Mardi 25 septembre 2018

« Nous n’étions que des enfants »
Rachel Jedinak

La semaine dernière la cinéaste Marceline Loridan-Ivens, camarade de déportation de Simone Veil pendant la Seconde guerre mondiale dans le camp d’Auschwitz-Birkenau, est morte à 90 ans.

Il y a un an c’était le tour de Simone Veil.

Il n’y a plus beaucoup de survivants de cette époque sombre et terrible de l’humanité.

Rachel Jedinak est l’une d’entre elle, elle est une des rescapées de la rafle de la Vel d’Hiv.

Elle vient d’écrire un livre publié le 19 septembre 2018 : « Nous n’étions que des enfants ». Elle était invitée sur France Inter le jeudi 20 septembre 2018.

Elle raconte sa vie de petite fille juive, dans le Paris en guerre.

A la question pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour raconter votre histoire ?

Elle répond :

« En fait, après la guerre on ne nous a pas laissé parler.
On parlait de la France résistante !

Il m’est arrivé, je le dis dans le livre, d’essayer de parler de cela. On me répondait tais-toi on ne parle plus de cela, on parle de l’avenir.
J’ai entendu aussi, tu as eu de la chance d’être resté en vie. Alors tais-toi.

On ne parlait que de la France résistante.
Pendant cinquante ans, nous nous sommes tus.»

Lors des mots consacrés à Simone Veil j’avais déjà abordé ce sujet des mémoires. C’était le mot du 6 septembre 2017 dans lequel je citais Simone Veil :

« Si nous n’avons pas parlé c’est parce que l’on n’a pas voulu nous entendre, pas voulu nous écouter»

Dans cet article je décrivais les différents types de mémoire à la sortie de la guerre et j’opposais notamment la mémoire triomphante des résistants à la mémoire blessée des déportés.

Rachel Jedinak considère que la véritable rupture de l’« omerta » se situe au moment de la reconnaissance par le Président Chirac de la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d’Hiv.

« Lorsque Jacques Chirac, en 1995, a reconnu la responsabilité du régime de Pétain, de la France d’alors, les vannes se sont ouvertes et nous avons enfin pu nous exprimer, parler. Cela a mis du temps. »

En 1939, elle vivait une vie heureuse d’une enfant de Ménilmontant qui grandit, entouré d’amour par ses parents, dans une famille juive polonaise. Rachel Jedinak est née Rachel Psankiewicz. en 1934.

« Je vivais dans le quartier de Ménilmontant où vivait également des républicains espagnols, des italiens qui avaient fui le régime de Mussolini. Il y avait donc un melting pot d’enfants. Nous jouions ensemble, beaucoup dans la rue, parce qu’il y avait très peu de voitures à l’époque. »

En 1940, Pétain signe l’armistice avec Hitler, et la traque des juifs commence. Rachel Jedinak raconte des enfants qui ne veulent plus jouer avec elle, parce qu’elle est juive. Et l’étoile jaune qu’il faut porter, cela va valoir une scène avec sa mère qui est en train de coudre l’étoile jaune sur la robe de petite fille. Elle arrache la robe et l’étoile et dit : « je ne veux pas porter ça ! »

Et sa mère la gronde et lui dit : « C’est comme ça, je vais la porter, ta sœur va la porter et tu vas la porter ».

« Je garde l’image, parce que cela a été un moment difficile pour moi.
J’ai pu échanger, assez récemment avec des gens qui étaient plus âgés que moi.
Les adolescents bravaient cela.
Moi j’avais 8 ans et c’était très difficile de la porter.
Je garde de cela une honte non pas d’être juive, mais d’être juive avant toutes les autres choses que j’étais.»

Elle manifestait pourtant son hostilité, elle refusait de chanter l’hymne à Pétain que les écoliers devaient chanter en commençant la classe : « Maréchal nous voilà ». Et sa maîtresse lui permettait de ne pas le chanter.

« J’ai eu des maîtresses formidables qui nous ont materné, qui nous ont aidé. »

En juillet 1942, c’est la rafle du Vel d’Hiv. Elle est emmenée avec sa sœur et sa mère, parquées dans une cour dans un immeuble appelé « La Bellevilloise » qui est aujourd’hui un lieu festif où on joue du rock. Sa mère apprend qu’il y a une sortie de secours, alors elle ordonne à ses deux filles de s’enfuir. Mais Rachel refuse, elle s’accroche à la jupe de sa mère. La mère lui donne alors une gifle la première et la dernière qu’elle lui aura jamais donné. Cette gifle va lui sauver la vie. Sidérée elle obéit et s’enfuit avec sa sœur.

« Cette gifle m’a sauvé la vie, je ne l’ai réalisé que plus tard. »

Elle raconte les conditions dans lesquelles tout cela s’est passé, dans le petit matin, avec une chaleur insoutenable notamment parce que tous ces nombreux parents et enfants étaient serrés les uns contre autres, les petits réveillés dans la nuit criaient dans les bras de leurs mères. Personnes ne savaient ce qui allaient se passer, les enfants étaient angoissés, avaient peur. Quitter leur mère était un déchirement d’une violence inouïe.

Ni la mère, ni le père ne reviendront des camps.

Le récit de cette journée se trouve aussi sur cette « page ».

Rachel Jedinak est la présidente du « Comité « Ecole de la rue Tlemcen » », l’association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés du XXe arrondissement de Paris.

<Ici vous verrez une video où elle raconte son histoire>

Ce n’était que des enfants.

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Mercredi 7 octobre 2015

« Shirley card »
Manifestation de racisme silencieux

La France n’est pas un pays de race blanche.

En 1789, les français étaient quasi exclusivement de peau blanche.

Aujourd’hui il existe bien davantage de diversité.

Mais il n’y a pas de race blanche, il n’y a qu’une race humaine.

Et si un un humain a besoin urgemment d’une transfusion sanguine, un humain de peau blanche n’aura pas forcément besoin du sang d’un autre humain de peau blanche, mais bien du sang d’un humain disposant du même groupe sanguin et dont la couleur de la peau n’a aucune importance.

Ça c’est dit !

Mais grâce à la revue de presse internationale de France Culture du 02/10/2015 j’ai appris qu’il avait existé une «Shirley card»

Pour les plus jeunes, il faut d’abord rappeler qu’avant les cartes mémoires et la photo numérique, il existait des pellicules photos qu’il fallait développer pour obtenir des photos. Et que le «microsoft» des pellicules photos s’appelait Kodak.

C’est dans ce domaine qu’il a existé la «Shirley card». La carte Shirley, est une photo représentant une jeune femme blanche, qui s’appelait selon toute vraisemblance du même nom. Et ce terme est ensuite devenu plus générique, désignant l’ensemble des photos de jolies femmes blanches, dont la carnation servait de base pour doser le rendu couleur des pellicules.

Parce qu’une pellicule photo est faite, en réalité, de plusieurs couches enduites de substances chimiques, qui ont chacune un rôle de capteur de lumière bien précis, pour produire un rendu couleur équilibré. Et jusqu’aux années 1990, elles étaient donc dosées pour un rendu dédié à des peaux blanches et non pour rendre des nuances de brun ou de noir. Des tests ont été réalisés à partir de photos des années 1970, prises avec un appareil Kodak. Résultat, quand les peaux blanches ressortent et sont nettes, les peaux noires, elles, sont uniformes et sans nuance.

C’est un article du magazine SLATE qui nous révèle ainsi que les pellicules photos n’ont pas été conçues pour les peaux noires. Et la manière dont les professionnels s’en sont aperçus est surprenante. C’est la difficulté d’obtenir un bon rendu pour les photos de chocolat ou de certains types de bois dans les publicités de meubles, qui a mis en évidence ce déséquilibre.

Kodak a été puni ! L’entreprise n’a pas vu venir la révolution numérique et le 19 janvier 2012, Kodak dépose le bilan. Kodak et ses filiales américaines demandent à bénéficier de la protection de la loi sur les faillites afin de pouvoir se restructurer. Pour sortir de sa mauvaise situation financière, le groupe vend des brevets, notamment à Apple et Google, et change son organisation. A priori en septembre 2013, Kodak parvient à sortir de sortir du processus de faillite. Elle comptait 145 300 salariés à son apogée en 1988, l’effectif mondial de Kodak est tombé en dessous de 20 000 depuis.

Les jeunes numérix boy et girls vont dire : c’est de l’histoire ancienne, grâce au numérique plus de manipulation pour rendre les blancs plus beau !

Que nenni !

Slate nous apprend qu’il existe des avatars modernes et numériques. «Un article du site américain RACKED explique ainsi que la plupart des filtres Instagram consistent surtout à blanchir le teint des personnes photographiées. Et l’article d’en conclure : c’est ce qu’on appelle le racisme silencieux.»

et voici un exemple de la Shirley card


Vous apprécierez le mot «NORMAL» utilisé et je m’interroge sur ce qui peut bien être anormal ?

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