Lundi 16 mars 2015

Lundi 16 mars 2015
«Ma France à moi est une idée et les idées ne meurent jamais»
Tidjane Thiam
Tidjane Thiam vient d’être nommé PDG du Crédit Suisse, il était jusque-là patron de l’assureur britannique Prudential.
Tidjane Thiam est français.
Le 14 juillet 1983, on ne voit que lui. Tidjane Thiam fait 1,93 m. C’est lui qu’on choisit pour défiler en tête de sa promotion de Polytechnique, sur les Champs-Elysées. […]
Trois ans plus tard, il sort major de l’Ecole des Mines. Le jeune Tidjane est promis à un avenir brillant.
Il souhaite faire carrière en France, mais…
J’ai choisi comme mot du jour, une de ses réponses à une enquête qu’avait faite l’Institut Montaigne : « Qu’est-ce qu’être français ? ».
J’ai choisi de rester positif comme l’est cet homme remarquable.
Mais j’ai longtemps hésité avec une autre phrase de cet entretien où Tidjane Thiam cite un de ses amis, chasseur de tête, pendant qu’il cherchait un emploi en France conforme à ses talents :
« profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…»
Remis dans son contexte : « Frustration quand l’un de mes camarades d’école devenu chasseur de têtes m’avoue embarrassé, qu’il a cessé d’inclure mon profil dans ses réponses à ses clients français, parce que la réponse invariablement était : profil intéressant et impressionnant mais vous comprenez…’. Tout là aussi était à chaque fois dans le non-dit, dans ces points de suspension. »
Les hommes politiques français clament en haut des Tribunes, la main sur le cœur : « La France est le pays des droits de l’Homme »
C’est devenu une fable : Regardez le visage des députés, des sénateurs, des responsables du CAC 40, des principales institutions françaises etc : ce sont des hommes, ce sont des blancs, issus d’une petite élite qui se reproduit.
Car Tidjane Thiam est noir…
A Londres il a été nommé à la tête d’une entreprise de première importance : « Prudential » et maintenant la Suisse lui a fait confiance en lui confiant une de ses banques « Le Crédit Suisse »
Et en 2012, un  peu honteux, Jean Claude Trichet remet  la légion d’honneur à Tidjane Thiam et le décrit comme un banquier « que la France peut regretter d’avoir laissé partir ».
Vous trouverez en pièce jointe sa belle réponse à « Qu’est-ce qu’être français ? ».
Quelques extraits :
« 14 juillet 1983. Dans mon uniforme de l’Ecole Polytechnique, je dois à ma taille de défiler au premier rang des élèves de l’Ecole sur les Champs-Elysées à Paris. Ma mère est là, profondément émue de voir le plus jeune de ses sept enfants porter cet uniforme si symbolique de l’idée qu’elle se fait de la France.
[…]
Gratitude profonde et réelle pour l’éducation que la France m’a donnée mais aussi et simplement pour les opportunités qu’elle m’a offertes d’intégrer grâce à un système de sélection ouvert et transparent ses meilleurs écoles, d’y bénéficier de l’enseignement dispensé par ses meilleurs cerveaux, fruit de siècles de recherche, de travail acharné et d’efforts.  Il n’est pas possible pour moi de dire assez combien tout cela m’a servi et me sert encore chaque jour dans mon rôle de directeur financier d’une des premières entreprises britanniques.
Je n’ai pas fait qu’acquérir du savoir dans ces écoles j’y ai aussi bâti quelques amitiés solides. C’est cette France-là, que nous tous porteurs d’une différence qu’elle soit visible ou non, c’est cette France-là que nous tous français avec trait d’union (franco-ivoiriens, franco-camerounais, franco-sénégalais et autres…) nous aimons. C’est celle que nous chérissons, celle que nous sommes prêts à défendre envers et contre tout, même quand elle nous repousse.
[…]
Frustration parfois
Devant ces policiers français comme moi et qui me tutoient. Frustration de devoir m’exiler à Londres, fatigue de me cogner le crane contre un plafond de verre parfaitement invisible mais o combien réel.
Fatigué de voir des collègues moins compétents s’élever et progresser quand ma carrière stagnait.  Frustré de voir que l’Angleterre sait me donner aujourd’hui tout ce que la France n’a pas toujours voulu ou simplement peut-être su me donner : opportunités, respect et le don le plus précieux bien sûr : indifférence a ma couleur.
[…]
Je suis convaincu que la France peut continuer, si elle reste fidèle à ses valeurs, à occuper une place de choix dans ce 21e siècle qui fait de Barack Obama le président de la nation la plus puissante du monde.
Je suis convaincu que mon espérance n’est pas vaine. La France est trop grande, trop pleine des désirs de ses enfants d’où qu’ils viennent, Mohammed ou Thibault, Amina ou Laure, pour ne pas continuer à être au premier rang des nations, éprise de justice et de liberté, prête à s’enflammer pour un nom ou pour un pays.
La France trouvera en elle l’énergie, la créativité, l’intelligence nécessaires pour qu’elle demeure ce qu’elle ne doit jamais cesser d’être : une source d’espoir pour le monde et pour les hommes et femmes de bonne volonté.
La France vivra.
La France continuera de rayonner.
Ma France à moi est une idée et les idées ne meurent jamais. »