Lundi 9 mars 2015

Lundi 9 mars 2015
« La déconnexion des élites »
Laure Bellot
Laure Bellot est journaliste au Monde. Elle vient de publier un livre : « La Déconnexion des élites. Comment Internet dérange l’ordre établi », de Laure Belot, Les Arènes, 320 p., 20 €.
Elle était l’invité de Nicolas Demorand dans son émission un jour dans le Monde du 27 février 2014 : http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-internet-la-deconnexions-de-elites
Un iPhone est plus puissant que l’ordinateur de la fusée Apollo en 1970.
Les fondateurs de Google, d’Amazon, de Microsoft et de Facebook font partie des vingt-cinq plus grosses fortunes de la planète.
Des secteurs économiques entiers sont bousculés. Cette accélération du monde laisse sur le bord de la route une élite dépassée : des énarques, des intellectuels, des politiques, des chercheurs, des banquiers, des chefs d’entreprise ne saisissent pas les nouveaux usages qui sont en train de balayer les habitudes et les normes. Internet a contrecarré l’ordre établi. Le pouvoir change de mains.
Laure Bellot a d’abord écrit un article dans le Monde en Décembre 2013 dont le titre était  « Les élites débordées par le numérique », que vous trouverez en pièce jointe.
Elle écrivait :
« Massivement, et mondialement, l’outil Internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. Les internautes tissent des liens horizontaux, achètent et vendent sur Leboncoin.fr, pratiquent le covoiturage grâce à BlaBlaCar, conduisent la voiture de leur voisin au moyen de Ouicar.fr, s’entraident sur Craigslist.org, se logent sur Airbnb.com…
On pourrait dire que ces usagers court-circuitent les intermédiaires, mais ce terme signifierait qu’ils y mettent une volonté politique. Or ces pratiques ne sont pas clivantes au sens droite-gauche. Issus de tous bords, les citoyens s’emparent d’Internet pour agir différemment et réinventent la société à leur échelle. Sans même le chercher, ils questionnent l’organisation pyramidale gouvernée par les “sachants” »
Elle montrait que le problème était générationnel, l’article parlait même de problème générationnel violent. Mais elle ajoutait que le problème n’est pas seulement générationnel  mais bel et bien français
Et elle citait l’éditorialiste britannique Simon Kuper, qui le 10 mai 2013, écrivait dans le Financial Times
« Les élites françaises n’ont pas été entraînées à réussir dans le monde, mais dans le centre de Paris. » et aussi le constitutionnaliste Dominique Rousseau : « Le problème en France n’est pas tant la déconnexion des élites que la nature même de l’élite, recroquevillée sur les énarques, que l’on retrouve partout, dans les banques, les assurances, les grands groupes, les cabinets d’avocats, les cabinets ministériels, à l’Elysée, à la direction des partis politiques… Cette élite parisienne unidimensionnelle, qui manque de diversité, manque aussi de capteurs pour saisir la société. Autant l’“énarchie” a été très utile pour construire la nation, autant actuellement, compte tenu de cette révolution numérique, elle devient un obstacle. » 
Et c’est encore Dominique Rousseau qu’elle citait pour finir cet article :
« La technologie a toujours été un élément perturbateur […]. L’imprimerie a permis à des gens qui n’étaient pas connectés de le devenir. Au numérique de jouer son rôle. Dans l’histoire, les séquences sont toujours les mêmes : le vieux, la crise, puis le neuf. Le moment est dangereux et passionnant.  […] La démocratie ne peut vivre sans élite. Elle est constituée d’un ensemble de personnages qui ont sur la société un savoir, une connaissance, une compétence. »
Mais qui constituera l’élite de demain ?
Cet article avait fait grand bruit. Beaucoup de personnes immergées dans ce nouveau monde sont allées vers elles pour lui dire qu’enfin dans un article d’un journal de l’élite, ils avaient le sentiment d’être compris.
Elle raconte que par la suite elle est retournée vers les élites de pouvoir en France et qu’elle a été choquée par le manque de connaissance des évolutions techniques qu’elle constatait souvent auprès d’eux, il n’était même pas question d’essayer de comprendre ce que cela pouvait avoir pour impact social, il existait une méconnaissance de base. Ces deux faits l’ont incitée à écrire le livre qu’elle vient de publier.
Voici une présentation vidéo du livre par l’auteur elle-même : <http://www.dailymotion.com/video/x2gxf0j>
Il existe aussi des points de vue critiques sur les conclusions de Laure Bellot, notamment celui-ci écrit en réponse à son article de 2013 : http://laspic.hypotheses.org/2082