des égards, nous n’avons pas tenu compte de leur avertissement. Bientôt, il sera trop tard pour dévier de notre trajectoire défaillante, et le temps s’épuise. Nous devons reconnaître, dans notre vie quotidienne et dans nos institutions gouvernementales, que la Terre avec toute sa vie est notre seul foyer. »
C’est dans ce contexte que s’exprime Hans Joachim Schellnhuber :
« Le temps ne joue pas en notre faveur […]
Parfois je désespère. Vous vous levez le matin et vous vous sentez vraiment déprimé. Puis vous ouvrez votre ordinateur, vous regardez les nouvelles, et vous trouvez quelque chose qui vous redonne de l’espoir. Tant qu’il y a de l’espoir, il est de notre responsabilité d’expliquer encore et encore.
[…]
Mon moment […] a été quand j’ai réalisé que la machinerie planétaire – moussons, circulation océanique, écosystèmes… – ne fonctionnait pas de manière linéaire: vous avez de nombreux points de non-retour.
Prenez l’Antarctique, Si la barrière de glace est détruite, la glace arrive dans la mer. C’est comme déboucher une bouteille. En Antarctique il y a probablement une trentaine de ces « bouteilles », et on est en train de les déboucher les unes après les autres ».
Pourra-t-on tenir les 2°C quand les émissions de gaz à effet de serre continuent à croître?
Bien que le défi soit énorme, je pense que oui, si nous faisons tout notre possible. (Une étude récente) montre qu’on peut réduire un tiers des émissions en gérant mieux forêts et agriculture »
Il reste pourtant dans l’optimisme de la volonté car pour lui, le monde finira par agir plus fortement contre le réchauffement.
« « C’est ma théorie du « 3D »: désastres, découvertes, décence. Les gens auront peur, car des désastres naturels vont se profiler. Et il y aura des découvertes, comme aujourd’hui la révolution photovoltaïque, et d’autres, comme le bois « high tech » pour remplacer le ciment », très émetteur. Enfin, la décence, l’instinct humain élémentaire: nous ne voulons pas la fin des îles Marshall, nous ne voulons pas tuer nos descendants ! »
Après la Seconde guerre mondiale, « nous avons choisi le mauvais modèle pour une vie heureuse : confort, consommation… Mais ce mode de vie ne nous rend pas plus heureux […]
Mon espoir est que la jeunesse a envie de casser ce modèle. Mon fils a 9 ans. Je suis sûr qu’à 15 ans il ne priera pas le Dieu de la croissance du PIB ! Je pense que nous pouvons espérer que les prochaines générations, pour qui nous essayons de préserver le climat, contribueront elles aussi à le sauver ».
Il est facile de critiquer les politiques, mais il serait plus juste probablement de parler de l’impuissance des Etats à agir tant sont nombreux les contraintes et les désirs contradictoires des concitoyens des gouvernants.
« L’esprit Public » de France Culture de ce dimanche a abordé ce sujet dans la deuxième partie de l’émission.
J’ai trouvé très pertinente une intervention de François-Xavier Bellamy que j’essaie de résumer :
« Nous sommes devant un problème de nos démocraties qui sont structurellement constituées pour répondre aux besoins des citoyens dans un temps court.
Dans le temps d’un mandat et dans un espace limité par des frontières.
La question que pose l’écologie est : comment nous pouvons ajuster nos politiques à un défi qui ne se limite pas à des frontières et qui par ailleurs engage le temps long et même le temps très long ?
Il n’est pas juste d’invoquer le poids des conservatismes, nous ne sommes pas assez conservateur à cause de ce culte de la vitesse [qu’impose notre société].
Nous avons construit notre économie sur l’idée du progrès, sur l’idée de l’accélération, sur l’idée du mouvement.
Nous ne cessons de remplacer en permanence les produits de consommation que nous achetons et auquel nous substituons des versions nouvelles.
Notre économie de la croissance et de l’invention est une économie du remplacement permanent.
C’est une anti économie. C’est une économie qui s’est retournée contre elle-même. L’économie, au sens le plus classique consiste à économiser.
Or, on ne peut plus rien économiser aujourd’hui.
Si vous acheter un smartphone et que vous décidez pour l’économiser de ne pas en faire trop d’usage, vous le ranger et vous ne vous en servez pas. Même si vous n’en faites rien, deux ans plus tard il ne vaudra plus rien.
C’est à dire sa valeur marchande s’est effondrée.
Contrairement à un tableau peint il y a plus de 500 ans par léonard de Vinci et qui a battu le record de vente des œuvres d’art.
En réalité, ce culte du progrès nous appauvrit terriblement.
Puisqu’il fait faner, dans nos mains, tout ce que nous avons construit et que nous avons acheté.
L’économie de la consommation est en réalité une économie de la destruction.
Littéralement, puisque consommer c’est détruire. Une économie qui mesure son taux de croissance à l’intensité de la destruction des biens qu’elle produit ne peut pas aboutir à autre chose qu’à la crise économique que nous connaissons aujourd’hui. »
Et il donne ce conseil :
« Pour être capable de transmettre à nos descendants un monde qui reste vivable, nous ferions bien de devenir un peu plus conservateur. »
Il faut s’entendre sur le mot conservateur. Mais je crois qu’il a raison au fond.
Nous devons aussi compter sur les découvertes qu’évoque Hans Joachim Schellnhuber pour garder l’espoir, sans penser que celles-ci pourront nous permettre d’éviter de remettre en question notre modèle consumériste.
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Les rapports entre humains sont aujourd’hui comme hier basés sur la compétition qui est devenue plus économique que militaire, il y a peu de chances que cela évolue significativement à court ou moyen terme compte tenu des disparités qui existent à tous niveaux.
Par ailleurs, quand bien même cela serait moralement incorrect, je considère que l’explosion de population constatée au niveau planétaire depuis le début du XXème siècle constitue le problème n°1. Reste à savoir comment l’aborder?