Vendredi 7 juin 2019

« La salle de bain, les perturbateurs endocriniens et Yuka »
Expérience sur des produits que nous utilisons

Il y a quelques années, j’avais des problèmes de gencives. J’étais très naturellement allé voir un professionnel, c’est-à-dire un dentiste.

Ce dentiste m’a conseillé de prendre une pâte gingivale bien connue, me semble t’il : « Arthrodont. »

J’utilise ce produit depuis plusieurs années.

Mais ce n’est que tout récemment que j’ai enfin cherché à savoir si ce produit était bon.

Cela fait pourtant longtemps, 2013, que le magazine <Que Choisir> nous avait informés :

« Des perturbateurs dans la salle de bains […]

Alors qu’on ne s’est jamais autant préoccupé du contenu de nos assiettes, nous sommes beaucoup moins attentifs aux effets indésirables des cosmétiques sur notre santé. Pourtant, les laboratoires y incorporent de nombreux composants chimiques : conservateurs, antioxydants, émollients, filtres solaires, etc., aux effets encore mal maîtrisés. Or, les quantités de ces produits que nous nous appliquons sur la peau au cours de notre vie sont loin d’être négligeables. Si l’on additionne le nombre de cosmétiques qu’une femme peut utiliser dans une journée, du lait de toilette au mascara en passant par la crème hydratante, le rouge à lèvres, le gel douche, le shampooing, la laque ou le fond de teint, on arrive souvent à plus de dix produits… qui contiennent plusieurs centaines de substances chimiques ! Et les hommes ne sont pas en reste. Il y a beau temps que leur consommation ne se résume plus aux produits de rasage et d’hygiène.

Depuis des années, de nombreux chercheurs, organismes et associations tirent la sonnette d’alarme sur les perturbateurs endocriniens (parabènes, filtres solaires, etc.). Ces substances chimiques ou naturelles sont capables de produire des effets nocifs sur l’organisme, même à très faibles doses. »

Pendant longtemps nous pensions que si un produit était dangereux, les autorités sanitaires ne permettraient pas qu’il soit commercialisé.

Quelques scandales plus tard et conscient du poids des lobbys, nous savons aujourd’hui que les autorités réagissent souvent bien trop tard.

Revenons à mon dentifrice et regardons la composition :

Nous voyons qu’il y a un paragraphe : « Excipient à effet notoire »

C’est sympa d’attirer notre attention.

Imprudent que j’étais, je n’avais jamais regardé cette composition de près.

On voit donc qu’il y a du « parahydroxybenzoate de propyle ». Quand on fait quelque recherche sur internet, on s’aperçoit qu’il a des synonymes :

le « 4-Hydroxybenzoate de propyle » « E 216 » et surtout le « le propylparabène »

Cette dernière appellation attire davantage le regard parce qu’il est question de « parabène » qui est connu comme un perturbateur endocrinien.

D’ailleurs, l’article de Que choisir cité ci-avant le cite..

On peut lire la version officielle dans <Wikipedia> :

« Beaucoup de consommateurs s’inquiètent et réagissent à la présence de ce produit dans plus de 400 médicaments, alors que l’on ne connait pas encore précisément l’impact de l’absorption de ce produit dans le corps.

Risques connus : Allergène mineur.

Risques soumis à études :

impact négatif sur le système endocrinien ;
risque cancérigène lié à la perturbation endocrinienne ;
impact négatif sur la fertilité masculine ;
reprotoxique.

À part l’effet allergène, les autres risques ne sont pas confirmés chez l’homme et n’en sont qu’à l’état de test, les risques importants ne sont pas inexistants mais les chances qu’ils soient réels sont suffisamment faibles pour ne pas interdire le produit dans l’alimentaire, le pharmaceutique et la cosmétique. »

« Les risques importants ne sont pas inexistants mais les chances qu’ils soient réels sont suffisamment faibles pour ne pas interdire le produit dans l’alimentaire, le pharmaceutique et la cosmétique ». Cela est écrit en termes mesurés. L’hypothèse que cette phrase ait été écrite par un lobbyiste, n’est pas à exclure.

Mais de mon point de vue, pourquoi prendre un risque pour un dentifrice surtout s’il en existe qui ne présente pas ce danger ?

En pratique je n’ai pas fait cette démarche analytique compliquée, mais j’ai utilisé une application que j’avais téléchargé sur mon smartphone : « Yuka ».

Je l’avais dans un premier temps surtout téléchargé pour l’alimentation.

En un temps record cette application après avoir scanné le code barre donne des informations sur la composition du produit : graisse saturée, sel, sucre, additifs etc.

Je me demande si cette application n’est pas encore plus utile pour le produits de salle de bains.

Il existe d’autres applications

L’application par un système de pondération, note de 0 à 100.

Mon dentifrice a reçu la note de 14.

Et le qualificatif de « Mauvais », ce qui est le cas quand la note est inférieure à 25.

En première ligne apparait immédiatement le fameux «  propylparabène ».

Mais l’application donne plus d’information si on clique sur le produit en cause.

Je donne une copie d’écran du début de l’analyse.


A la fin de l’article, il y a plusieurs liens vers des sites qui développent ces analyses.

Pour ma part j’ai jeté ce dentifrice et j’en utilise d’autres.

Et je scanne tous les produits de ma salle de bains.

Chacun est libre de faire comme cela lui paraît bien. Yuka dispose aussi d’un <site>

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Vendredi 15 février 2019

« Le consommateur mange mieux !»
Olivier Humeau, le PDG d’ Information Resources Incorporated

Il semblerait que les français deviennent plus sages et plus prudents concernant leur alimentation.

C’est une nouvelle réjouissante et positive.

Il est vrai qu’avec Annie, cela fait déjà plusieurs années que nous poursuivons une évolution vers une alimentation plus saine, dans laquelle les produits industriels sont bannis et les produits de qualité privilégiés avec une prédilection pour les aliments fournis par des producteurs locaux qui peuvent être bio mais aussi être adepte d’une agriculture raisonnée.

Cette évolution n’est pas solitaire, quand on parle autour de soi on constate qu’il y a une vraie prise de conscience et une évolution des pratiques de consommation.

Mais cette évolution n’est pas locale, comme le montre un article du journal « Les Echos » publié en fin d’année dernière : « La France devient une société de déconsommation ».

Le titre est un peu énigmatique, car il s’agit moins de consommer moins que de consommer mieux.

Cet article nous apprend que de manière globale :

« Les études montrent que les Français mettent de moins en moins de produits dans leur panier. Ils privilégient la qualité.

[…] La société d’études IRI d'(Information Resources Incorporated) note pour le premier semestre « une baisse des volumes d’un niveau jamais atteint en cinq ans ». Les ventes de petits pois, de lessives et autres shampoings ont trébuché de 1,2 %. C’est la plus forte chute depuis la crise financière de 2008. Les statistiques n’ont enregistré qu’un chiffre négatif, début 2016. Il n’était que de 0,3 %.

La consommation de masse change. Le consommateur mange mieux » résume Olivier Humeau, le PDG d’IRI. Tous les produits sont touchés, ou presque. « Les deux tiers des familles baissent ». Les bonbons chutent de 3,7 %, les biscuits de 2,9 %, la charcuterie de 3 % et l’hygiène de 1,5 %. Les acheteurs ne se restreignent pas parce que les prix montent.

[…]

Les consommateurs rejettent les produits qu’ils estiment mauvais pour leur santé. Le produit industriel, associé à tort à cette crainte [Cette remarque du journal me semble erronée], est boudé. Richard Girardot, le président de l’Association nationale des industries alimentaires, l’Ania, parle de « la destruction massive de l’alimentation ». A tort. Tout n’est pas boudé. Les clients composent leurs repas d’ingrédients de meilleure qualité et plus chers. Le marché des produits de grande consommation (PGC) a gagné 0,7 % en valeur. Les quantités diminuent. Le chiffre d’affaires progresse. Et cette croissance est nourrie à 75 % par les produits des PME…

« Quand le rayon charcuterie plonge de 3 %, les références allégées en sel croissent de 2,9 % ». Le patron d’IRI multiplie les exemples. Le « sans » emporte l’adhésion sans antibiotique, sans sucre ajouté (+21 % pour les compotes), sans sel d’aluminium (déodorants), etc. Le végétal progresse plus vite que les protéines animales. La tendance est née avec les scandales alimentaires et les recommandations sanitaires. Elle gonfle parce que les distributeurs adaptent leurs assortiments. C’est l’effet boule de neige.

Le marché du bio en fait la démonstration. Il a explosé de 17 % en 2017. Pourtant, les ventes des magasins spécialisés comme Biocoop ou La Vie Claire, plafonnent. Elles ont stagné à +1 %, au premier semestre 2018. Les grandes surfaces ont réussi le pari de la démocratisation du bio. Chez Carrefour, Auchan et Leclerc on met ses marques propres au service des nouvelles habitudes de consommation. Signe des temps, la promotion a moins d’effet sur les ventes.

[…]

Les grandes marques subissent une double peine. Elles subissent le raccourci qui prétend que le produit industriel est moins bon que le produit du petit fabricant. Elles ne récoltent pas les effets des baisses de prix qui leur sont imposées. Le consommateur s’oriente vers des articles plus chers. A la caisse, le montant de son addition ne diminue pas. »

Les français seraient-ils sur la bonne voie ?

Certains ne partagent pas l’empathie pour ce type d’évolution. L’émission de France Inter, «Le téléphone sonne» du 13 février : <Métro, boulot, quinoa : comment échapper à la tyrannie du bien-être ?>, évoque une tentative de culpabilisation :

«Le bien être devient un impératif moral. Si on coche toutes les cases du bien être, qu’on nous sert dans les pubs et ailleurs, alors on est forcément quelqu’un de bien ! Sinon on nous fait culpabiliser, le bien être oublie le bonheur, et à la place nous voilà cernés d’injonctions. Pour les plus fragiles d’entre nous, ça se termine en troubles de comportement, alimentaire souvent, ou vers la dépression parfois.»

Serait ce encore le conflit entre le progrès et le conservatisme ?

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Jeudi 20 décembre 2018

« C’est trop cher ! »
Réflexions personnelles sur une addiction

Je sais comment conclure ce mot du jour, mais comment le commencer ?

Commençons par les impôts. Ils sont trop chers.

Ils grèvent le pouvoir d’achat, empêchent des investisseurs d’investir, les agents économiques dynamiques et nomades de toucher la juste rémunération de leurs mérites.

Les impôts paient le prix de la civilisation et du lien social de l’État providence, mais ils sont trop chers.

Les impôts servent aussi à payer des fonctionnaires, ils sont trop chers, ils sont trop nombreux.

Il y a trop d’enseignants, trop d’infirmières, trop de juges, trop de policiers… Il faut que cela coute moins cher.

Et les cotisations sociales, c’est comme les impôts ! Rare d’ailleurs sont ceux qui utilisent encore ce mot « cotisations sociales », on les appelle « des charges ». Un auditeur de France Inter, parlait de poids qu’on infligeait aux entreprises françaises dans la compétition mondiale, comme si on envoyait nos athlètes courir aux jeux olympiques avec une charge d’une dizaine de kilos sur les épaules. On ne peut pas gagner dans ces cas !

L’alimentation aussi, c’est trop cher. Je ne regarde pas la télévision et je n’écoute pas beaucoup les radios qui vivent grâce à la publicité. J’écoute, le samedi Europe 1 parce qu’il y a l’émission Mediapolis et pendant cette heure je reçois la dose extrême que je puisse supporter pour une semaine. Quasi tous les spots ont pour unique argument d’appel : c’est moins cher, décliné en promo, en offre spéciale etc. Ces publicités mettent en scène des couples qui hystérisent tel prix de 12 œufs ou d’un lot de pâtes, de cuisses de poulets ou encore d’un lot de 4 pneus. Enfin, n’importe quoi pourvu que le prix soit annoncé comme peu cher.

Jamais je n’entends une publicité qui vante la seule qualité du produit, c’est toujours le prix qui est déterminant.

Et les vêtements ? Les « fringues » comme on dit…

Jamais les conditions de fabrication ne sont évoquées…

Ah si ! Une fois lorsqu’une usine du Bengladesh à Dacca s’était effondrée, on l’avait appelé le drame du « Rana Plaza »

J’en avais fait un mot du jour : « Sommes-nous capables de regarder en face (la vie de) ceux qui nous permettent de consommer comme nous le faisons ? »

Les banques aussi sont trop chers… Il faut choisir des banques en ligne qui peuvent faire appel à des collaborateurs délocalisés qui eux aussi coûtent moins cher.

L’hôtel c’est trop cher. Il faut faire appel à des plateformes numériques qui poussent les hôtels à baisser leurs prix. Et voilà une branche d’activités qui ne peut pas vraiment être délocalisée : si vous allez dans un hôtel à Bordeaux, un salarié en Malaisie ne vous sera d’aucune utilité. Il peut être malaisien, mais il faut qu’il soit en France. Donc c’est une branche d’activité qui cherche des salariés pour faire le job et qui n’en trouve pas. C’est normal leurs salaires sont trop faibles. C’est bien sûr en raison de la rapacité des patrons. Oui, sans doute, mais c’est aussi parce il y a une forte pression sur les prix des chambres.

Et alors l’avion ? Mais enfin ! il faut absolument prendre les compagnies low cost. C’est moins cher. Vous savez que les salariés des compagnies low-cost doivent payer, sur leurs propres deniers, leur formation. Quand une compagnie low cost demande à un de ses pilotes qui habite en France de faire un vol Rome Los Angeles, c’est au pilote de payer son voyage à Rome et son hébergement avant le vol.

Le but n’est pas de multiplier à l’envie les exemples qui montrent toujours la même chose : la recherche du moins cher.

Que tous celles et ceux qui s’adonnent à cette quête quotidienne et obsessionnelle, ne soient point étonnés que le patron, le responsable, la société leur disent :

« Vous aussi vous coutez trop cher, vos salaires sont trop élevés. »

Car c’est bien cela la conclusion de toute cette addiction.

C’est cela que la mondialisation nous a offert : des produits et des services moins chers dans un monde ou peu à peu on nous fait comprendre que nous aussi, les classes moyennes des pays développés, sommes payés trop cher.

Il y là, quelque chose comme une «  dissonance cognitive. »

C’est-à-dire que nous ne voulons pas voir que le malheur que certains vivent et que d’autres craignent, à raison, pour leur futur, provient de notre appétence, notre manière de consommer, l’organisation de la production dans le monde.

Un joueur de football comme Lionel Messi pourra réclamer des sommes exorbitantes, tant que des millions de gens beaucoup plus modestes accepteront de payer des droits télés, acheter des produits chers eux car estampillés “Lionel Messi” et accessoirement quelquefois payer pour aller le voir jouer dans un stade.

Quelques autres emplois de niches ou particulièrement qualifiés et recherchés ou encore des investisseurs disposant d’une puissance financière suffisante pourront continuer à espérer une augmentation forte de leurs revenus.

Pour un salarié ou un entrepreneur de la classe moyenne normale ce sera beaucoup plus compliqué d’avoir des exigences de revenus. L’automatisation et la robotisation vont encore accentuer ce phénomène.

Des économistes savants vous expliqueraient que le fameux « pouvoir d’achat » dont parlent les « gilets jaunes » dépend de ce qu’on gagne mais aussi du prix de ce qu’on souhaite acheter. Et aussi un peu des taxes et prélèvements qui permettent une vie sociale plus harmonieuse et solidaire.

Récemment, Villeroy de Galhau, le directeur de la Banque de France était l’invité des matins de France Culture et expliquait doctement que le protectionnisme, le frein au libre-échange, bref l’arrêt de la mondialisation se paierait immédiatement par une diminution du pouvoir d’achat qui pénaliserait en premier les populations les plus modestes.

Et, il a raison.

Il y a un monde entre :

  • Le Fordisme où le patron disait : il faut que je paye à mes employés un salaire d’un niveau qui leur permette d’acheter les voitures (ou les produits) qu’ils fabriquent et que je vends ;
  • Et la situation actuelle, où l’essentiel est de maîtriser les salaires et les charges en local. Le pouvoir d’achat des salariés étant assurés par tous les produits qu’ils peuvent acheter moins cher parce qu’ils sont fabriqués ailleurs, dans des pays où les salariés sont moins payés et où le coût de la protection sociale n’obère pas les prix.

Un jour, j’étais encore au PS et nous manifestions à Lyon, je crois que c’était contre le contrat premier embauche que voulait mettre en place Dominique de Villepin. C’était pour payer moins les salariés français qui entraient sur le marché du travail, puisque le problème est qu’ils coutent trop chers. Et je me souviens d’un jeune couple qui manifestait avec 4 chaises, chacun en portant deux. Je trouvais ces accessoires baroques et je les interrogeais : « Mais pourquoi avez-vous ces chaises ? ». Et le jeune homme de me répondre avec un grand sourire :

« Avant de venir à la manifestation, nous avons vu un magasin qui vendait ces chaises à 5 euros, alors comme ce n’était vraiment pas cher, nous les avons achetés »

Comment peut-on vendre des chaises à 5 euros ? Qu’est-ce qu’il faut qui se passe en amont pour que, arrivés dans le magasin, le prix soit de 5 euros ?

Et puis, on va manifester pour que le salaire, en France, reste à un niveau acceptable ?

C’est cela la dissonance cognitive.

Bossuet écrivait : « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. »

Dans cette excellente émission « L’esprit Public » de ce dimanche, Daniel Cohen a cité Hannah Arendt (à 11:40) :

« Il faut accepter qu’on ait une société complexe. Or cette complexité n’est plus intelligible. Dans les sociétés traditionnelles que le monde industriel a portées, il y a des classes sociales, des ouvriers avec des syndicats, des ingénieurs avec leurs clubs d’ingénieurs. Tout ceci est assez visible et chacun sait qu’il a des ressources politiques, sociales, syndicales qui permettent d’exprimer une attente. Nous vivons dans un monde où tout cela est pulvérisé. [dans les années 30] Hannah Arendt disait dans son analyse de la montée du totalitarisme : on est passé d’une société de classe, où chacun comprend son intérêt et est capable de l’opposer à celui des autres, à une société de masse. Une société de masse ce sont des individus isolés qui n’ont plus la conscience collective de leurs souffrances individuelles. Ce mouvement a, autour des ronds-points, donné d’une certaine manière une dimension collective à la souffrance individuelle »

Une société de masse formée d’individus et pour être encore plus précis de consommateurs, n’a que faire des prélèvements publics, chacun préférera trouver sa propre assurance parfaitement adaptée à son profil et à ses revenus et pour le reste l’individu aimera trouver des biens et services au prix le moins cher.

Zygmunt Bauman appelle cette société d’individus et de consommateurs : « une société liquide » par opposition aux sociétés traditionnelles qui étaient des « sociétés solides »

Je ne dis pas qu’il existe une solution dans le système économique dans lequel nous vivons aujourd’hui.

Mais c’est une grande tromperie de le faire croire.

On pourra certainement avoir une société plus égalitaire mais elle sera indiscutablement plus pauvre en pouvoir d’achat.

Elle ne sera pas forcément moins désirable, mais cela induit de grands changements de comportement.

Et probablement que d’individus nous soyons à nouveau capable de faire société, peut-être plus totalement solide mais certainement un peu moins liquide.

Mais est-ce que le plus grand nombre le désire ?

Et est-il possible de faire cela dans un seul pays ?

J’ai peur que dans ce cas le reste du monde ressemble à Astérix et Obélix dans cet extrait « d’Astérix légionnaire » et que la France se trouve dans le rôle du centurion qui veut faire la pause..


Je ne dis pas que nous sommes entièrement responsables de ce qui arrive, mais nous y participons grandement quand nous oublions notre humanité, notre sociabilité, notre citoyenneté pour nous immerger dans notre seule condition de consommateur qui veut être servi tout de suite, à n’importe quelle heure, beaucoup et pour pas cher.

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Vendredi 1 juin 2018

« Your Money or Your Life
Votre vie ou votre argent»
Vicki Robin et Joe Dominguez

Claude Askolovitch a commencé sa revue de presse de France Inter du 18 mai 2018 par ces informations :

« Une rêverie de fin de semaine que la fatigue nous inspire avec ce titre dans Society, « Prends l’oseille et tire-toi ».
C’est le slogan de jeunes gens aux États-Unis, qui travaillent dans la « tech », et qui accumulent et économisent pour pouvoir arrêter le plus vite possible, comme Jeremy, ingénieur chez Microsoft, qui a tout compris de la vie en découvrant une île des philippines où il pouvait vivre, calculs faits, pour 8 000 dollars par an. Lui qui en gagnait 350 000, il a vendu sa grande maison et sa voiture, et travaillé d’arrache-pied. Dix ans plus tard, la quille, à 38 ans !
Mais il y a mieux. Emmy Pattee, qui est sortie du travail à 26 ans… Elle était dans la communication dans la Silicon Valley et se nourrissait de riz et de haricots dans sa chambre, dans la maison des parents de son copain… Mais elle est libre ?
Et c’est une tendance aux Amériques, plus encore un mouvement, avec son égérie, Vicki Robin, 72 ans, qui a cessé de travailler il y a un demi-siècle et vit de ses rentes.  Elle a investi ses sous dans la marijuana.
Mais  l’ennui guette nos jeunes retraités, et les statistiques sont implacables, prendre sa retraite avant 62 ans est mauvais pour l’espérance de vie. »

Pour en savoir un peu plus, je suis allé sur le site de <Society>, mais je n’ai pas trouvé l’article, ni même un extrait.

Heureusement, il existe le site Pressreader.

Et j’ai retrouvé l’article publié le 18 mai, par le magazine Society, il a pour titre « Riches à 30 ans »

Et on en apprend un peu plus sur ce fameux Jeremy Jacobson qui vit sur une île. Il déclare :

« Depuis la fin de l’université, je travaillais 60 heures par semaine minimum, recevais des mails jusque tard dans la nuit et mon téléphone sonnait constamment, même le week-end”, revit-il. Le prix à payer pour empocher ses 135 000 dollars annuels, primes non incluses. Et une somme désormais plutôt avantageuse pour tirer parti de ces vacances tant attendues. Les premiers jours, Jeremy enchaîne les cocktails tropicaux, les excursions et les “crevettes géantes”. Les jours suivants, il se lance palmes aux pieds dans d’interminables discussions sur le “sens de la vie” avec son moniteur de plongée. Et enfin, il décide qu’il ne veut plus rentrer chez lui. Il fait le calcul. Il ne lui faudrait que 8 000 dollars par an pour s’assurer une existence paisible sur cette île d’à peine dix kilomètres carrés. Encore mieux: selon les formules mathématiques couchées sur papier, il pourrait mener cette existence en n’ayant plus à travailler. “Je découvrais une nouvelle manière de vivre”, se souvient-il. Quelques mois plus tard, Jeremy vend sa grande maison en banlieue de Seattle, refourgue sa berline, s’installe dans un studio et ne se déplace plus qu’à vélo. Surtout, il travaille d’arrache-pied. En vue: une promotion rapide et encore plus d’argent sur son compte en banque. Cela arrive au milieu de l’année 2012. Jeremy fête ses 38 ans et envoie le message suivant à 4 000 destinataires, tous employés de Microsoft: “J’arrête tout. À bientôt.” “Tout le monde pensait que je partais en secret chez un concurrent. Mais non. J’étais enfin libre, pour toujours. »

Et il est alors question de Vicki Robin qui est américaine et née le 6 juillet 1945. Elle est auteure d’un best seller avec Joe Dominguez« Your Money or Your Life » donc «votre vie ou votre argent »

Et l’article de Society lui donne la parole :

«  la plateforme participative Reddit, plus de 400 000 personnes débattent quotidiennement depuis plus d’un an sur la manière de prendre leur retraite avant 40 ans, et même, pour beaucoup, avant 30 ans. Elles viennent de partout dans le monde, même si c’est très américain.” Pour communiquer, ces personnes se sont donné un nom: le mouvement “FIRE”, pour “Financial Independence Retire Early”. En clair, il s’agit de trouver le meilleur moyen de mettre assez d’argent de côté pour sortir du marché du travail, sans jamais avoir à y revenir. Tout ça le plus rapidement possible. »

Et ce magazine d’ajouter : «  À 72 ans, Vicki Robin est considérée comme la “Ève de Adam et Ève” de cette “sous-culture”, dont elle a établi les bases: se libérer de la société de consommation, ne plus être “victime d’un job qui vous aspire tout entier ni esclave du salaire ».

Et Vicki Robin d’ajouter :

« Personne ne veut se lever tous les matins pour aller s’asseoir dans un box au milieu d’un open space, se connecter sur un ordinateur et travailler à l’heure comme une personne louée pour une durée déterminée. Ce n’est pas une vie enrichissante, ça n’a même aucun sens de faire ça ! »

Cette dame n’agit donc plus ainsi depuis bientôt 50 ans. À la place, elle investit son argent dans la marijuana et quelques fermes locales depuis le ponton de sa maison perchée au-dessus du Puget Sound, dans l’état de Washington.

Et le magazine de donner d’autres exemples de jeunes qui cherchent à sortir le plus vite possible du marché du travail.

Je trouve le titre de l’article trompeur : « riche à trente ans ». Car finalement à l’aune de nos footballeurs vedettes ou même je pense des génies de la silicon valley, ces « aspirants retraités jeunes », donnés en exemple par l’article, ont des revenus très confortables mais pas mirobolants. Jérémy cité précédemment touche donc annuellement 135 000 dollars plus des primes, une autre personne citée « Emma Pattee » gagne 79 000 dollars annuels

Et Emma Pattee explique :

« L’époque n’a pas grand-chose à offrir à ma génération. Les robots feront bientôt le boulot à notre place, et comme l’a prouvé la crise de 2008, tout est trop fragile pour s’y adonner sérieusement. »

Et l’article de citer encore Russell Romney, 21 ans, fraîchement diplômé de l’université de l’idaho, actuellement ingénieur informatique, il considère que le niveau de bonheur ne fait que s’effondrer depuis des années, et peu importe le nombre de voitures possédées ou la rémunération. « C’est bien la preuve que le rêve américain, partagé par toutes les sociétés occidentales, est complètement absurde. Il n’aurait jamais dû être valide. » Alors pour Russell, c’est décidé : il mettra un terme à sa carrière professionnelle « à 35 ans maximum ».

Si je comprends bien et le livre de Vicki semble aller dans ce sens, il ne s’agit pas de devenir multi-milliardaire mais d’être très rigoureux sur ses dépenses, de chasser l’accessoire pour ne garder que le principal dans la consommation. Il vaut mieux commencer avec un petit pécule et puis ensuite on fait quelques investissements intelligents, des affaires comme la marijuana et le travail devient du passé.

Vicky Robin développe ces idées sur son site : <https://vickirobin.com/>

J’ai aussi trouvé un site canadien en langue française qui fait référence à Vicky Robin et qui a pris pour nom <modestmillionaires>.

L’exergue de ce site est « Atteindre l’indépendance financière avec la simplicité »

Une petite introduction sur la page d’accueil explique : «  Nous sommes de jeunes parents dans la début trentaine vivant au Québec et ce blogue documente notre cheminement simple vers l’indépendance financière d’ici 2025. »

Alors tout n’est pas simple pour ces personnes et c’est encore Vicki Robin qui analyse :

« Ces gens-là gagnent quatre ou cinq décennies de temps libre. Très bien. Mais très peu ont réfléchi à comment les occuper […] Ils sont heureux d’avoir hacké la société. Mais ils n’ont pas pensé au reste. »

Ainsi selon le magazine Society : Une fois leur pari remporté, beaucoup tombent en dépression. Une récente étude de l’université Cornell, aux États-unis, a même fait un lien entre retraite avancée et mort précoce. L’arrêt du travail en dessous de 62 ans augmenterait les risques de décès prématuré de presque 20%.

Emma Pattee:

« L’entourage de nombreuses personnes est lié à leur travail. Leur statut social vient de là, leurs activités aussi, leurs amitiés également. Une fois débarrassés de tout cela, certains se retrouvent face à l’ennui. Et l’être humain n’est pas fait pour être tout seul. »

La jeune femme l’avoue, d’ailleurs: depuis quelques mois, elle a l’impression d’avoir quelque peu “trahi” ses amis retraités. Et se sent comme “le vilain petit canard” de la bande. Qu’a-t-elle donc fait? Elle souffle, à voix basse: « Je ne supportais plus cette solitude, moi non plus. Alors j’ai repris un job, à mi-temps. »

Certains diront peut être : l’esprit de mai 68 souffle encore…

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Mercredi 28 mars 2018

« They’ll squash you like a bug »
« Ils vous écraseront comme un insecte »
Un ex salarié de Facebook, propos rapporté par le guardian

C’est le journal « Guardian » qui a publié cet article « They’ll squash you like a bug », « Ils vous écraseront comme un insecte » dans lequel il révèle comment les entreprises de la Silicon Valley font régner la loi du silence au sein de leurs salariés.

Marie Slavicek a traduit une partie de cet article dans Le Monde du 17 mars 2018 :

« Tables de ping pong, canapés moelleux, bars à smoothies… La plupart des géants de la tech rivalisent d’inventivité pour transformer leurs sièges sociaux en espaces de travail ultramodernes où il fait bon vivre. Le but : stimuler l’innovation en chouchoutant les employés. Voilà pour la façade. Mais derrière ce cadre idyllique se cache une culture du secret poussée à l’extrême. Et gare à ceux qui brisent la loi du silence.

Le récit et les témoignages [que rapportent le Guardian] sont glaçants.

Facebook a ainsi mis en place une équipe de « chasseurs de taupes ». « Ce qu’ils savent sur toi est terrifiant », affirme un ancien salarié sous couvert d’anonymat. Accusé d’avoir divulgué des informations anodines à la presse, ce dernier a été confronté à ce qu’il appelle « la police secrète de Mark Zuckerberg », le patron de l’entreprise. Ses employeurs savaient tout, dit-il : les enregistrements d’une capture d’écran qu’il avait prise, les liens sur lesquels il avait cliqué… Ils lui ont aussi expliqué qu’ils avaient eu accès à sa conversation par tchat avec le journaliste.

Officiellement, cette surveillance – et les menaces de poursuites judiciaires qui vont avec – sert à détecter et prévenir la violation des droits de propriété intellectuelle. Mais, dans les faits, elle sert aussi à empêcher les employés de parler librement en public, y compris de leurs conditions de travail.

Si Apple entretient avec ferveur le culte absolu du secret, à l’inverse, des entreprises comme Google et Facebook prétendent, elles, jouer la carte de la transparence avec leurs salariés. Ainsi, Mark Zuckerberg organise chaque semaine une réunion pour faire le point sur sa stratégie et parler de ses nouveaux projets devant des milliers d’employés. Mais cette confiance a un prix : trahissez-la, et « ils vous écraseront comme un insecte », résume l’ex-salarié à l’origine de fuites. […]

[Google] pousse ses employés à être le plus corporate possible et à agir selon la fameuse Google way – une devise, presque un mode de vie. La firme fait tout pour créer une sorte de « mentalité tribale » propre à l’entreprise et décourager les trahisons. Le silence des salariés peut aussi être récompensé par des primes annuelles. Mais surtout, comme le résume Justin Maxwell, un ancien de chez Google, « vous ne ferez jamais quelque chose qui bousillerait les chances de succès de l’entreprise parce que vous serez directement affecté ». Travailler chez Google, c’est aussi, en quelque sorte, faire partie d’un clan, d’une communauté. […]

D’après un ancien employé ayant travaillé au siège européen de Facebook, à Dublin, les équipes de sécurité laisseraient des « pièges à souris » – des clés USB contenant des données « oubliées » sur des bureaux pour tester la loyauté du personnel. La bonne attitude : la remettre immédiatement à la direction. La mauvaise attitude : la brancher à un ordinateur. La dernière option étant synonyme de licenciement immédiat.

« Tout le monde était paranoïaque », conclut-il. »

Peut-être que certains lecteurs trouveront normal cette manière de pratiquer, afin d’assurer l’intérêt supérieur de l’entreprise.

Pour ma part, je m’interroge, car ce dont il est question ici ce ne sont pas des secrets industriels, mais simplement une réputation, de pratiques souvent limites. Bref nous avons affaire à des paranoïaques, des apprentis dictateurs. D’ailleurs dans l’Histoire on nous a appris que tous les dictateurs ont été de grands paranoïaques, particulièrement Staline…

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Mercredi 21 février 2018

« Mais la réalité, c’est qu’on n’a jamais eu autant de temps et de très loin ! »
Jean Viard

L’hebdomadaire « Le Un » du 17 janvier qui pose la question de la nécessité de ralentir a donné la parole au sociologue Jean Viard qui a consacré beaucoup d’études et d’ouvrages au temps libre, notamment en 2015 <Le triomphe d’une utopie, la révolution des temps libres>

Trois mots du jour lui ont été consacrés jusqu’ici (13 avril 2015, 10 avril 2015, 4 septembre 2014).

Il a l’habitude de mesurer le temps de vie, le temps libre, le temps de travail en heures. C’est parfois déstabilisant, mais c’est très explicite.

A la question pourquoi parler en heures ? il répond :

« Si je [parle] en termes d’âge, vous allez imaginer de vieilles personnes chenues. 700 000 heures, c’est une quantité homogène à « consommer » ».

700 000 heures ? C’est l’espérance de vie moyenne en Europe aujourd’hui.

Contre 500 000 heures avant 1914. Aujourd’hui, une petite fille qui vient de naître devrait vivre 800 000 heures. On a gagné plus de dix ans d’espérance de vie depuis 1945, on en avait déjà gagné dix depuis le début du XXeme siècle.

Mais la question qui nous occupe est le manque de temps que nous ressentons parfois si intensément, de sorte que nous courrons tout le temps, que nous voulons tout faire très vite.

Alors quand on se penche réellement sur ce sujet avec l’aide de Jean Viard, nous nous heurtons à un paradoxe.

« Il y a un siècle on vivait 500 000 heures, on dormait 200 000 heures, un ouvrier ou un paysan travaillait 200 000 heures. Il restait 100 000 heures pour faire autre chose.

Nous, on vit 700 000 heures, on travaille environ 70 000 heures – une base de 42 ans de travail à 35 heures donne même 63 000 heures – et on fait environ 30 000 heures d’études. Résultat : après le sommeil, les études et le travail, il reste 400 000 heures pour faire autre chose.».

Je sais, dès ce moment d’écriture, que des lecteurs attentifs vont protester en remarquant que ce résultat de 400 000 heures est obtenu en laissant les heures de sommeil à 200 000 alors que le temps de vie a augmenté de 7/5 et qu’en principe le temps de sommeil devrait augmenter de 7/5. Mais non ! Nous dormons beaucoup moins que nos aïeux. Et 200 000 heures de sommeil pour 700 000 heures de vie, représente 7 heures de sommeil par jour, ce qui est bien la moyenne contemporaine admise.

Nous sommes donc passés de 100 000 heures à 400 000 heures de temps dont nous pouvons disposer et nous avons de moins en moins de temps !!!

Pourquoi ?

Jean Viard répond d’abord :

« Nous sommes entrés dans une société d’hyperconsommation du temps : l’offre de choses à faire augmente plus vite que celle du temps disponible qui est pourtant […] en rapide augmentation. On peut allumer 36 chaines de télévision, lire quantité de livres, prendre l’avion pour voyager partout et la pression d’Internet est constante…

Mais la réalité, c’est qu’on n’a jamais eu autant de temps et de très loin.»

L’article de Jean Viard est particulièrement intéressant je ne peux qu’en picorer quelques fulgurances comme ce constat qui me semble affligeant mais que lui positive :

« On s’est inventé de nouvelles contraintes. Souvent sous la pression des « marchands de temps libre ». La télévision, c’est 100 000 heures. Autant que le travail et les études. Depuis que la télé a été inventée, l’espérance de vie a été prolongée de 100 000 heures. Toute cette vie nouvelle, on la passe devant la télé. Or on nous dit que la télé tue le lien social : c’est faux. Elle ne prend pas sur le lien social, mais sur le cimetière. Et on est mieux devant la télé qu’au cimetière… »

A la question fondamentale : comment se manifeste la collision de la vitesse et du temps ? il répond :

« Il faut établir le lien entre la vitesse et la polyactivité : l’enjeu est d’aller plus vite et de faire plusieurs choses en même temps. Le phénomène de l’accélération est intéressant. […] La vitesse s’allie à la densité. Notre temps libre a acquis une densité comparable à celle de notre temps de travail. Si un enfant n’est pas occupé par trois activités en plus de l’école, on considère qu’il « va rater sa vie »…On empêche les enfants de s’ennuyer. Or les moments d’ennui font partie de ceux où l’on se met à réfléchir ! »

En plus de la télévision et aujourd’hui de tous les autres écrans les gens passent leur temps supplémentaire à de multiples activités :

« Des millions de français peignent, font de la musique, voyagent, jardinent, s’engagent dans une association, bricolent, voire construisent leur maison. A ne s’intéresser qu’à ce qui se vend, on oublie que l’autoproduction domestique est un enjeu majeur de qualité de vie. Voyez aussi tous ceux qui écrivent. En vérité, ils le font moins pour être publiés que pour reprendre le pouvoir sur leur propre temps.

Historiquement, le temps a appartenu à Dieu, puis au travail après 1789. Maintenant le temps est à nous.

[…] Comme le temps est à nous, nous n’acceptons plus de le perdre, […] que l’autre nous prenne ce qui nous appartient. […]

La société numérique relie les individus autonomisés et les reprend dans ses rets en les bombardant de messages, en recréant un sentiment d’urgence. On se croit sommé de répondre. C’est là qu’il faut savoir reprendre le pouvoir. Vivre en somme. »

Au terme de cette démonstration et de ces réflexions, nous n’avons aucune raison de douter que les humains que nous sommes, n’avons jamais eu autant de temps pour nous.

Et comme le disait Giono, cité hier : «  Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour »

Vivre et ralentir pour savourer davantage le goût de la vie qui nous est offerte.

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Lundi 19 février 2018

« D’abord, on devait s’écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute »
Emile Zola «Au Bonheur des dames»

J’avais consacré le mot du jour du 1er février aux émeutes qui avaient été provoquées par des promotions de 70% sur le Nutella.

Ces évènements ont été largement commentés.

Certains pour s’étonner qu’on fasse autant de bruits autour de cette expression du consumérisme exacerbé parce qu’il touche des classes très modestes, alors qu’on fait moins de cas quand il se passe à peu près la même chose pour acquérir le dernier iphone, le type de consommateur n’étant pas le même.

Mais c’est à nouveau Michel Serres qui a éclairé pour moi, de la manière la plus intelligente, ces évènements. Il l’a fait au cours d’une émission sur LCI animé par Pujadas : Débat Finkielkraut-Serres avec Pujadas

Et il a expliqué que ce n’était pas nouveau et que l’émeute était connue depuis bien longtemps comme une technique de vente particulièrement performante. Et pour le prouver il a fait appel à un des 20 romans de la série des Rougon-Macquart d’Emile Zola : « Au bonheur des dames »

« Au bonheur des dames » est un livre publié en 1883. Ce titre fait référence à un grand magasin parisien qu’Émile Zola a imaginé dans son livre en s’inspirant du célèbre magasin parisien « Au Bon Marché », situé 24 rue de Sèvres dans le 7ème arrondissement et qui avait été fondé en 1838 par Aristide Boucicaut.

Et c’est en se référant aux techniques de vente d’Aristide Boucicaut que Zola décrit son personnage de fiction : Le directeur du magasin « Au bonheur des dames » : Octave Mouret.

Au Bonheur des Dames Zola page 298 / 544 :

« La grande puissance était surtout la publicité. Mouret en arrivait à dépenser par an trois cent mille francs de catalogues, d’annonces et d’affiches. Pour sa mise en vente des nouveautés d’été, il avait lancé deux cent mille catalogues, dont cinquante mille à l’étranger, traduits dans toutes les langues. Maintenant, il les faisait illustrer de gravures, il les accompagnait même d’échantillons, collés sur les feuilles. C’était un débordement d’étalages, le Bonheur des Dames sautait aux yeux du monde entier, envahissait les murailles, les journaux, jusqu’aux rideaux des théâtres. Il professait que la femme est sans force contre la réclame, qu’elle finit fatalement par aller au bruit.

Du reste, il lui tendait des pièges plus savants, il l’analysait en grand moraliste. Ainsi, il avait découvert qu’elle ne résistait pas au bon marché, qu’elle achetait sans besoin, quand elle croyait conclure une affaire avantageuse ; et, sur cette observation, il basait son système des diminutions de prix, il baissait progressivement les articles non vendus, préférant les vendre à perte, fidèle au principe du renouvellement rapide des marchandises. Puis, il avait pénétré plus avant encore dans le cœur de la femme, il venait d’imaginer « les rendus », un chef d’œuvre de séduction jésuitique. « Prenez toujours, madame : vous nous rendrez l’article, s’il cesse de vous plaire. »

Et la femme, qui résistait, trouvait là une dernière excuse, la possibilité de revenir sur une folie : elle prenait, la conscience en règle. Maintenant, les rendus et la baisse des prix entraient dans le fonctionnement classique du nouveau commerce.

Mais où Mouret se révélait comme un maître sans rival, c’était dans l’aménagement intérieur des magasins. Il posait en loi que pas un coin du Bonheur des Dames ne devait rester désert ; partout, il exigeait du bruit, de la foule, de la vie ; car la vie, disait-il, attire la vie, enfant e et pullule. De cette loi, il tirait toutes sortes d’applications.

D’abord, on devait s’écraser pour entrer, il fallait que, de la rue, on crût à une émeute ; et il obtenait cet écrasement, en mettant sous la porte les soldes, des casiers et des corbeilles débordant d’articles à vil prix ; si bien que le menu peuple s’amassait, barrait le seuil, faisait penser que les magasins craquaient de monde, lorsque souvent ils n’étaient qu’à demi pleins.

Ensuite, le long des galeries, il avait l’art de dissimuler les rayons qui chômaient, par exemple les châles en été et les indiennes en hiver ; il les entourait de rayons vivants, les noyait dans du vacarme.

Lui seul avait encore imaginé de placer au deuxième étage les comptoirs des tapis et des meubles, des comptoirs où les clientes étaient plus rares, et dont la présence au rez-de-chaussée aurait creusé des trous vides et froids. S’il en avait découvert le moyen, il aurait fait passer la rue au travers de sa maison.  »

Dès cette époque, il était clair que l’émeute constituait une technique permettant d’attirer les clients et de vendre davantage.

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Jeudi 1 février 2018

« Les bagarres du Nutella »
Synthèse des réactions et réflexions personnelles sur ces faits divers

Et voici donc que des gens a priori « normaux » viennent à créer une émeute et se bagarrent dans des intermarchés, parce que ces derniers ont décidé de faire une <promotion sur le Nutella>.

La promotion était importante, il s’agissait d’une réduction de 70 %, ce qui mettait le pot de 950 grammes à 1,41 euro au lieu de 4,70 euros.

Certains affirment que parmi eux il y avait des professionnels de la restauration qui voulaient acquérir cette pâte à peu de frais.

Immédiatement les réseaux sociaux se sont déchainés pour se moquer de « ces abrutis » ou « cassoc » qui se battaient pour du Nutella.

Assez vite Jean-Luc Mélenchon s’est insurgé contre ces réactions de moqueries contre « des personnes très modestes » qui voulaient profiter d’une bonne affaire. « Quand l’émeute montre la misère, l’idiot regarde le #Nutella », a-t-il dit, dénonçant ainsi la misère dans laquelle vivaient ces personnes.

Une employée d’un Intermarché de ma ville natale, Forbach, a décrit à l’AFP :

« Les gens se sont rués dessus, ils ont tout bousculé, ils en ont cassé. C’était l’orgie ! »

Ceci me fait aussi penser à <La fermeture du Virgin Megastore de Lyon> en 2013 qui avait conduit à des soldes énormes et des comportements indignes de la part de certains acheteurs. Des vendeurs qui allaient perdre leur travail étaient confrontés à des personnes ayant perdu tout savoir vivre dans leur recherche de produits à prix bas.

Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert rejoint l’explication de Jean-Luc Melenchon. Il a déclaré dimanche 28 janvier sur BFMTV :

« Ce sont des gens qui vivent de peu, ce sont des gens qui se ruent sur une pâte à tartiner qu’ils ne peuvent pas offrir à leurs enfants »

Le Parisien ne dit pas autre chose

«Samedi, à l’Intermarché Beauvais-nord (Oise), sous un ciel sans couleur, le calme est revenu. Mais les scènes de cohue, provoquées par une promotion à -70% sur le Nutella, font honte aux habitants. Chacun s’interroge : comment un pot de 950 grammes à 4,70€, soldé 1,41€ du 25 au 27 janvier, a pu créer une telle bousculade au sein des rayons ? « Bêtise », « cinglés », « sauvages ». Les insultes pleuvent. Mais, très vite, certains chuchotent un autre mot « précarité ». Comme si cette guerre pour 3€ n’était que la photographie d’une détresse sociale, que l’on préfère ignorer.»

Pierre Rondeau, Professeur d’économie développe une analyse plus nuancée : ce n’est pas la misère qui pousse à de tels comportements, mais la peur d’y entrer . Son article a été publié par Slate :

« Ce ne sont donc pas les inégalités ou la grande précarité qui expliquent les heurts violents, la destruction de la solidarité et la fragilisation de la cohésion sociale, puisque ces causes semblent disparaître depuis une trentaine d’années. Le problème est plus complexe: c’est le sentiment d’insécurité économique, la peur du déclassement et la croissance de la méfiance collective qui semblent expliquer ces comportements.

Nous en venons à nous jeter sur les promotions pas forcément parce que nous sommes pauvres mais parce que nous avons le sentiment que cela pourrait nous arriver. Le sociologue Eric Maurin expliquait déjà ce phénomène dans son livre « La peur du déclassement », en 2009:

[…] Et certains en viennent alors à se battre pour du Nutella … »

Un autre angle d’analyse rapporte le propos d’un employé d’un Intermarché à Revigny-sur-Ornain (Meuse) :

« A – 70%, c’est un pousse-au-crime et on casse l’échelle de valeur. Le client se dit que si le pot de Nutella peut être vendu à – 70%, c’est que le reste de l’année, on marge énormément, alors qu’il est vendu à marge zéro toute l’année… ».

D’ailleurs l’administration et <Le journal Libération posent la question si le rabais de 70% était légal> :

En droit français, la vente à perte (c’est-à-dire le fait de vendre un produit à un prix moins cher que celui auquel on l’a obtenu) est interdite Soit Intermarché achète son Nutella pour un prix inférieur ou égal à 1,41 euro… ce qui implique que le supermarché se fait une belle marge de 233% en vendant les pots de 950 g à 4,70 euros en temps normal. Soit Intermarché achète son Nutella à Ferrero pour un prix supérieur à 1,41 euro et il aurait alors pratiqué de la vente à perte avec sa promotion

L’article cependant nuance, il existe des exceptions qui autorisent la vente à perte. Dans le cas qui nous occupe, ce serait possible si cette vente correspond à des soldes, ce qui est permis pour des produits alimentaires

Un autre point de vue s’exprime par « des dentistes et des médecins » qui rappellent à juste titre que désormais les autorités publiques sont convaincus de la nocivité de la trop grande consommation de sucre et s’étonnent qu’on tolère de tels agissements :

« De quoi aurait l’air la campagne anti-tabac actuellement menée si demain des bureaux de tabac pouvaient faire une réduction de 70% sur un simple coup de tête?”, s’interroge l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) dans un communiqué.

Les futurs dentistes ou chirurgiens interpellent le groupe Intermarché, à l’origine de cette opération, ainsi que les autorités, pour “entamer une réflexion sur la taxation des produits sucrés”, après l’instauration d’une taxe soda sous la présidence de Nicolas Sarkozy »

Les goûts et couleurs ne se discutent pas. Ma fille Natacha affirme que le Nutella a très bon goût.

Peut-être, mais ce n’est certainement pas bon pour la santé

Cet article nous apprend que la composition du Nutella diffère d’un pays à l’autre, Ferrero tenant compte des préférences exprimées en fonction des régions et des législations en vigueur concernant le chocolat. En France, le Nutella est d’abord composé de sucres (>50 %) puis d’huile végétale, c’est-à-dire d’huile de palme (17 %). Viennent ensuite les noisettes (13 %), le cacao maigre (7,4 %), le lait écrémé en poudre (6,6 %), puis le lactosérum en poudre.

Enfin, on retrouve dans le Nutella des émulsifiants : des lécithines de soja et de la vanilline.

Bref, surtout du sucre, beaucoup de gras, un peu de noisettes et encore moins de cacao.

J’ai trouvé cette illustration qui essaye de représenter la composition du Nutella de manière encore plus explicite.

Enfin plus récemment il est apparu qu’en outre le Nutella contenait du phtalate DEHP qui est une substance chimique qui permet d’augmenter la flexibilité des matières plastiques. Les phtalates sont des perturbateurs hormonaux qui provoquent des dérèglements induisant notamment la stérilité chez l’homme. Il est estimé que, dans les pays industrialisés, un homme produit deux fois moins de spermatozoïdes que n’en produisait son grand père au même âge. Les phtalates sont également soupçonnés d’être cancérigènes. En 2008, après avoir fait une étude sur le développement de testicules in vitro, l’INSERM a affirmé que les phtalates étaient “délétères pour la mise en place du potentiel reproducteur masculin dans l’espèce humaine”.

La Croix nous apprend qu’avec 26% de la consommation mondiale La France est championne du monde de la consommation de Nutella>. Je ne suis pas certain que nous devons nous enorgueillir de ce titre.

Pour ma part je crois, même si les arguments développés ci-avant peuvent présenter quelques intérêts, le problème que cela pose est avant tout notre enfermement dans le consumérisme.

Le consumérisme est très présent dans les mille premiers mots du jour.

Et le mot du jour du 4 avril 2017 s’efforçait d’en faire une synthèse. Mais le mot qui est allé le plus loin dans la dénonciation de cette pulsion incontrôlée est certainement la phrase du philosophe allemande Peter Sloterdijke :

«La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. »

Nul besoin de nous enchainer pour que nous perdions notre liberté. Il suffit que la publicité et le comportement des autres nous fassent croire que c’est par notre consommation que nous sommes reconnus par nos pairs. Il y a même des messages subliminaux qui veulent nous faire croire que la consommation rend heureux.

Le mot du jour du 14 avril 2014 citait Annie Arnaux : «Je suis de plus en plus sûr que la docilité des consommateurs est sans limite.». Car bien entendu, le Nutella n’est pas indispensable à notre alimentation. Il n’est même pas bon pour la santé. Ce n’est donc pas un besoin vital qui pousse les gens à vouloir l’acheter. Ce sont d’autres mécanismes qui sont à l’œuvre : l’image du plaisir, le prestige de la marque, une publicité alléchante, une once de luxe par rapport à d’autres pâtes à tartiner moins prestigieuses (et probablement pas meilleurs pour la santé) et notre formidable addiction au sucre que des décennies de pratiques des professionnels de l’alimentaire ont su développer.

 

Au fait, Intermarché vient de récidiver avec des promotions sur les couches culottes pampers qui semblent aussi avoir déclenché des désordres.

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Jeudi 11 février 2016

Jeudi 11 février 2016
«Derrière la polémique sur les 35 heures, les heures supplémentaires»
Les 35 heures sont à nouveau sur la sellette.
Mais enfin de quoi parle-t-on en réalité ?
L’histoire de l’économie est une histoire de l’amélioration de la productivité. Ce qui signifie qu’on produit davantage en moins de temps.
Par ailleurs le chômage est énorme et si certains pays parviennent, mieux que la France, à s’en sortir c’est parce qu’ils multiplient les jobs précaires avec peu d’heures de travail. Peut-être faut-il aller dans leur sens, mais le problème n’est pas la durée du travail.
Daniel Cohen l’a souligné, la révolution numérique actuelle ne crée pas d’emplois. Certains croyants disent : «toutes les révolutions industrielles ont supprimé massivement des jobs, mais en contrepartie ont créé de meilleurs jobs en plus grand nombre. Il suffit d’attendre que la révolution numérique donne toute sa mesure.»
En attendant d’autres, comme le rappelle Brice Couturier, «estiment que la moitié des métiers actuels auront disparu dans 20 ans. Le World Economic Forum est d’une précision diabolique : d’ici 2020, la 4°révolution industrielle aura créé 2 millions d’emplois dans les pays industrialisés, mais elle en aura détruit 7 millions….»
Cette discussion sur la durée du travail est des 35 heures est un leurre, un trompe l’œil.
Barbara Romagnon explique : «La meilleure preuve en est que la durée moyenne des temps pleins en France est supérieure à 39 heures, selon l’Insee. L’employeur peut faire travailler davantage ses salariés, à la seule condition de respecter la législation européenne qui fixe la limite de temps de travail hebdomadaire à 44 heures (ou 48 heures sur un cycle court). Les lois sur les 35 heures ont aussi ouvert la voie aux « forfaits jours  » et à l’annualisation qui permettent de moduler le temps de travail sur l’année. Un salarié peut faire 40 heures une semaine et 30 heures la semaine suivante sans que le patron ait à payer les 5 heures supplémentaires de la première semaine.»
Les 35 heures, c’est le seuil à partir duquel, se déclenche les heures supplémentaires qui sont payés en plus et plus cher ! Voilà le nœud !
Ce dont il est question, ce n’est pas la durée de travail,  c’est le prix du travail pour les employeurs, ce qui correspond au revenu des salariés.
Pendant un certain temps on nous a amusé avec les charges sociales qu’il fallait réduire à tout prix.
Mais maintenant on va davantage à l’os : la somme d’argent qu’on paye à un salarié en contrepartie de son travail.
Nous, je, vous sommes trop payés en moyenne dans un monde globalisé avec des frontières ouvertes.
C’est de cela qu’il est question !
Sachant bien que tout le monde n’est pas trop payé, il en existe qui ont encore des marges de manœuvres !
C’est plus compliqué puisqu’il y a d’abord eu une diminution de 1 300 000 à 800 000 parce que c’était prévu dans le contrat pour sa dernière année de contrat et parce qu’il commençait à se faire vieux. En résumé et après négociation son salaire est passé de 1,3 M à 1,5M.
Lui il n’est pas trop payé. Évidemment si vous essayez de raisonner par la morale, vous pouvez trouver cela exagéré. Mais du point de vue économique cela se comprend. Il y a des milliers de “moutons”, pardon de “supporters” qui acceptent de payer des billets d’entrée dans les stades où il joue, d’acheter des maillots et d’autres colifichets à son nom, de s’abonner à des télés payantes pour regarder les matches auxquels il participe. C’est un salarié qui a un peu plus de moyens que d’autres pour se défendre devant ses employeurs et demander une redistribution des gains un peu plus avantageuse pour lui.
Mais en moyenne, nous, quasi tous les autres nous sommes trop payés !
Voilà ce qui est sous-jacent à ce débat interminable sur les 35 heures.
Nous pouvons accuser les autres, les capitalistes qui ont délocalisé pour mieux nous contraindre. L’Europe qui nous a soumis à cette superbe injonction de la concurrence libre et non faussée ! Le numérique et internet qui rend encore davantage possible la dérégulation.
Mais nous sommes aussi en partie responsables. Notre goût délétère de toujours chercher le prix le moins cher.
Vous comprenez cela ! «Moi je veux être payé cher pour ce que je produits, mais je veux acheter le moins cher possible !»
Petit exemple un salarié de la Fnac qui disait à l’époque : «c’est terrible, les gens viennent à la Fnac demander conseil puis il rentre chez eux et vont acheter le produit conseillé sur internet chez un concurrent qui n’a pas nos conseils».
Depuis la Fnac s’est adapté, elle n’a plus beaucoup de salariés très compétents et qu’il faut payer très cher !
Mais ce que nous pouvons aujourd’hui comprendre c’est qu’une partie de nous est ce client qui veut moins cher et qu’une partie de nous est ce salarié qui a des compétences et des prétentions à être payé plus cher.
En réalité nous sommes chacun 1/3 de producteur 1/3 de consommateur et 1/3 d’être social. Ce dernier tiers correspondant à celui qui contribue à l’Etat providence et qui bénéficie aussi de l’Etat providence.
C’est à ce dilemme que Jean-Paul Delevoye, le dernier Médiateur de la République, apportait cette évidence : « L’économie est mondiale mais le social est local !»
Eh bien nous avons accepté, comme une évidence, que celui qui devait être privilégié dans notre être œconomicus c’était le 1/3 consommateur.
Probablement qu’individuellement nous ne pouvions rien faire devant ce phénomène de masse.
Mais il faut comprendre que la responsabilité de tout cela n’est pas totalement extérieure à nous.
Peut-être quand même devrions nous nous interroger sur nos comportements de consommation pour que le phénomène soit mieux maîtrisé.
Prenons un 1/3 de dentiste consommateur, il voudra voyager et au meilleur prix !
Il ne va quand même pas prendre Air France où le 1/3 producteur de pilote a beaucoup trop davantage et est beaucoup trop payé !
Il est vrai que chez Ryanair le 1/3 producteur de pilote est beaucoup mieux maîtrisé financièrement.
Mais dans ce raisonnement, il faut comprendre que le 1/3 de dentiste producteur est beaucoup trop payé par rapport à la concurrence mondiale.

Il ne s’étonnera pas que le 1/3 de pilote d’avion consommateur cherchera un dentiste dont le 1/3 producteur est moins cher !

<Pour illustrer mon propos vous pouvez écouter Sofia Lichani qui était hôtesse de l’air chez Ryanair, elle en a écrit un livre>. Dans cette entreprise, c’est l’employé qui paye sa formation initiale réalisée par son entreprise.

Pour les dentistes, si on fait une recherche sur internet on voit l’émergence de cabinets de dentiste low cost, l’uberisation est proche ?
Aujourd’hui on pourrait aussi penser aux agriculteurs dont le 1/3 producteur pour beaucoup n’est vraiment plus payé convenablement…
Je vous laisse à cette réflexion bien loin de l’idée que nous ne travaillons pas assez !
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Mercredi 20 Janvier 2016

Mercredi 20 Janvier 2016
« La consommation ostentatoire »
Thorstein Veblen (1857 – 1929) économiste et sociologue américain
Les soldes !
Les soldes d’hiver 2016 ont été lancées le 6 janvier dernier.
Et on voit des grappes de personnes s’agglutiner dans des magasins, surtout des magasins de vêtements et être entraînées dans une fièvre consommatrice compulsive.
Mais qu’est-ce qui pousse tous ces gens à acheter, à consommer bien au-delà de leurs besoins ?
Thierry Brugvin a dirigé l’ouvrage “Être humain en système capitaliste ? Psychosociologie du néolibéralisme” paru en septembre 2015.
Il prend appui sur ce concept de « consommation ostentatoire » de Thorstein Veblen
Wikipedia nous apprend que : Le concept de consommation ostentatoire est la traduction française de l’expression anglaise « Conspicuous consumption », forgée par le sociologue et économiste américain Thorstein Veblen et exposée pour la première fois en 1899 dans son ouvrage Théorie de la classe de loisir. Dans cette étude des classes supérieures, de la très haute bourgeoisie aux USA, Veblen note que celle-ci gaspille temps et biens. Lorsqu’elle favorise dans la vie le loisir, elle gaspille du temps, et lorsqu’elle consomme de manière ostentatoire, elle gaspille des biens.
La consommation est statutaire, elle sert à celui qui en fait un « usage ostentatoire » à indiquer un statut social.
Thierry Brugvin explique :
« Le besoin de consommer et de posséder compense la peur de ne pas être reconnu et d’être faible. Le marketing capitaliste vise à inciter à la consommation infinie et repose sur plusieurs besoins et peurs de nature psychologique.
Le sociologue Thorstein Veblen qualifie de “consommation ostentatoire”, c’est-à-dire l’acte de consommer pour se sentir exister par le regard des autres, qu’on imagine envieux et admiratif.
[…]
Le besoin de possession et d’accumulation est quasiment illimité chez certains milliardaires, qui accumulent plus qu’ils ne pourront jamais consommer ou dépenser. Car, le ressort profond de leurs besoins réside sur un besoin de puissance. Le niveau de leur consommation devient un indicateur de réussite.
L’autre aspect du besoin névrotique de possession consiste à se sécuriser, face à la peur de manquer au plan affectif et matériel. La sécurité matérielle relève des besoins essentiels physiologiques (de se nourrir et de se loger), mais aussi de posséder des technologies puissantes et multiples. Ces dernières visent à être en capacité de faire face à tous les besoins et problèmes éventuels, grâce à des instruments, à la technologie (automobile, ordinateur, outillage), mais aussi le besoin névrotique de connaissance. […]
Le besoin de consommer relève aussi d’un besoin de possession affectif et non pas seulement matériel. Le fait de consommer (de la nourriture, des vêtements, des voyages, de la culture…) s’avère nécessaire à la vie et à l’épanouissement de l’être humain. Mais à l’excès, cela manifeste le besoin de compenser une carence affective. Il s’agit à nouveau de la peur de ne pas être aimée suffisamment.
Plus le consommateur se nourrit, plus il se donne de l’amour par ce qu’il ingurgite, plus il compense alors sa peur de ne pas être aimé. C’est un comportement analogue aux boulimiques, mais eux à un degré extrême. […]
Le besoin de consommer s’alimente de la peur de manquer et de ne pas être reconnu.  […] »
Et il finit par cette réflexion toute empreinte de simplicité épicurienne :
« Le détachement et l’acceptation vis-à-vis de ces peurs névrotiques permettent aux individus de retrouver une sécurité psychologique intérieure et finalement de se recréer de vraies valeurs, telles celles d’être heureux dans et par la sobriété. »
J’entends de façon prémonitoire des réactions offusquées.
Que cette réflexion psychologique puisse s’appliquer aux milliardaires qui accumulent des biens et des finances qui dépassent de très loin leur capacité d’utilisation et  de jouissance peut être entendu.
Mais rapprocher cette réflexion des soldes n’est pas sérieux !
Du point de vue de la micro-économie, il s’agit d’une attitude pertinente pour le client d’attendre les meilleurs prix pour acheter et parallèlement les commerçants ont besoin de ces périodes pour leur chiffre d’affaire.
Du point de vue de la macro économie, il faut bien penser à la croissance du PIB et un emballement de la consommation ne peut qu’être bénéfique pour ce carburant nécessaire à l’emploi et aux performances économiques.
Certes !
Le mot du jour n’a aucune vocation de prêcher une morale mais simplement poser des questions auquel il appartient à chacun, s’il le souhaite, de répondre pour sa part.
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