mercredi 12 avril 2017

mercredi 12 avril 2017
«Il manque à Emmanuel Macron la logique globale du modèle scandinave, fondé sur l’égalité »
Bruno Palier
Emmanuel Macron et l’économiste Jean Pisani-Ferry ont déclaré que le programme qu’ils préconisaient était inspiré du modèle scandinave.
Le Monde a interrogé Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po et coauteur, avec l’économiste danois
Gosta Esping-Andersen, de Trois leçons sur l’Etat-providence (Seuil, « La République des idées»,2008), sur l’authenticité de cette comparaison.
Nous apprenons d’abord que le  chercheur danois Gosta Esping-Andersen a identifié trois modèles de protection sociale :

l’Etat providence social-démocrate scandinave,

les systèmes anglo-saxons, qui privilégient le marché sur l’intervention de l’Etat

les systèmes d’assurances sociales de l’Europe continentale qui sont en vigueur en France et en Allemagne.

Le modèle français s’inscrit dans la continuité des mutuelles créées au XIXe siècle. Il s’agit d’un système contributif fondé sur le travail : pour avoir droit à des prestations sociales, il faut payer des cotisations. Il vise moins la réduction des inégalités que la protection de l’emploi et la sécurité du revenu en cas de problème – maladie, chômage ou vieillesse.
L’universalité de la couverture sociale dépend donc de la capacité de la société à assurer du travail à tout le monde. Ce modèle présente le défaut majeur de ne pas protéger les personnes qui ne sont pas encore entrées dans le monde du travail, ni celles qui en sont restées longtemps exclues. Il protège en outre mal les femmes qui travaillent dans des conditions d’emploi atypiques et qui dépendent de leur mari.
Dans les pays nordiques, [prétendument inspirateur d’Emmanuel Macron] que ce soit en Suède, au Danemark, en Islande, en Finlande ou en Norvège, la protection sociale est garantie à tous les citoyens par l’Etat.
Il s’agit de droits sociaux universels, comme l’accès aux crèches et à l’éducation, la formation, la santé, la sécurité et la retraite de base. Leur financement se fait principalement par l’impôt : ils ne sont pas, sauf exception, liés au versement de cotisations, comme en France. Tous les citoyens bénéficient de ces droits, quelle que soit leur situation sur le marché du travail.
Bruno Palier explique : « Gustav Möller, le « père » social-démocrate de l’Etat-providence suédois, disait : « Seul le meilleur est assez bon pour le peuple. »
Dans les pays scandinaves, la protection sociale promeut une société active et entreprenante. Elle cherche à soutenir la productivité et la qualification de la population, et donc à garantir des emplois de qualité et de bons salaires à tous.
Les pays scandinaves ont pris conscience que, pour être prospères et donner du travail à tout le monde, il fallait produire des biens de qualité innovants que l’on peut vendre cher et exporter. Pour arriver à ce résultat, ils garantissent la qualification de la main-d’oeuvre et la qualité des emplois, un système d’éducation et de formation professionnelle efficient, un niveau de vie élevé, en plus d’une aide sociale accessible à tous. Il faut beaucoup d’impôts pour le financer – donc des emplois bien rémunérés. »
Je vous laisse lire l’article dans son intégralité, mais je retiens que si Bruno Palier reconnaît que beaucoup des propositions de Macron se rapprochent du système nordique. Notamment « il a compris la nécessité, pour l’Etat, de protéger les personnes et d’accompagner les parcours de vie ; il propose de mettre en place une assurance universelle pour tous les chômeurs et toutes les professions ; il entend réformer le système opaque du financement de la formation professionnelle, ce qui serait une avancée importante, car les plus âgés et les moins éduqués y accèdent peu ou pas du tout. »
Il montre aussi qu’Emmanuel Macron s’éloigne des fondements et de la logique de ce système admirable en bien des points :
«  il ne semble pas avoir saisi que l’un des fondements du modèle, c’est l’égalité – pas seulement l’égalité des chances, mais aussi l’égalité des conditions. Une des conditions de la réussite est la compression de la fourchette des salaires. Ce n’est pas seulement un principe éthique égalitaire : il faut mettre en place une politique redistributive.
Quand les hauts salaires ne sont pas trop élevés, les secteurs les plus productifs engrangent des surplus, qui alimentent l’investissement et autorisent de meilleurs revenus dans les secteurs moins efficients. Et quand les bas salaires sont rares et les minima sociaux élevés, les activités à valeur ajoutée se développent, pas les boulots inutiles et mal payés dont personne ne veut.
Même si elles ont augmenté ces dernières années, les inégalités de revenus, au Danemark et en Suède, sont les plus basses du monde. Cette philosophie favorise une mobilité sociale ascendante et garantit une plus forte cohésion sociale. Je ne vois pas ce type de proposition chez Emmanuel Macron. […]
Pour créer des emplois, Emmanuel Macron veut baisser les cotisations sociales, notamment en pérennisant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Mais il ne fait que reprendre les recettes mises en œuvre depuis trente-cinq ans en France. Selon lui, la baisse des coûts du travail va sauver l’emploi.
Nous sommes effectivement trop chers pour ce que nous produisons, mais la solution n’est pas de réduire nos cotisations : elle est de monter en qualité. […] En présentant la baisse des cotisations sociales comme sa façon de défendre le travail, Emmanuel s’éloigne du modèle scandinave. »
Et en s’éloignant du modèle scandinave, Il se rapproche du modèle anglo-saxon dont je pense que nous autres français ne voulons pas.

Mardi 11 avril 2017

Mardi 11 avril 2017
«Ici, on ne prend pas les candidats au poste suprême avec des pincettes, mais plutôt avec un chariot élévateur. »
Vincent Montgaillard journaliste
lors de sa visite dans le hangar où sont stockés presque un million d’affiches des candidats à la présidentielle
Lors de la revue de presse de dimanche sur France Inter, Frédéric Pommier a rapporté quelques informations sur l’intendance des élections présidentielles et notamment sur les panneaux qui se dressent devant les bureaux de vote et les affiches qui seront collés dessus :
« Il ne reste que deux semaines avant le premier tour, et c’est ce soir, à minuit [C’était le 9 avril] que va débuter la campagne officielle. A partir de cette nuit, les portraits des 11 [candidats] vont donc être collés sur les panneaux en fer installés près des bureaux de vote.
Des affiches stockées jusqu’ici dans un hangar, à Gonesse, au nord de Paris. Visite du lieu dans LE PARISIEN-DIMANCHE, avec le reportage de Vincent Montgaillard. « Ici, raconte-t-il, on ne prend pas les candidats au poste suprême avec des pincettes, mais plutôt avec un chariot élévateur. »
– « Faut mettre Le Pen sur la palette ! », ordonne un manutentionnaire.
– « Enlève-moi le Mélenchon ! », enchaîne son collègue.
– « Et Macron, il est où ? »
– « Dans la benne ! », blague un camarade dans un gilet jaune fluo.
Bienvenue au cœur de la machine, dans cet entrepôt de 3.000 m², abritant un million de posters à la gloire des 11 concurrents. Quelques 700 personnes seront mobilisées pour aller les coller aux 80.000 emplacements de la métropole. C’est l’entreprise ‘France Affichage Plus’ qui pilote les opérations. Elle perçoit environ 2 euros par affiche collée, sachant que le collage officiel, comme l’impression des bulletins de vote, est pris en charge par l’État. Les frais n’entrent pas dans les comptes de campagne, et ils sont réglés par les préfectures, quel que soit le score électoral. « C’est ce qu’on appelle le coût de la démocratie », résume un responsable de la société, précisant que d’un département à l’autre, la tâche est inégale : en Lozère, par exemple, chaque candidat est placardé à 262 reprises, mais dans Nord, c’est 13 fois plus. D’ici une semaine, tout devrait être prêt. Cela dit, légalement, indique mon confrère, « les petites mains ont jusqu’à la veille du scrutin pour achever leur marathon ».
Mais lors de cette revue de presse, j’ai appris autre chose, certains prétendent que le score pourrait être influencé par le numéro du panneau :
« C’est en tout cas ce qu’estiment différents experts : d’après eux, les portraits aux deux extrémités bénéficient d’une meilleure visibilité – il s’agit donc du panneau 1 et du 11, avec une préférence pour le number one, le panneau tout à gauche, censé être celui qu’on distingue le mieux. C’est par tirage au sort, au Conseil Constitutionnel, que les 11 panneaux ont été attribués à chaque candidat. Et Nicolas Dupont-Aignan peut se réjouir : c’est lui qui a hérité du panneau number one. Autre vainqueur de la loterie : celui, donc, dont le portrait va figurer tout à droite, sur le panneau 11 – il s’agit de François Fillon. »
Et à la fin de sa chronique Frédéric Pommier en s’appuyant sur le Figaro annonce pour les prochaines présidentielles de 2022 la naissance d’une nouvelle étoile dans le ciel, étoile qui serait aussi brillante que l’étoile polaire :
«  une nouvelle étoile en 2022 ! Chose rarissime, mais les astronomes semblent vraiment y croire : une nouvelle étoile, aussi brillante que l’étoile polaire, devrait donc apparaître dans cinq ans . Ce sera pile-poil au moment de la prochaine élection présidentielle en France.»

<Cette annonce avait faite dans un blog du Monde dès janvier 2017>

Dans cet article on apprend que cette annonce a été faite par Larry Molnar astronome américain du Calvin College du Michigan qui avec son équipe suit de près deux étoiles invisibles à l’œil nu, situées à quelque 1 800 années-lumière de nous dans la constellation du Cygne.
Ces deux étoiles se rapprochent et pourraient fusionner. Ce qui ne constitue pas pour des étoiles un mariage durable mais plutôt un baiser de la mort. On apprend dans cet article que la fusion crée en effet des chocs entre différentes couches de matière et, en fonction de la masse des étoiles et de la dynamique du processus, une bonne partie de la matière est susceptible d’être éjectée du système dans un véritable feu d’artifice. La nova pourrait être visible pendant des semaines voire des mois.
Larry Molnar annonce cela pour mars 2022.
Mais d’autres scientifiques sont sceptiques.
Dans quel monde vivons-nous si désormais les promesses des scientifiques sont aussi peu crédibles que celles des politiques ?
En tout cas, en mars 2022 nous pourrons juger de la réalisation des promesses de celle ou celui qui sera élu le 7 mai 2017 et de la promesse de Larry Molnar en regardant dans le ciel l’apparition d’une étoile aussi brillante que l’étoile polaire.

Lundi 10 avril 2017

Lundi 10 avril 2017
« Pas pauvre, mais modeste Oui ! »
François Morel
J’écoute les analystes politiques, les économistes, les intellectuels pour m’éclairer sur notre société, sur ces élections présidentielles invraisemblables, désespérantes et qui révèlent des comportements et des « traditions » probablement très anciens mais qui nous paraissent de plus en plus choquants.
Mais ce sont souvent les poètes et quelquefois les humoristes qui expriment de la manière la plus forte, la plus limpide la réalité et le fond des choses de la vie.
J’ai plusieurs fois cité, François Morel qui est à la fois humoriste et poète.
Sa chronique de vendredi : a fait la synthèse de 3 faits :

L’affirmation de Brigitte Fontaine qui réfutait le qualificatif de modeste en affirmant qu’on l’utilisait pour le substituer à celui de pauvre.

L’aveu de François Fillon qu’il ne parvenait pas à mettre de l’argent de côté ;

Et enfin parmi toutes les affaires qui révèlent le personnage, l’épisode du costume sur mesure offert par un ami et qu’il a rendu, selon ses affirmations.

Comme François Morel, je suis issu d’un milieu modeste, je n’en fais plus partie mais je garde la mémoire de mon enfance et ce que dit François Morel me parle.
Certainement à beaucoup de vous aussi :
« Monsieur Fillon n’arrive pas à mettre de l’argent de côté.
Et moi je ressens de la sollicitude, je comprends ce que signifie ne pas mettre de l’argent de côté, car je viens moi-même d’un milieu modeste.
Récemment, Brigitte Fontaine s’énervait en disant qu’elle détestait le mot “modeste” que l’on employait selon elle par fausse pudeur quand on n’osait pas prononcer le mot “pauvre”.
Mais je ne suis pas d’accord Brigitte. Je ne dirais jamais que je viens d’un milieu pauvre, mais d’un milieu modeste Oui !
Ce n’est pas une hypocrisie, c’est une exactitude.
Je viens d’un milieu modeste. Je ne m’en flatte pas, je ne m’en cache pas non plus, c’est comme ça. Je n’ai pas à m’en prévaloir, je n’ai pas à en avoir honte c’est ainsi il faut bien être de quelque part.
Laissez-moi ce repère ou je perds la mémoire.
Modeste, c’est presque la définition que donne François Fillon : c’est ne pas pouvoir mettre de l’argent de côté. Si on a déchiré son pantalon, on fait une reprise. […] Si on a un costume trop petit parce qu’on a grandi des jambes, des bras, de partout, c’est le petit frère qui hérite du costume.
Ce n’est pas la misère, pas du tout, c’est la vigilance. Ce n’est pas le dénuement, l’indigence, c’est l’économie nécessaire, obligatoire.
Modeste, ce n’est pas pauvre, non Brigitte !
Pauvre c’est quand on n’a pas assez à manger, quand tout le monde vit dans la même pièce, […] quand le présent est incertain, quand l’avenir est sans lendemain, ce n’est pas pareil !
Modeste c’est ric rac, c’est sur le fil, c’est comparer les prix, c’est faire attention à tout, c’est être sur le qui-vive.
Modeste cela demande des talents d’ingéniosité, d’économiste, d’équilibriste. Modeste ça veut dire qu’on ne roule pas sur l’or, mais qu’on arrive quand même à payer les factures.
Modeste ça veut dire qu’on doit faire attention tout le temps, sinon la pauvreté [qu’on redoute, qui fait peur] celle dans laquelle on pourrait tomber [pourrait en être la conséquence].
Dans les milieux modestes, on ne connait personne qui pourrait nous offrir des costumes [neufs, sur mesure], jamais, cela n’existe pas !.
On peut avoir des amis qui viennent avec une bonne bouteille. On peut avoir des copains qui viennent avec des fleurs cueillis dans le jardin, des légumes ramassés dans le potager. Mais qu’ils viennent avec un costume neuf en cadeau, ça non, non …
Dans un milieu modeste on peut avoir une tante ou un oncle plus argenté, qui à Noël fait des cadeaux somptueux : une Nintendo switch, un smartphone, une machine à café ou même une salière électrique !
Dans un milieu modeste quand on achète une salière électrique, cela s’appelle faire une folie. Après tout le reste de sa vie, la salière électrique, on la regarde de travers.
Et même le parrain, celui qui a une bonne place [qui travaille dans une entreprise où tout le monde rêverait de travailler], il ne pourrait pas offrir un costume. D’abord les costumes c’est personnel, c’est comme les slips, on en achète soi-même quand c’est nécessaire. Mais moi je n’ai jamais vu quelqu’un offrir un costume, surtout un costume sur mesure.
C’est pourquoi, quand les gens modestes ont entendu que Monsieur Fillon avait rendu son costume sur mesure, ils ont trouvé que c’était dommage puisque le costume avait été fait spécialement pour Monsieur Fillon […] et que forcément sur quelqu’un d’autre il ne tombera pas si bien.
Vu qu’il était fait […] autant le porter. Surtout que maintenant il va peut-être rester sur un cintre et personne ne voudra le porter. C’est dommage, un costume qui a couté de l’argent, fait travailler tout un tas de petites mains.
Les gens modestes, pas les pauvres Brigitte ! Les pauvres ils considèrent cette histoire comme de la science-fiction. Les gens modestes, ils se disent comment voulez-vous mettre de l’argent de côté quand lorsqu’on vous fait un cadeau vous ne l’utilisez pas ?
Les gens modestes, ils n’en reviennent pas ! Il aurait mieux valu le porter et le rembourser à son copain. Parce qu’un costume c’est toujours utile […]
On ne peut pas prévoir le résultat des élections…
Les chances de Monsieur Fillon d’entrer à l’Elysée ne sont peut-être pas pauvres, mais modestes Oui ! »
Dans aucun autre pays comparable, François Fillon ne pourrait continuer à se présenter !
Mais le problème n’est pas Fillon, il est que presque 20% et peut être davantage de français sont prêt à voter pour lui !
Les français sont vraiment étonnants.
Vous pourrez me dire : Tu as peut être raison, mais si on considère qu’aucun autre candidat n’est sérieux, il faut bien voter pour lui !
Cette élection montre combien il devient nécessaire de prendre en compte le vote blanc, ce qui signifie que les électeurs peuvent voter majoritairement « blanc » et que cela a pour conséquence de renvoyer tous les candidats à l’élection en cause à la maison et qu’il faut appeler à une nouvelle élection avec d’autres candidats !
Elle montre aussi que l’élection présidentielle qui désigne un monarque républicain devient totalement décalée par rapport à notre société moderne. Sur ce point Mélenchon a raison ! Mais s’il était élu fera t’il ce qu’il dit ?
Philippe Meyer dans son émission d’hier <L’Esprit Public> a cité deux de ses anciens invités habituels :
Et Jean-Louis Bourlanges : «Avant, les élections c’était des salauds élus pas des cons, aujourd’hui c’est le contraire.»

Vendredi 7 avril 2017

Vendredi 7 avril 2017
« Le wagon plombé »
Stefan Zweig : Dernier récit du livre <Les très Riches Heures de l’Humanité>
Dimanche prochain nous serons le 9 avril 2017.
Le mot du jour du 15 mars rappelait que le 15 mars 1917, le tsar de Russie Nicolas II avait abdiqué au profit de son frère, le grand-duc Michel qui avait décliné l’honneur. La Russie allait devenir pour quelques mois une République démocratique. C’est l’aboutissement de la révolution de Février (calendrier russe) qui a commencé le 8 mars (23 février) 1917.
Et ce qui va se passer, le 9 avril 1917 entre la Suisse et la Russie est l’objet du dernier récit de l’ouvrage « Les très riches Heures de l’Humanité » de Stefan Zweig :  « Le Wagon plombé ».
Stefan Zweig est un immense écrivain autrichien, pacifiste et humaniste qui a vécu la première guerre mondiale puis la montée du nazisme comme une tragédie personnelle qui l’a conduit au Suicide au Brésil le 22 février 1942 à l’âge de 60 ans. Il est l’auteur étranger le plus lu en France. ​ Il travaille durant plus de vingt ans à son recueil de nouvelles <Les Très Riches Heures de l’humanité> qui retracent les douze événements de l’histoire mondiale les plus marquants à ses yeux.
La première de ses nouvelles est la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 et la dernière « Le Wagon plombé »
Voici comment commence ce récit :
« Le wagon plombé
Lénine, 9 avril 1917
L’homme qui habite chez le cordonnier
La Suisse, petit havre de paix, contre lequel se brisent de tous côtés le raz-de-marée de la guerre mondiale, ne cesse d’être en ces années 1915, 1916, 1917 et 1918 la scène d’un passionnant roman d’espionnage. Dans les hôtels de luxe, les employés des puissances ennemies se croisent froidement, comme s’ils ne s’étaient jamais rencontrés, alors que, un an auparavant, ils jouaient encore amicalement au bridge et s’invitaient les uns chez les autres.[…]
Tout est signalé, tout est surveillé ; à peine un allemand – quelque soit son rang – est-il arrivé à Zurich qu’on le sait déjà à l’ambassade ennemie à Berne, et une heure plus tard Paris. […]
Seul un homme fait l’objet de peu de rapports en ces jours-là, peut-être parce qu’il est trop insignifiant et qu’au lieu de descendre dans les grands hôtels, être assis dans les cafés, d’assister aux manifestations de propagande, il habite, complètement retiré, avec sa femme chez un cordonnier. […]
Ce petit homme trapu est discret et vit de façon aussi discrète que possible. Il évite la société, les habitants de la maison croisent rarement le regard perçant et sombre de ses yeux légèrement bridés, il reçoit très peu de visites. Mais régulièrement, jour après jour, il se rend à neuf heures du matin à la bibliothèque et il reste assis la jusqu’à ce qu’elle ferme à midi. À 12h10 exactement il est à nouveau chez lui, à une heure moins dix il quitte la maison pour être de nouveau le premier à la bibliothèque, et il y reste jusqu’à six heures du soir. Or les informateurs ne prêtent attention qu’aux gens qui parlent beaucoup, ils ne savent pas que lorsqu’il s’agit de révolutionner le monde, les plus dangereux sont toujours les individus solitaires qui lisent beaucoup et s’instruisent ; c’est pourquoi ils n’écrivent pas de rapport sur l’homme insignifiant qui habite chez le cordonnier. […]
Mais personne n’accorde importance à ce petit homme au front sévère, il n’y a pas trois douzaines de personnes à Zurich qui jugent utile de retenir le nom de ce Vladimir Illitch Oulianov, […] Lénine.
Un jour, le 15 mars 1917, le bibliothécaire de la bibliothèque de Zurich s’étonne. L’aiguille marque neuf heures et la place occupée chaque jour par le plus ponctuel de tous les usagers est vide. 9h30, 10 heures : le lecteur infatigable ne vient pas, il ne viendra plus. En effet, sur le chemin de la bibliothèque un ami russe l’a abordé ou plutôt assailli en lui annonçant que la révolution a éclaté en Russie. […]. »
Stefan Zweig explique alors le désir de Lénine de regagner la Russie, mais sa difficulté de traverser la France ou l’Italie pays allié de la Russie qui l’arrêterait en tant que révolutionnaire ou de traverser l’Allemagne pays ennemie de la Russie qui l’arrêterait en tant que ressortissant de l’ennemi.
Mais l’Allemagne va accepter que ce révolutionnaire qui pourra déstabiliser la Russie passe sur son territoire pour regagner son pays natal. Et Lénine, en fin stratège qu’il est, ne demandera pas au ministre plénipotentiaire allemand l’autorisation de traverser le territoire allemand mais lui donnera les conditions dans lesquelles il acceptera de passer par l’Allemagne pour regagner la Russie.
Le négociateur de Lénine sera Fritz Platten, un Suisse alors membre du parti socialiste ouvrier zurichois. Les conditions du « transfert » de Lénine en Russie seront :

Fritz Platten accompagnera les « émigrés » russes et sera le seul interlocuteur des autorités allemandes lors du voyage,

Le droit d’exterritorialité sera reconnu au wagon et l’identité de ses occupants ne sera pas contrôlée,

Le transit sera effectué sans interruption et personne ne pourra descendre de la voiture.

L’Allemagne est pressée, le 5 avril 1917, les Etats-Unis ont déclaré la guerre à l’Allemagne.
Le 6 avril, Fritz Platten, reçoit cette réponse : « Affaire réglée dans le sens souhaité »
Et je redonne la plume à Stefan Zweig :
« Le 9 avril 1917, à 2h30, un petit groupe de gens mal habillés, portant des valises [se dirige] vers la gare de Zurich. Ils sont en tout 32, on comptant les femmes et les enfants. En ce qui concerne les hommes, seuls les noms de Lénine, de Zinoviev et de Radek sont passés à la postérité. […]
Leur arrivée à la gare ne fait nullement sensation. Aucun reporter n’est venu, aucun photographe. […]
À 3h10, le contrôleur donne le signal. Et le train se met en route pour Gottmadingen, la gare frontière allemande. 3h10 : à partir de cet instant la pendule du monde tourne différemment.
Le train au wagon plombé
Des millions de projectiles destructeurs ont été lancés au cours de cette guerre mondiale, les ingénieurs ont imaginé les engins balistiques les plus puissants, les plus violents, à la portée la plus grande. Mais dans l’histoire contemporaine aucun projectile n’eut plus de portée et ne fut plus décisif que ce train, chargé des révolutionnaires les plus dangereux les plus résolus du siècle, et qui, une fois franchie la frontière suisse, file à travers l’Allemagne pour gagner Saint-Pétersbourg où il fera voler en éclats l’ordre du monde. »
Et Stefan Zweig termine ainsi son texte :
« Lorsque le train pénètre dans la gare de Finlande à Saint Pétersbourg, l’immense place devant la gare est remplie de dizaines de milliers d’ouvriers, des gardes d’honneur de toutes les armes attend celui qui revient d’exil, l’internationale retentit. Et au moment où Vladimir Ilitch Oulianov s’avance sur la place, l’homme qui avant-hier encore habitait chez le cordonnier est aussitôt saisi par des centaines de bras et hissé sur une automobile blindée. Des toits des maisons et de la forteresse, des projecteurs sont braqués sur lui et du haut de l’automobile blindée, il adresse son premier discours au peuple. Les rues frémissent : les “dix jours  qui ébranlèrent le monde” vont bientôt commencer. Le projectile a atteint son but, et il va détruire un empire, un monde. »
On connaît la suite : l’insurrection est lancée dans la nuit du 6 novembre au 7 novembre 1917 (24 et 25 octobre du calendrier julien russe), les bolcheviks sous la direction de Lénine vont s’emparer du pouvoir et créer l’URSS.
L’Allemagne a fait le bon choix de laisser passer le wagon plombé : Les bolcheviks signent l’armistice avec l’Allemagne dès le 15 décembre 1917 et le 3 mars 1918, les bolcheviks signent le traité de Brest-Litovsk qui ampute la Russie de 26 % de sa population, 27 % de sa surface cultivée, 75 % de sa production d’acier et de fer.
Les Bolcheviks et le Léninisme resteront au pouvoir moins d’un siècle. Mikhaïl Gorbatchev démissionnera de la présidence de l’Union soviétique le 25 décembre 1991 et la dissolution de l’Union Soviétique sera effective le 26 décembre 1991, 74 ans après 1917.
Des millions de morts furent la conséquence de ce rêve fou et totalitaire.
Et que devinrent les autres voyageurs du wagon plombé ?
Karl Radek,  deviendra commissaire à la propagande et sera fusillé en 1939.
Zinoviev, qui dirigea le Kominten sera fusillé en 1936.
Quant à Fritz Platten, il sera fusillé en 1942
PS : Il faut cependant noter que la date du 9 avril donnée par Stefan Zweig pour le début de ce voyage est controversée, il apparait certain que Lénine est revenu en Russie en avril 1917,
Dès son retour il a écrit les thèses d’avril, il fallait donc qu’il soit en Russie ce mois.
Sur ce site, il est affirmé que Lénine est rentré en Russie le 3 avril.
Mais en raison du récit de Stefan Zweig, la date du 9 avril 1917 reste dans l’Histoire.

Jeudi 6 avril 2017

Jeudi 6 avril 2017
« Innovation Automatisation et emplois,
et si cette fois c’était différent ? »
Christian Chavagneux
Une des grandes questions de l’avenir est celle de savoir s’il y aura du travail inséré dans l’économie pour tout le monde.
Benoit Hamon a abordé cette question. Tous les autres rejettent cette question et la considère comme presque obscène.
La grande masse des économistes, avec cependant des exceptions comme Daniel Cohen par exemple, reste dans la croyance de la pensée de l’économiste Schumpeter (1883-1950) : « La destruction créatrice », c’est à dire que les évolutions technologiques détruisent des métiers et des emplois anciens mais en créent parallèlement plus dans de nouveaux secteurs. Ces nouveaux emplois sont plus productifs et donc potentiellement plus rémunérateurs.
C’est la « leçon de l’Histoire » disent ces croyants.
A vrai dire, on n’en sait rien !
Mais ce que j’entends et je lis, c’est qu’en face de cette croyance, les personnes qui pensent le contraire présentent des arguments plus convaincants pour l’instant.
Un nouvel exemple se trouve dans un article d’Alternatives économiques du journaliste Christian Chavagneux qui présente un livre d’un britannique Ryan Avent : « The Wealth of Humans: Work and its Absence in the Twenty-First Century »
En voici de larges extraits :
 « L’innovation s’accompagne toujours d’un processus de « destruction créatrice » : oui, des emplois sont perdus lors d’une révolution technique, mais d’autres sont créés et, une fois les pertes compensées par les créations, tout rentre dans l’ordre et l’emploi global progresse. Telle est la vision des technoptimistes. […]
Il existerait une sorte de loi naturelle de l’économie qui ferait que le nombre d’emplois créés finit toujours par compenser – et bien au-delà – le nombre d’emplois détruits.
Sauf que les mécanismes stabilisateurs habituels qui ont accompagné ce mouvement lors des précédentes révolutions industrielles pourraient ne plus être présents demain, explique le Britannique Ryan Avent dans un livre récent.
Hier, une révolution technique s’accompagnait de la création de nombreux postes de travail non qualifiés : fabriquer des voitures dans des usines mécanisées contribuait à créer ce type de postes. Aujourd’hui, Uber dit au grand public qu’il crée des emplois pour des non qualifiés… mais explique aux investisseurs qu’ils doivent lui prêter leur argent, car elle sera la première entreprise de taxi sans chauffeurs. Rien ne nous dit que les services vont créer une masse importante d’emplois non qualifiés.
Hier, l’innovation technique était riche en gains de productivité. Si l’on en croît certains économistes, de Robert Gordon à Patrick Artus en passant par Paul Krugman ou Daniel Cohen, nous sommes peut-être entrés dans une période de stagnation séculaire, une longue période d’innovations à faibles gains de productivité. Passer de la diligence au TGV accroît la productivité. Passer de la réservation d’un billet de TGV dans une agence de voyage à celle sur Internet aussi mais beaucoup moins, sans parler d’envoyer des vidéos sur Snapchat ou de jouer au dernier jeu à la mode…
Hier, les gains de productivité liés à l’innovation étaient redistribués. Henry Ford a doublé les salaires et réduit le temps de travail. Aujourd’hui, les richesses se concentrent entre les mains de quelques-uns, bénéficiant de dividendes ou de rentes de la propriété intellectuelle. Google fait d’importants progrès dans la voiture sans chauffeur et dans la prévention médicale. L’entreprise ne se transformera pas pour autant en producteur de voitures ou en labo pharmaceutique. Elle vendra ses innovations techniques pour capter la valeur ajoutée produite par d’autres secteurs dont les bénéfices seront donc concentrés entre les mains de quelques-uns.
Enfin, hier, on a pu redonner des emplois à ceux qui les perdaient en les formant, en accroissant le niveau d’éducation. C’est d’ailleurs l’argument traditionnel des technoptimistes : face à une révolution technique, il n’y a qu’à former les gens aux nouvelles façons de faire. Or, aujourd’hui avec 80 % d’une génération au bac, la progression du niveau scolaire sera plus limitée. De plus, comme l’indiquait The Economist récemment, la part des très qualifiés dans l’emploi est en train de baisser aux Etats-Unis. Mieux vaut un diplôme pour avoir un emploi, mais une formation n’est plus la garantie d’en avoir un avec certitude.
Au final, il est clair que le travail non qualifié – et peut-être aussi en partie qualifié – appartient aux perdants de l’automatisation. Si la destruction a bien lieu mais pas la création, il y aura alors abondance d’offre de travail pour une faible demande. Les prix et les salaires diminueront, incitant à une sortie du marché du travail et à une montée des inégalités.
Les gagnants sont les actionnaires, les rentiers de la propriété intellectuelle, mais aussi les rentiers du foncier et de l’immobilier.
Savez-vous que la Silicon Valley connaît une diminution de sa population ? La masse des habitants ne peut suivre le niveau de vie des quelques start-upers.
Dès lors, est-ce si idiot de chercher les moyens de redistribuer les gains de l’automatisation dont on peut penser qu’elle fera plus de perdants qu’avant pour un petit nombre très concentré de gagnants ? »

Mercredi 5 avril 2017

Mercredi 5 avril 2017
«J’essaye d’expliquer à un ami américain comment, dans un pays qui a organisé des primaires, il peut y avoir un débat à 11 candidats à la télé »
Thomas Snegaroff sur twitter
Et évidemment l’américain ne comprend pas.
Notons qu’un français ne comprend pas qu’un candidat peut être élu président alors que son adversaire a près de 3 millions de voix de plus.
C’est la relativité de toute chose et la difficulté pour les nations de se comprendre…

Mardi 4 avril 2017

« Quand on pense… Qu’il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça se vende pas ! »
Coluche «Misère, Coluche, album Coluche : l’intégrale, vol. 3, 1989 chez Carrère.»

Cette pensée de Coluche a été citée par Thierry Marx lors de l’émission évoquée hier dans laquelle il était question de la manière dont nous nous nourrissions et de de l’importance que nous accordions à l’alimentation.

Dans le domaine de l’alimentation, et des conséquences que cela implique pour le modèle agricole, notre responsabilité, notre influence, notre capacité d’agir se trouve, beaucoup moins dans notre «droit de vote» que dans nos «actes de consommation». Mais cette pensée dépasse la seule alimentation.

Je suis de plus en plus convaincu que notre plus grand pouvoir, celui dont nous disposons pour influer sur le monde, est celui de notre choix de consommer ou de ne pas consommer, tel ou tel produit, tel ou tel service.

Dans plusieurs mots du jour ce sujet de ce que nous consommons, de ce que notre consommation dit de nous, ce qu’elle signifie pour le monde dans lequel nous vivons, a été abordé.

Le mot le plus terrible a été celui du philosophe allemand Peter Sloterdijke qui écrivait : «La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. » (Mot du jour du 30 octobre 2013).

Dans le même esprit, mais un plus doux, le mot du jour du 14 avril 2014 citait Annie Arnaux : «Je suis de plus en plus sûr que la docilité des consommateurs est sans limite

Annie Arnaux avait écrit un livre à teneur sociologique sur un Hypermarché qu’elle fréquente souvent : «Regarde les lumières mon amour», il s’agit des paroles d’une maman à son enfant en montrant des lumières de Noël qui illuminaient les escalators du temple de la consommation décrit par Annie Arnaux

Le 14 mai 2013, après le drame de l’usine textile du Bengladesh, (l’immeuble de neuf étages qui s’est effondré près de Dacca le 24 avril, avait fait 1 127 morts), deux chercheurs en sciences humaines, Michel Wieviorka et Anthony Mahé, posaient cette question terrible : « Sommes-nous capables de regarder en face (la vie de) ceux qui nous permettent de consommer comme nous le faisons ? »

Nous voulons consommer beaucoup et le moins cher possible.

Lors du mot du jour du 11 février 2016, j’avais tenté une analyse sur notre trouble de la personnalité :

«En réalité nous sommes chacun 1/3 de producteur 1/3 de consommateur et 1/3 d’être social. Ce dernier tiers correspondant à celui qui contribue à l’Etat providence et qui bénéficie aussi de l’Etat providence.

C’est à ce dilemme que Jean-Paul Delevoye, le dernier Médiateur de la république, apportait cette évidence : « L’économie est mondiale mais le social est local !»

Eh bien nous avons accepté, comme une évidence, que celui qui devait être privilégié dans notre être oeconomicus c’était le 1/3 consommateur.»

Et le mot du jour du 20 Janvier 2016 citait le concept décrit par l’économiste et sociologue américain Thorstein Veblen décédé en 1929 : « La consommation ostentatoire »

Veblen expliquait que la consommation est statutaire, elle sert à celui qui en fait un « usage ostentatoire » à indiquer un statut social.

« Le besoin de consommer et de posséder compense la peur de ne pas être reconnu et d’être faible.»

Dans cette explication l’acte de consommer est destiné à se sentir exister par le regard des autres, qu’on imagine envieux et admiratifs.

Je finissais cette chronique par cette conclusion : « Le mot du jour n’a aucune vocation de prêcher une morale mais simplement poser des questions auquel il appartient à chacun, s’il le souhaite, de répondre pour sa part.»

Le mot de Coluche a fait revenir dans ma mémoire ces quelques réflexions distillées lors de l’aventure des mots du jour. Descartes avait édicté cette sentence «Je pense donc je suis !». S’il revenait parmi nous aujourd’hui probablement qu’il dirait : «Je consomme donc je suis !».

<Vous trouverez cette citation et d’autres de Coluche derrière ce lien>

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Lundi 3 avril 2017

Lundi 3 avril 2017
« Le coq à deux culs »
Expression dont vous comprendrez la pertinence à la fin de ce message
Après le mot du jour de vendredi, nous continuons sur ce sujet fondamental : la bonne alimentation. Pour beaucoup la solution est le bio. Ce n’est pas faux, mais il est probable que ce n’est pas suffisant. Et il semblerait même que la situation risque de se dégrader.
J’ai entendu une excellente émission sur France Inter qui donnait des pistes sur ce sujet : <Comment soigner son alimentation ?>
Cette émission, le téléphone sonne du 23 décembre 2016 avait invité trois chefs cuisiniers : Thierry Marx, Flora Mikula et Arnaud Daguin pour essayer de répondre à cette interrogation.
Arnaud Daguin : « La réponse à comment soigner son alimentation est collective, on ne peut pas laisser ce sujet à une instance ou à une association.  Le marché de l’alimentation est entre les mains des consommateurs. On vote avec son caddy et sa carte bleue. »
Flora Mikula, rejoint d’ailleurs par les deux autres, privilégie les produits et les producteurs locaux : « Il faut aller sur les marchés où viennent les vrais producteurs afin de savoir d’où viennent les produits que l’on mange. » Et elle dit simplement : « il ne faut pas vouloir des tomates en hiver » et Arnaud Daguin ajoute « Ou des tomates qu’on a transformé en été et qu’on a mis dans des bocaux » Mais Flora Mikula insiste : « Nous sommes dans un pays qui regorge de légumes, tous les mois il y a un légume  nouveau  qui sort de terre. Il faut que les gens sachent ce qu’ils consomment et décident de ce qu’ils ne veulent pas consommer. Cela demande aussi de lutter contre l’opacité des industries de l’agro-alimentaire.. »
Arnaud Daguin parle « des 3 axes de valeur de notre alimentation : écologique, nutritionnel et économique. Le premier concerne l’écologie, le dérèglement climatique et la nature, ce produit est-il produit et transporté de manière compatible avec l’écosystème ? Le deuxième concerne la santé et la nutrition, bref la performance nutritionnelle et de santé. Le troisième c’est l’économie, la vraie pas celle de la finance. C’est-à-dire le prix qu’on paie au producteur lui permet-il de vivre et de se projeter dans l’avenir ? »:
Ils ont ensuite abordé le sujet du label « bio » qui est aujourd’hui un label très visible et qui a vocation à désigner des produits de grande qualité nutritionnelle et produit selon une certaine éthique. Mais ce point commence à poser de plus en plus problème.
Thierry Marx : « Le bio ce n’est pas l’avenir. Quand vous projetez le bio dans 10 ans, on peut penser que le bio aura été entièrement phagocyté par les industries agro-alimentaires qui ont les moyens d’investir, d’acheter les parcelles. »
Et plus grave que cela les 3 chefs sont unanimes pour dire que les grands de l’agro-alimentaire sont avec la force de leur lobbying, en train de faire évoluer le cahier des charges du bio pour leur plus grand intérêt et s’assurer le contrôle de plus en large sur le marché du bio. L’augmentation de leurs profits étant directement liée à la diminution des contraintes exigées pour le label bio.
Thierry Marx : « La grande distribution est de plus en plus acteur dans le marché du bio. Dans 10 ou 15 an, [le bio] ne sera plus une valeur sure.   »
Arnaud Daguin : « Le cahier des charges bio a eu une influence très positive sur les aliments, notamment en luttant contre les pesticides. Il est allé dans le bon sens, mais il ne suffit plus pour respecter les valeurs évoquées avant. »
Flora Mikula parle « d’une agriculture raisonnée. Car aujourd’hui la motivation principale pour passer au bio c’est le revenu : la capacité d’augmenter le prix des produits »
Pour Arnaud Daguin « Le bio ce n’est pas mauvais, c’est presque un pré-requis il faut aller plus loin. »
Et il nous donne un moyen mnémotechnique pour s’interroger de manière utile et précise sur l’alimentaire et ce moyen est « Le COQ à deux Q »  c’est-à-dire « Comment, Où, Qui, Quoi ? Dès qu’un client se pose ces questions, il commence à avoir des éléments de réponse sur ce qu’il est en train de manger. »
Bref, on peut continuer à manger bio et aller dans les magasin bio mais en étant très attentif et en privilégiant les producteurs locaux et les circuits courts.