Lundi 24 septembre 2018

« Les fulgurés d’Azerailles »
Des personnes unis à vie par quelques millisecondes d’électricité tombée du ciel.

Je suppose que comme moi vous ignoriez jusqu’à l’existence d’Azerailles, petit village de Meurthe et Moselle de 800 habitants, proche de la cité du cristal : Baccarat.

Et si vous n’avez pas entendu parler d’Azerailles, vous n’avez pas non plus souvenir de ce qui s’est passé dans cette commune le 2 septembre 2017.

C’est la revue de Presse de Bernard Pommier du 22 septembre 2018 qui en évoquant un article du Monde m’a fait connaître ce village et l’histoire qui intéresse la science.

Ce samedi-là, pourtant, rien n’annonçait le drame. C’était il y a un an, et le soleil brillait sur Azerailles. Ce samedi-là, se déroulait un festival champêtre : de la musique, des balades le long de la rivière, des ateliers pour découvrir les plantes sauvages…

Mais, vers 16 heures, la pluie se met à tomber dru. Tout le monde fonce sous la tente. Un énorme bruit retentit. Un enfant crie, un autre pleure et plusieurs personnes tombent à terre, inanimées. Un responsable pense qu’il s’agit d’un attentat. Au pied d’un aulne, la broussaille, subitement, prend feu.

Un pompier du village téléphone à son supérieur :

« Francis, c’est la guerre, on a plusieurs blessés ! »

Mais non, ce n’est pas la guerre, et pas non plus un attentat.

C’est la foudre qui vient de tomber sur Azerailles. Et l’on compte une vingtaine de « fulgurés »…

Car « Fulguré », c’est le terme qu’on emploie pour désigner une personne qui a survécu après avoir été frappé par la foudre. Les « foudroyés » meurent, les « fulgurés »  survivent

A Azerailles, il n’y a pas eu de foudroyés, mais il y a eu une vingtaine de fulgurés.

C’est donc un article du Monde du 21/09/2018 qui parle de cet évènement et de sa suite : « Les miraculés d’Azerailles, unis par la foudre qui ne les a pas tués »

Car le Monde raconte que la vingtaine de personnes frappées simultanément par la foudre le 2 septembre 2017 en Meurthe-et-Moselle sont un groupe uni et un échantillon précieux pour la recherche.

Après que la foudre soit tombée une soixantaine de pompiers et une trentaine de gendarmes arrivent sur les lieux du drame et l’article nous décrit la suite :

«  Une zone d’atterrissage pour hélicoptère est même improvisée en cas de besoin.

Au total, quatorze blessés, dont deux graves, sont évacués vers les hôpitaux de Lunéville, Saint-Dié et Nancy. Les concerts du soir sont annulés. Par un miracle que nul n’explique, la mort, qui faisait ce jour-là plusieurs millions de volts, n’a emporté personne.

Un an plus tard, les rescapés du 2 septembre forment un groupe unique, fascinant et mystérieux. Ils sont une vingtaine, en comptant ceux qui n’ont pas été hospitalisés. On les appelle des fulgurés. […]

Certains souffrent encore de séquelles importantes. D’autres se portent bien. Beaucoup expliquent devoir leur vie à leur nombre. C’est la thèse d’Herbert Ernst, correspondant local de L’Est républicain, fulguré en plein reportage.

« S’il n’y a pas eu de macchabée, pense-t-il, c’est parce que nous nous sommes partagé la décharge. Cette explication n’est peut-être pas vraie, mais je m’en fiche, c’est notre ciment. Quand on se retrouve, c’est difficile à expliquer, c’est comme faire un plein d’émotion. »

[…]

En un an, ils se sont réunis trois fois. Liés à jamais, les fulgurés d’Azerailles suscitent aussi un fort intérêt scientifique. Pour la première fois en France, un médecin peut observer sur un large groupe les effets de l’électricité naturelle, mal connus. Dans un contexte de changement climatique et de multiplication des orages, l’enjeu est particulièrement intéressant. »

Et le Monde raconte les séquelles et conséquences de ce coup de foudre sur plusieurs fulgurés.

L’histoire de Raphaëlle Manceau m’a le plus impressionné :

« De son côté, Raphaëlle Manceau n’était guère mieux lotie. Dans sa grande maison de rondins, au milieu des épicéas et des bouleaux, à Saint-Dié, dans les Vosges, elle explique avoir dû changer son rythme de femme suractive.

Professeure des écoles, elle est en arrêt longue maladie. Elle, ce ne sont pas ses jambes mais son cerveau qui a été touché. Lors du coup de foudre, elle a perdu connaissance. Les semaines suivantes, elle a souffert de forte fatigue et de maux « insupportables » à la tête et aux pieds, zones de passage de la décharge.

« La foudre est sortie par cinq points sur un pied, et sept sur l’autre, témoigne-t-elle devant un sirop de menthe maison. Ça faisait des taches noires, comme des verrues. » Chose étonnante, elle a bénéficié de capacités augmentées.

Raphaëlle Manceau est, avec Jocelyne Chapelle, qui est devenue son amie et confidente, l’une des victimes les plus touchées. Durant le mois qui a suivi l’impact, elle semble avoir présenté les symptômes d’une hyperactivité cérébrale.

« Je faisais des multiplications de trois chiffres par trois chiffres, en même temps je fredonnais des airs et pensais à l’organisation du quotidien », se souvient-elle. Mais ses « superpouvoirs » ont duré à peine plus d’un mois.

Elle a également changé de comportement. Déjà très sociable et enjouée, elle abordait des inconnus dans la rue pour un brin de causette, « attirée comme un aimant ». Puis, au bout d’un mois et d’un jour, elle a perdu la parole. Elle ne trouvait plus ses mots, s’exprimait de façon très lente.

Spécialiste des enfants en difficulté, elle a découvert qu’elle aussi était devenue dysgraphique, dysorthographique, dyspraxique (soucis de coordination)… Elle a alors multiplié les séances de kiné et d’orthophonie puis, au bout de trois mois, a commencé à mieux parler.

Aujourd’hui, c’est quasiment parfait. Mais, surprise, elle a attrapé l’accent alsacien. Elle a certes habité quelques années de l’autre côté des Vosges, mais certifie que jamais elle ne s’est exprimée ainsi. « Selon l’orthophoniste, ça me permet de faire traîner certaines syllabes et de réfléchir aux mots que je dois utiliser. »

Elle a beaucoup de mal à apprendre par cœur. En revanche, elle retrouve des souvenirs d’enfance oubliés. Enfin, elle souffre d’acouphènes et de fatigue intense. Parfois, en revenant de courses, elle doit se garer en urgence sur le bord de la route et dort… trois heures. « J’ai fini par accepter de ne plus être tout à fait moi », glisse-t-elle. »

D’autres racontent aussi des conséquences étonnantes et déstabilisantes.

Cet article nous apprend aussi qu’un coup de foudre c’est 30 000 degrés.

Plusieurs fulgurés souffrent toujours de stress post-traumatique.

Et l’article nous apprend que beaucoup d’entre eux cherchent un sens à l’histoire : pourquoi moi, pourquoi ce sursis, quel est le message ? Consciemment ou non, personne n’échappe à la mythologie de la foudre.

Les Médecins s’intéressent à ce groupe de fulgurés :

« Angoissés ou sereins, avec ou sans séquelles, toutes les victimes ont accepté de devenir des cobayes, au nom du progrès de la science. Interne en médecine aux urgences d’Aurillac, Rémi Foussat lancera un protocole de recherche d’ici à la fin de l’année. Juste après avoir passé sa thèse sur les troubles neurologiques chez les fulgurés.

En France, la foudre touche une petite centaine de personnes par an, recensées par le SAMU, et « de 200 à 500 personnes en tout, selon des estimations floues », dit-il. Parmi elles, de 10 % à 15 % décèdent. Avec le chef des urgences d’Aurillac, Laurent Caumon, il compte d’ailleurs créer un réseau régional de recensement des victimes de la foudre.

Mais les fulgurations collectives, qui permettent de comprendre les variantes entre individus, sont rarissimes. « Les troubles du groupe d’Azerailles sont assez représentatifs, constate l’interne. Ils sont de trois types : transitoires, prolongés et retardés. Ces derniers se déclenchent trois semaines à six mois après l’accident. Au bout d’un an, il y a donc peu de risque que de nouveaux troubles apparaissent. » Anne Chrisment devrait être rassurée.

« Nous avons une connaissance nulle de la façon dont passe le courant sur un organisme vivant. » Marie-Agnès Courty, géologue au CNRS

Il a été bien plus étonné par l’hyperactivité cérébrale de deux victimes, « symptôme très rarement décrit ». Quant à la thèse du partage de la décharge qui aurait sauvé tout le monde, il ne la retient pas : « Trop simpliste, juge-t-il. Le coup de foudre est si puissant que le diviser ne change pas grand-chose. » Mais il n’a pas d’explication.

Rémi Foussat va traquer chez ces survivants des marqueurs invisibles de la foudre. Il va tenter de déceler dans leur corps des nanocomposites, soit un assemblage de nanoparticules métalliques, végétales ou cristallines. Grâce à cette mise en évidence, il espère mieux comprendre les lésions d’un courant électrique sur les nerfs, afin d’expliquer, entre autres, les troubles retardés.

En France, la spécialiste du sujet s’appelle Marie-Agnès Courty. Géologue au CNRS à Perpignan, elle a découvert que les nanocomposites permettent de tracer les effets du passage d’un courant électrique sur un organisme vivant, un sol ou tous types de surfaces.

« Une fulguration entraîne la production considérable de nanocomposites sur le moment et dans les mois qui suivent, expose-t-elle. L’étude de Rémi Foussat représente un enjeu important car nous avons une connaissance nulle de la façon dont passe le courant sur un organisme vivant. »

La science pourra donc probablement progresser grâce aux fulgurés d’Azerailles. Mais il s’agit quand même, si on comprend bien ce qui s’est passé, de ce que l’on appelle dans notre compréhension d’une sorte de miracle.

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Jeudi 28 juin 2018

«L’ampleur des données génétiques aujourd’hui disponibles sur les sites rend quasiment impossible la protection des informations personnelles»
Arthur Caplan, directeur du département de bioéthique à l’université de médecine de New York

Vous savez bien que les États-Unis sont toujours en avance sur nous. Il apparait donc pertinent de s’intéresser à ce qui se passe là bas pour savoir ce qui va se passer chez nous d’ici quelques années. Et comme le monde accélère, même plus rapidement que cela.

Quel a été un des cadeaux les plus tendances, aux États-Unis, en 2017 ?

Ce sont des tests ADN maison. On les appelle ainsi parce que ce n’est plus très cher et qu’on peut donc au lieu de s’offrir une photo ou une vidéo, plutôt s’offrir son profil ADN et même quelques informations supplémentaires.

Il existe des sociétés qui ont pour nom 23andMe, Ancestry, Family Tree DNA ou African Ancestry qui proposent, pour 80 euros, une recherche des origines ethniques. La société 23andMe va un peu plus loin et recherche des prédispositions à certaines maladies pour 170 euros.

Ce sont des kits ADN qu’on offre en cadeau ou qu’on achète puis ces sociétés font leur travail d’analyse et de recherche.

C’est un article du Monde qui m’a ouvert ces perspectives : <Aux Etats-Unis des profils ADN très peu confidentiels>

Tous les fidèles des séries américaines connaissent le concept des « cold cases », c’est-à-dire les « affaires non résolues ».

L’article du monde commence à raconter une histoire très morale, mais peut-être inquiétante aussi.

GEDmatch est une entreprise de taille modeste spécialisée dans les recherches généalogiques, située en Floride. Elle vend des Kits ADN et s’est créée une base de données.

Dans deux enquêtes anciennes, la Police disposait de traces ADN retrouvés sur les lieux de crime. Restés inexploitables pendant des décennies faute de correspondre à un profil répertorié dans les fichiers de la police, ces échantillons ont trouvé leur chemin dans les méandres de GEDmatch.

Alors vous pensez que les criminels stupides ont participé à un test ADN et que la police les a trouvés en donnant les échantillons qu’ils possédaient à GEDmatch.

Oui et non. La police a bien donné les échantillons à GEDMatch mais les criminels n’étaient pas stupides. Ils avaient simplement de la famille dont certains membres ont succombé à cette tendance de réaliser des tests ADN.

Et l’article du Monde explique :

« Les clients de cette entreprise, détentrice de leurs profils ADN, peuvent en effet rechercher dans l’immense banque de données du site les profils relevant de la même branche généalogique qu’eux afin de retrouver des membres de leur famille. Les policiers ont livré anonymement le génotype des deux criminels à GEDmatch, sans mandat et en profitant d’une zone grise du droit sur ces questions encore inexplorées. Puis, aidés de spécialistes, ils ont reconstitué un arbre ­généalogique, qui les a menés à des parents éloignés des suspects. Ils ont ensuite cherché, dans ces familles, les profils (âge, domicile à l’époque des crimes…) proches de ceux des suspects. »

Et c’est ainsi que Joseph James DeAngelo et William Earl Talbott, auteurs de crimes non résolus remontant aux années 1970 et 1980, ont été arrêtés à quelques jours ­d’intervalle.

Voilà une excellente nouvelle, deux histoires qui terminent bien, histoires parfaitement morales. Les américains vont certainement en faire un film…

Mais l’article du Monde continue :

« Beaucoup, aux Etats-Unis, ont été prompts à se réjouir de l’élucidation de ces cold cases grâce aux progrès technologiques et à l’incomparable base de données de GEDmatch. Néanmoins, ces événements sans précédent ­posent aussi de nouvelles questions éthiques et légales sur la protection de données aussi intimes qu’un profil ADN. D’autant qu’elles s’ajoutent aux inquiétudes déjà soulevées par la multiplication des tests ADN « maison », censés répondre aux interrogations de millions d’utilisateurs sur leurs origines ethniques, leurs parents biologiques ou leur santé.

Apparemment consciente des possibilités infinies ouvertes par ses services, la société GEDmatch prend la peine de prévenir ses clients que sa base de données peut être utilisée pour d’autres buts que la simple passion généalogique, et notamment pour la recherche d’auteurs d’un crime. Elle leur conseille donc de se désinscrire s’ils tiennent à la confidentialité de leurs données. La plupart, visiblement, n’en ont cure.

Ces affaires mettent pourtant en lumière un phénomène déjà observé avec Facebook et l’aspiration des données de millions de ses comptes par la société Cambridge ­Analytica : les informations qu’un individu fournit librement sur un site ou un réseau social dépassent largement sa propre personne. Sur Facebook, les données des « amis » des comptes concernés ont été ­récupérées, à l’insu de tous. Avec l’ADN, c’est le patrimoine génétique de toute une lignée qui est ainsi dévoilée. Sans que les proches ou lointains cousins en soient ni conscients ni avisés. »

Le monde cite Arthur Caplan, directeur du département de bioéthique à l’université de médecine de New York :

« L’ampleur des données génétiques aujourd’hui disponibles sur les sites rend quasiment impossible la protection des informations personnelles.»

Et l’article de continuer :

« La presse américaine regorge d’histoires de famille envenimées par les découvertes tirées des tubes à essai : un parent qui ne l’est pas vraiment, un ancêtre noir inattendu, la rencontre avec une fratrie inconnue… Surtout, chacun peut désormais recevoir par un simple courrier l’annonce qu’il court un risque élevé de contracter la maladie d’Alzheimer ou la fibrose kystique. Selon Susan Estabrooks Hahn, spécialiste de la maladie d’Alzheimer et membre de l’Association nationale des conseillers en génétique (ANCG), certains résultats peuvent être « source d’angoisse, écrit-elle sur le site de l’organisation, notamment lorsqu’il n’existe pas de remède pour la maladie identifiée ».

En outre certaines prédictions concernant la santé sont loin de pouvoir prétendre à l’exactitude

Il y a d’abord des appétits commerciaux et surtout un vide juridique considérable :

« Comme nombre d’experts, M. Caplan estime que les législateurs devraient se pencher sur le sujet afin que les données génétiques aujourd’hui facilement disponibles demeurent bien comprises et protégées. On en est loin, selon lui, « des protections existent mais ­elles ne sont pas assez complètes ». Des lois telles que le Genetic Information Nondiscrimination Act de 2008 interdisent aux employeurs de recruter, muter ou ­licencier les salariés en fonction d’informations génétiques. Et la couverture santé, ­l’Affordable Care Act, empêche les compagnies d’assurances de choisir leurs clients d’après leur ADN. Mais cette règle ne s’applique pas aux assurances-vie ou à celles liées aux handicaps, selon l’ANCG.

Le sénateur démocrate de New York Chuck Schumer a récemment appelé à un renforcement des contrôles sur les kits ADN. « Des clients peuvent, sans le savoir, mettre en danger leurs données génétiques si elles sont vendues à des tiers », a-t-il déploré. De leur côté, les sociétés assurent mettre en garde leurs clients. Le site de la société Ancestry prévient qu’elle peut utiliser, « avec votre consentement, vos informations pour des projets de recherche sur la généalogie ou le génome et pour des objectifs commerciaux internes ».

23andMe ­assure ne pas vendre les informations de ses clients et ne pas les utiliser à des fins de recherche « sans leur consentement personnel ». Mais, pour une société comme 23andMe, les revenus tirés de l’accès qu’elle offre à sa base de données sont primordiaux. L’entreprise a signé une vingtaine de partenariats avec des firmes pharmaceutiques et envisage de se lancer dans le développement de médicaments. »

Dans quel monde étonnant et inquiétant homo sapiens s’apprête-t-il à vivre dans le futur immédiat ?

De quels outils terrifiants vont pouvoir disposer les pouvoirs totalitaires ou simplement autoritaires qui se multiplient dans le monde. Parce que ces derniers temps, ce ne sont pas les démocraties libérales qui progressent.

Pour être concret il suffit de demander à un moteur de recherche (Qwant dans mon cas)

Et vous trouvez ce site pour <des tests de paternité> si vous avez des incertitudes ou au contraire si vous voulez avoir des certitudes.

Mais cela reste du niveau du théâtre de boulevard.

Si vous voulez en savoir davantage sur votre histoire, votre généalogie, j’ai trouvé ce site : <https://www.igenea.com/fr/home> a priori Suisse qui pourra vous guider, contre paiement bien sûr. Pour ma part, je n’irai pas vers cette voie.

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Lundi 11 juin 2018

« Donnez au monde le meilleur de vous-même malgré tout. »
Hedy Lamarr

Le documentaire qui était évoqué lors de mon mot du jour du 6 avril 2018 consacré à Hedy Lamarr est sorti en France, le 6 juin.

Il a pour titre, dans va version française « From extase to wifi »

Nous sommes allés le voir avec Annie, le 8 juin au cinéma <Comoedia> de Lyon.

Il a été réalisé par Alexandra Dean et c’est une autre grande actrice « Suzan Sarandon » qui a produit ce film documentaire pour rendre justice à cette actrice d’une intelligence supérieure et géniale inventrice.

Le film se base sur la dernière interview qu’elle a donnée à un journaliste et on entend ainsi cette femme au crépuscule de sa vie faire preuve de détachement et d’intelligence sur sa vie.

Le documentaire est bouleversant et profondément révoltant face à l’injustice qu’a subie cette femme.

Outre l’interview et d’autres entretiens, des extraits de films, le documentaire repose beaucoup sur le témoignage de ses enfants.

Il y a tant d’injustices, notamment dans la manière dont étaient traitées les actrices.

Hedy Lamarr révèle que la fameuse scène simulée d’orgasme qu’elle a tournée dans le film « Extase » fut un montage éhonté. On ne lui pardonnera jamais cette « erreur » de jeunesse. Dans le documentaire, Hedy Lamarr explique qu’elle a été trompée lors du tournage. « J’étais seule dans la pièce. On me demandait de lever les bras, et j’ignorais pourquoi je devais faire cela ». Mais pour les magnats de la Metro Goldwyn Meyer, Hedy Lamarr sera toujours la fille légère, la dévergondée, la séductrice, la putain.

Par la suite, l’industrie cinématographique pour la faire tourner sans relâche l’a soumise à des injections de drogues, en lui faisant croire qu’il s’agissait de vitamines.

Ces drogues ont abimé sa santé et son caractère.

Ses enfants qui ont décrit une mère douce et affectueuse dans leur enfance, ont décrit par la suite une femme colérique et au caractère instable.

Mais le cœur de ce documentaire se concentre sur son invention qui a pour nom le « saut de fréquence » et qui avait pour but de guider les torpilles contre les sous-marins allemands sans que la marine allemande ne puisse intercepter la communication.

Par de nombreux témoignages, le documentaire démontre l’intelligence et le génie de cette femme dont aujourd’hui plus personne ne conteste le rôle dans l’invention qui sera utilisée dans le domaine militaire mais servira plus généralement pour l’invention du wifi et du Bluetooth.

On lui reconnaitra tardivement la maternité de l’invention mais elle aura été flouée car jamais l’armée ne lui a payé l’utilisation de son invention dont elle avait pourtant déposé le brevet.

On estime aujourd’hui que son invention aurait dû lui rapporter des centaines de millions de dollars.

En outre son invention le « saut de fréquence » était en avance sur son temps et les militaires de la marine américaine n’ont pas voulu la prendre en sérieux : une belle femme ne pouvait pas inventer un système opérant pensaient-ils, la beauté excluait l’intelligence.

Et quand l’US Army lui balance ses schémas à la tête, tourne en ridicule son idée, et l’envoie récolter, à coup de baisers et de décolletés, des obligations de guerre auprès des Américains. Elle s’exécute avec brio et ramène à la cause plus de 45 millions de dollars.

Plus tard, en 1962, l’invention sera utilisée lorsque John Fitzgerald Kennedy décide d’envoyer des navires à Cuba – l’épisode du débarquement de la baie des Cochons. Une cérémonie en hommage à l’invention de Hedy Lamarr, en présence de militaires et d’officiels, a fini par être organisée en 1997.

Un documentaire à voir et qui finit de manière extraordinaire.

A la fin de sa vie, elle donne ces conseils :

« Les gens sont déraisonnables, illogiques et égocentriques, aimez les malgré tout.
Si vous faites le bien, on vous prêtera des motifs égoïstes et calculateurs, faites-le bien malgré tout.
Ceux qui voient grand peuvent être anéantis par les esprits les plus mesquins, voyez grand malgré tout.
Ce que vous mettez des années à construire peut être détruit en un instant. Construisez malgré tout.
Donnez au monde le meilleur de vous-même, et vous risquez d’y laisser des plumes.
Donnez au monde le meilleur de vous-même, malgré tout. »

Dans sa version originale le documentaire a pour titre « Bombshell : The Hedy Lamarr Story » et la réalisatrice Alexandra Dean explique sa démarche dans un <article passionnant publié par l’OMPI >, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.


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Vendredi 13 avril 2018

« Ni vues ni connues »
Collectif Georgette Sand

Vendredi dernier, le mot du jour évoquait Hedy Lamarr, cette femme remarquable à la fois actrice et inventrice dont on reconnait aujourd’hui la qualité d’inventeur puisque le Wifi et le GPS utilise son invention.

Hedy Lamarr fait partie des 75 femmes dont traite le livre « Ni Vues ni connues » qui a été écrit par un collectif de femmes qui a pris pour nom Georgette Sand.

Ce livre a été publié en 2017.

Ce collectif dispose d’un site : http://www.georgettesand.org/

Mais ils ont aussi publié sur la plate-forme Tumblr des pages qu’ils ont appelées les invisibilisées : http://invisibilisees.tumblr.com/ qu’ils présentent ainsi :

« Les femmes d’exception ne sont pas au Panthéon, rarement dans les livres d’histoire, peu souvent dans les mémoires. Désormais elles ont leur tumblr. Le collectif Georgette Sand souhaite imposer une légitimité qui découle des compétences et non de la perpétuation de l’endogamie. « À en croire nos manuels scolaires aujourd’hui : une société dans laquelle plus de 90 % des citoyens et des citoyennes seraient des hommes. Une société dans laquelle les grandes découvertes, l’art, la philosophie, les mathématiques seraient des domaines réservés aux garçons. Une société dans laquelle nous apprendrions que des métiers sont dédiés aux femmes et d’autres aux hommes, ou que les femmes sont avant tout des «femmes de…» avant d’être des individus à part entière. Est-ce là le message que nous voulons transmettre ? Sommes-nous mêmes conscient-e-s que ces représentations vont à l’encontre de l’égalité entre les femmes et les hommes qui est pourtant une valeur de l’école républicaine ?  » (Extrait du guide du Centre Hubertine Auclert « Faire des manuels scolaires »). »

Le site Terra Fémina a publié un article dans lequel des représentantes des 21 auteures du livre « Ni vues ni connues » ont pu s’exprimer :

« Terrafemina : Comment avez-vous sélectionné les 75 femmes dont vous avez tiré le portrait ?

Elody Croullebois & Sophie Janinet : Cela a été un travail de longue haleine. Nous avions déjà toute une liste de femmes sur le Tumblr Les Invisibilisées que nous avons créé en 2015, mais nous n’avons pas cessé d’en découvrir d’autres au fur et à mesure de nos recherches. Il fallait déterminer qui avait ou non sa place dans la sélection finale. C’était très dur de faire ce choix. Nous avions toutes des héroïnes qui nous tenaient particulièrement à cœur et que nous voulions raconter, réhabiliter à tout prix. Il y a eu pas mal de discussions passionnées. Et c’était sans fin, elles sont tellement nombreuses à mériter de retrouver la notoriété qu’on leur a volé. Nous avons donc arbitré pour avoir un panel suffisamment large de profils, origines et époques afin de montrer l’étendue du problème de l’invisibilisation. Renoncer à certaines nous a coûté mais au final, nous sommes heureuses des choix qui ont été faits. »

Elles parlent de mécanismes d’invisibilisation qui reviennent toujours :

«  Au fur et à mesure que nous nous intéressions à ce phénomène, nous avons découvert des mécanismes récurrents dans l’histoire de ces femmes. Les hommes de leurs vie avaient souvent un rôle dans leur invisibilisation, ce besoin irrépressible de les abaisser à un niveau inférieur au leur, de les maintenir dans l’ombre coûte que coûte. Certains l’ont fait ouvertement, sans complexe, parce que les codes de la société leur donnaient raison, d’autres ont été plus subtiles, voire même inconscients de ce qu’ils étaient en train de faire. Pour d’autres, c’est l’État ou la religion qui ont joué ce rôle d’effacement. A cause de cela, de grandes femmes n’ont pas eu le destin et la reconnaissance auquel leur talent leur donnait droit. Et même les plus bravaches d’entre elles, qui se sont battues jusqu’à obtenir cette reconnaissance, l’ont perdu dès qu’elles n’étaient plus là pour se défendre. Prenez un manuel scolaire et vous aurez l’impression qu’il n’y a eu aucune femme reine, résistante ou politique qui a tout fait basculer à un moment donné de l’histoire avec un grand H. C’est pourtant bien le cas. Il est temps de le rappeler. »

Ainsi on pourrait évoquer <Rosalind Franklin> dont on sait aujourd’hui qu’elle eut une place prépondérante dans la découverte de l’ADN mais ce fut ses trois collègues masculins qui obtinrent le prix Nobel de médecine en octobre 1962 : James Watson, Maurice Wilkins et Francis Crick. Cette découverte n’aurait pu se faire sans les clichés de diffraction aux rayons X effectués par Rosalind Franklin et communiqués à son insu à Watson par Wilkins.

Pour en savoir plus et entendre raconter cette histoire vous pouvez écouter l’émission de France de Culture du 5 avril 2018 <La Méthode scientifique >. Sur la page de l’émission vous verrez une copie du fameux cliché 51B avec cette légende :  «En octobre 1962, le prix Nobel de médecine est remis à trois hommes : Francis CRICK, James WATSON et Maurice WILKINS, « pour leurs découvertes sur la structure moléculaire des acides nucléiques et sa signification pour la transmission de l’information pour la matière vivante » – c’est-à-dire pour avoir mise au jour la structure en double hélice de l’ADN, et ce, en grande partie grâce à un cliché : le cliché 51, obtenu par diffraction de rayons X. Or l’histoire montrera que ce cliché n’a été pris par aucun de ces trois hommes, mais par une femme, Rosalind FRANKLIN, morte 4 ans plus tôt et dont le travail a été pillé, en toute impunité.» Elle est décédée le 16 avril 1958, à 37 ans, d’un cancer de l’ovaire, probablement lié à la surexposition aux radiations lors de ses recherches. Ce lundi 16 avril, ce seront les 60 ans de sa mort.

La gloire de certains hommes est passé par des chemins obscurs souvent en niant le rôle des femmes et parfois, comme dans ce cas, en les spoliant.

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Lundi 9 avril 2018

« Nous allons vers une humanité à deux vitesses »
Jacques Testart

Jacques Testart, né en 1939, est un biologiste français célèbre puisqu’il fût celui que Le MONDE appelle le père scientifique du premier bébé-éprouvette français né en 1982 et auquel on a donné le nom d’Amandine.

Il vient de publier un livre avec Agnès Rousseaux aux Editions du Seuil : « Au Péril de l’humain : les promesses suicidaires des transhumanistes »

Ce livre est présenté ainsi sur le site des Editions du Seuil :

« Fabriquer un être humain supérieur, artificiel, voire immortel, dont les imperfections seraient réparées et les capacités améliorées. Telle est l’ambition du mouvement transhumaniste, qui prévoit le dépassement de l’humanité grâce à la technique et l’avènement prochain d’un « homme augmenté » façonné par les biotechnologies, les nanosciences, la génétique. Avec le risque de voir se développer une sous-humanité de plus en plus dépendante de technologies qui modèleront son corps et son cerveau, ses perceptions et ses relations aux autres. Non pas l’« homme nouveau » des révolutionnaires, mais l’homme-machine du capitalisme. »

Le MONDE a publié le 8 avril un entretien avec cet homme de science qui avoue sa méfiance à l’égard du libéralisme, on peut lire par exemple cet article de 2007 qu’il a rédigé : L’eugénisme au service du libéralisme, par Jacques Testart

Dans son nouvel ouvrage il s’attaque au transhumanisme et à ce qu’il appelle : « Les promesses suicidaires ».

Dans l’entretien avec du MONDE, il parle de sa première expérience dans laquelle il a été confronté aux dérives de la technoscience :

« . A la fac de biologie cellulaire où je suivais des cours, un prof qui s’appelait Charles Thibault m’avait à la bonne. Il m’a proposé de venir travailler sous contrat dans son labo de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), à Jouy-en-Josas (Yvelines). J’y suis entré en 1964, j’étais ravi ! […]

L’idée était de trouver un moyen de multiplier rapidement les vaches de haute qualité laitière. J’ai mis au point une méthode pour extraire des embryons de l’utérus de vaches « donneuses », puis pour les transplanter dans celui de « receveuses » – autrement dit de mères porteuses. Et en 1972, au moment où sont nés les premiers veaux issus de ces techniques, je me suis aperçu que c’était complètement idiot : la surproduction de lait européen provoquait la ruine des éleveurs, et on me payait pour augmenter la production laitière ! Je suis allé voir le directeur de l’INRA pour lui dire que j’étais scandalisé par ce qu’on m’avait fait faire. […].Plus encore qu’être en colère, j’avais honte. Pour les paysans. Et pour la science, qui s’écrivait pour moi avec un grand S. La science, cela se rapprochait de la philosophie, c’était une compréhension du monde. En fait, ce que j’aurais voulu faire, c’est le travail de Jane Goodall, observer les grands singes… C’est magnifique, ça ! Mais faire faire des petits à des vaches pour avoir plus de lait ? C’était de la technique, pas de la science. »

Il revient aussi sur la naissance d’Amandine ainsi que son conflit avec le Professeur gynécologue René Frydman avec lequel il a réussi cette avancée scientifique majeure. Cet évènement s’est déroulé à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP), à Clamart (Hauts-de-Seine). L’équipe était dirigée par le chef de service Émile Papiernik, le professeur René Frydman en est le responsable clinique et le biologiste Jacques Testart le responsable scientifique. Jacques Testart raconte cette expérience et les leçons qu’il en a tiré ainsi :

« [J’ai eu] la chance de rencontrer Emile Papiernik, le patron du service de gynécologie de l’hôpital Antoine-Béclère, à Clamart, qui montait un laboratoire de recherche sur la stérilité. Il m’a proposé de venir travailler avec lui. Cela me permettait de fuir la recherche productiviste ! On était en 1977, et personne ne parlait alors de fécondation in vitro.

Et l’année suivante, en Grande-Bretagne, on annonce la naissance de Louise Brown, le premier « bébé-éprouvette »…

Et les gynécologues de Béclère, René Frydman au premier chef, me demandent de mettre au point la fécondation in vitro (FIV) chez l’humain, en m’appuyant sur mes connaissances en reproduction animale. J’ai dit oui tout de suite ! Utiliser la FIV pour pallier certaines stérilités, cela me semblait une belle mission. Dans ces années-là, j’ai publié comme jamais dans ma vie, jusqu’à deux articles par mois !

Mais déjà, il commençait à y avoir des tensions entre Frydman et moi. Il essayait de s’approprier le laboratoire comme si j’étais son technicien, ce que je ne supportais pas du tout. Et puis, il y a eu la grossesse d’Amandine. Et l’accouchement, je ne l’ai pas vécu. Je l’ai appris à 3 heures du matin par un coup de fil de Frydman, qui m’annonce que le bébé est sorti, que ça s’est très bien passé et qu’on a une conférence de presse à midi ! C’est comme ça que j’ai appris la naissance d’Amandine.

[…] Le battage médiatique qui a suivi la naissance d’Amandine nous a transformés – abusivement – en héros. On en rigolait ensemble, on allait dans des congrès à l’autre bout du monde… C’était assez confortable, bien sûr – sortir de la masse, c’est quelque chose qui fait plaisir à tout le monde. Mais en même temps, je trouvais que ce n’était pas mérité. Entre Frydman et moi, les choses ont continué de se dégrader au fil des ans. Nous avions monté un vrai laboratoire hospitalier, avec du bon matériel, mais nous étions de moins en moins souvent d’accord. Frydman voulait qu’on congèle les ovules, moi j’étais contre car, à l’époque, cela créait des anomalies chromosomiques… Nous avions beaucoup d’autres sources de conflits. Jusqu’à ce que j’apprenne, en 1990, que j’étais viré de l’hôpital Béclère. »

Malgré leurs divergences ils se sont retrouvés récemment dans les colonnes du Monde en cosignant une tribune avec une quarantaine de personnalités contre la gestation pour autrui (GPA).

Dans l’article du MONDE il raconte que très rapidement après la naissance d’Amandine il a commencé à s’inquiéter des retombées de la procréation médicalement assistée (PMA).

«  J’ai été effaré du bruit qu’a fait cette naissance, je trouvais ça très exagéré. A la même époque, il y avait des recherches sur des souris ou des mouches beaucoup plus importantes ! Nous avions fait du beau boulot, cela nous avait demandé beaucoup de dévouement et un peu de jugeote, d’accord. Mais au niveau de la science, cet événement ne valait rien, d’autant que Robert Edwards l’avait fait quatre ans avant nous avec Louise Brown. Je me suis donc mis à cogiter. Et j’ai compris que l’événement, c’était de pouvoir voir ce futur bébé neuf mois avant sa naissance. De pouvoir voir à l’intérieur de l’œuf et d’intervenir au stade le plus précoce, avec la possibilité de modifier ou de trier les enfants à naître. J’ai écrit L’Œuf transparent (Flammarion, « Champs », 1986) pour raconter cela. Pour dire que ce que nous venions de réussir ouvrait la voie à un nouvel eugénisme, consensuel et démocratique.

[Après] les vaches laitières à l’INRA […] je me suis fait avoir deux fois de suite. J’avais travaillé pour des femmes dont les trompes étaient bouchées de manière irréversible, j’avais fait de la plomberie, et je n’avais pas réfléchi aux perspectives que cela ouvrait : faire naître des enfants qui non seulement n’ont pas certaines maladies graves, mais qui sont éventuellement choisis parmi plusieurs embryons pour certaines qualités.

Je me suis alors mis à lire des ouvrages sur l’eugénisme. Pas l’eugénisme bête et méchant du nazisme, mais un eugénisme « intelligent » à la Francis Galton, tel qu’il fut promu durant le premier tiers du XXe siècle en Scandinavie et aux Etats-Unis, avec la stérilisation massive d’individus considérés comme déviants… Cela faisait un peu froid dans le dos. Mes craintes n’étaient pas très partagées, beaucoup considéraient comme impossible de réaliser un diagnostic génétique sur un embryon de quelques cellules, mais l’avenir se chargea vite de leur donner tort : le diagnostic préimplantatoire fut mis au point par les Britanniques en 1990, et fut accepté par la première loi française de bioéthique dès 1994 ! »

Tout en dénonçant les dérives qu’il constatait, il a continué à aider des couples à avoir l’enfant qu’ils ne parvenaient pas à faire tout seuls, mais pas contribuer à faire autre chose que des bébés du hasard.

Et pour lui Le transhumanisme, c’est le nouveau nom de l’eugénisme :

« C’est l’amélioration de l’espèce par d’autres moyens que la génétique. C’est la perspective de fabriquer de nouveaux humains plus intelligents qui vont vivre trois siècles, quand les autres deviendront des sous-hommes. Et cette perspective, qui créera une humanité à deux vitesses, est en passe d’être acceptée par la société. »

Jacques Testart est devenu un lanceur d’alerte qui nous interpelle.

Je n’ai cité que des extraits de l’article du Monde qui devrait être lu entièrement : <LIEN>

Il a rédigé aussi une tribune dans <Le Parisien du 8 avril 2018>

<1052>

Vendredi 16 mars 2018

« Cet Univers ne serait pas grand-chose, s’il n’abritait pas les gens qu’on aime »
Stephen Hawking

Stephen Hawking étaient le père de trois enfants : Lucy, Robert et Tim. Ce sont eux qui ont publié un communiqué où ils ont écrit :

« Nous sommes profondément attristés par la mort de notre père aujourd’hui. C’était un grand scientifique et un homme extraordinaire dont l’œuvre et l’héritage vivront de nombreuses années. […]. Il avait déclaré un jour : « Cet Univers ne serait pas grand-chose s’il n’abritait pas les gens qu’on aime. » Il nous manquera toujours. »

Vendredi dernier, j’avais entendu la chronique de Sonia Devillers sur France Inter consacré aux Jeux Paralympiques où elle décrivait la place des handicapés dans la société. Au moment de l’écoute j’avais l’intention d’en faire un mot du jour et puis… je suis passé à autre chose.

Et ce mercredi 14 mars 2018, l’immense scientifique, Stephen Hawking dont j’avais lu avec passion « Une brève histoire du temps » peu de temps après sa sortie dans les années 1990, est mort. Cet homme était terriblement handicapé : un esprit exceptionnel dans un corps détruit. Lui est même arrivé à faire de son handicap un atout, une marque de fabrique. Il a dit :

« Je suis certain que mon handicap a un rapport avec ma célébrité. Les gens sont fascinés par le contraste entre mes capacités physiques très limitées et la nature extrêmement étendue de l’Univers que j’étudie ».

Lors de la chronique de Sonia Devillers, j’ai appris que 12 millions de français sont handicapés.

Elle exprimait les progrès de la télévision par rapport à la visibilité des handicapés notamment grâce aux jeux paralympiques :

«Mais souvenez-vous, succès d’audience totalement inattendu lors de Rio 2016. Un plébiscite du public. Et du beurre dans les statistiques carrément honteux de la télévision en général. Seulement 0,8% des gens vus à l’écran sont en situation de handicap. Et sans les Jeux Paralympiques ce serait encore moins. […]

Exit animateurs et journalistes handicapés

Souvenez-vous : la télé reste un spectacle visuel qu’on ne veut pas gâcher. Dans les talk-shows, les invités handicapés viennent témoigner du handicap. Ce qui est débile. Ils peuvent intervenir dans tous les champs d’expertises comme n’importe quel valide.

Côté fiction, c’est pareil. Soit, on cause du handicap, soit on montre des héros qui le surpassent en permanence. Mimie Mathy et ses super-pouvoirs sur la Une. « Cain », le commissaire en fauteuil sur la deux. On manque de personnages ordinaires : employés de mairies, médecin, profs… handicapés, mais on s’en fout, leur fonction n’étant pas du tout celle-ci dans le récit. Juste, on s’habitue à voir leur corps à l’écran.

Reste le divertissement. Là, ça bouge, vraiment
Et comme souvent, en matière de diversité, ça vient de « The Voice », sur TF1, qui sélectionne les candidats uniquement à la voix, pas au physique.

On se souvient de Jane, toute jeune malvoyante, face caméra, sans lunettes noires, alors que ses yeux – strabisme et pupilles blanchies – sont très marqués par le handicap. Pas de lunettes, exactement comme le réclame une nouvelle génération d’aveugles qui se bat d’ailleurs pour faire autre chose que de la musique, pour ne pas ressembler à Gilbert Montagné, pour faire des études et du sport. Bref, pour que les modèles de réussite changent. Regarder un champion paralympique triompher à la télé, c’est comme filmer un aveugle sans lunettes. C’est accepter la différence et mettre scène ses espérances »

Lors de sa revue de presse de mercredi, Claude Askolovitch a introduit le sujet du handicap et de l’œuvre de Stephen Hawking par cette phrase :

« La victoire de la pensée sur la chair »

Stephen Hawking est né à Oxford le 8 janvier 1942. Son père, biologiste, souhaite qu’il suive ses pas en étudiant la médecine à Oxford. Il opte pour la physique avant de partir pour Cambridge, afin d’y poursuivre des recherches en astronomie.

Peu après son 21e anniversaire, il apprend qu’il souffre d’une maladie dégénérative paralysante. Les médecins ne lui donnent que deux ans à vivre. Son corps décline inexorablement. En 1974, il est incapable de se nourrir ou de sortir de son lit par lui-même. En 1985, il perd définitivement l’usage de la parole après avoir subi une trachéotomie à la suite d’une pneumonie. Mais son esprit est intact. Et son but simple : « Comprendre complètement l’Univers, pourquoi il est comme il est et pourquoi il existe. »

Le Monde précise la maladie dont était atteint Stephen Hawking :

Stephen Hawking était atteint d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurodégénérative paralysante aussi appelée maladie de Charcot. Une maladie rare, décelée chez environ 2 500 personnes par an en France. Elle fait partie du groupe des maladies des neurones moteurs, qui dégénèrent progressivement et font perdre aux malades le contrôle de leurs muscles.

« La perte de motricité est la conséquence d’une dégénérescence, c’est-à-dire d’une mort cellulaire, des motoneurones, les cellules nerveuses [neurones] qui commandent les muscles volontaires. »

Concrètement, cela commence par une perte de la capacité à bouger les bras, les jambes. Puis lorsque les muscles du diaphragme et de la paroi thoracique sont atteints, les patients perdent leur capacité respiratoire et sont placés sous assistance. C’était le cas depuis des années de Stephen Hawking.

Les médecins continuent à considérer la longévité de l’astrophysicien comme un mystère, la maladie étant incurable. Selon les statistiques médicales, la mort survient habituellement vingt-quatre à trente-six mois après le diagnostic. Le plus souvent, c’est l’incapacité à respirer qui emporte le patient.

Wikipedia nous apprend que les médecins avaient proposé à sa femme d’éteindre la machien qui le raccrochait à la vie mais que cette dernière a refusé et qu’il a donc encore vécu, réfléchi et publié pendant 33 ans :

« En 1985, il a contracté une pneumonie et a dû subir une trachéotomie pour mieux respirer, ce qui l’a rendu définitivement incapable de parler.

C’est à cette époque qu’il est proposé à Jane Wilde Hawking [son épouse] d’éteindre la machine qui le raccroche à la vie. De fait, les médecins n’estiment pas possible que Stephen Hawking puisse un jour se porter mieux. Pour autant Jane Wilde Hawking refuse et les médicaments font peu à peu effet et permettent à Hawking de se remettre partiellement de sa pneumonie.

Walt Waltosz, un informaticien de Californie, a construit un dispositif permettant à Hawking d’écrire sur un ordinateur avec un commutateur dans sa main, tandis qu’un synthétiseur vocal parle pour lui, lisant ce qu’il vient de taper.

Ayant perdu l’usage de ses mains, il utilise à partir de 2001 les contractions d’un muscle de sa joue détectées par un capteur infrarouge fixé à une branche de ses lunettes, pouvant ainsi sélectionner les lettres une par une sur un clavier virtuel d’une tablette dont un curseur balaie en permanence l’alphabet, puis sélectionner des mots grâce à un algorithme prédictif. Ce système lui permet d’exprimer cinq mots à la minute et de donner des cours à l’université de Cambridge jusqu’en 2009.

Face à l’aggravation de son état, Intel met au point depuis une nouvelle interface de contrôle basée sur la reconnaissance faciale des mouvements de ses lèvres et sourcils ».

Le Point a tenté de sélectionner <douze citations inspirantes de Stephen Hawking>

J’en choisis deux parmi elles :

« L’intelligence est la capacité de s’adapter au changement. »

et

« Au fond, j’aurai eu une belle vie. Les personnes handicapées devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables. »

Mais c’est celle que j’ai mis en exergue que je préfère, car elle correspond profondément à ce que je ressens : « Cet Univers ne serait pas grand-chose s’il n’abritait pas les gens qu’on aime ».

Qu’un homme de l’intelligence, de la fragilité corporelle de Stephen Hawking, un homme à qui on avait annoncé à 21 ans qu’il ne vivrait pas plus de 2 ans et qui a vécu par sa volonté et par la science jusqu’à 76 ans ait pu dire cela, constitue une immense leçon d’humanité pour chacun de nous.

<1038>

Mardi 6 mars 2018

« Les Arêtes de Poisson »
Galeries mystérieuses situées sous la colline de la Croix Rousse

La ville de Lyon est connue pour son quartier renaissance, « Le vieux Lyon », ses célèbres « traboules » qui ont d’ailleurs donné le verbe lyonnais « trabouler » qui signifie traverser un quartier en empruntant une traboule, ou plus simplement et par extension traverser un quartier.

Lyon est aussi connue pour sa gastronomie et ses célèbres « bouchons lyonnais ».

Elle est enfin célèbre parce qu’elle est ville de foire, et qu’elle a eu le privilège à partir de 1463 par décision de Louis XI d’en organiser 4 par an, qu’elle a été un des principaux centres d’imprimerie d’Europe et un lieu du travail de la soie avec les canuts.

Mais elle n’est pas connue pour les « arêtes de poisson ».

Or la deuxième émission de la Fabrique de l’Histoire, évoquée hier a été intégralement consacrée à ces galeries étonnantes : « Les arêtes de poisson : un mystère sous la Croix Rousse »

Je vous conseille vivement d’écouter ce documentaire qui est très sérieux contrairement à de nombreuses spéculations ésotériques qui sont élaborées par des passionnés qui recherchent des pistes mystiques ou soupçonnent le complot.

Evidemment si vous faites partie de celles et ceux qui espèrent que tout mystère trouve toujours sa solution à la fin du film ou de la série, vous allez être surpris : On ignore quasi tout et on ne sait presque rien.

Les arêtes de poisson, sont un réseau de galeries souterraines de Lyon composé d’une galerie principale et trente-quatre galeries latérales, partant du Rhône et creusé sous la Croix Rousse.

La galerie principale mesure 156 mètres de long et se situe 25 m sous la surface ; de celle-ci partent 16 galeries latérales mesurant 30 m chacune, ce qui donne à l’ensemble une forme d’arêtes de poisson. Une seconde galerie se trouve 8 m sous la principale, sans artères latérales. Ces constructions partent du Rhône et s’étendent jusqu’à la rue Magneval.

L’accès et la construction des galeries se faisaient par les puits alentours ; ceux-ci servaient également pour l’évacuation de matériaux du creusement.

Ce réseau souterrain est composé de galeries d’une longueur totale de 1,4 km : 960 mètres pour les arêtes, 312 m pour les galeries principales, 144 m de galeries supplémentaires placées sous la rive du Rhône ; seize puits menant à ces galeries ont été recensés, ajoutant 480 m de longueur au réseau. Les galeries ont toutes 2,2 m de haut et 1,9 m de large.

Pour les archéologues du service archéologique de la ville de Lyon

« [l]’homogénéité de la maçonnerie comme l’absence de trace de reprise montrent que le réseau en arêtes de poisson forme un ensemble architectural cohérent qui, de la rive du Rhône au plateau de la Croix-Rousse, relève d’une seule et même campagne de construction. »

En 2011, le Lyonnais Walid Nazim publie un livre et depuis réalise de nombreuses conférences en émettant l’hypothèse que ces galeries auraient dû servir aux templiers pour cacher leur fameux trésor.

Il a créé un site : http://aretesdepoisson.free.fr/ pour valoriser son livre, ses hypothèses et aussi pour éviter que le creusement du second tuyau du tunnel de Croix Rousse n’abime ces galeries.

Georges Combe autre lyonnais a fait un film qu’il a appelé « Les souterrains du temps » et pour lequel il a aussi créé un site :

Pour introduire le sujet, il écrit :

« Le monde des Anciens, le Temple de Salomon, le souvenir du Graal, l’ombre des Templiers, la magie du « Songe de Poliphile », l’esprit de la Renaissance et les mystères de la franc-maçonnerie.

Un voyage dans le temps où le monde se perçoit sous d’autres dimensions !

Ces souterrains s’ouvrent sur une nouvelle conception de notre univers, sur la physique de demain, sur les ressources insoupçonnées de la conscience, sur une approche différente des mondes antiques. »

C’est, en effet, une pensée très ouverte vers d’autres vérités et une vision mystique voire magique.

En 2013, la ville de Lyon a décidé de faire procéder à une datation au carbone 14 réalisées en plusieurs points par deux laboratoires distincts. Le service d’archéologie de la ville de Lyon a publié les résultats qui ont révélé une origine antique : « Sur les quatre échantillons analysés, trois datent du changement d’ère et le dernier du IIIe ou IVe siècle av. J.-C. ». Des graffitis à consonance latine ont par ailleurs été retrouvés dans le mortier.

Donc ces galeries datent de l’époque antique peut être tout début de la présence romaine sur le site, voire avant la présence romaine.

Sur ce site Anne Pariente, la directrice du service archéologie de la ville de Lyon qui est aussi invitée dans l’émission de France Culture fait un constat humble :

« On ne sait absolument pas à quoi servaient ces souterrains. Des galeries aussi étonnantes, on en trouve au Proche-Orient, mais de cette structure-là, nulle part ».

Mais tous ces mystères attisent les thèses complotistes, car les défenseurs de ces thèses ne comprennent pas que la ville mette aussi peu en œuvre pour valoriser cette structure unique et trouver des hypothèses crédibles sur son utilité.

Pour des raisons de sécurité, ce réseau souterrain est interdit au public par la ville de Lyon depuis 1989 ce qui génère de nouvelles thèses complotistes.

A priori, ces galeries ont été redécouvertes en 1959, lors d’un l’affaissement de rue à la rue des Fantasques, ce qui leur vaut parfois le nom de réseau des Fantasques. À partir de 1959, des travaux de confortement y ont lieu, les galeries sont bétonnées par endroit, et 4 à 5 m3 d’ossements sont découverts en 1959.

Il semble donc que ces galeries aient pu servir, en partie, de catacombes.

Mais le service archéologique de la ville de Lyon évoque une première redécouverte des arêtes en 1651 due à un fontainier lors du creusement de la galerie d’alimentation de la fontaine de l’hôtel de Ville

Il m’apparaît que le plus rationnel est de dire qu’on ne sait pas. Le Monde a publié un article « Lyon s’étrangle autour des arêtes de poisson. » dans lequel il écrit :

« La conception des « arêtes de poisson » est unique au monde. Deux tunnels centraux sont superposés, parsemés de puits et de salles voûtées, à partir desquels partent perpendiculairement trente-deux galeries de trente mètres de longueur, parfaitement identiques. La date de construction reste incertaine et la fonction inexpliquée. Dans une ville à forte culture ésotérique, les « arêtes de poisson » agissent comme une caisse de résonance, mêlant arguments scientifiques, théories historiques variées, fantasmes personnels, dans une joyeuse liberté de penser, sans oublier un enjeu archéologique majeur, peu exploré, voire menacé. […]

Les galeries voûtées, plongées dans un profond silence, donnent une impression de cathédrale. Les pierres calcaires, au teint jaunâtre, importées de carrières probablement situées en Saône-et-Loire, sont soigneusement jointées à la chaux vive. Les tunnels sont de dimensions régulières de bout en bout : 1,90 m de largeur, 2,20 m de hauteur.

Au début des années 1960, les galeries sont bétonnées à certains endroits, probablement nettoyées, vidées d’indices précieux et interdites d’accès. L’heure n’est pas à la curiosité archéologique. A Lyon, les collines sont instables ; les autorités gardent en mémoire la catastrophe de Fourvière, avec quarante morts dus à un glissement de terrain, en 1930. Mis à part quelques visites clandestines, le site des « arêtes » sombre dans l’oubli. […]

Un autre événement pourrait nourrir le débat. La ville de Lyon prévoit de transformer d’ici à 2019 l’église Saint-Bernard en « centre d’affaires et de détente ». Inachevée, fermée en raison de l’instabilité du terrain, désacralisée, cette église a été construite à l’aplomb des arêtes de poisson.

Un puits s’ouvre exactement sous sa nef. Il est question d’y aménager trente-deux espaces de bureaux. Trente-deux, le nombre des galeries mystérieuses. Les défenseurs des arêtes de poisson y voient un mauvais présage. Celui d’une logique économique qui oublierait en chemin l’imaginaire et la richesse d’un lieu trop longtemps ignoré. »

En 2013, le service d’archéologie qui venait d’obtenir les résultats de la datation au carbone 14 a publié ce rapport détaillé et rationnel : <Dossier Archéologie janvier 2013 – arêtes de poisson>

Et puis je redonne le lien vers l’émission de la Fabrique de l’Histoire : « Les arêtes de poisson : un mystère sous la Croix Rousse »

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Vendredi 2 mars 2018

« Imhotep est mort »
Le chat qui a inspiré Joann Sfar pour ses BD : « Le chat du rabbin »

Aujourd’hui je vais vous parler de chats. Mais je préviens : la fin de cet article n’aura rien à voir avec le début.

Les chats sont les héros des réseaux sociaux. Des femmes et des hommes du monde entier passent une partie de leur temps à interagir avec des chats, à les filmer et à publier ces films sur internet

<Dansons la capucine> 12 millions de vue !!

<Et puis il y a des compilations…> en voici une vue 49 millions de fois.

Et … il y a le chat du rabbin

Le Huffington Post nous apprend que, le chat de Joann Sfar qui lui a inspiré ses planches « Le chat du rabbin » est mort.

Le dessinateur a annoncé la nouvelle sur ses réseaux sociaux, vendredi 23 février.

Dans le Parisien Joann Sfar confie :

« Il vivait aujourd’hui avec mon ex-compagne et mes enfants. Mais je le voyais souvent… Il a été un compagnon fidèle pendant 18 ans »,

La famille Sfar avait adopté en 2000 ce félin de race Orientale, long, maigre, aux oreilles en pointe.

« Nous sommes allés chez une éleveuse. J’avais un grand manteau et ce chat a quasiment sauté dans ma poche. C’était le plus moche et le plus étrange chat que j’avais jamais vu… Je me suis dit, c’est celui-là ».

Le chat du rabbin est un chat très particulier il parle la langue des humains.

Son maître est un rabbin, c’est pour cela qu’il s’appelle ainsi.

Mais cette manière de présenter les choses est ethno-centrée, c’est-à-dire exprimée dans le monde des hommes. Car un chat n’a pas de maître, un chat est libre. Dans le référentiel des chats, il serait plus juste d’écrire : « L’humain qui vit avec ce chat est un rabbin ».

Alors quand un chat qui pense et qui parle observe des humains monothéistes, c’est très drôle et très étonnant.

Nous en sommes à 7 albums, à des adaptations au théâtre et un film d’animation.

Moi je l’avais d’abord découvert par un feuilleton radio où en dix épisodes ses aventures étaient déclinées.

Ces émissions ne sont plus en ligne mais il reste la page de présentation :

« Le chat du rabbin n’est pas un chat comme les autres. Non seulement il est doué d’un esprit critique décapant dans cette Algérie du début du XXe siècle, mais en plus la faculté de parole lui vient après qu’il a soudain dévoré le perroquet de son maître. Le voilà plus décidé que jamais à utiliser son savoir et sa verve pour mieux faire vaciller les hommes dans leurs certitudes… et susciter l’admiration de sa très chère et ravissante maîtresse Zlabya.

Au fil de ses aventures, le chat va successivement affronter le rabbin du rabbin dans un duel théologique de haut vol faire la rencontre du légendaire cousin Malka et de son lion fidèle voir un jeune rabbin prétentieux lui ravir le cœur de sa maîtresse adorée ; croiser le cheikh Messaoud Sfar et son âne sur la route d’un pèlerinage découvrir Paris aux côtés de Raymond « El Rebibo », le neveu du rabbin venu faire carrière dans la capitale voir ressusciter un peintre russe idéaliste et partir avec lui aux confins du désert à la recherche de la Jérusalem d’Afrique…

Adaptée de la bande dessinée éponyme de Joann Sfar parue aux éditions Dargaud, Le Chat du rabbin est une fable colorée et truculente qui nous fait découvrir la culture juive séfarade à travers une pléiade de personnages aussi farfelus qu’attachants.»

Joann Sfar explique :

« J’ai vraiment eu l’idée de ces albums en l’observant. Avec ses grands yeux, il regardait tout le monde avec tellement d’intensité que l’on avait l’impression qu’il voulait parler. En plus, il miaulait tout le temps

[…] Il a été un compagnon fidèle pendant 18 ans, celui de mes histoires les plus intimes, glisse le dessinateur. Il s’est d’ailleurs passé une chose étrange la nuit dernière : une boîte à musique que j’ai chez moi ne marchait plus depuis des années. Et elle s’est mise en route toute seule. Je crois que c’était sa façon à lui de me dire au revoir

Oui, Je vais continuer [à le dessiner]. Fred, le dessinateur de Philémon me disait: ‘il y a des personnages qui finissent par se dessiner tout seul car ils ont une âme.’ Je crois que c’est le cas de mon chat du rabbin »

Un article de « la Croix » cité ci-après nous apprend que la domestication du chat, à partir de chats sauvages africains ou asiatiques, remonte à la préhistoire, à au moins 4 000 ans avant Jésus-Christ, au Proche-Orient et en Égypte. En France, sa présence est attestée à l’époque romaine mais elle ne s’impose dans les fermes qu’au Moyen Âge, pour y chasser les petits rongeurs.

Les chats sont donc mignons, drôle, intelligents, utiles et attachants.

Mais…

Si on réfléchit sur la présence des chats dans le monde, une sorte de géopolitique du chat on est surpris et la réalité apparaît un peu différente.

C’est la revue de Presse de France Inter du 27 février qui cite la <Croix>

«Un chasseur impitoyable aux yeux pourtant innocent, et qui tient en sa gueule le cadavre d’un merle noir. Le chat donc, ce carnassier que la Croix expose comme une menace pour la biodiversité…

Des dizaines milliards d’oiseaux, de reptiles, de petits mammifères exterminés chaque année sur le continent américain. En France, les chats font des millions de victimes chaque année: 13 millions et demi de chats domestiques plus quelques millions de chats errants, c’est trop pour des oiseaux déjà fragilisés par la disparition des insectes. Les moineaux parisiens ont quasiment disparu. Le chat a déjà rayé de la planète 63 espèces animales, et il faut donc le contrôler; stériliser les chats errants, comme en Belgique. Ne souriez pas…

La guerre contre les chats, est un enjeu planétaire.

En Australie, des robots aspergent les chats de poison, pour qu’ils meurent en se léchant. Mieux encore, on injecte des implants toxiques dans les proies du chat, qui meurt de sa gloutonnerie.

On lit cela dans Usbek et rica, qui raconte la lutte l’Australie contre les « espèces invasives »… Il n’y a pas que les chats et les Australiens pratiquent la guerre bactériologique, on mobilise contre les lapins des virus importés d’asie, le virus de l’herpès est  répandu dans les rivières pour exterminer une carpe indésirable. Les Néo-Zélandais, eux arrosent le paysage de pesticides pour détruire les mammifères qui menacent le kiwi.

Usbek et Rica donc. La civilisation dérape chez les apprentis sorciers que nous sommes, l’espèce humaine, qui extermine des animaux d’un côté, et de l’autre prend le deuil d’espèces menacées.

Dans l’article de la Croix on lit encore :

« Dans les jardins, le rouge-gorge, l’accenteur mouchet et le merle noir sont les victimes préférées du chat en embuscade. « Sous les mangeoires, les chats n’ont qu’à se mettre à table ! » Jean-François Courreau, fondateur du centre d’accueil de la faune sauvage à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, voit régulièrement arriver, parmi les milliers d’animaux apportés au centre de soins, des oiseaux blessés par des chats, des juvéniles fraîchement sortis du nid ou des adultes qui se regroupent en hiver autour des lieux de nourrissage artificiel, proies de choix pour les chats aux aguets.

« Ils survivent rarement à leurs blessures, la plupart meurent avant même d’arriver au centre », précise-t-il. Les chauves-souris – une cinquantaine apportée au centre l’an dernier – ont, elles, un taux de survie quasi nul. »

Et aussi :

« Pour l’écologue australien Tim Doherty de l’université de Deakin, le chat est, après le rat, l’espèce invasive la plus responsable de perte de biodiversité, tout particulièrement sur les îles où, une fois introduit, il ne fait qu’une bouchée des espèces endémiques naïves.

Ses travaux, publiés dans la revue de l’Académie des sciences américaine (PNAS) en septembre 2016, concluent à 430 espèces de mammifères, oiseaux et reptiles en voie d’extinction à cause du chat. »

<Ici vous trouverez l’article de la Croix évoquant la stérilisation en Belgique>

Car il faut savoir que :

«  la prolifération du chat est exponentielle. Il suffit de quatre ans pour qu’un couple donne une descendance de 20 000 chats ! »

En conclusion, il est donc possible de dire que les chats jouent un grand rôle dans la vie des humains. Toutefois qu’ils sont peut être trop nombreux sur la planète. En revanche que ce qui se passe en Australie et que relate le média Usbek et rica me semble extrêmement préoccupant.

Je ne finirai pas par la photo du chat tenant dans son bec un merle noir que vous trouverez dans l’article de la Croix mais la photo d’Imhotep que Joann Sfar a publié sur twitter.


 

 

 

 

 

 

 

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Vendredi 2 février 2018

« Ce ne sont plus exactement des homo sapiens, mais des humains 2.0, des surhommes crispérisés »
Frédéric Beigbeder

Ce mot du jour renvoie vers certaines découvertes concernant la santé et notamment la capacité d’intervenir sur l’ADN. Vous retrouverez en fin d’article des liens et des explications montrant que le propos de Frédéric Beigbeder n’est pas vraiment humoristique mais plutôt questionnant le monde de demain.

Avant de commencer il faut quand même parler de <crispr> et plus précisément de « CRISPR-Cas9 » (prononcez « crispère »)

L’acronyme CRISPR vient de l’anglais : «  Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats  », en français (« Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées ». Et Cas9 est une enzyme.

« CRISPR-Cas9 » constitue une innovation révolutionnaire qui permet de cibler une zone spécifique de l’ADN, la couper et y insérer la séquence que l’on souhaite remplacer. Dans le langage courant on parle de « ciseau génétique ».

Le journal du CNRS explique de manière un peu plus technique cette invention : https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau

Après cette courte introduction, revenons à Frédéric Beigbeder qui est un écrivain ayant déjà eu deux prix littéraires. Il réalise une chronique sur France Inter à la fin du 7-9.

Le jeudi 18 janvier 2018, il a fait son intervention après Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique, qui était l’invité de Nicolas Demorand pour le lancement des Etats généraux de bioéthique, qui se dérouleront jusqu’au 7 juillet. Le sujet de l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) promis par Emmanuel Macron lors de sa campagne, la reconnaissance des enfants nés grâce à la gestation pour autrui (GPA), l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la médecine ou les interventions sur le génome ont notamment été évoqués.

Frédéric Beigbeder a joué, dans sa chronique, le rôle d’un médecin qui s’adresserait à son confrère, c’est-à-dire à Jean-François Delfraissy.

Et il lui a tenu ce langage :

« Pourquoi tous les génomes français ne sont-ils pas séquencés, ce qui permettrait de détecter les cancers avec 30 ans d’avance ?
Pourquoi le sang artificiel créé par Luc Douai est-il interdit en France ?
Et quid de la congélation des cellules pluripotentes induites également réprimées chez nous ?
Comme le stockage des cordons ombilicaux ?
On a l’impression de vivre dans un monde à deux vitesses.
Une large majorité de mortels peu informés. Et puis nous l’élite mondiale qui sait comment repousser la mort, mais garde le remède secret. […]
En 2015, la grande déclaration du comité international de bioéthique réuni à Paris, à L’Unesco était la suivante :
La révolution génétique soulève de graves inquiétudes, en particulier si l’ingénierie du génome humain devait être appliquée à la lignée germinale…

Donc on ne comprend rien
Une superbe déclaration consultative puisque des thérapies génétiques n’ont cessé d’être testées depuis sur les humains en Grande Bretagne, aux Etats-Unis, en Chine avec des modifications de l’ADN.

Parfois elles ont sauvé des vies, celle de Leila Richards, un bébé leucémique à Londres dont l’espérance de vie était d’une semaine et qui vit toujours. Cet enfant peut être considéré, comme le premier HGM, « humain génétiquement modifié », va-t-on par souci éthique lui interdire de faire des EGM « enfant génétiquement modifié »

Je traduis en français pour les non spécialistes : Vous avez entendu parler des OGM, organisme génétiquement modifié mais vous ignorez probablement qu’il existe désormais des Humains génétiquement modifiés des HGM, et il en existera de plus en plus. Ce ne sont plus exactement des homo-sapiens, mais des humains 2.0, des surhommes crispérisés, crispr étant le nom des ciseaux génétiques, permettant de faire les manipulations génétiques.

Sachant que pour guérir du cancer on va passer par cette crispérisation qui coute des millions de dollars.
Quelle tête feront les gens quand ils sauront qu’un pauvre atteint du cancer devra en mourir et qu’un RGM, riche génétiquement modifié pourra en guérir ?

Si j’ai gaffé, ne répétez à personne cette information confidentielle »

Jean-François Delfraissy, interpellé par Demorand pour répondre à Beigbeder a fait cette réponse :

« Beaucoup de choses intéressantes [ont été dites] et qui montre que ce confrère suit parfaitement les données de la science, les avancées scientifiques. Et qui soulève en effet toute une série de questions, en particulier je retiens la notion de médecine à deux vitesses. Je retiens la question qui pourra y avoir accès. Les problèmes éthiques soulèvent un certain nombre de questions économiques d’accès à la santé et aux nouvelles techniques.

Parlons-en. Sortons du débat d’expert et parlons aux citoyens. »

Vous trouverez la chronique de Beigbeder, derrière <ce lien> et l’émission avec Jean-François Delfraissy derrière <celui-ci>

C’est par la série sur Sapiens de Yuval Noah Harari que j’ai commencé à aborder ce sujet. Dans le mot dont l’exergue est « La singularité ». Je cite Harari qui écrit :

« Si cette question ne vous donne pas le frisson, c’est probablement que vous n’avez pas assez réfléchi».

Mais il va probablement plus loin dans Homo Deus où il évoque une nouvelle religion le dataisme, autrement dit la confiance dans les big data et où il explique que nous allons laisser faire ces évolutions précisément parce qu’elles nous promettent une meilleure santé.

Bien évidemment les parents de Leila Richards ne peuvent qu’être immensément reconnaissants devant toutes ces techniques.

Mais la crainte que cette évolution avec celle de l’« homme augmenté » va créer deux types d’hommes : « l’homo sapiens canal historique » dont nous faisons partie et « homo 2.0 » comme l’appelle Beigbeder dont la chance, si c’en est une, d’en faire partie parait très mince.

Ces évolutions posent aussi des questions de société qui donnent le frisson comme dit Harari.

Au départ, la raison de ces recherches est bien sûr médicale pour guérir, reculer les limites de la mort et de la souffrance.

Mais une fois qu’un petit groupe d’humains aura cette technique faustienne de créer des Hommes Génétiquement Modifiés, qu’adviendra t’il ?

La cupidité de certains est si grande, notamment parmi les puissants et les hyper riches.

L’esprit d’entraide existe aussi saura t’il être le plus fort ?

Jean-François Delfraissy a raison : « Parlons-en. Sortons du débat d’expert. »

Post Scriptum :

Après la chronique de Frédéric Beigbeder, j’ai fait quelques recherches.

J’ai ainsi trouvé le <Rapport du 2 octobre 2015 du Comité international de Bioéthique>. Dont voici des extraits :

Page 8

De nouveaux outils expérimentaux permettent aux scientifiques d’insérer, de retirer et de corriger la séquence de gènes, ouvrant la possibilité de traiter, voire de guérir, certaines maladies monogéniques telles que la béta-thalassémie et la drépanocytose, ainsi que certaines formes de cancer. Si ces procédures s’améliorent et que leur innocuité pour les patients est démontrée, elles permettront le succès longtemps attendu de la thérapie génique somatique. Dans plusieurs pays, la thérapie génique somatique a reçu une approbation éthique et réglementaire parce que les modifications génétiques obtenues ne se transmettent pas à la génération suivante. Les préoccupations des éthiciens et des scientifiques ont précisément été soulevées par la possible application de ces technologies à la modification de la lignée germinale, à des fins thérapeutiques ou à des fins d’amélioration des particularités d’un individu. En conséquence, des appels à un moratoire sur ces technologies ont été lancés, au moins jusqu’à ce que leurs conséquences à long terme et leur sécurité soient mieux évaluées. Certains pays ont interdit toute modification de la lignée germinale chez l’homme alors que d’autres n’imposent pas d’interdictions légales, mais ont élaboré des réglementations administratives ou éthiques (« soft law ») interdisantces expériences sur les gamètes ou les embryons humains.

Page 29

En même temps, cette révolution nécessite des précautions particulières et soulève de graves inquiétudes, en particulier si l’ingénierie du génome humain devait être appliquée à la lignée germinale en introduisant des modifications héritables, qui seraient transmises aux générations futures.

Et si vous voulez en savoir davantage sur le traitement qui a été appliqué à Layla, dans Sciences et avenir j’ai trouvé l’article : « Leucémie : la guérison « miracle » de Layla Richards », pour la première fois, un enfant atteint d’une leucémie aiguë lymphoblastique est entré en rémission grâce à un traitement expérimental utilisant des cellules immunitaires génétiquement modifiées.

Un article sur les recherches du docteur Luc Douay : < On a fabriqué du sang artificiel>

Les cellules pluripotentes évoquées sont des cellules qui dans le processus embryonnaires sont des cellules avant différenciation, c’est-à-dire des cellules qui sont capable de se différencier par la suite en de nombreux types cellulaires différents. Ces cellules existent dans un embryon, on les appelle « les cellules souches embryonnaires »: ces cellules souches sont obtenues à partir d’un embryon de 5 à 7 jours ; pour des questions éthiques, leur utilisation est très réglementée. Mais les scientifiques ont pu fabriquer des « cellules souches pluripotentes induites », dont parle Frédéric Beigbeder. Ces cellules souches sont obtenues à partir de cellules adultes différenciée. Elles sont reprogrammées de manière génétique et peuvent alors se multiplier à l’infini et donner différents types cellulaires.

Sur le site Futura Science j’ai trouvé une vidéo de 2 minutes où un chercheur explique ce qu’il espère réaliser à partir de ces cellules pluripotentes.

Et puis, vous l’avez certainement entendu on vient de créer le premier primate cloné : Et c’est des chinois qui l’on fait.

Techniquement il n’y a plus rien qui empêche qu’on crée le premier humain cloné.

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Vendredi 22 décembre 2017

« La vie secrète des arbres »
Peter Wohlleben

Le mot du jour va s’interrompre pour une sorte de trêve de Noël que je préfère à la formule « la trêve des confiseurs ».

Juste avant Noël, je voudrais partager avec vous un livre que nous avons acheté, Annie et moi, pour nous l’offrir « La vie secrète des arbres » de Peter Wohlleben

J’ai découvert Peter Wohlleben parce qu’il avait été invité aux « matins de France Culture » du 8 décembre 2017.

Peter Wohlleben est un ingénieur forestier qui a cherché à comprendre la forêt et à décrire la vie des arbres, tout en précisant souvent qu’il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas encore. Selon lui, les forêts ressemblent à des communautés humaines. Les parents vivent avec leurs enfants, et les aident à grandir. Les arbres répondent avec ingéniosité aux dangers. Leur système radiculaire, semblable à un réseau internet végétal, leur permet de partager des nutriments avec les arbres malades mais aussi de communiquer entre eux. Et leurs racines peuvent perdurer plus de dix mille ans…

Dans l’émission, Peter Wohlleben remet les choses en perspective et donne une leçon d’humilité aux hommes :

« Nous avons toujours considéré les arbres comme au service de l’humanité, qui produisent pour nous de l’oxygène. Ce n’est pas ça qu’ils font. Les arbres existent depuis 300 millions d’années, les hommes depuis 300 000 ans, les forestiers depuis 300 ans. »

Emission et recherches passionnantes !

J’ai trouvé une interview dans Libération où il explique son parcours et ce qu’il a appris et aussi compris grâce aux travaux des biologistes :

Enfant, Peter Wohlleben voulait protéger la nature. Devenu forestier, il s’est mis à martyriser les arbres, appliquant les consignes de son employeur, l’administration forestière d’Etat allemande. La forêt qu’il exploitait n’était qu’une source de matière première pour les scieries. Il en savait «autant sur la vie secrète des arbres qu’un boucher sur la vie affective des animaux», se souvient-il. Les visiteurs de sa forêt, située sur la commune de Hümmel, au sud de Bonn, ont tout changé. Leur émerveillement a réveillé sa passion et remis en cause sa façon de travailler.

Les arbres ont tant de facultés :

« Il y en a tant ! On sait qu’ils sont connectés les uns aux autres via les racines et nourrissent ainsi les plus faibles. Une étude de l’université de Vancouver a même montré qu’une «mère-arbre» peut détecter ses jeunes plants avec ses racines. On a mesuré qu’elle soutient davantage ces derniers. Les arbres décident bel et bien avec qui ils se connectent. Et ils ont une mémoire. En cas de sécheresse, le bois se déshydrate, se fissure. L’arbre blessé s’en souvient toute sa vie et change de stratégie dès le printemps suivant en réduisant sa consommation d’eau. Les vieux seraient même capables de partager cette information avec les plus jeunes, de les «éduquer». »

Nous apprenons donc que les arbres communiquent :

« Oui, ils peuvent avertir leurs congénères d’une attaque d’insectes, appeler à la rescousse les prédateurs des parasites. Les ormes se débarrassent des chenilles en émettant des substances attirant des petites guêpes qui pondent dans celles-ci. Les arbres sont capables d’identifier la salive des chenilles en la distinguant de celle d’un cervidé et ainsi adopter la stratégie de défense adaptée. Si c’est une biche qui les croque, ils envoient dans leurs rameaux des substances toxiques ou amères. Ce qui prouve qu’ils ont le sens du goût. Ils peuvent aussi «voir» la longueur des jours, «sentir» des messages olfactifs ou la température de l’air. Ils sont peut-être même dotés de l’ouïe : il a été prouvé que les racines de céréales émettent un son et que celles des plantes alentour se dirigent alors dans cette direction. »

Peter Wohlleben parlent aussi des nombreuses questions non résolues, par exemple de la mémoire :

« En premier lieu, où les arbres stockent-ils leur mémoire ? Ils n’ont pas de cerveau tel que le nôtre. Mais nous savons qu’ils stockent les connaissances acquises. Par exemple, ils comptent les journées chaudes au printemps pour éviter de fleurir trop tôt. Ils savent que trois jours chauds ne suffisent pas, qu’il faut encore attendre. Sans mémoire, chaque jour serait compté comme étant le premier. Ensuite, j’aimerais savoir s’ils communiquent sur d’autres sujets que les dangers détectés. Je rêve d’un dictionnaire chimique permettant d’analyser leurs messages olfactifs. Peut-être parlent-ils de la météo, de ce qu’ils ressentent. Notre nez peut déjà déceler certains signaux. Une odeur aromatique, l’été, dans les forêts de conifères signifie qu’ils s’avertissent : il fait trop sec, trop chaud, des insectes attaquent… Ces forêts sont le plus souvent plantées, donc vulnérables. Malgré la senteur agréable et même si nous n’en avons pas conscience, notre corps perçoit l’appel à l’aide. Des recherches ont montré que notre pression artérielle augmente dans ce type de forêts et baisse dans celles de feuillus intacts, qui échangent sans doute des signaux de bien-être. Nombre de visiteurs de notre réserve de hêtres me disent qu’ils s’y sentent chez eux, dans leur élément. »

Il insiste aussi beaucoup sur la solidarité qu’ils manifestent les uns à l’égard des autres. C’est encore la culture de l’entraide.

La journaliste de Libération lui pose la question de son excès d’anthropomorphisme pour parler des arbres. Il y répond simplement :

Quand j’ai commencé à animer des visites guidées, j’abordais des notions trop ardues, je décrivais les arbres sans langage imagé, les gens s’ennuyaient. J’ai appris à parler de façon compréhensible, en faisant appel aux émotions. Et on ne peut comparer qu’avec ce qu’on connaît. Quand je dis qu’une mère-arbre allaite ses plantules grâce à la connexion de leurs racines, chacun comprend.

Parce que bien entendu les arbres sont très différents des humains par exemple il communique de manière très différente de nous. Ils ne parlent pas mais cela n’empêche pas les arbres de communiquer. En émettant des substances odorantes, ils échangent chimiquement, et électriquement aussi. Il suffit de soulever un bout de terre en forêt pour découvrir des filaments blancs. Il s’agit d’hyphes de champignons, qui participent, avec les racines, à la transmission d’informations sur la sécheresse du sol, une attaque d’insectes ou tout autre péril. Ces fils, qui fonctionnent sur le même principe qu’Internet, forment un réseau souterrain si dense que des scientifiques l’ont baptisé le « Wood Wide Web ». Difficile de déterminer le type et le volume d’informations communiquées tant la recherche est embryonnaire sur le sujet.

Il aborde encore beaucoup d’autres aspects celui du temps des arbres qui n’est bien sûr pas celui des humains et celui de l’interventionnisme des hommes dans les forêts qu’il juge contre-productive :

« Moins on intervient, plus une forêt est équilibrée, saine, résistante aux maladies ou aux tempêtes. Protéger une forêt ne nous fait pas perdre en qualité de vie, au contraire. Seule l’industrie du bois y perd. L’idée n’est pas de les protéger toutes – nous en sommes d’ailleurs très loin : en Allemagne, à peine 1,9 % des forêts le sont. Car nous aurons toujours besoin de bois, ne serait-ce que pour produire du papier. Mais nous pouvons changer nos pratiques. Une forêt exploitée subit toujours des dommages, mais on peut les minimiser. Pour sortir les troncs, mieux vaut des chevaux de trait que des engins qui tassent le sol. Quand ce dernier est détruit, il l’est pour toujours et ne peut plus stocker assez d’eau. Il faut aussi bannir les pesticides, car un écosystème est comme une horloge : si vous en détruisez un rouage, il ne fonctionne plus. Or c’est ce que font les produits chimiques. […]

Le temps des humains ne correspond pas à celui des arbres. On veut des résultats rapides, d’où toutes ces plantations où les arbres grandissent vite mais sont fragiles. Restaurer une forêt primaire prend cinq cents ans. Cela paraît énorme, mais c’est la longévité normale d’un arbre. Or, quand vous laissez les forêts vieillir, elles régulent le climat. Leur microclimat local, mais aussi le climat mondial, en absorbant beaucoup de CO2. Des recherches ont été faites sur des forêts de hêtres. Les chaudes journées d’été, celles laissées intactes sont plus fraîches de 3,5°C en moyenne que celles exploitées. Les forêts peuvent nous aider à lutter contre le changement climatique, à condition que nous leur permettions de faire leur job. »

Un autre article rapporte la solidarité et la « la vie sociale » des arbres :

« Par ailleurs, l’arbre a tendance à créer des colonies. Sexué, dans la forêt, il distribue des graines autour de lui et parvient ainsi à se reproduire. Dans le même temps, ses racines grandissent et s’étendent alentour, permettant à ses descendants de pousser. Le Dr Suzanne Simard, professeur d’écologie forestière à l’université de la Colombie-Britannique, parle même d’«arbres-mères qui allaitent leurs enfants», leur assurant un approvisionnement régulier à travers les champignons mycorhiziens qui entretiennent des relations avec leurs racines. Ces champignons, véritables partenaires des arbres, poussent sous la surface du tapis forestier et créent des interconnexions, donc des échanges d’une plante à l’autre même lorsqu’elles appartiennent à des espèces différentes. »

Tout un monde ignoré. Un monde d’intelligence partagée et de solidarité.

Un film a été réalisé à partir du livre : « L’intelligence des arbres ».

Vous en trouverez un extrait <ICI> et vous pourrez enchainer sur 4 autres.

Le prochain mot du jour sera publié, sauf force majeure, le lundi 8 janvier 2018

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