Mardi 17 mars 2015

Mardi 17 mars 2015
«La déclaration Balfour»
Lettre ouverte du 2 novembre 1917 signée par Arthur Balfour, le ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni.

Les élections israéliennes ont lieu ce 17 mars 2015. J’ai appris en marge d’un reportage sur ces élections que la résidence du premier ministre israélien à Jérusalem jouxte la « rue Arthur Balfour ». Tout un symbole !

C’est l’occasion de revenir sur un des évènements de la guerre d’il y a 100 ans (14-18) qui aura un impact immense sur le monde de l’après-guerre et éclaire les évènements et les conflits d’aujourd’hui.

Ce sujet est si riche que seul un livre serait capable d’en expliquer la complexité, les racines et ses conséquences.

Je vais toutefois essayer en quelques mots de donner des éléments de compréhension.

« La déclaration Balfour » est une lettre ouverte du Ministre des affaires étrangères, de la Grande Bretagne, Lord Arthur James Balfour, à la communauté juive, représentée par Lord Rothschild, pour soutenir l’objectif de créer « un foyer national juif » en Palestine.

Pour comprendre l’impact de cet acte, il faut décrire plusieurs « dynamiques » ou « situations » qui s’entrecroisent dans cette déclaration.

La Palestine : En 1914, la Palestine fait partie de l’Empire ottoman. C’est l’une des dernières régions que garde l’Empire en déclin. En 1914, la population juive en Palestine est faible.<Wikipédia annonce 55 000 juifs pour 560 000 Arabes>, soit moins de 10%

Au sein de la communauté juive des pays européens, en raison de multiples persécutions et notamment de terribles pogroms en Russie, a émergé un mouvement sioniste. Le principal dirigeant de ce mouvement Theodor Herzl a également insisté dans ses mémoires sur l’importance de l’affaire Dreyfus dans son engagement dans ce mouvement, car si la France des droits de l’Homme a pu vivre une affaire Dreyfus c’est que les juifs ne sont en sécurité nulle part. Journaliste viennois, Theodor Herzl, publie « L’état des Juifs » (Der Judenstaat) dans lequel il promeut la création d’un état pour les Juifs et en détaille les institutions et le fonctionnement. Il crée aussi l’organisation sioniste dont le premier congrès se réunit à Bâle en 1897. En 1901, Herzl rencontre le sultan Abdülhamid II et lui propose, en vain, d’éponger les dettes de l’empire ottoman par un consortium bancaire international en échange du retrait des Turcs de Palestine. A la suite de cet échec, Herzl examina avec intérêt l’idée de Joseph Chamberlain, alors secrétaire d’État britannique aux colonies, d’installer la nation israélienne en Ouganda. Mais, un an après la mort d’Herzl, le congrès sioniste de 1905 rejeta finalement ce projet, estimant que la place d’Israël ne pouvait se situer qu’en Palestine, et se donna pour nouveau porte-parole Chaim Weizmann. <Plus de détails>

Au début de la guerre 14-18, la puissante communauté juive américaine soutient plutôt l’Allemagne et l’Autriche car le pays le plus anti-sémite est la Russie et les communautés juives en Autriche et en Allemagne, en 1914, sont plutôt bien intégrées et font partie de l’élite artistique, littéraire et aussi du monde des affaires de ces pays. Les Britanniques qui ont pour allié la Russie ont donc quelques difficultés à obtenir le soutien de la communauté juive américaine.

Et puis, il y a le rôle de Chaim Weizmann. Chaim Weizmann est très investi dans le congrès sioniste mais il est aussi un chimiste de grand talent.

Or, devenu professeur à l’université de Manchester à partir de 1904, il s’installe en Grande-Bretagne. Il devient sujet de sa Majesté en 1910, et s’investit dans l’effort de guerre britannique durant la Première Guerre mondiale.

Au début du XXe siècle, la supériorité de l’industrie chimique allemande par rapport aux industries étrangères est écrasante. Après la stabilisation des fronts, à la fin de 1914, tous les belligérants sont confrontés à une pénurie de munitions, en particulier en ce qui concerne l’artillerie.

L’acétone avait une grande importance militaire, elle servait de solvant dans la fabrication de cordite, explosif employé par l’artillerie navale anglaise. Privée d’acétone, la marine anglaise aurait dû changer tous ses canons.

Or les allemands avaient coupé la route d’approvisionnement de ce produit. Instruit de ces circonstances, Weizmann tenta et réussit dans son laboratoire de Manchester une synthèse de ce corps par fermentation bactériologique et il réussit. Le gouvernement britannique demanda à Weizmann de produire 30 000 tonnes et ce dernier arriva à faire produire cette quantité. Il devint conseiller à l’Amirauté dont le chef était depuis peu Balfour (qui succéda à Churchill) et au ministère des munitions où le Ministre est Lloyd George.

Après la guerre, Lloyd George a complaisamment répandu la légende selon laquelle il avait été converti au sionisme par l’acétone.

Il est certain que si le gouvernement britannique en 1917 (avec Lloyd Georges comme premier Ministre et Balfour comme ministre des affaires étrangères) avait considéré que la déclaration Balfour n’était pas conforme à l’intérêt stratégique de la Grande Bretagne, il ne l’aurait pas faite.

Mais toute cette histoire a permis que Weizmann connaisse très bien ces hommes clés et lui donne les moyens de faire du lobbying très actif et du côté britannique la sympathie pour un homme qui a aidé leur effort de guerre ne peut être sous-estimé.

Il me faut abréger par 4 faits :

La déclaration Balfour va changer la répartition de la population en Palestine en encourageant l’immigration juive. Les juifs seront 84 000 en 1922 et 174 606 en 1931 et 608 000 pour 1 200 000 Arabes en 1948, soit quand même 1/3 et 2/3 au moment de la création de l’Etat d’Israël.

A la fin de la guerre 14/18, deux empires se sont écroulés :

L’Empire austro Hongrois pour lequel les alliés ont créés des états-nations dirigés par des nationaux : Yougoslavie, Tchécoslovaquie …

L’Empire ottoman où il n’y a pas eu création d’états nations mais des protectorats confiés à la Grande Bretagne et la France.

Or il est bien évident que si des Etats avaient été créés au moyen orient après 1918, la Palestine aurait été soit un Etat arabe indépendant soit plus probablement une région insérée dans un Etat Arabe plus vaste.

D’ailleurs, les Britanniques parallèlement à la déclaration Balfour ont fait des promesses aux Arabes qui ne pourront que se sentir trahis. Ainsi les Britanniques ont promis au chérif Hussein qui gouverne La Mecque tous les territoires arabes sous occupation turque…. y compris Palestine et Syrie.

Le colonel T.E. Lawrence a joué un grand rôle dans ces relations, notamment pour conseiller les soldats arabes à lutter contre les troupes ottomanes. Il y gagna le surnom de « Lawrence d’Arabie », sujet d’un film mythique de David Lean.

Le 9 décembre 1917, un mois après la déclaration Balfour, le général britannique Robert Allenby entre à Jérusalem sans coup férir. Son armée, venue d’Égypte, compte trois bataillons juifs.

C’en est donc fini d’onze siècles de domination musulmane sur la Ville sainte, arabe puis turque (mis à part l’intermède croisé). Commence le protectorat compliqué de l’empire britannique.

Mais ceci est une autre Histoire.

Il semble quand même incontournable de citer la déclaration Balfour :

« Cher Lord Rothschild,

J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.

Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.

Arthur James Balfour »

Je tire toutes ces informations d’un livre que j’avais lu il y a quelques années (c’était avant Internet) : « La déclaration Balfour aux sources de l’État d’Israël par Jean-Pierre Alem » aux éditions Complexe.

Par ailleurs l’Histoire de la Palestine depuis la fin du XIXème siècle est remarquablement décrite dans ces deux documentaires de la chaîne Histoire : < Palestine, Histoire d’une terre 1880 – 1950 Partie 1/2> et < Palestine, Histoire d’une terre 1880 – 1950 Partie 2/2>

L’Histoire nous explique le présent

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Lundi 16 mars 2015

Lundi 16 mars 2015
«Ma France à moi est une idée et les idées ne meurent jamais»
Tidjane Thiam
Tidjane Thiam vient d’être nommé PDG du Crédit Suisse, il était jusque-là patron de l’assureur britannique Prudential.
Tidjane Thiam est français.
Le 14 juillet 1983, on ne voit que lui. Tidjane Thiam fait 1,93 m. C’est lui qu’on choisit pour défiler en tête de sa promotion de Polytechnique, sur les Champs-Elysées. […]
Trois ans plus tard, il sort major de l’Ecole des Mines. Le jeune Tidjane est promis à un avenir brillant.
Il souhaite faire carrière en France, mais…
J’ai choisi comme mot du jour, une de ses réponses à une enquête qu’avait faite l’Institut Montaigne : « Qu’est-ce qu’être français ? ».
J’ai choisi de rester positif comme l’est cet homme remarquable.
Mais j’ai longtemps hésité avec une autre phrase de cet entretien où Tidjane Thiam cite un de ses amis, chasseur de tête, pendant qu’il cherchait un emploi en France conforme à ses talents :
« profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…»
Remis dans son contexte : « Frustration quand l’un de mes camarades d’école devenu chasseur de têtes m’avoue embarrassé, qu’il a cessé d’inclure mon profil dans ses réponses à ses clients français, parce que la réponse invariablement était : profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…’. Tout là aussi était à chaque fois dans le non-dit, dans ces points de suspension. »
Les hommes politiques français clament en haut des Tribunes, la main sur le cœur : « La France est le pays des droits de l’Homme »
C’est devenu une fable : Regardez le visage des députés, des sénateurs, des responsables du CAC 40, des principales institutions françaises etc : ce sont des hommes, ce sont des blancs, issus d’une petite élite qui se reproduit.
Car Tidjane Thiam est noir…
A Londres il a été nommé à la tête d’une entreprise de première importance : « Prudential » et maintenant la Suisse lui a fait confiance en lui confiant une de ses banques « Le Crédit Suisse »
Et en 2012, un  peu honteux, Jean Claude Trichet remet  la légion d’honneur à Tidjane Thiam et le décrit comme un banquier « que la France peut regretter d’avoir laissé partir ».
Vous trouverez en pièce jointe sa belle réponse à « Qu’est-ce qu’être français ? ».
Quelques extraits :
« 14 juillet 1983. Dans mon uniforme de l’Ecole Polytechnique, je dois à ma taille de défiler au premier rang des élèves de l’Ecole sur les Champs-Elysées à Paris. Ma mère est là, profondément émue de voir le plus jeune de ses sept enfants porter cet uniforme si symbolique de l’idée qu’elle se fait de la France.
[…]
Gratitude profonde et réelle pour l’éducation que la France m’a donnée mais aussi et simplement pour les opportunités qu’elle m’a offertes d’intégrer grâce à un système de sélection ouvert et transparent ses meilleurs écoles, d’y bénéficier de l’enseignement dispensé par ses meilleurs cerveaux, fruit de siècles de recherche, de travail acharné et d’efforts.  Il n’est pas possible pour moi de dire assez combien tout cela m’a servi et me sert encore chaque jour dans mon rôle de directeur financier d’une des premières entreprises britanniques.
Je n’ai pas fait qu’acquérir du savoir dans ces écoles j’y ai aussi bâti quelques amitiés solides. C’est cette France-là, que nous tous porteurs d’une différence qu’elle soit visible ou non, c’est cette France-là que nous tous français avec trait d’union (franco-ivoiriens, franco-camerounais, franco-sénégalais et autres…) nous aimons. C’est celle que nous chérissons, celle que nous sommes prêts à défendre envers et contre tout, même quand elle nous repousse.
[…]
Frustration parfois
Devant ces policiers français comme moi et qui me tutoient. Frustration de devoir m’exiler à Londres, fatigue de me cogner le crane contre un plafond de verre parfaitement invisible mais o combien réel.
Fatigué de voir des collègues moins compétents s’élever et progresser quand ma carrière stagnait.  Frustré de voir que l’Angleterre sait me donner aujourd’hui tout ce que la France n’a pas toujours voulu ou simplement peut-être su me donner : opportunités, respect et le don le plus précieux bien sûr : indifférence a ma couleur.
[…]
Je suis convaincu que la France peut continuer, si elle reste fidèle à ses valeurs, à occuper une place de choix dans ce 21e siècle qui fait de Barack Obama le président de la nation la plus puissante du monde.
Je suis convaincu que mon espérance n’est pas vaine. La France est trop grande, trop pleine des désirs de ses enfants d’où qu’ils viennent, Mohammed ou Thibault, Amina ou Laure, pour ne pas continuer à être au premier rang des nations, éprise de justice et de liberté, prête à s’enflammer pour un nom ou pour un pays.
La France trouvera en elle l’énergie, la créativité, l’intelligence nécessaires pour qu’elle demeure ce qu’elle ne doit jamais cesser d’être : une source d’espoir pour le monde et pour les hommes et femmes de bonne volonté.
La France vivra.
La France continuera de rayonner.
Ma France à moi est une idée et les idées ne meurent jamais. »

Vendredi 13 mars 2015

Vendredi 13 mars 2015
« le problème de l’islam comme force politique est un problème essentiel pour notre époque et pour les années à venir »
Michel Foucault, 1978
Le 16 janvier 1979, le Shah d’Iran quitte définitivement l’Iran pour se rendre en Égypte.
Le 1er février 1979, l’ayatollah Khomeiny arrive à Téhéran où des milliers de personnes l’attendent, l’Iran est en route vers la République Islamique.
A l’époque, j’avais 20 ans, je lisais les journaux de gauche et j’étais très heureux comme la plupart des lecteurs de ces journaux que le dictateur sanguinaire de la Perse, le Shah d’Iran, soit chassé.
J’écoutais aussi tous les jours une émission de Gonzague Saint Bris, « la ligne est ouverte » que j’avais évoqué lors du mot du jour du 9 septembre 2013 et je me souviens d’une jeune iranienne qui a appelé et qui en résumé disait la chose suivante :
« Vous, les jeunes bien-pensants de gauche vous pensez que la révolution iranienne est une révolution contre la dictature et les violations des droits de l’homme que pratique le Shah depuis qu’il est au pouvoir.
Vous vous trompez totalement !
Ce que les meneurs de cette révolte reprochent au Shah ce n’est pas la violation des droits de l’homme, c’est le fait qu’il éloigne l’Iran de ses racines islamiques et qu’il veut occidentaliser son pays et importer des mœurs que les religieux rejettent.
Quand ils seront aux pouvoirs, les droits de l’homme, au sens occidental, seront encore moins respectés »
Cette intervention m’avait interpellé.
Elle m’a secoué depuis puisque cette jeune iranienne avait raison, c’est bien ainsi que les choses se sont passées.
Depuis, je me méfie lorsque les occidentaux entendent chasser les dictateurs, nous voyons comment dès lors ils créent souvent le chaos et une violence plus grande.
Le grand philosophe français Michel Foucault s’était rendu en Iran en 1978, c’est à dire alors que la révolution islamique iranienne était en train de naître.
Un article du Monde, joint au message, rappelle ce voyage et surtout les conclusions du philosophe. J’en tire le mot du jour.
Cet article est l’œuvre de Jean Birnbaum qui dénonce l’aveuglement de la gauche face au djihadisme, en réduisant les raisons du phénomène à des seules considérations d’inégalité sociale et d’oppression politique en refusant de considérer la force autonome et structurante de la religion et de ce que Foucault appelle l’espérance messianique.
Voici des extraits de cet article.
«En 1978, le philosophe Michel Foucault arrive en Iran pour y effectuer un reportage sur la révolution islamique.
Envoyé par le quotidien italien Corriere della sera, il va à la rencontre des insurgés et leur pose des questions.
Bien sûr, cet intellectuel de gauche ne manque pas de s’intéresser aux causes économiques du soulèvement.
Il commence par détailler les inégalités de classe et de statut qui rongent la société iranienne.
Mais son ouverture d’esprit et sa disponibilité à l’événement le rendent sensible à un autre enjeu :  » la religion, avec l’emprise formidable qu’elle a sur les gens « .
Après avoir interviewé des étudiants et des ouvriers, il dresse le constat suivant : si les facteurs sociaux sont importants pour expliquer la contestation, seule l’espérance messianique a vraiment pu mettre le feu aux poudres. D’ailleurs, les militants se réclamant du communisme ou des droits de l’homme se trouvent peu à peu balayés par ceux qui en appellent à la charia. A l’évidence,  » le problème de l’islam comme force politique est un problème essentiel pour notre époque et pour les années à venir « , prévenait Foucault. Telle est la leçon de ce reportage signé par un philosophe qui a pu observer de près, et avec une certaine bienveillance, la puissance politique de l’espérance religieuse. […]
il n’est pas question de nier que le djihadisme ait des causes économiques et sociales.
Mais à ignorer sans cesse sa dimension proprement religieuse, on se condamne à l’impuissance.»
Les fous de Dieu le répètent : ce qui est enjeu, dans leur esprit, c’est une certaine polarisation du sacré et du profane, un partage du bien et du mal. Et ce qui devrait intriguer tous ceux que cette violence frappe, c’est moins ses racines sociales que sa remarquable autonomie par rapport à elles. Foucault en était bien conscient. Confronté à une situation certes différente, mais qui posait déjà la question du discours religieux et de sa puissance politique, il affirmait que quiconque réduisait la religion à une chimère passait à côté de la révolution islamique.
Il notait d’ailleurs qu’une telle myopie faisait rire à Téhéran :
« Vous savez la phrase qui fait ces temps-ci le plus ricaner les Iraniens ? Celle qui leur paraît la plus sotte, la plus plate, la plus occidentale ? “La religion, opium du peuple.” » […] « J’entends déjà des Français qui rient, mais je sais qu’ils ont tort. » Pas de quoi rire. Voilà donc la leçon de Michel Foucault, celle que nous ferions bien d’entendre aujourd’hui : il arrive que la religion devienne force autonome, qu’elle se fasse puissance symbolique, matérielle, politique. Si nous nous moquons de cette force, alors nous nous condamnons à passer du rire aux larmes. »
Pour ceux qui voudraient ajouter : comme disait Malraux : « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas », je suis dans l’obligation de freiner leur élan « citationnel » : <Malraux n’a jamais prononcé cette phrase>
Je partage l’analyse de Jean Birnbaum, mes amis de Gauche, pour la plupart, amplifient les raisons économiques et politiques et sous estiment les ressorts religieux de ces évènements.

Jeudi 12 mars 2015

Jeudi 12 mars 2015
« Je suis l’homme de l’an 2000
Je suis sans problème
Ma vie est facile
Je ne pense plus du tout
Nous avons un roi qui pense pour nous
C’est L’ordinateur »
Henri Salvador [1968]
C’est une petite chanson prémonitoire que j’ai découverte grâce aux matins de France Culture du 05/03/2015
Henri Salvador la chantait en 1968, j’avais 10 ans, c’était donc il y a 47 ans…
Pour en mesurer le côté visionnaire, il faut rappeler les dates suivantes :

C’est en Juillet 1981 que sort le tout premier IBM PC, avec ms dos, 13 ans après la chanson

Le premier Macintosh, le Macintosh 128K, est lancé le 24 janvier 1984.

Le Global Positioning System (GPS) – a été rendu possible par une constellation de 24 satellites. Le premier satellite expérimental fut lancé en 1978, mais l’ensemble des 24 satellites ne fut opérationnelle qu’en 1995. Cette technologie était alors utilisée à usage exclusivement militaire. Et ce n’est qu’en 2000 que le président Bill Clinton confirme l’intérêt de la technologie à des fins civiles et autorise une diffusion non restreinte des signaux GPS, permettant une précision d’une dizaine de mètres et une démocratisation de la technologie au grand public à partir du milieu des années 2000.

Et même s’il y avait des prémices, il faudra attendre le début des années 1990 pour voir le développement d’Internet. Et encore, il faut savoir qu’il y avait 100 000 ordinateurs connectés en 1989, que la barre du million a été franchie en 1992. En 1996, 10 000 000 d’ordinateurs étaient connectés et c’est à l’aube du XXIème siècle qu’on recensait 200 000 000 d’utilisateurs dans le monde. C’est uniquement lors de cette dernière étape qu’on a vraiment pu parler d’un monde connecté.

Tout cela pour dire que sans l’ordinateur personnel, sans le GPS et sans internet le monde que chante Salvador n’est pas possible.
Or en 1968, rien de tout cela n’existait.
Voici les paroles
«Je suis l’homme de l’an 2000
Je suis sans problème
Ma vie est facile
Je ne pense plus du tout
Nous avons un roi qui pense pour nous
C’est
Beta gamma
Beta gamma
Beta gamma
L’or-di-na-teur
Je suis l’homme qui n’a plus faim
Je ne comprends pas pourquoi les anciens
Avaient tant de plaisir à manger
J’avale des pilules qui sont fabriquées
Par
refrain
Quand je vais me promener
Je ne vais jamais au hasard
J’ai une voiture téléguidée
L’itinéraire est fait avant mon départ
Par
refrain
Pour les filles, pas de problème
Je ne perds pas mon temps à leur dire je t’aime
Tous les soirs je dois aller chercher
Une fille qui à chaque fois est sélectionnée
Par
refrain
Quand je pense aux arriérés
Qui ne pouvaient pas vivre sans amour
Je vous dis qu’on est bien mieux de nos jours
Pour l’homme de l’an 2000 le bonheur parfait
C’est
refrain
Nous sommes tous conditionnés
Alors là-bas Descartes et la pensée
Nous vivons l’âge d’or je vous le dis
Moi, je ne pense plus donc je suis
Vive
refrain
L’or-di-na-teur
L’or-di-na-teur   »
Chapeau l’artiste

Mercredi 11 mars 2015

Mercredi 11 mars 2015
« Ce ne sera peut-être pas joyeux, mais ce sera un bon départ. »
Fabienne Bidaux
Une nouvelle proposition de Loi sur la fin de vie est présentée, à l’Assemblée nationale, par deux députés Alain Claeys (PS, Vienne) et Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes)
Ce texte n’autorise ni euthanasie ni suicide assisté mais instaure un droit à une sédation « profonde et continue » jusqu’au décès pour les malades en phase terminale, ainsi que des directives anticipées contraignantes.
Le Monde a publié deux textes que j’ai mis en pièces jointes.
L’un est une tribune publiée par Le Monde lundi 9 mars par cinq représentants des trois grandes religions monothéistes qui disent leur opposition à l’emploi de la sédation pour donner la mort.
Ils écrivent notamment :
« Nous, représentants des trois grandes traditions religieuses monothéistes, conscients des évolutions qui traversent notre société, des nouvelles situations qu’elles génèrent et de la nécessité de rechercher des adaptations, voire des améliorations, des dispositifs législatifs et réglementaires pour accompagner ces évolutions, considérons qu’une telle recherche doit être le fruit d’un débat serein, démocratique et respectueux de la personne humaine et de sa dignité.
Le contexte actuel manque de lisibilité, et la période que nous traversons est difficile, secouée par des crises à répétition, politique, économique, financière et morale. Un nouveau débat sur la fin de vie risque d’y ajouter de la confusion.
Il y a moins de dix ans, la République française avait tranché la question par la voix unanime de ses parlementaires, quand fut votée la loi Leonetti, le 22 avril 2005.
« Rien ne pourra jamais justifier le droit de donner la mort à un homme » : ni sa santé, ni son inconscience, ni son extrême vulnérabilité, ni même son désir de mourir.
Le caractère inviolable de la vie humaine avait franchi une nouvelle étape. Et c’est sur ce socle commun que s’est consolidé l’acte médical face à l’euthanasie.
[…]
Dans le débat qui s’ouvre aujourd’hui surgit en effet une nouvelle tentation : celle de donner la mort, sans l’avouer, en abusant de la « sédation ». S’il peut être utile ou nécessaire d’endormir un patient, à titre exceptionnel, l’usage de cette technique est dénaturé dès qu’il s’agit, non plus de soulager le patient, mais de provoquer sa mort. Ce serait un acte d’euthanasie. […]
Il s’agit d’un enjeu majeur pour notre société, pour le lien entre les générations, pour la confiance entre les soignants et les soignés et, plus profondément, pour servir la grandeur de la médecine, l’esprit de la civilisation, et notre plus grande humanité. »
Le 8 mars, le même journal avait publié le témoignage « posthume » de Fabienne Bidaux, qui souffrait d’un cancer généralisé, témoignage dont j’ai tiré le mot du jour.
Le 22 janvier, elle avait téléphoné au journal : « C’est maintenant une question de quelques petites semaines, j’arrive sur le parcours final. » et avait décidé de se confier au Monde pour apporter « sa contribution posthume au débat sur la fin de vie».
 
« Je n’ai pas pris cette décision d’aller mourir en Suisse par caprice ou mauvaise humeur », […]
Elle assure être « soulagée » à l’idée de ne pas terminer sa vie sur un lit d’hôpital. « Quand je serai dans le train, je serai proche du but, j’aurai gagné sur la maladie. »
Cette décision, c’est l’épilogue de son combat contre le cancer métastasé « non guérissable » qui a été diagnostiqué trop tardivement, en 2010, après deux années de douleurs hépatiques. Du sein, il s’est progressivement étendu aux poumons, aux os, au foie, à la plèvre, au péritoine… C’est aussi une conséquence de son choix, en 2012, d’arrêter tous ses traitements, puis de sa décision de pouvoir, le jour venu, « mourir debout ».
 
« Paradoxalement, remarque-t-elle, Dignitas, l’association qui va provoquer ma mort, m’a sauvé la vie. Savoir que cette solution existait m’a permis de vivre ces derniers mois avec joie et légèreté. »
Depuis l’obtention du « feu vert provisoire » de l’association, au mois d’avril 2014, synonyme pour elle de droit à mourir, Fabienne Bidaux dit s’être chaque jour demandé si elle saurait reconnaître le moment où elle devrait se décider. « Comment choisir la bonne date ? Pour que ce ne soit ni trop tôt ni trop tard… » Ce moment est finalement apparu comme une évidence. « Je présentais les premiers symptômes de la dégradation finale des organes », dit-elle, en désignant son ventre ballonné, signe d’une hémorragie interne liée à son foie malade. « Attendre plus longtemps, c’était prendre le risque d’être hospitalisée, d’avoir des perfusions, de ne plus avoir le contrôle. » […]
Les dernières heures, c’est Jean-Yves Meslé, un ami proche, qui nous les a racontées. Le trajet en train jusqu’en Suisse. Caen-Zurich, via Paris. Avec sa mère et un cousin d’abord, rejoints à Paris par deux couples d’amis. « On n’allait pas à un enterrement », raconte-t-il, gardant le souvenir d’un voyage à la fois « très fort » et « étonnamment ordinaire ». Lorsque le soir, après le dernier repas au restaurant de l’hôtel, tout le monde est parti se coucher, « on s’est tous dit, en lui disant bonne nuit, que c’était la dernière fois », soupire-t-il. Le lendemain matin, lundi 16 février, après avoir été rejoint par d’autres proches, c’est un cortège d’une petite vingtaine de personnes qui a parcouru les 500 mètres qui séparent l’hôtel de la « maison bleue » de Dignitas. En tête de la procession, Fabienne Bidaux, au bras de son frère. « A ce moment, la brume s’est levée, le soleil est apparu », se souvient Jean-Yves Meslé. Après être entré dans la maison, il lui a fallu, en tant que témoin, présenter sa pièce d’identité, signer différents papiers, attester que son amie n’avait pas été contrainte de se suicider. […] Après avoir absorbé une boisson létale, Fabienne Bidaux est morte à 12 h 40, « sereine, apaisée et souriante, entourée des gens qu’elle aimait ». « Sa mère lui tenait une main, je tenais l’autre, elle s’est endormie, et ça s’est terminé comme ça, exactement comme elle l’avait souhaité », témoigne Jean-Yves Meslé. « Ce ne sera peut-être pas joyeux, mais ce sera un bon départ. » Elle en avait fait le pari.
Comment conclure ces deux points de vue si différents ?
Les arguments de ceux qui veulent une règle simple : « ne pas tuer sont forts». On peut tout craindre, quand le calcul économique, la conscience de l’épicier se développent partout, même dans les plus hautes sphères de l’Etat ou dans l’Hôpital, que cette porte ouverte vers une fin maîtrisée puisse aussi être une ouverture vers un calcul sordide des coûts du maintien de vie. Et puis l’injonction : « on ne tue pas » est univoque, ne pose pas la question qui fait peur, la question ultime.
L’autre position est plus difficile, quand ? le faut-il vraiment ? La décision est-elle prise avec toute la sérénité nécessaire ?
La proposition de loi française, telle qu’elle est annoncée est plus proche de la première position que de la seconde.
La France n’est jamais à l’avant garde de ces combats.
Elle n’a pas été la première ni pour abolir la peine de mort, ni pour permettre la contraception, ni l’avortement, ni dépénaliser l’homosexualité, ni permettre le mariage homosexuel, ni interdire les châtiments corporels pour les enfants.
Mais il me semble bien que cette évolution, comme les autres, est inéluctable.
Les religions monothéistes n’ont jamais été, dans toutes ces évolutions, dans ce sens de l’Histoire, probablement que c’est leur vocation.
Mais j’avoue qu’ici, plus qu’ailleurs, l’esprit fécond du doute m’envahit.
Nous sommes au plus profond du mystère de l’humanité, de cette question qui nous taraude dès que la conscience nous est donnée, celle dont on parle peu, qu’on craint d’aborder, celle que souvent on fuit : celle de notre finitude.
Car oui ! nous n’avons pas, ici-bas, de demeure permanente.
Et la décision de partir vers l’inconnu plutôt que d’attendre que notre souffle de vie s’éteigne par lui-même ou par la volonté de forces supérieures, nous entraîne plus que vers la partie la plus intime de notre être : l’essence même de notre être.

Mardi 10 mars 2015

Mardi 10 mars 2015
« Un  Etat illibéral »
Viktor Orban
La Hongrie est depuis 4 ans gouvernée par un Premier ministre, Viktor Orbán, et son parti le Fidesz.
Fustigeant l’attitude de Bruxelles vis-à-vis du Kremlin, il vient d’accueillir Vladimir Poutine à Budapest, rompant ainsi la distance tacitement observée depuis l’aggravation de la crise ukrainienne
Le 26 juillet 2014 lors de l’université d’été de son parti il a inventé ce concept d’un Etat« illibéral » qu’on peut aussi traduire par « non libéral ». Viktor Orban n’a pas dit ce qu’il entend par « Etat non libéral («illiberális») »
Mais il a cité ses modèles :  la Russie, la Chine et la Turquie.
Il a notamment souligné que ces systèmes politiques  « dont l’économie est plus compétitive que celle des pays occidentaux », doivent inspirer son pays « la Hongrie devra construire désormais un Etat« illibéral » basé sur le travail, la démocratie à l’occidentale ayant fait son temps».
Grâce à l’émission « Affaires étrangères » de Christine Ockrent du 28 février : <http://www.franceculture.fr/emission-affaires-etrangeres-l-exception-hongroise-2015-02-28> j’ai pu comprendre un peu mieux.
La démocratie, dans son esprit, c’est de permettre au peuple de choisir son chef.
Une fois le chef désigné, il va gouverner de manière autoritaire en éliminant ou du moins en diminuant fortement les contres pouvoirs : Le pouvoir judiciaire, les médias, les organisations non gouvernementales et tous les pouvoirs intermédiaires : syndicat, associations etc…
C’est à peu près ce qu’ont fait les nazis et Hitler, de manière certes plus brutale et eux, une fois élu par le peuple, ils ont supprimé la démocratie.
Orban ou ses modèles Poutine et Erdogan sont élus par des élections régulières et à peu près libres même si les opposants ont du mal à se faire entendre, voire à se présenter. Mais une fois élu, ils gouvernent avec une forte dose de nationalisme et l’idée qu’ils se font de l’intérêt général.
Les décisions sont prises plus rapidement que dans nos démocraties libérales mais la corruption est plutôt plus grande.
Le plus comique dans l’histoire est que ce même Viktor Orbán est celui qui, voici 25 ans, se réclamait d’un système libéral et l’ennemi acharné des Russes. Lui qui ne jure plus que par son ami Poutine et met en place un Etat hypercentralisé nationalisant à tour de bras, ennemi déclaré du monde occidental, … finalement proche de ce que nous a offert le régime communiste.
Pour ma part, je ne pense pas qu’un pays dirigé par un tel système politique a sa place dans l’Union européenne.
Mais j’ai le soupçon que certaines parties de la population européenne et française souhaiteraient pour leur pays la mise en place d’une démocratie illébérale, avec un dirigeant fort élu et qui ensuite gouvernerait de manière autoritaire.
Il y a bien longtemps, au siècle des lumières, la tentation du despote éclairé était apparue. L’expérience de l’Histoire ne nous a pas vraiment donné d’exemple positif.
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Lundi 9 mars 2015

Lundi 9 mars 2015
« La déconnexion des élites »
Laure Bellot
Laure Bellot est journaliste au Monde. Elle vient de publier un livre : « La Déconnexion des élites. Comment Internet dérange l’ordre établi », de Laure Belot, Les Arènes, 320 p., 20 €.
Elle était l’invité de Nicolas Demorand dans son émission un jour dans le Monde du 27 février 2014 : http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-internet-la-deconnexions-de-elites
Un iPhone est plus puissant que l’ordinateur de la fusée Apollo en 1970.
Les fondateurs de Google, d’Amazon, de Microsoft et de Facebook font partie des vingt-cinq plus grosses fortunes de la planète.
Des secteurs économiques entiers sont bousculés. Cette accélération du monde laisse sur le bord de la route une élite dépassée : des énarques, des intellectuels, des politiques, des chercheurs, des banquiers, des chefs d’entreprise ne saisissent pas les nouveaux usages qui sont en train de balayer les habitudes et les normes. Internet a contrecarré l’ordre établi. Le pouvoir change de mains.
Laure Bellot a d’abord écrit un article dans le Monde en Décembre 2013 dont le titre était  « Les élites débordées par le numérique », que vous trouverez en pièce jointe.
Elle écrivait :
« Massivement, et mondialement, l’outil Internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. Les internautes tissent des liens horizontaux, achètent et vendent sur Leboncoin.fr, pratiquent le covoiturage grâce à BlaBlaCar, conduisent la voiture de leur voisin au moyen de Ouicar.fr, s’entraident sur Craigslist.org, se logent sur Airbnb.com…
On pourrait dire que ces usagers court-circuitent les intermédiaires, mais ce terme signifierait qu’ils y mettent une volonté politique. Or ces pratiques ne sont pas clivantes au sens droite-gauche. Issus de tous bords, les citoyens s’emparent d’Internet pour agir différemment et réinventent la société à leur échelle. Sans même le chercher, ils questionnent l’organisation pyramidale gouvernée par les “sachants” »
Elle montrait que le problème était générationnel, l’article parlait même de problème générationnel violent. Mais elle ajoutait que le problème n’est pas seulement générationnel  mais bel et bien français
Et elle citait l’éditorialiste britannique Simon Kuper, qui le 10 mai 2013, écrivait dans le Financial Times
« Les élites françaises n’ont pas été entraînées à réussir dans le monde, mais dans le centre de Paris. » et aussi le constitutionnaliste Dominique Rousseau : « Le problème en France n’est pas tant la déconnexion des élites que la nature même de l’élite, recroquevillée sur les énarques, que l’on retrouve partout, dans les banques, les assurances, les grands groupes, les cabinets d’avocats, les cabinets ministériels, à l’Elysée, à la direction des partis politiques… Cette élite parisienne unidimensionnelle, qui manque de diversité, manque aussi de capteurs pour saisir la société. Autant l’“énarchie” a été très utile pour construire la nation, autant actuellement, compte tenu de cette révolution numérique, elle devient un obstacle. » 
Et c’est encore Dominique Rousseau qu’elle citait pour finir cet article :
« La technologie a toujours été un élément perturbateur […]. L’imprimerie a permis à des gens qui n’étaient pas connectés de le devenir. Au numérique de jouer son rôle. Dans l’histoire, les séquences sont toujours les mêmes : le vieux, la crise, puis le neuf. Le moment est dangereux et passionnant.  […] La démocratie ne peut vivre sans élite. Elle est constituée d’un ensemble de personnages qui ont sur la société un savoir, une connaissance, une compétence. »
Mais qui constituera l’élite de demain ?
Cet article avait fait grand bruit. Beaucoup de personnes immergées dans ce nouveau monde sont allées vers elles pour lui dire qu’enfin dans un article d’un journal de l’élite, ils avaient le sentiment d’être compris.
Elle raconte que par la suite elle est retournée vers les élites de pouvoir en France et qu’elle a été choquée par le manque de connaissance des évolutions techniques qu’elle constatait souvent auprès d’eux, il n’était même pas question d’essayer de comprendre ce que cela pouvait avoir pour impact social, il existait une méconnaissance de base. Ces deux faits l’ont incitée à écrire le livre qu’elle vient de publier.
Voici une présentation vidéo du livre par l’auteur elle-même : <http://www.dailymotion.com/video/x2gxf0j>
Il existe aussi des points de vue critiques sur les conclusions de Laure Bellot, notamment celui-ci écrit en réponse à son article de 2013 : http://laspic.hypotheses.org/2082

Vendredi 6 mars 2015

Vendredi 6 mars 2015
«Il nait de moins en moins de femmes dans le monde »
Atlas mondial des femmes

Dimanche le 8 mars, on célèbrera la journée internationale de la femme.

Une des origines de cette date du 8 mars nous vient de Lénine, qui décrète la Journée internationale des femmes le 8 mars 1921, en honneur aux femmes qui manifestèrent les premières, le 8 mars 1917, à Petrograd, lors du déclenchement de la révolution russe.

J’ai plusieurs fois évoqué la violence faite aux femmes dans le monde, notamment lors du mot du jour du 9 septembre 2014 : « C’est juste pas de chance d’être une femme dans la plupart des pays du Monde » propos de la journaliste Annick Cojean.

En collaboration avec l’INED, les Editions « Autrement » ont publié « L’Atlas mondial des femmes »

Une des directrices de cet ouvrage, Isabelle Attané était l’invité de l’émission de Christine Ockrent :
<Planète femmes>

Et elle a parlé d’une autre violence faite aux femmes : le déni de naître. Aidé notamment par les techniques modernes de diagnostic prénatal, des parents choisissent ouvertement de ne pas faire naître les filles pour privilégier les garçons.

<Un article> du Monde Diplomatique sur ce même sujet explique :

« Dans une population donnée, quand hommes et femmes sont traités sur un pied d’égalité et si les femmes n’ont pas une propension à migrer plus forte que celle des hommes, elles sont naturellement majoritaires. Si l’Asie se pliait à cette règle générale en enregistrant une légère prépondérance féminine, elle compterait quelque quatre-vingt-dix millions de femmes supplémentaires, une fois et demie la population de la France.

La Chine, qui, il y a encore trente ans, s’imposait comme l’un des fleurons du communisme mondial, fervent défenseur de l’égalité des sexes, est désormais l’un des pays où les discriminations envers les femmes, sur un plan démographique, sont les plus aiguës. Revers de la libéralisation économique et sociale dans ce pays, les rapports de pouvoir traditionnels, structurellement défavorables aux femmes, resurgissent. L’Inde, grande puissance économique émergente – actuellement au septième rang des puissances industrielles mondiales –, discrimine, elle aussi, ses femmes.

Avec ces deux géants, sont également touchés le Pakistan, le Bangladesh, Taïwan, la Corée du Sud et, dans une moindre mesure, l’Indonésie – pays qui, à eux seuls, regroupent trois des six milliards et demi d’habitants de la planète. Elimination des filles par les avortements sélectifs, traitements inégaux des enfants selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon, statut social secondaire et mauvaises conditions sanitaires à l’origine d’une surmortalité féminine dans l’enfance et à l’âge adulte représentent autant de particularités qui concourent à ce déficit.

La structure sexuée d’une population dépend de la proportion de chaque sexe à la naissance, d’une part, et de la fréquence des décès des hommes et des femmes à chaque âge de la vie, d’autre part. En temps ordinaire, c’est-à-dire lorsqu’aucune forme d’intervention humaine ne vient perturber l’effet de ces données, on observe une proportion de garçons à la naissance légèrement supérieure à celle des filles et une surmortalité des hommes à chaque âge de la vie, laquelle vient compenser de manière naturelle l’excédent de garçons à la naissance. Or, dans nombre de pays asiatiques, l’une ou l’autre de ces lois – voire, parfois, l’une et l’autre – sont contrecarrées par des pratiques sociales. Il naît donc moins de femmes qu’il ne faudrait, et il en meurt plus qu’il ne devrait, d’où des proportions accrues d’hommes.

Sur la planète, la norme biologique – environ 105 naissances de garçons pour 100 filles – s’applique avec une régularité remarquable. Et les écarts demeurent faibles : le niveau le plus bas est observé au Rwanda, où il naît 101 garçons pour 100 filles, et le plus élevé, hors pays asiatiques, au Surinam – 108 garçons.

Dans plusieurs pays d’Asie, la réalité est tout autre. Si l’influence des facteurs biologiques, génétiques et environnementaux, habituellement avancée pour expliquer les écarts entre pays, n’est bien sûr pas à exclure, elle ne suffit en aucun cas à expliquer l’évolution observée depuis vingt à vingt-cinq ans. En Chine, en Inde, en Corée du Sud et à Taïwan, garçons et filles naissaient dans des proportions normales au début des années 1980. Mais depuis, avec la baisse de la fécondité, la préférence traditionnelle pour les fils s’exacerbe et vient supplanter les lois biologiques, rompant ainsi l’équilibre naturel.

Désormais, les progrès technologiques permettent d’intervenir sur le sexe de sa descendance : au bout de quelques mois de grossesse, la future mère passe une échographie ou une amniocentèse. Si c’est un garçon, on peut rentrer chez soi et attendre patiemment l’heureux événement. Mais en cas de fille, c’est le dilemme : si on la garde, aura-t-on une nouvelle occasion d’avoir un fils ? Et, le cas échéant, sera-t-on en mesure de faire face à l’escalade des coûts d’entretien des enfants ? Bien souvent, plutôt que de devoir renoncer à un fils, on prend la décision de se débarrasser de la fillette indésirable, et la femme avorte. Ainsi, en Chine, l’excédent de garçons à la naissance est de 12 % au-dessus du niveau normal ; en Inde, de 6 %. En Corée du Sud, après le paroxysme du milieu de la décennie 1990 (115 garçons pour 100 filles), la situation s’améliore, avec 108 garçons en 2004.

Depuis peu, ce phénomène se propage à d’autres parties du continent. Ainsi, une province vietnamienne sur deux enregistre plus de 110 naissances de garçons pour 100 filles. Dans les pays du Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie), cette proportion s’est brutalement accrue, à partir du milieu des années 1990, pour atteindre des niveaux comparables à certaines régions de Chine et d’Inde (voir « Déséquilibres démographiques »). Pourtant, l’équilibre demeure dans les pays voisins que sont la Russie, l’Ukraine, l’Iran ou la Turquie.

En Indonésie, la proportion de garçons parmi les enfants âgés de moins de 1 an, encore normale en 1990, est passée à 106,3 dix ans plus tard. Une masculinisation rampante qui se manifeste par l’apparition d’un déficit de femmes auquel, outre une émigration féminine massive, notamment vers l’Arabie saoudite, le déséquilibre des sexes à la naissance commence à contribuer. »

Un autre article du Monde sur ce sujet : <Une marche paradoxale vers l’émancipation des femmes>

Donnant encore une fois la parole à Ferrat qui déclare avec Aragon que : <la femme est l’avenir de l’homme>

Le problème c’est que dans ces pays, le peuple ne le sait pas.

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Jeudi 5 mars 2015

Jeudi 5 mars 2015
«Internet était à nous [les américains], nos entreprises l’ont créé, étendu et perfectionné de telle façon que la concurrence ne peut pas suivre.
Et souvent, ce que l’on présente comme des positions nobles sur ces problèmes n’a pour but que le développement d’intérêts commerciaux.»
Barack Obama le 13/02/2015
Eh bien au moins c’est écrit :  » Internet était propriété américaine « .
Nous autres « non américains » sommes probablement des squatters qu’on tolère mais qui ne peuvent en aucun cas souhaiter organiser tout cela comme de légitimes copropriétaires.
Dès lors, vouloir légiférer sur Google, Apple ou autres ne peut être qu’un crime de lèse-majesté.
Obama juge qu’ «A la décharge de Google et Facebook, les réponses de l’Europe en la matière s’expliquent parfois plus par des raisons commerciales qu’autre chose. Certains pays comme l’Allemagne, compte tenu de son histoire avec la Stasi, sont très sensibles sur ces questions.»
Il faisait notamment référence à l’enquête européenne visant Google pour abus de position dominante : «Nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, l’ont étendu et l’ont perfectionné de manière à ce qu’ils (les concurrents européens, ndlr) ne puissent pas être compétitifs», a-t-il expliqué. «Parfois leurs vendeurs – leurs fournisseurs de service – qui ne peuvent pas rivaliser face aux nôtres, tentent essentiellement de bloquer nos entreprises et de les empêcher de fonctionner efficacement», a-t-il précisé en faisant référence à la motion du Parlement européen en faveur du démantèlement de Google.
Des européens ont réagi, ainsi dans le Financial Times, une porte-parole de la Commission européenne a qualifié lundi d’«inadmissible» l’analyse de Barack Obama. La nouvelle Commission, en poste depuis la fin 2014, poursuit l’enquête sur un éventuel abus de position dominante de Google dans la recherche, ouverte il y a cinq ans. Elle se penche aussi sur l’optimisation fiscale des multinationales. «La régulation devrait faciliter l’accès au marché unique pour les entreprises non européennes», a plaidé cette porte-parole.
L’eurodéputé Ramon Tremosa, un des initiateurs de la proposition de loi votée fin novembre pour appeler à la scission de Google, s’est fait un plaisir de rappeler que plusieurs entreprises qui participent à l’enquête de Bruxelles contre le géant de la recherche sont américaines. «Des sociétés comme Yelp n’ont aucun problème à le reconnaître publiquement. D’autres ne veulent pas attaquer Google ouvertement par crainte de mesures de rétorsion», a-t-il glissé au Financial Times.
Stéphane Richard, PDG d’Orange, a lui jugé les déclarations de Barack Obama «tristes et décevantes». «Elles sont impérialistes et colonialistes. Dire que l’Amérique possède Internet en dit long sur ce que les autres habitants de la planète seraient autorisés à faire. Pointer l’Allemagne et la Stasi quand on connait les méthodes de la NSA, c’est quand même osé. C’est le retour de l’impérialisme américain le plus crasse. L’Europe n’est pas le paillasson des États-Unis dans le numérique», a-t-il dit mardi en marge de la présentation des résultats annuels d’Orange.
Pour Stéphane Richard, il n’y a pas de guerre ouverte contre les géants du Net, souvent désignés sous l’acronyme de GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). «Nous ne sommes pas les méchants Européens hargneux, nous voulons pouvoir exister, développer nos propres projets. Je plaide pour une équité de traitement. L’intervention d’Obama montre qu’il s’agit d’un sujet très politique. Les GAFA sont les attributs de la puissance américaine, nous avons eu une sorte d’aveu», a poursuivi le PDG d’Orange.​
Je n’ai pas trouvé de réponse à cette attaque par un responsable politique européen de premier plan.
Pierre Bellanger, patron de Skyrock a écrit <La souveraineté numérique>, livre dans lequel il explique comment internet est contrôlé par les Américains et pourquoi cela va détruire notre économie.
Il était invité <d’un jour dans le Monde du 19 février> et il dit des choses très intéressantes sur ce sujet et les propos « réalistes » d’Obama. ​Et il donne notamment comme image la comparaison de nos systèmes européens régulés à des aquariums que l’on plongerait dans la mer d’Internet. On comprend à peu près ce qui se passe dans l’aquarium et surtout dans l’interaction entre l’aquarium et la mer.
Il me semble que nous sommes dans un domaine très important pour notre avenir et le degré de vassalité que nous aurons à subir par rapport aux Etats-Unis.

Mercredi 4 mars 2015

Mercredi 4 mars 2015
« République, ô ma République, mais pourquoi donc ne m’as-tu pas dit que tu m’aimais ? »
Abd al Malik
« Place de la République, pour une spiritualité laïque »
Régis Fayette-Mikano, dit Abd al Malik, est un rappeur, compositeur, écrivain et réalisateur français né  le 14 mars 1975. Il a grandi dans la cité du Neuhof à Strasbourg.
D’origine congolaise, il est né dans la foi catholique mais il  s’est converti au cours de son adolescence à l’islam d’obédience soufi.
Il a écrit en 3 jours, après les évènements de janvier, un livre de 32 pages : « Place de la République, pour une spiritualité laïque  »
Il m’a d’abord choqué car j’ai lu qu’il accusait Charlie Hebdo d’avoir « contribué à la progression de l’islamophobie, du racisme et de la défiance envers tous les musulmans » et que la liberté d’expression n’est pas « non négociable ».
Puis il a été invité à France Inter le vendredi 27 février <Que vous trouverez ici>, je l’ai écouté et je l’ai trouvé remarquable.
Dans son livre autobiographique qui est devenu un film : « qu’Allah bénisse la France », un des acteurs dit « Nous, on aime la France, mais elle ne nous aime pas »
A France Inter il a aussi parlé d’amour :
« Je veux parler d’amour et de fraternité […]. Moi quand j’étais enfant, j’ai trouvé des gens qui m’ont dit : « Tu es beau, tu es intelligent » et  j’ai fini par y croire que j’étais beau et intelligent, on m’a dit que j’étais français. Mais à d’autres, on dit « tu n’es pas beau, tu n’es pas intelligent, tu n’es pas français, tu n’es pas chez toi ! » Comment voulez-vous qu’ils évoluent ?
La République est une maman symbolique et une mère s’occupe de tous ses enfants et particulièrement de ses enfants les plus fragiles.»
Il raconte aussi qu’il a été sauvé par la spiritualité laïque et le génie français notamment à travers sa littérature de Descartes à Albert Camus en passant par Victor Hugo et il a eu cette phrase pleine de sens «Il faut incarner nos valeurs, pas simplement les évoquer »
J’ai ensuite lu cet interview de Télérama : <Article de Télérama> dont je tire ces extraits […] :
« On m’a souvent demandé de quel pays je viens, mais je suis né en France, j’écris en français, je rêve en français, je suis français ! La fameuse fraternité, je ne l’ai pas rencontrée souvent, mais j’ai eu la chance d’avoir des enseignants qui ont cru en moi, qui m’ont dit que j’étais beau, intelligent et capable, et je les ai crus.»
[…] L’islam est méconnu, par les musulmans eux-mêmes et par les autres. On parle d’islam pour le salafisme, le wahhabisme, qui sont des courants, mais qui ne sont pas l’islam. Le voile par exemple, n’est, selon le Coran, obligatoire que pour la prière. Ma femme, pratiquante comme moi, n’est pas voilée. Autre exemple : le djihad, dont tout le monde parle, n’est pas seulement la guerre de conquête (c’est le petit djihad selon le Coran), mais surtout la guerre intérieure que chaque musulman doit mener contre lui-même, son égoïsme, son intolérance. C’est cela le grand djihad.
L’islam est avant tout une spiritualité, au même titre que le judaïsme ou le christianisme. L’islam aussi est fondé sur l’amour de l’autre. C’est d’ailleurs une religion judéo-chrétienne, qui reconnaît la Torah, la Bible, et que Jésus était le dernier prophète avant le Prophète de l’islam. Nous avons besoin de pédagogie, d’émissions qui décryptent, éduquent au lieu d’attiser les conflits. Et toutes les religions devraient être enseignées à l’école publique, intégrées à la culture commune française. Pourquoi ne pas étudier des textes de grandes figures de l’islam, comme l’émir Abd el-Kader l’Algérien, ou le poète Ibn Arabi ? Revaloriser l’islam, en tant que spiritualité, est le meilleur moyen de lutter contre l’intégrisme.  »
Et il revient sur les propos qui m’ont choqué : « Tout en condamnant les attentats, vous accusez ainsi Charlie Hebdo d’avoir « contribué à la progression de l’islamophobie, du racisme et de la défiance envers tous les musulmans « . Souhaitez-vous des limites à la liberté d’expression ?
J’écris aussi que les caricatures sont un « acte démocratique par excellence », un « éclatant symbole de la liberté d’expression ». Mais je veux parler de responsabilité : ce n’est pas parce qu’on peut tout faire que l’on doit tout faire. La liberté d’expression est un principe, mais j’estime qu’elle n’est pas « non négociable ». Elle doit s’articuler avec les autres valeurs de la République : la paix entre les citoyens, l’égalité de traitement, la morale. On ne peut pas faire fi du contexte, user d’un droit sans tenir compte des risques de mettre le feu à la maison.
Jadis, il a été possible de faire des blagues sur les chambres à gaz ; aujourd’hui, avec la montée de l’antisémitisme, ce n’est plus acceptable, et Dieudonné est à juste titre poursuivi. Pour moi, dans le contexte actuel de pression extrême sur les musulmans, dans ce climat de surenchère médiatique autour de l’islam, Charlie Hebdo a fait preuve d’irresponsabilité en multipliant ces caricatures. Même si le but était de montrer du doigt les intégristes, et même s’ils en avaient le droit au sens légal.  »
Et il parle de son expérience du racisme ordinaire contre les noirs : « J’ai vu un producteur télé se pencher vers mon manager – blanc – en m’écoutant pendant une émission et s’étonner : « Il parle bien, quand même… Il écrit ses textes lui-même ? » Un autre, après l’élection d’Obama, m’a même serré la main en me disant « félicitations » ! Cette intégration d’un racisme devenu inconscient est bien plus insidieuse que les insultes que j’ai entendues, jeune.  »
Et il ajoute : 
« La foi, c’est être fraternel concrètement, dans sa vie, ses amitiés, sa famille et savoir que notre destin est grand s’il nous est commun. Quant à la spiritualité, elle est le souffle qui habite les principes, sans lequel ils restent des fantômes évanescents. Ce souffle est très concret. J’ai vu des gens mourir, j’ai entendu le souffle de leur vie s’éteindre : pff, et c’est fini. J’ai vu des couples se désaimer, le souffle de l’amour s’épuiser : pff, et c’est fini. C’est ça dont je parle. Quand j’entends les politiques parler, je n’entends pas de souffle, seulement un discours creux, sans âme. J’ai été reçu par des ministres de la Culture qui m’ont fait visiter leurs bureaux : leur fierté s’arrêtait au mobilier !
[…]
Les livres – non seulement les penseurs de l’islam, mais aussi Albert Camus, Aimé Césaire, Sénèque, Alain… – ont changé ma vie. Camus aussi a été arraché à la misère par la culture. Il m’a donné une feuille de route pour mon parcours d’artiste. J’ai créé un spectacle inspiré de L’Envers et l’endroit, son premier livre, qui a tourné en France pendant deux ans et demi.
Quand mes premiers amis sont morts, je lisais De la brièveté de la vie, de Sénèque.
Il m’a enseigné à me tenir toujours debout, à ne pas avoir peur de souffrir. Dans ma période de révolte, quand je nous voyais, les gamins de la cité, comme les damnés de la terre, je m’imprégnais du militantisme humaniste de Césaire dans son Discours sur le colonialisme. J’ai grandi avec ces auteurs comme avec des grands frères, ils sont devenus mes tuteurs : je me suis construit en prenant appui sur eux pour pousser droit.»
A l’interpellation de sa naïveté, il réplique « Quand on cesse d’être naïf, on se résigne. Si quelqu’un avait dit de moi, à 10 ans, que j’allais être artiste et réussir, on l’aurait taxé de naïf. On a traité de rêveurs et d’utopistes tous ceux qui, dans l’histoire, ont fait bouger les choses. Je ne me vois pas du tout comme un sauveur de l’humanité, je crois simplement que la solution est dans nos mains. »
Et il approuve sa mère qui répétait « le seul véritable péché, c’est de perdre l’espoir ».
Remarquable je vous dis