Les élections israéliennes ont lieu ce 17 mars 2015. J’ai appris en marge d’un reportage sur ces élections que la résidence du premier ministre israélien à Jérusalem jouxte la « rue Arthur Balfour ». Tout un symbole !
C’est l’occasion de revenir sur un des évènements de la guerre d’il y a 100 ans (14-18) qui aura un impact immense sur le monde de l’après-guerre et éclaire les évènements et les conflits d’aujourd’hui.
Ce sujet est si riche que seul un livre serait capable d’en expliquer la complexité, les racines et ses conséquences.
Je vais toutefois essayer en quelques mots de donner des éléments de compréhension.
« La déclaration Balfour » est une lettre ouverte du Ministre des affaires étrangères, de la Grande Bretagne, Lord Arthur James Balfour, à la communauté juive, représentée par Lord Rothschild, pour soutenir l’objectif de créer « un foyer national juif » en Palestine.
Pour comprendre l’impact de cet acte, il faut décrire plusieurs « dynamiques » ou « situations » qui s’entrecroisent dans cette déclaration.
1° La Palestine : En 1914, la Palestine fait partie de l’Empire ottoman. C’est l’une des dernières régions que garde l’Empire en déclin. En 1914, la population juive en Palestine est faible.<Wikipédia annonce 55 000 juifs pour 560 000 Arabes>, soit moins de 10%
2° Au sein de la communauté juive des pays européens, en raison de multiples persécutions et notamment de terribles pogroms en Russie, a émergé un mouvement sioniste. Le principal dirigeant de ce mouvement Theodor Herzl a également insisté dans ses mémoires sur l’importance de l’affaire Dreyfus dans son engagement dans ce mouvement, car si la France des droits de l’Homme a pu vivre une affaire Dreyfus c’est que les juifs ne sont en sécurité nulle part. Journaliste viennois, Theodor Herzl, publie « L’état des Juifs » (Der Judenstaat) dans lequel il promeut la création d’un état pour les Juifs et en détaille les institutions et le fonctionnement. Il crée aussi l’organisation sioniste dont le premier congrès se réunit à Bâle en 1897. En 1901, Herzl rencontre le sultan Abdülhamid II et lui propose, en vain, d’éponger les dettes de l’empire ottoman par un consortium bancaire international en échange du retrait des Turcs de Palestine. A la suite de cet échec, Herzl examina avec intérêt l’idée de Joseph Chamberlain, alors secrétaire d’État britannique aux colonies, d’installer la nation israélienne en Ouganda. Mais, un an après la mort d’Herzl, le congrès sioniste de 1905 rejeta finalement ce projet, estimant que la place d’Israël ne pouvait se situer qu’en Palestine, et se donna pour nouveau porte-parole Chaim Weizmann. <Plus de détails>
3° Au début de la guerre 14-18, la puissante communauté juive américaine soutient plutôt l’Allemagne et l’Autriche car le pays le plus anti-sémite est la Russie et les communautés juives en Autriche et en Allemagne, en 1914, sont plutôt bien intégrées et font partie de l’élite artistique, littéraire et aussi du monde des affaires de ces pays. Les Britanniques qui ont pour allié la Russie ont donc quelques difficultés à obtenir le soutien de la communauté juive américaine.
4° Et puis, il y a le rôle de Chaim Weizmann. Chaim Weizmann est très investi dans le congrès sioniste mais il est aussi un chimiste de grand talent.
Or, devenu professeur à l’université de Manchester à partir de 1904, il s’installe en Grande-Bretagne. Il devient sujet de sa Majesté en 1910, et s’investit dans l’effort de guerre britannique durant la Première Guerre mondiale.
Au début du XXe siècle, la supériorité de l’industrie chimique allemande par rapport aux industries étrangères est écrasante. Après la stabilisation des fronts, à la fin de 1914, tous les belligérants sont confrontés à une pénurie de munitions, en particulier en ce qui concerne l’artillerie.
L’acétone avait une grande importance militaire, elle servait de solvant dans la fabrication de cordite, explosif employé par l’artillerie navale anglaise. Privée d’acétone, la marine anglaise aurait dû changer tous ses canons.
Or les allemands avaient coupé la route d’approvisionnement de ce produit. Instruit de ces circonstances, Weizmann tenta et réussit dans son laboratoire de Manchester une synthèse de ce corps par fermentation bactériologique et il réussit. Le gouvernement britannique demanda à Weizmann de produire 30 000 tonnes et ce dernier arriva à faire produire cette quantité. Il devint conseiller à l’Amirauté dont le chef était depuis peu Balfour (qui succéda à Churchill) et au ministère des munitions où le Ministre est Lloyd George.
Après la guerre, Lloyd George a complaisamment répandu la légende selon laquelle il avait été converti au sionisme par l’acétone.
Il est certain que si le gouvernement britannique en 1917 (avec Lloyd Georges comme premier Ministre et Balfour comme ministre des affaires étrangères) avait considéré que la déclaration Balfour n’était pas conforme à l’intérêt stratégique de la Grande Bretagne, il ne l’aurait pas faite.
Mais toute cette histoire a permis que Weizmann connaisse très bien ces hommes clés et lui donne les moyens de faire du lobbying très actif et du côté britannique la sympathie pour un homme qui a aidé leur effort de guerre ne peut être sous-estimé.
Il me faut abréger par 4 faits :
1° La déclaration Balfour va changer la répartition de la population en Palestine en encourageant l’immigration juive. Les juifs seront 84 000 en 1922 et 174 606 en 1931 et 608 000 pour 1 200 000 Arabes en 1948, soit quand même 1/3 et 2/3 au moment de la création de l’Etat d’Israël.
2° A la fin de la guerre 14/18, deux empires se sont écroulés :
L’Empire austro Hongrois pour lequel les alliés ont créés des états-nations dirigés par des nationaux : Yougoslavie, Tchécoslovaquie …
L’Empire ottoman où il n’y a pas eu création d’états nations mais des protectorats confiés à la Grande Bretagne et la France.
Or il est bien évident que si des Etats avaient été créés au moyen orient après 1918, la Palestine aurait été soit un Etat arabe indépendant soit plus probablement une région insérée dans un Etat Arabe plus vaste.
3° D’ailleurs, les Britanniques parallèlement à la déclaration Balfour ont fait des promesses aux Arabes qui ne pourront que se sentir trahis. Ainsi les Britanniques ont promis au chérif Hussein qui gouverne La Mecque tous les territoires arabes sous occupation turque…. y compris Palestine et Syrie.
Le colonel T.E. Lawrence a joué un grand rôle dans ces relations, notamment pour conseiller les soldats arabes à lutter contre les troupes ottomanes. Il y gagna le surnom de « Lawrence d’Arabie », sujet d’un film mythique de David Lean.
4° Le 9 décembre 1917, un mois après la déclaration Balfour, le général britannique Robert Allenby entre à Jérusalem sans coup férir. Son armée, venue d’Égypte, compte trois bataillons juifs.
C’en est donc fini d’onze siècles de domination musulmane sur la Ville sainte, arabe puis turque (mis à part l’intermède croisé). Commence le protectorat compliqué de l’empire britannique.
Mais ceci est une autre Histoire.
Il semble quand même incontournable de citer la déclaration Balfour :
« Cher Lord Rothschild,
J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour »
Je tire toutes ces informations d’un livre que j’avais lu il y a quelques années (c’était avant Internet) : « La déclaration Balfour aux sources de l’État d’Israël par Jean-Pierre Alem » aux éditions Complexe.
Par ailleurs l’Histoire de la Palestine depuis la fin du XIXème siècle est remarquablement décrite dans ces deux documentaires de la chaîne Histoire : < Palestine, Histoire d’une terre 1880 – 1950 Partie 1/2> et < Palestine, Histoire d’une terre 1880 – 1950 Partie 2/2>
L’Histoire nous explique le présent
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