Jeudi 16 mai 2019

« La 10ème symphonie »
Dimitri Chostakovich

J’ai déjà évoqué Dimitri Chostakovitch et une de ses grandes œuvres :  l’opéra «Lady Macbeth du district de Mzensk».

C’était le mot du jour du lundi 1 février 2016.

Je racontais ses démêlés avec le pouvoir stalinien et Staline lui-même.

Pendant la guerre, la composition de la 7ème Symphonie « Léningrad » puis de la « Huitième », deux œuvres épiques et célébrant l’héroïsme et le courage du peuple soviétique l’avait fait rentrer en grâce auprès du dictateur et de ses affidés.

Il finit ce cycle des symphonies de guerre, par sa neuvième créée le 5 novembre 1945 à Leningrad. Staline voulait une musique flamboyante célébrant la victoire de l’armée rouge et une œuvre dédiée à sa gloire personnelle. Mais Chostakovitch fit tout autre chose, une œuvre légère, traduisant un soulagement de la fin de la guerre et de la souffrance. Une musique manifestement non militariste.

Chostakovitch fut de nouveau écarté de tout poste officiel, on ne joua plus ses œuvres et il craignait toujours d’être envoyé au goulag.

Artistiquement, il fut condamné pour «formalisme» par Jdanov, président de l’Union des Compositeurs

Et il fallut attendre la mort de Staline, pour qu’enfin il puisse faire exécuter ce chef d’œuvre qu’est la dixième symphonie.

La dixième symphonie se compose de quatre mouvements.

Le plus connu est le deuxième mouvement. Une course à l’abime qui ne s’arrête pas d’une violence sans pareil. Il dure entre 4 et 5 minutes.

Voici par exemple une interprétation de ce mouvement par l’orchestre du Concert Gebouw d’Amsterdam sou la direction d’Andris Nelson : <C’est Ici>

Mais cette version par un remarquable chef et un orchestre superlatif est bien trop sage à mon goût.

Beaucoup plus mal enregistré, voici une version plus convaincante dans l’esprit par <Gustavo Dudamel dirigeant le Simón Bolivar Youth Orchestra of Venezuela>

Peut-être que certains seront sensibles à cette <version présentée comme du heavy métal>. Ce n’est absolument pas mon cas.

A tout prendre, je préfère cette version dansée par <Beyonce>. Au moins elle n’abime pas la musique du chef d’œuvre de Chostakovitch. Bien que selon moi, cette danse n’apporte rien à la musique qui se suffit à elle-même.

Si vous voulez entendre cette musique dans sa démesure et sa violence, il faut écouter <cet enregistrement de Karajan> au sommet de son art avec son orchestre berlinois.

Ce mouvement est un cri de colère et de rage contre Staline.

Dans ses Mémoires, Chostakovitch a écrit :

« Il est difficile de dessiner l’image d’un homme politique mais ici j’ai rendu son dû à Staline ; avec moi il a trouvé chaussure à son pied. On ne peut guère me reprocher d’éviter un phénomène repoussant de notre réalité ».

Il a dit aussi que c’était un « portrait au vitriol de Staline ». Pour approfondir vous pourrez lire <cet article>

Mais cette symphonie ne se résume pas à son deuxième mouvement, elle s’ouvre par un long premier mouvement qui s’apparente à une marche funèbre, peut-être en l’honneur des victimes du dictateur. Elle s’achève de manière tonitruante comme un chant de victoire après nous avoir bousculés dans tous les méandres de l’émotion.

Samedi 27 avril, nous sommes allés, avec Annie, à l’auditorium de Lyon pour écouter une interprétation de ce monument.

Je ne savais rien du chef qui allait diriger.

Quand j’ai commencé à lire le programme je compris que le chef d’orchestre était particulièrement jeune : 23 ans.

J’étais un peu inquiet : n’était-ce pas un peu jeune pour s’attaquer à une telle œuvre ?

Je demandais par texto à mon ami Bertrand : «Connais-tu Klaus Mäkelä ?»

La réponse fut négative.

J’étais un peu rassuré, il venait d’être nommé directeur de l’Orchestre Philharmonique d’Oslo. Les norvégiens sont des gens sérieux et l’Orchestre Philharmonique d’Oslo a toujours accueilli des directeurs qui allaient devenir les meilleurs par la suite.

Et…

Ce fut une révélation. Ce jeune chef finlandais est remarquable et je pus renvoyer un message à Bertrand :

« Tu en entendras parler c’est un chef exceptionnel. Surtout à son âge »

Une interprétation ébouriffante, maîtrisée et profondément vécue.

Depuis je me suis intéressé à ce jeune chef qui est aussi un violoncelliste de très haut niveau.

Il dispose bien sûr d’un site : <Klaus Mäkelä>

On y lit cette critique de Classique News du 14/12/2018, après un concert avec l’orchestre du Capitole de Toulouse :

« Klaus Mäkelä, jeune maestro superlatif – Le génie n’attend pas le nombre des années

Parmi les chefs invités par l’Orchestre du Capitole, il y en a de toutes sortes. Ce n’est pas fréquent qu’un chef aussi jeune, 23 ans , fasse une impression aussi consensuelle et évidente sur d’autres qualités que la jeunesse. Le très jeune chef finlandais Klaus Mäkelä est déjà un très grand chef.

Les génies de la baguette sont rares et les plus audacieux ont su se l’attacher. Qu’apporte ce chef de si génial ? Une autorité bienveillante et naturelle, des gestes très clairs et dont la souplesse révèle une belle musicalité. Cet artiste est également un violoncelliste de grand talent ! La précision de la mise en place, la clarté des plans sont sidérantes. Il encourage l’orchestre et ne le bride pas. Il faut dire que l’Orchestre du Capitole atteint un niveau d’excellence qui permet à un chef musicien d’atteindre de suite des sommets.

Après l’entracte, le chef dirige avec un réel plaisir communicatif la pièce de Stravinski qu’il préfère, Petrouchka. Il faut reconnaître que son interprétation est marquée par une confiance absolue et une solidité remarquable. Rien ne vient ternir une énergie invincible. L’orchestre du Capitole répond comme un seul à cette direction précise et le résultat est particulièrement lumineux et même éclatant. Chaque instrumentiste est parfait. »

Ce texte est très proche de ce que j’ai vécu le 27 avril.

Quelquefois grâce à la toile, d’heureux hasards peuvent être rencontrés.

Vous trouverez derrière ce lien : <Klaus Mäkelä qui dirige la 10ème de Chostakovitch avec the Gothenburg Symphony>

Pour les impatients, le deuxième mouvement commence à 25 :40.

Et quand il joue au violoncelle, c’est très bon aussi : <un extrait du concerto de Dvorak>

Le talent n’attend pas les années.

Un bien belle rencontre.

<1236>

mercredi 20 mars 2019

« Retour sur les arêtes de poissons »
Sujet déjà évoqué mais une page créée par le Progrès permet d’y revenir

C’était il y a un an, j’ai écrit une série d’articles sur la ville de Lyon. Le deuxième de ces mots du jour était consacré à un sujet étonnant « Les Arêtes de Poisson ».

Il s’agit de galeries creusées sous la colline de la croix rousse à Lyon, qui selon la datation scientifique remonte à l’époque romaine.

En utilisant des outils modernes de présentation, le journal « Le Progrès » a créé une page pour présenter ce mystère lyonnais : <Lyon : l’énigme sous la colline>

Il n’y a aucun élément nouveau, mais une autre manière de présenter ce mystère qui mérite d’être vue, c’est pourquoi je le partage.


<Article sans numéro>

Vendredi 9 mars 2018

« Doudou et Zizi »
Deux maires de Lyon, ayant dirigé la ville pendant plus de 70 ans !

Il s’agit du dernier article consacré à Lyon et inspiré par les émissions que la Fabrique de l’Histoire a consacré à la capitale des Gaules.

Normalement ce mot devrait être consacré à la dernière émission : <1562, Lyon capitale protestante>

Quelques mots sur ce point d’histoire toutefois. Lyon est une ville catholique. Jamais la ville, ni la province qui l’entourait : le Lyonnais n’ont été dirigé par un Prince, un Duc, un Comte. Lyon était dirigé par l’Église et l’autorité était celui de l’Archevêque de Lyon. Mais en pleine guerre de religion, dans la nuit du 29 au 30 avril 1562, les protestants s’emparent militairement de Lyon. C’est notamment un chef de guerre protestant : le baron des Adrets qui imposa un pouvoir brutal jusqu’au 15 juin 1563. Tout ceci peut être approfondi en écoutant l’émission précitée.

Mais pour ce dernier article j’ai préféré, sur un mode plus léger, évoquer des maires de Lyon.

L’idée initiale est venue de la lecture d’un article de Slate consacré à la dernière campagne municipale où l’actuel Ministre de l’intérieur a conservé son mandat de maire de Lyon. C’était un article politique très sérieux qui essayait de démontrer que Lyon voulait être dirigé au centre pas forcément par un centriste.

Mais c’est un paragraphe qui a attiré mon attention et m’a révélé l’existence de Doudou et Zizi ! Slate donnait la parole à un historien Bruno Benoît qui disait à propos de Gérard Collomb :

« recueillant les fruits d’une popularité qui, remarque Bruno Benoît, lui vaut le rare privilège de se voir attribuer un surnom tout en finesse par les Lyonnais: après «Doudou» pour Edouard Herriot, puis «Zizi» pour Louis Pradel, c’est «Gégé» qui devrait être réélu fin mars pour un troisième mandat

Ma fréquentation des socialistes à partir de 2003, m’avait appris que certains d’entre eux disait « Gégé » en parlant du maire de Lyon, une impression de connivence était immédiatement perceptible avec l’édile, une sorte d’affection presque… quoique dans le monde politique les intérêts personnels ne laissent guère de place à l’affection toujours précaire et susceptible d’être révoquée.

Mais cet article m’apprenait que c’était un privilège des maires de Lyon au long cours d’avoir un « surnom ». Et je vais donc m’intéresser à « Doudou » et « Zizi ».

Pour ma part je trouve ces surnoms plutôt ridicules que « tout en finesse ».

Edouard Herriot a été maire de Lyon de 1905 jusqu’à sa mort en 1957. Pour être précis, il fut révoqué par le gouvernement de Vichy le 20 septembre 1940 et ne redevint maire qu’à la fin de la guerre le 18 mai 1945.

Louis Pradel lui succéda. Il fallait désigner un intérimaire à la mort de Doudou, il était l’adjoint aux sports et aux beaux-arts. On raconte que les principaux ténors politiques du conseil municipal n’arrivant pas à se mettre d’accord, il fut choisit car il ne faisait d’ombre à personne et qu’il pourrait être facilement manipulé. Tel ne fut pas le cas, il s’imposa et resta lui aussi maire jusqu’à sa mort.

A sa mort, Francisque Collomb.un de ses adjoints lui succède. Mais à partir de là ce fut plus compliqué : Francisque Collomb nomma Michel Noir comme 1er adjoint. Et Michel Noir se présenta contre lui et le battit aux élections de 1989. Michel Noir fut lui-même écarté pour des raisons d’affaires judiciaires. A contre cœur Raymond Barre vint lui succéder. Raymond Barre qui en affirmant que « Gérard Collomb serait un excellent maire de Lyon » saborda son camp politique. Et depuis grâce à « Gégé » la vie politique lyonnaise est redevenue stable et prévisible.

Mais mon sujet est Doudou et Zizi. L’amplitude de leur règne est donc de 1905 à 1976, soit 72 ans quasi ¾ du XXème siècle. C’est quelque chose 72 ans !

Les dernières années d’Edouard Herriot ont été des années de stagnation, le vieux maire n’entreprenant plus grand-chose.

Louis Pradel lui succédant engagea toute une série de travaux, pour les partisans il fut un bâtisseur, pour ses opposants il fut un « massacreur urbain » pour tous il était « Zizi le béton »

Il s’en moquait lui-même. : Aux municipales de 1965, les gaullistes présentèrent contre lui Maurice Herzog. Maurice Herzog était né à Lyon en 1919, il était le ministre de la Jeunesse et des Sports mais sa célébrité venait surtout de son exploit d’avoir été le premier européen à avoir vaincu l’Annapurna le 3 juin 1950. Cet exploit fut largement médiatisé, depuis plusieurs proches dont sa fille ont remis en cause sa légende. Mais en 1965, il était auréolé de la lumière de son exploit et du soutien de Gaulle. Mais il n’impressionna pas Pradel qui déclara : « On m’appelle « Zizi », c’est sympathique mais lui, c’est un « Zozo » qui n’a pas sa place ici ».

En 1965, Zizi créa son propre parti, le P.R.A.D.E.L. : « pour la réalisation active des espérances lyonnaises », et investit, sous cette étiquette, une liste dans chacun des arrondissements. Il gagna, dès le premier tour, la totalité des arrondissements. Zozo, dépité, s’en alla et devint maire de Chamonix en 1968 et le resta jusqu’en 1977. Il y avait donc de la place en Rhône Alpes pour Zizi et pour Zozo.

Donc Zizi est parti à New York, il fut émerveillé et revint à Lyon avec de belles idées : « il faut pouvoir traverser Lyon sans aucun feu rouge ». Il ordonna donc la traversée du centre de Lyon par l’autoroute Paris-Marseille, grâce au tunnel de Fourvière et au centre d’échange multimodal de Perrache, surnommé le plat de nouilles, en raison des nombreux tunnels (autoroute, métro, bus) qui s’y croisent. C’est aujourd’hui sa réalisation la plus contestée, qualifiée de connerie du siècle par Michel Noir, maire de Lyon de 1989 à 1995.

Je ne montre pas ce que lPerrache est devenu, mais une image de la Gare de Perrache telle qu’elle a été conçue. Lors du mot du jour précédent j’avais écrit qu’elle était inspirée de l’architecture du Palais impérial prévu pour Napoléon et jamais construit.

Par ailleurs et sans être exhaustif, Lyon doit à Zizi le béton :

  • Le développement du tout-à-l’égout et assainissement des vieux quartiers ;
  • En tant que Président des Hospices Civils de Lyon, les Hôpitaux de Neurologie et de Cardiologie ;
  • Installation à Lyon du Centre international de recherche sur le cancer
  • Un Palais des Congrès jouxtant la roseraie du Parc de la Tête d’Or, inaugurée avec la Princesse Grace de Monaco (Annie me fait justement remarquer que ce palais a été détruit lors de la construction de la Cité internationale par Renzo Piano. Elle le sait d’autant plus qu’à l’époque de sa démolition elle travaillait dans le cabinet Piano) ;
  • Le quartier de la Duchère ;
  • Le quartier de La Part-Dieu, sur les 35 ha d’une ancienne caserne de cavalerie, quartier destiné à attirer des centres de décision, incluant un centre commercial et la nouvelle Bibliothèque municipale de Lyon ;
  • Le développement du métro de Lyon et après les travaux de la ligne A, la rue de la République et la rue Victor Hugo ne furent pas rendues à la circulation automobile, pour devenir les premières rues piétonnes de Lyon, ce qui peut relativiser sa passion de la voiture.

Atteint d’un cancer, il meurt quelques mois avant la mise en service du métro.

Zizi est resté concentré sur son mandat local, affirmant et respectant sa parole de ne jamais prétendre à un poste de ministre ou des responsabilités nationales.

Tel ne fut pas le cas de Doudou, l’inoubliable inventeur de cette formule :

« La politique, c’est comme l’andouillette. Ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop. »

Après avoir été élu Maire de Lyon en 1905, il devient sénateur en 1912 et embrasse ainsi une carrière politique nationale qui fait de lui l’un des principaux représentants du parti Radical.

<Ce site parle de tous les maires de Lyon> (D’ailleurs vous trouverez une photo de Gérard Collomb jeune assez étonnante)

Et concernant Doudou, il dit les choses suivantes :

« Il s’engage dans l’affaire Dreyfus aux côtés d’Émile Zola et Anatole France, et fonde la section lyonnaise de la Ligue des droits de l’homme. Il s’affirme comme un orateur exceptionnel.

Le 12 décembre 1916, il obtient son premier poste ministériel comme Ministre des Travaux publics, des Transports et du Ravitaillement, […]

En 1924, Il est appelé [une première fois] à la présidence du Conseil […],.

Fervent défenseur de la laïcité, il veut alors introduire les lois laïques en Alsace-Lorraine et rompre les relations diplomatiques avec le Vatican mais il est désavoué par le Conseil d’État et la résistance populaire sur le premier point et se heurte à l’opposition du Sénat et au risque de velléités indépendantistes locales sur le second. »

Sous la IIIème République il est Président du Conseil des ministres à trois reprises, c’est une figure du Cartel des gauches, coalition gouvernementale et parlementaire des années 1920,  il présida aussi la Chambre des députés, sous la IIIe République, et même l’Assemblée nationale, sous la IVe République.

Bref, il est une des personnalités principales de la IIIème république.

Georges Clemenceau aura sur lui ce trait ironique :

« Le Vésuve se borne souvent à fumer sa pipe comme Herriot, tout en ayant sur celui-ci l’avantage de se faire parfois oublier ».

Le site précité raconte aussi un épisode où Doudou manquera manifestement de jugement :

« À l’invitation de Staline, Édouard Herriot se rend en 1933 à Moscou. Ce voyage s’inscrit dans la tentative de rapprochement franco-soviétique qui débouchera sur le pacte franco-soviétique de 1935. À cette occasion, Herriot visite l’Ukraine où sévit alors une famine dramatique. Abusé par la propagande soviétique et les figurants se dressant sur son passage, Édouard Herriot ne se rend pas compte de la famine qui sévit dans le pays et déclare n’avoir vu que « des jardins potagers de kolkhozes admirablement irrigués et cultivés […]. Lorsque l’on soutient que l’Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules. », dans son récit de voyage publié l’année suivante, « Orient »

Après la guerre, il est même élu membre de l’Académie française le 5 décembre 1946.

En tant que maire de Lyon, il a marqué durablement la ville de Lyon. Beaucoup de son empreinte de bâtisseur est lié à sa relation avec l’architecte lyonnais : Tony Garnier. A eux deux, ils vont marquer le territoire de la ville par la réalisation de grands équipements : les abattoirs et le marché aux bestiaux de Gerland (1913-1928), l’hôpital de Grange-Blanche (1914-1933), le stade municipal de Gerland (1913-1926), la salle des fêtes de la Croix-Rousse (1934) et surtout la construction d’un nouveau quartier : les Etats-Unis (1920-1935).

Mais en 1935, il décide de la démolition de l’hôpital de la Charité pour y faire construire un grand Hôtel des postes, dans le plus pure style stalinien. Montrant une absence totale de souci de sauvegarde du patrimoine.

<L’hôpital de la Charité> est un hôpital historique construit à partir de 1617.

Ce fut un personnage considérable mais qui probablement resta trop longtemps sur le devant de la scène et ne sut pas se retirer à temps

Il avait aussi la magie de la formule . J’en citerai deux :

« C’est à Nice que j’ai lu à la devanture d’un restaurant du Vieux-Nice : Restaurant Ouvrier – Cuisine bourgeoise. C’est bien le programme de certains de mes amis socialistes ».

« Le Sénat est une assemblée d’hommes à idées fixes, heureusement corrigée par une abondante mortalité. »

Le lecteur curieux et attentif posera cependant la question mais pourquoi les a-t-on appelé Doudou et Zizi ?

Pour Doudou c’est simple, c’est la syllabe d’Edouard, répété deux fois.

Mais pour Zizi ?

Je compte sur vous pour trouver des hypothèses…

<1033>

Jeudi 8 mars 2018

« Lyon fit la guerre à la Liberté ; Lyon n’est plus»
Décret de la Convention du 12 octobre 1793

La révolution française fut très cruelle pour Lyon, surtout en 1793.

Si vous regardez de manière attentive la carte des départements de l’ancienne Région Rhône-Alpes, une anomalie saute tout de suite aux yeux.

La Loire et le Rhône ne ressemblent pas aux autres départements, ils sont plus petits. On dirait même qu’ils sont chacun la moitié d’un département comme l’Ain, l’Isère ou les Savoies.

Et c’est vrai, à l’origine Le Rhône-et-Loire fut l’un des 83 départements créés à la Révolution française, le 4 mars 1790 en application de la loi du 22 décembre 1789, à partir du territoire de la Généralité de Lyon elle-même constituée des anciennes provinces du Lyonnais, du Beaujolais et du Forez.

Mais ce département fut divisé en deux pour punir Lyon qui avait eu la mauvaise idée de chasser les montagnards et de prendre le parti des girondins, alors qu’à Paris les montagnards de Robespierre étaient en train de vaincre les Girondins.

Rappelons que les Girondins avaient pour nom Vergniaud, Brissot, Roland et Condorcet.

En face les montagnards s’appelaient Robespierre, Danton, Marat, Saint Just.

Les premiers qui attaquèrent, furent d’abord les Girondins qui, pour cause de dénonciations calomnieuses, firent décréter l’arrestation de Marat par la Convention nationale le 13 avril 1793 ; mais celui-ci fut acquitté par le Tribunal criminel extraordinaire et regagna l’Assemblée triomphalement le 24 avril 1793.

Ce fut le début du déclin des girondins.

Deux articles de Wikipedia détaillent les évènements lyonnais : <Lyon sous la Révolution> et <Soulèvement de Lyon contre la Convention nationale>

Au début de la révolution les lyonnais sont très favorables à celle-ci.

Nous pouvons lire dans Wikipedia :

« En 1789, Lyon est avec Paris la seule agglomération à dépasser de façon certaine les 100 000 habitants. Ville de banque, de négoce et de manufactures, elle vit surtout de la soierie, qui occupe un tiers de la population. Mais la France est alors plongée dans une crise économique très grave, et cette industrie est en crise. Selon Arthur Young, agronome britannique qui visite la ville en décembre, 20 000 personnes vivent de la charité et souffrent de la disette, et les couches populaires sont confrontées à la misère. […] Le peuple de la ville espère que les États généraux de 1789 vont supprimer les droits d’octroi, établis par l’oligarchie marchande pour acquitter le loyer des emprunts sans imposer les propriétés. Toutefois, la nouvelle municipalité issue des élections maintient l’octroi. Cette mesure provoque une nouvelle émeute, qui contraint les édiles à reculer ; mais l’Assemblée constituante rétablit provisoirement les barrières. Cette décision déclenche une nouvelle émeute, accompagnée du pillage des maisons des plus riches et de la demande de la taxation des denrées de première nécessité. »

Par la suite ce sont plutôt des modérés ou des monarchistes constitutionnels qui détiennent le pouvoir à Lyon.

En fin de compte l’affrontement à Lyon se fera entre le girondin Roland et ses partisans restés à Lyon et le montagnard Marie Joseph Chalier.

Roland ou plus précisément « Jean-Marie Roland de La Platière » est né le 18 février 1734 à Thizy, dans le Beaujolais.il occupe le poste d’inspecteur des manufactures à Lyon, lorsqu’éclate la Révolution. Il est le mari de la célèbre Madame Roland qui a pour prénom Manon et sera guillotiné en 1793 à Paris. Son mari se suicidera deux jours après.

Roland est élu en 1790 au conseil général de la commune de la ville de Lyon, qui l’envoie à Paris l’année suivante. Dans la capitale, il se fait connaître grâce notamment à Manon qui reçoit tous les hommes influents. Il deviendra ministre de l’intérieur du gouvernement girondin en mars 1792, toujours grâce à l’influence de son épouse.

A Lyon se sont ses amis girondins qui se succèdent comme maire de Lyon, ils ont pour nom Vitet, Nivière-Chol, Gilibert.

Mais tous ces maires sont contestés par Marie Joseph Chalier et ses alliés.

Chalier se bat pour une révolution sociale mais c’est un extrémisme brutal. Son partisan Bertrand accède enfin à la mairie de Lyon le 9 mars 1793.

Le pouvoir des Chaliers va durer 80 jours. Le 29 mai, une assemblée des sections réunie à l’Arsenal décide de renverser la municipalité. Dans la nuit, les « Chalier » sont arrêtés. Le juge Ampère (père du physicien André-Marie Ampère) est désigné pour instruire le procès de Joseph Chalier et de ses amis.

Chalier est condamné à mort le 16 juillet et guillotiné le lendemain.

La Convention montagnarde décide d’envoyer une armée à Lyon qui bombardera la ville et fera son siège du 9 août au 9 octobre 1793, date de la reddition.

La répression sera féroce.

La convention produira son célèbre décret du 12 octobre 1793.

Dont je donne les principaux passages :

« La ville de Lyon sera détruite, tout ce qui fut habité par le riche sera démoli […]

Le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de la République.

La réunion des maisons conservées portera désormais le nom de ville affranchie.

Il sera élevé sur les ruines de Lyon une colonne avec cette inscription :
 Lyon fit la guerre à la Liberté ; Lyon n’est plus. »

Toutefois, ce décret ne fut que modérément appliqué. Le 26 octobre, on commença la démolition des Façades de la place Bellecour. Bonaparte, Premier Consul, en ordonnera la reconstruction en 1800, et viendra en poser la première pierre.

Parallèlement quelques appellations révolutionnaires furent imposées : à l’instar de la ville de Lyon devenue Ville-Affranchie, divers quartiers, places et rues sont rebaptisés. C’est ainsi que le quartier Bellecour devient le « Canton de la Fédération » ou « Canton Égalité », la place Bellecour devient « place de la Fédération » ou « place de l’Égalité », le quartier de La Croix-Rousse devient « Commune-Chalier », le quartier de l’Hôtel-Dieu devient « Canton-sans-Culotte », le quartier de la Halle aux Blés devient « Canton Chalier »

Mais le 14 pluviôse an III (2 février 1795), la Convention d’après Thermidor suspend l’application du terrible décret et restitue à la Ville ses droits et son nom.

En revanche, la partition du département de Rhône et Loire qui fut officialisée par l’approbation de la Convention nationale le mardi 19 novembre 1793 ne fut, lui, jamais remis en question. Ainsi Saint Etienne est une préfecture au même titre que Lyon.

Le plus terrible fut cependant les exécutions en masse par la guillotine et des fusillades

La Convention décide la formation d’une « Commission extraordinaire » de cinq membres chargée de « punir militairement et sans délai les criminels contre-révolutionnaires de Lyon ».

Cette « Commission révolutionnaire extraordinaire » qui siège du 30 novembre 1793 au 6 avril 1794, présidée par le général Parein, décide d’emblée de substituer des mitraillades collectives aux fusillades individuelles et à la guillotine. Les 4 et 5 décembre, 60, puis 208 ou 209 condamnés sont tués par trois pièces de canon chargées à mitraille dans la plaine des Brotteaux, près de la grange de Part-Dieu.

La responsabilité de ces massacres a été imputée non seulement à la Commission Parein, mais aussi aux représentants Collot d’Herbois et Fouché, nommés le mois précédent.

Pour commémorer ces massacres dans la plaine des Brotteaux, des lyonnais ont instauré un mémorial dans la crypte de la chapelle sainte Croix des Brotteaux (147 rue Créqui, Lyon 6)

Près de 2000 personnes ont ainsi été exécutées selon ces diverses « méthodes » révolutionnaires

Vous trouverez derrière ce lien une vidéo présentant <La crypte des Brotteaux> , monument et ossuaire à la mémoire des victimes de la répression de 1793 à Lyon.

Edouard Herriot, le maire de Lyon de la première moitié du XXème siècle a écrit un livre d’Histoire, « Lyon n’est plus » en 3 tomes :

  • Tome 1 « Jacobins et les modérés »
  • Tome 2 « le siège »
  • Tome 3 « la répression ».

On peut comprendre qu’après de tels épisodes, une certaine tension puisse exister entre Paris et Lyon.

Par la suite Napoléon Bonaparte a apporté du baume au cœur des lyonnais.

Ce site <Napoléon et Lyon> raconte cette histoire.

Il existait par exemple le projet de construire un palais impérial sur la Presqu’ile. Il paraitrait que les plans de la gare de Perrache ont été inspirés par ceux du projet de palais impérial de Napoléon.

En revenant de l’ile d’Elbe, Napoléon a fait une dernière fois halte dans l’ex ville affranchie et a écrit ce mot que vous pouvez retrouver au Musée Gadagne et aussi sur le site précité :

« Lyonnais je vous aime »
Cet écrit date du 13 mars 1815.

La 3ème émission de la fabrique de l’Histoire consacrée à Lyon portait sur ce sujet et avait pour titre : <Lyon n’est plus>

<1032>

Mercredi 7 mars 2018

« Morand et Perrache »
Deux urbanistes lyonnais du XVIIIème siècle qui ont joué un immense rôle dans l’évolution de la ville de Lyon

Je choisis cette semaine de consacrer 5 mots à la ville que j’habite, Lyon. Limiter ce défi à 5 articles nécessite des choix arbitraires.

Les deux premiers articles se situaient à l’époque romaine, celui d’aujourd’hui nous amène au XVIIIème siècle, juste avant la révolution française.

L’empire romain s’est effondré au IVème siècle. Les aqueducs romains qui alimentaient la colline Fourvière se sont abimés, les habitants sont descendus de la colline pour s’installer au bord de Saône.

Ils vont créer un quartier qu’on appelle aujourd’hui « Le vieux Lyon » qui est le quartier renaissance le plus étendu d’Europe après Venise.

Avant cela, il y a eu l’Europe carolingienne, avec la tentative de Charlemagne de recréer un empire. Ses successeurs vont par le « Traité de Verdun de 843 » partager cet empire en 3 parties.

L’aîné, Lothaire, va obtenir les territoires du centre qui vont s’appeler la Lotharingie, racine de la Lorraine qui est ma région natale. Sur la carte que je joins, il est écrit « Lothringen » nom allemand de la Lorraine. Vous voyez que Lyon se trouve en Lotharingie, au même titre que Metz et Milan et la capitale de Charlemagne « Aix la Chapelle ».

Aix la Chapelle, lors d’une discussion j’ai compris que pour certains, c’était forcément une ville française à cause du nom. C’est absolument faux, Aix la Chapelle c’est « Aachen », une ville allemande. La capitale de Charlemagne est une ville allemande !

Dans le traité de Verdun, la France ou plutôt l’embryon de la France est confié à Charles le Chauve.

Pendant longtemps Lyon sera ville du Saint empire romain germanique.

C’est en 1312, sous Philippe le Bel que Lyon devint française.

Avant de parler des deux urbanistes qui ont métamorphosé la ville de Lyon, il est encore nécessaire de donner quelques précisions.

Lyon a été construit sur un confluent. Il semble d’ailleurs que peu de grandes métropoles disposent ainsi, en leur sein, d’un confluent de deux grands fleuves. Il n’y aurait aucun autre cas en Europe et un seul autre cas aux Etats-Unis pour la ville de Pittsburgh. Je remercie par avance le lecteur qui infirmera cette affirmation pour faire progresser ma connaissance.

Toutefois, même si Lyon se trouve sur le site d’un confluent, il faut comprendre que dans l’Histoire, les deux fleuves n’ont pas le même statut. Le fleuve de Lyon est « la Saône ». Pendant longtemps le Rhône constituait la frontière de Lyon et du Lyonnais. Après que Lyon soit devenu française, la rive gauche du Rhône, l’est du lyonnais était territoire du Dauphiné, c’est-à-dire la terre donnée en apanage à l’héritier du trône de France : le dauphin.

Un seul pont sur le Rhône à la hauteur de Lyon permettait d’entrer dans le lyonnais, le pont de la Guillotière mais qui pendant longtemps était simplement : « Le pont ». Aujourd’hui encore si vous lisez sur un plan de Lyon, la place Gabriel Péri juste avant le Pont de la Guillotière, les « vrais » lyonnais continuent à désigner cet endroit comme « La Place du Pont ».

Dans la suite de cet article, il sera question plusieurs fois du « Consulat ». Il faut savoir que le Consulat de Lyon est une institution qui détient le pouvoir municipal à Lyon entre 1320 et 1790. Issu de la volonté de la bourgeoisie lyonnaise au XIIIe siècle d’imiter de nombreuses villes d’Europe qui obtiennent de larges privilèges de gestion, le consulat ne naitra effectivement qu’après de longues décennies de lutte contre le seigneur ecclésiastique de la ville, l’archevêque, en 1320.

La source de ce qui va suivre se trouve pour l’essentiel dans le catalogue de l’exposition « Lyon sur le divan » déjà évoqué ce lundi.

Je vais donc évoquer deux personnages emblématiques qui ont contribué à la métamorphose de la cité : Jean–Antoine Morand et Antoine-Michel Perrache.

Mais avant ces deux visionnaires, il faut évoquer Soufflot qui avant Paris avait œuvré sur Lyon.

Catalogue pages 33-36 :

« C’est Jacques Germain Soufflot (1713–1780) qui tient le rôle essentiel dans une certaine normalisation de la production architecturale lyonnaise. Originaire de Bourgogne, il effectue deux séjours à Lyon à partir de 1738 qui orientent sa carrière et son succès auprès des instances de la monarchie. Les aménagements du palais de l’archevêché, le couvent des Chartreux, l’agrandissement de l’Hôtel-Dieu (1741–1749) avec la monumentale façade sur le Rhône et l’élévation du dôme, le rehaussement et agrandissement de la Loge du change (1750), le théâtre (1754–1756), constituent un répertoire diversifié d’édifices publics, dont on ne retrouvera d’équivalent à Lyon qu’au XXe siècle, avec l’œuvre de Tony Garnier. […]

La dimension urbaine des réalisations lyonnaises de Soufflot attire l’attention à commencer par l’Hôtel-Dieu dont la façade démesurée (400 m, 51 travées à arcades), inachevée du vivant de l’architecte, accompagne la démolition de la fortification du Rhône (1738–1778). […]

Si Soufflot, après 1755, poursuit sa carrière à Paris et restera plutôt célèbre pour la mise en chantier de la basilique de la montagne Sainte-Geneviève, futur Panthéon, son impact sur l’urbanisme lyonnais est donc considérable.

Catalogue page 37

« Parmi les proches de Soufflot, on trouve Jean–Antoine Morand (1727–1794) grand nom de l’urbanisme lyonnais. Cet artiste et décorateur, plus qu’architecte, est le premier développeur des terrains des Brotteaux, demeurés inondables et coupés de la ville historique par le Rhône, fleuve alors très large et dangereux que l’on ne franchit que par un seul pont, celui de la Guillotière.

Le projet ambitieux que Morand présente au consulat en 1764 ne se limite pas à la rive gauche du Rhône, bien que la demande initiale émane des recteurs de l’Hôtel-Dieu qui désirent lotir leurs terrain. Publié en 1766 il prétend « donner à la ville une forme circulaire, la seule capable de faire une ville d’une vaste étendue, en même temps qu’elle rapproche tous les citoyens les uns des autres et qu’elle rend leurs besoins moins onéreux ».

J’ai reproduit ce plan circulaire dans cet article. En haut à droite, sur la rive gauche du Rhône vous voyez, un quartier d’immeubles figurés en rose, avec des rues à angle droit : cela correspond à l’aménagement du terrain des Brotteaux. La place, près du Rhône est l’actuel Place Lyautey et le pont qui est le second pont sur le Rhône (le premier étant celui plus bas : le Pont de la Guillotière) s’appelle aujourd’hui le pont Morand.

Voici donc l’idéal de la cité imaginé par Morand : Une ville circulaire avec des rues qui se coupent à angle droit. Les rues qui se coupent à angle droit constituent encore largement la réalité de Lyon.

Le centre du cercle est tracé à partir de l’église Saint–Nizier, au cœur du quartier le plus dense de Lyon, précise le catalogue cité.

« Le projet de plan général de la ville de Lyon et de son agrandissement en forme circulaire, exceptionnel dans l’histoire de l’urbanisme français. Il peut être considéré comme le premier plan général de Lyon, puisqu’il ancre l’histoire de la planification lyonnaise mieux que celle de toute autre ville du royaume dans le siècle et les idéaux des lumières. Même si le plan Morand est combattu par les échevins et par l’Hôtel-Dieu propriétaire d’une grande partie des terrains de la rive gauche et jaloux de ses prérogatives sur les droits de péage, la société par actions créée en 1770 réussit, grâce à l’appui du roi, à construire un second pont sur le Rhône (inauguré en 1775) pont en bois à péage, face à la rue Puits-Gaillot qui va prendre le nom de son créateur [Morand]. »

Catalogue page 41

« Mais l’affaire s’enlise car elle bute autant sur les réticences de l’Hôtel-Dieu à vendre ses terrains que sur celles de l’élite lyonnaise à franchir la barrière du Rhône. Morand qui a acheté un lot en 1765 s’y installe avec son épouse, mais ils y restent seuls. Leur maison est bientôt vendue à l’une des nouvelles loges maçonniques de Lyon.

Le projet va pourtant se réaliser, mais plus tard. Morand ne sera plus là pour le voir. Car :

Morand, guillotiné en 1794, ne verra pas le développement de son quartier, qui interviendra plus tard, à partir de la seconde décennie du siècle suivant.

L’exergue du jour mais face-à-face Morand et Perrache. Les lyonnais et ceux qui passent par Lyon associent ce nom avec « la gare Perrache » gare historique de Lyon. Perrache est le contemporain de Morand, il est né un an avant, en 1726. Il ne sera pas guillotiné, puisqu’il meurt bien avant la révolution, en 1779. Je redonne la parole au catalogue de l’exposition Lyon sur le divan (page 42)

« Alors que le plan Morand est paralysé, le sculpteur et dessinateur Perrache se fait lui aussi entrepreneur, en présentant en 1766 aux notables municipaux un autre projet d’extension urbaine, le plan pour la partie méridionale de Lyon, dont l’objet principal est de reporter le confluent jusqu’à la Mulatière en y rattachant l’île Mogniat, qu’avait acheté le consulat en 1735. »

Rappelons où nous en sommes. A la création de Lugdunum, le confluent se trouvait en bas de la colline de la croix rousse. Au sud de la colline, au milieu du Rhône augmenté de la Saône, se trouvait l’île de Canabae. Cette île par l’action humaine et les fluctuations du Rhône va être rattachée à la terre et à la colline de la Croix Rousse pour devenir la célèbre presqu’ile de Lyon.

Au moment du plan de Perrache, le confluent du Rhône et de la Saône se situe au niveau de la magnifique basilique d’Ainay.

Sur le plan de Perrache, vous voyez en vert l’île Mogniat qui va donc être englobée par les aménagements de Perrache, ce qui aura pour conséquence de porter le confluent jusqu’à sa situation actuelle, c’est-à-dire au nord-est de la commune de Mulatière. Aujourd’hui le Pont de la Mulatière relie la Presquile à la commune du même nom.

« Les travaux envisagés par Perrache demeurent colossaux, car c’est une véritable reconfiguration du site fluvial avec endiguement des fleuves qui est proposé. «

Perrache imagine même une voie appelée la chaussée du Languedoc ou chaussée Perrache qui emprunte l’axe qui sera, deux siècles plus tard, celui de l’autoroute A7

Catalogue page 44-45

« Perrache essuie d’abord un refus face à l’immensité de la tâche prévue. Mais il présente un second plan en 1769, finalement accepté, après passage par Paris pour y trouver des appuis. Le 13 octobre 1770, un arrêt du conseil d’État autorise Perrache à entreprendre les travaux. […] Il souhaite construire dans la partie nord un « quartier neuf » pour les ouvriers obligés de vivre dans des logements insalubres en ville, et leur promet de respirer « l’air le plus pur ». Sur les rives du Rhône et de la Saône dans la « presqu’île Perrache » au sud, il prévoit des ateliers de manufacture, des terrains pour les chantiers, un grand bâtiment contenant des moulins et des greniers ; enfin, une promenade et un jardin public fermé « comme celui des Tuileries » […]

Comme son concurrent Morand, Perrache semble avoir vu trop grand, et le développement du projet ne se fera, là aussi, qu’après l’épisode révolutionnaire. Faute de financement municipal, il crée en 1771 une compagnie par action d’une vingtaine d’associés (dont Soufflot), la compagnie des associés aux travaux du Midi de Lyon. […]

Perrache a cinq années pour mener à bien son ambitieux projet. Mais il meurt en 1779, des années avant sa réalisation. Sa sœur hérite du projet, mais les difficultés s’accumulent, notamment à cause des crues; celle de la Saône provoque l’écroulement du pont de la Mulatière en 1783, quelques mois après sa construction. Le chantier est un tel gouffre financier que le roi vient à la rescousse en échange des terrains, qui seront repris par les associés à la faveur des troubles révolutionnaires. La révolution marque un temps d’arrêt. […]

Le quartier ne se développera que dans les années qui suivent l’empire, malgré la permanence de la compagnie du Midi dédiée aux travaux après la mort de Perrache, et malgré aussi l’intérêt personnel de Napoléon pour le site et le zèle de son préfet a y créer un palais impérial. […]

C’est au XIXe siècle que le quartier participe pleinement à l’aventure industrielle de Lyon à partir des nouveaux programmes d’aménagement des maires de Lyon, le baron Rambaud (1818-1826) puis Jean de Lacroix–Laval (1826–1830) qui fait dresser le plan définitif, approuvé par une ordonnance royale en 1828.

Pour conclure ce mot du jour consacré à ces deux visionnaires qui ont beaucoup marqué la ville de Lyon je voudrais partager la conclusion du catalogue de l’exposition : « les métamorphoses d’une ville » que je préfère aux spéculations psychanalytiques : « Lyon sur le divan » :

« Les points communs des deux propositions, Perrache et Morand, attirent l’attention. Emblématique d’une volonté d’anticiper et de rationaliser l’extension de la ville, elles prétendent faire sauter deux verrous du site lyonnais. D’initiative privée, elles sont concurrentes pour capter les bénéfices de l’essor urbain. […]

Mais elles marquent aussi une profonde rupture dans les habitudes d’un urbanisme dominé par des améliorations ponctuelles, négociées au jour le jour et à contenu plus architectural qu’urbanistique. La mémoire lyonnaise, finalement bienveillante à l’égard de ces deux urbanistes avant la lettre, n’en garde pas le souvenir d’échecs, ni même de projets utopiques, dispendieux ou démesurés, mais plutôt l’idée qu’une anticipation raisonnée n’est jamais perdue, et que le développement spectaculaire du XIXème siècle n’en aura été que mieux préparé. . […]

Enfin, les deux opérations révèlent l’intrication des acteurs à l’origine des changements urbains : la municipalité, le créateur du projet, une compagnie financière, et, quand la situation est bloquée localement, des appuis parisiens jusqu’au roi. Les projets lyonnais sont ainsi placés dès cette époque au cœur d’enjeux nationaux. »

<1031>

Mardi 6 mars 2018

« Les Arêtes de Poisson »
Galeries mystérieuses situées sous la colline de la Croix Rousse

La ville de Lyon est connue pour son quartier renaissance, « Le vieux Lyon », ses célèbres « traboules » qui ont d’ailleurs donné le verbe lyonnais « trabouler » qui signifie traverser un quartier en empruntant une traboule, ou plus simplement et par extension traverser un quartier.

Lyon est aussi connue pour sa gastronomie et ses célèbres « bouchons lyonnais ».

Elle est enfin célèbre parce qu’elle est ville de foire, et qu’elle a eu le privilège à partir de 1463 par décision de Louis XI d’en organiser 4 par an, qu’elle a été un des principaux centres d’imprimerie d’Europe et un lieu du travail de la soie avec les canuts.

Mais elle n’est pas connue pour les « arêtes de poisson ».

Or la deuxième émission de la Fabrique de l’Histoire, évoquée hier a été intégralement consacrée à ces galeries étonnantes : « Les arêtes de poisson : un mystère sous la Croix Rousse »

Je vous conseille vivement d’écouter ce documentaire qui est très sérieux contrairement à de nombreuses spéculations ésotériques qui sont élaborées par des passionnés qui recherchent des pistes mystiques ou soupçonnent le complot.

Evidemment si vous faites partie de celles et ceux qui espèrent que tout mystère trouve toujours sa solution à la fin du film ou de la série, vous allez être surpris : On ignore quasi tout et on ne sait presque rien.

Les arêtes de poisson, sont un réseau de galeries souterraines de Lyon composé d’une galerie principale et trente-quatre galeries latérales, partant du Rhône et creusé sous la Croix Rousse.

La galerie principale mesure 156 mètres de long et se situe 25 m sous la surface ; de celle-ci partent 16 galeries latérales mesurant 30 m chacune, ce qui donne à l’ensemble une forme d’arêtes de poisson. Une seconde galerie se trouve 8 m sous la principale, sans artères latérales. Ces constructions partent du Rhône et s’étendent jusqu’à la rue Magneval.

L’accès et la construction des galeries se faisaient par les puits alentours ; ceux-ci servaient également pour l’évacuation de matériaux du creusement.

Ce réseau souterrain est composé de galeries d’une longueur totale de 1,4 km : 960 mètres pour les arêtes, 312 m pour les galeries principales, 144 m de galeries supplémentaires placées sous la rive du Rhône ; seize puits menant à ces galeries ont été recensés, ajoutant 480 m de longueur au réseau. Les galeries ont toutes 2,2 m de haut et 1,9 m de large.

Pour les archéologues du service archéologique de la ville de Lyon

« [l]’homogénéité de la maçonnerie comme l’absence de trace de reprise montrent que le réseau en arêtes de poisson forme un ensemble architectural cohérent qui, de la rive du Rhône au plateau de la Croix-Rousse, relève d’une seule et même campagne de construction. »

En 2011, le Lyonnais Walid Nazim publie un livre et depuis réalise de nombreuses conférences en émettant l’hypothèse que ces galeries auraient dû servir aux templiers pour cacher leur fameux trésor.

Il a créé un site : http://aretesdepoisson.free.fr/ pour valoriser son livre, ses hypothèses et aussi pour éviter que le creusement du second tuyau du tunnel de Croix Rousse n’abime ces galeries.

Georges Combe autre lyonnais a fait un film qu’il a appelé « Les souterrains du temps » et pour lequel il a aussi créé un site :

Pour introduire le sujet, il écrit :

« Le monde des Anciens, le Temple de Salomon, le souvenir du Graal, l’ombre des Templiers, la magie du « Songe de Poliphile », l’esprit de la Renaissance et les mystères de la franc-maçonnerie.

Un voyage dans le temps où le monde se perçoit sous d’autres dimensions !

Ces souterrains s’ouvrent sur une nouvelle conception de notre univers, sur la physique de demain, sur les ressources insoupçonnées de la conscience, sur une approche différente des mondes antiques. »

C’est, en effet, une pensée très ouverte vers d’autres vérités et une vision mystique voire magique.

En 2013, la ville de Lyon a décidé de faire procéder à une datation au carbone 14 réalisées en plusieurs points par deux laboratoires distincts. Le service d’archéologie de la ville de Lyon a publié les résultats qui ont révélé une origine antique : « Sur les quatre échantillons analysés, trois datent du changement d’ère et le dernier du IIIe ou IVe siècle av. J.-C. ». Des graffitis à consonance latine ont par ailleurs été retrouvés dans le mortier.

Donc ces galeries datent de l’époque antique peut être tout début de la présence romaine sur le site, voire avant la présence romaine.

Sur ce site Anne Pariente, la directrice du service archéologie de la ville de Lyon qui est aussi invitée dans l’émission de France Culture fait un constat humble :

« On ne sait absolument pas à quoi servaient ces souterrains. Des galeries aussi étonnantes, on en trouve au Proche-Orient, mais de cette structure-là, nulle part ».

Mais tous ces mystères attisent les thèses complotistes, car les défenseurs de ces thèses ne comprennent pas que la ville mette aussi peu en œuvre pour valoriser cette structure unique et trouver des hypothèses crédibles sur son utilité.

Pour des raisons de sécurité, ce réseau souterrain est interdit au public par la ville de Lyon depuis 1989 ce qui génère de nouvelles thèses complotistes.

A priori, ces galeries ont été redécouvertes en 1959, lors d’un l’affaissement de rue à la rue des Fantasques, ce qui leur vaut parfois le nom de réseau des Fantasques. À partir de 1959, des travaux de confortement y ont lieu, les galeries sont bétonnées par endroit, et 4 à 5 m3 d’ossements sont découverts en 1959.

Il semble donc que ces galeries aient pu servir, en partie, de catacombes.

Mais le service archéologique de la ville de Lyon évoque une première redécouverte des arêtes en 1651 due à un fontainier lors du creusement de la galerie d’alimentation de la fontaine de l’hôtel de Ville

Il m’apparaît que le plus rationnel est de dire qu’on ne sait pas. Le Monde a publié un article « Lyon s’étrangle autour des arêtes de poisson. » dans lequel il écrit :

« La conception des « arêtes de poisson » est unique au monde. Deux tunnels centraux sont superposés, parsemés de puits et de salles voûtées, à partir desquels partent perpendiculairement trente-deux galeries de trente mètres de longueur, parfaitement identiques. La date de construction reste incertaine et la fonction inexpliquée. Dans une ville à forte culture ésotérique, les « arêtes de poisson » agissent comme une caisse de résonance, mêlant arguments scientifiques, théories historiques variées, fantasmes personnels, dans une joyeuse liberté de penser, sans oublier un enjeu archéologique majeur, peu exploré, voire menacé. […]

Les galeries voûtées, plongées dans un profond silence, donnent une impression de cathédrale. Les pierres calcaires, au teint jaunâtre, importées de carrières probablement situées en Saône-et-Loire, sont soigneusement jointées à la chaux vive. Les tunnels sont de dimensions régulières de bout en bout : 1,90 m de largeur, 2,20 m de hauteur.

Au début des années 1960, les galeries sont bétonnées à certains endroits, probablement nettoyées, vidées d’indices précieux et interdites d’accès. L’heure n’est pas à la curiosité archéologique. A Lyon, les collines sont instables ; les autorités gardent en mémoire la catastrophe de Fourvière, avec quarante morts dus à un glissement de terrain, en 1930. Mis à part quelques visites clandestines, le site des « arêtes » sombre dans l’oubli. […]

Un autre événement pourrait nourrir le débat. La ville de Lyon prévoit de transformer d’ici à 2019 l’église Saint-Bernard en « centre d’affaires et de détente ». Inachevée, fermée en raison de l’instabilité du terrain, désacralisée, cette église a été construite à l’aplomb des arêtes de poisson.

Un puits s’ouvre exactement sous sa nef. Il est question d’y aménager trente-deux espaces de bureaux. Trente-deux, le nombre des galeries mystérieuses. Les défenseurs des arêtes de poisson y voient un mauvais présage. Celui d’une logique économique qui oublierait en chemin l’imaginaire et la richesse d’un lieu trop longtemps ignoré. »

En 2013, le service d’archéologie qui venait d’obtenir les résultats de la datation au carbone 14 a publié ce rapport détaillé et rationnel : <Dossier Archéologie janvier 2013 – arêtes de poisson>

Et puis je redonne le lien vers l’émission de la Fabrique de l’Histoire : « Les arêtes de poisson : un mystère sous la Croix Rousse »

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Lundi 5 mars 2018

« Lugdunum et Condate »
Lyon est une ville double

Ma famille et moi sommes arrivés à Lyon en 2002. Depuis j’ai adopté cette ville. Je ne suis pas sûr qu’elle m’ait adopté. J’avais déjà raconté cette rencontre entre Annie et un commerçant lyonnais à qui elle avait eu l’imprudence de dire que « maintenant nous étions lyonnais » et s’entendre répliquer « Vous habitez Lyon, vous n’êtes pas lyonnais ».

Il faut donc avoir des quartiers de noblesse pour pouvoir se dire lyonnais…

La ville de Lyon est cependant une de ses villes qui a une âme, tout en ayant une Histoire.

Récemment, l’émission de France Culture « La Fabrique de l’Histoire » a consacré 4 épisodes sur Lyon qui ont retenu mon attention et que je voudrais partager.

La première de ces émissions était consacrée à < L’identité lyonnaise au fil de son histoire>. Elle a notamment évoqué une exposition temporaire dans le merveilleux musée Gadagne, le musée de l’Histoire de Lyon.

Cette exposition a pour nom : « Lyon sur le divan, les métamorphoses d’une ville » et se terminera le 17 juin 2018.

Car Lyon va beaucoup évoluer pendant l’Histoire, elle va gagner des terres sur le Rhône et sur les marécages qu’avait créés ce grand fleuve fougueux.

Lyon a été installé sur le confluent de deux fleuves : la Saône et le Rhône. Mais ce confluent va évoluer au cours des siècles à cause de l’action des hommes.

Au début de notre ère, quand les romains sont venus s’installer le confluent se trouvait en bas de la colline de Croix Rousse.

Les romains se sont installés en 43 avant Jésus-Christ.

Mais mon professeur d’Histoire, Jean-Pierre Gutton, dont j’ai suivi les cours à l’université de Lyon II en 2004, écrit dans son petit ouvrage « Histoire de Lyon et du Lyonnais » (Que Sais-je N°481 au PUF) :

« L’histoire de Lyon et, moins encore, celle du Lyonnais ne commencent pas à la fondation de la colonie en 43 avant Jésus-Christ comme on l’a naguère affirmé. […] A Lyon même, l’antériorité de l’occupation à la fondation de la colonie est maintenant bien établie. Depuis les années 1980, de multiples travaux de restructuration du quartier de Vaise (au nord de la cité) ont montré que les hommes sont présents dès le néolithique au moins sur la rive droite de la Saône. »

Jean-Pierre Gutton explique que c’est par un historien grec, Dion Cassius, que nous connaissons les circonstances de cet évènement qui est la création de Lugdunum sur la colline de Fourvière. Et Jean-Pierre Gutton raconte :

« Le texte montre bien le climat de luttes partisanes. Le Sénat souhaite retenir hors d’Italie des chefs militaires qui peuvent lui être hostiles : il faut fixer des vétérans »

Un peu de rappel historique est certainement nécessaire même pour les plus fervents lecteurs d’Astérix ; Jules César a soumis la Gaule lors d’une série de campagnes militaires contre les tribus gauloises de 58 avant JC jusqu’en 52, date à laquelle se situe la bataille d’Alésia. Il faut savoir que des tribus gauloises avaient rallié César et que la « guerre des Gaules » fut aussi une guerre entre gaulois.

Mais fort de son succès en Gaule qui va devenir province romaine, Jules César va s’emparer du pouvoir à Rome et veut mettre fin à la République et au pouvoir du Sénat.

Il se fait évidemment beaucoup d’ennemis et avant qu’il ne puisse accomplir son dessein ; il est assassiné aux ides de mars, ce qui correspond à mi mars, de l’année 44 avant JC.

Et c’est donc à la fois pour assurer la gestion de la Gaule et pour éloigner de Rome un certain nombre de partisans de César dont Lucius Munatius Plancus que le Sénat ordonne à ce dernier de créer une nouvelle colonie en Gaule pour jouer un rôle de capitale de la nouvelle province. Il faut savoir que Province vient du latin pro vincia qui signifie vaincu, c’est en effet les territoires conquis par Rome qui sont les provinces.

C’est ainsi Lucius Munatius Plancus qui devient proconsul de Gaule et fonde « Lugdunum » un an après l’assassinat de Jules César.

Lugdunum se trouve donc sur la colline de Fourvière, sur la rive droite de la Saône.

Sur la rive gauche se trouve l’autre colline, la Croix Rousse, sur cette colline il y avait un village gaulois : « Condate » qui signifie confluent.

Grâce au Tour de Gaule d’Astérix, vous savez que Condate était aussi l’ancêtre de Rennes. On peut comprendre que comme aujourd’hui où beaucoup de villes portent le même nom (comme par exemple Montreuil), à l’époque il y avait plusieurs villes qui avaient le nom de Condate.

Et le nom de Condate était juste puisque le confluent de la Saône et du Rhône se trouvait précisément en bas de la colline de la Croix Rousse.

Ce site de Condate était donc, habité bien avant Lugdunum et sera bien sûr rapidement colonisé par les romains qui vont y édifier le sanctuaire des 3 Gaules..

Vous pouvez voir la Maquette de Lugdunum sur ce site et que je reprends dans cet article.

Vous voyez donc le Rhône qui rejoint la Saône, en bas de la Croix Rousse.

Un peu plus loin, après le confluent et sur le fleuve résultant une île qui porte le nom de « Canabae » qui porte aujourd’hui le quartier d’Ainay.

Plus tard, les lyonnais vont rattacher cette île à la terre et le confluent se déplacera jusqu’au quartier d’Ainay au bout de l’île de Canabae qui forme donc le cœur de la Presqu’ile.

Vous trouverez <Cet article du Point> qui désigne Lyon comme « une ville double : Lugdunum et Condate »

« En ce temps-là, celui de la Gaule romaine, il y avait deux villes à Lyon. D’abord Lugdunum (mot gaulois : la colline-ou la forteresse, c’est selon-du dieu Lug), sur la rive droite de la Saône. Ensuite Condate (autre mot gaulois qui signifie confluent), sur la rive gauche de la Saône, légèrement en amont, justement, de son confluent avec Rhodanus, le puissant et violent Rhône.

Voyons Lugdunum. Munatus Plancus, proconsul, c’est-à-dire gouverneur de la Gaule Chevelue conquise huit ans plus tôt, avait choisi un endroit excellent, l’actuelle colline de Fourvière, pour créer la nouvelle colonie de Lugdunum. Il installa, en 43 avant notre ère, sur cette hauteur qui domine la Saône et le Rhône, ses colons, des citoyens romains expulsés un an plus tôt de Vienne, la ville principale des Allobroges, sujets de la Narbonnaise.

C’est sur cette colline et à ses pieds, au bord de la rivière, rive droite, que prospéra cette cité précédemment consacrée, pense-t-on, au très gaulois dieu Lug. Prospérité due à cet inestimable confluent Rhône-Saône, qui ouvrait aux bateliers, aux nautes, ces armateurs fluviaux, de riches perspectives. »

Le remarquable catalogue de l’exposition « Lyon sur le divan », je dirai même plus remarquable que l’exposition explique l’étymologie controversée de Lugdunum :

« Le nom romain de Lyon , sous- tend deux caractéristiques de la ville , celle d’une ville dédiée au dieu gaulois Lug, un dieu extrêmement besogneux, très travailleur et qui rencontrera beaucoup de difficultés pour se faire accueillir à la cour des dieux et celle d’un dédié à Lux, en latin la lumière. »

« dunum » lui serait issu du celtique –duno, qui signifie soit « forteresse » ou « colline » ce serait donc la colline ou la forteresse du dieu Lug.

Cependant d’autres propositions existent pour définir l’étymologie de « Lug », soit par le nom du corbeau, en effet Lugus a été rapproché du gaulois lugos ou lougos, qui aurait signifié « corbeau », soit par le nom du « lynx ».

Lugdunum deviendra rapidement une ville essentielle de l’empire romain. Condate sera oubliée.

Le site de l’Inrap, « Institut national de recherches archéologiques préventives » précise :.

« Lugdunum devient la capitale de la province de Gaule lyonnaise, le siège du pouvoir impérial pour les trois provinces gauloises (Belgique, Lyonnaise, Aquitaine), et la Caput Galliarum, ou « Capitale des Gaules ».

Cette ville gallo-romaine se développe sur la colline de Fourvière, au confluent de la Saône (l’Arar) et du Rhône (Rhodanus). Elle devient très vite un important port fluvial. C’est aussi un nœud routier stratégique, relié au sud de la Gaule (la Narbonnaise), à l’Aquitaine, la Bretagne, la Germanie et bientôt l’Italie grâce aux routes construites par Agrippa.

En contact avec tout l’Empire, Lyon est une plaque tournante commerciale. Elle accueille les empereurs en visite et, très vite, s’agrandit, s’embellit et s’enrichit. Au Ier siècle, elle dispose du droit de battre monnaie, situation unique dans l’Empire romain à cette période.

Au IIe siècle, sa population est estimée entre 50 000 et 80 000 habitants, ce qui en fait l’une des plus grandes villes de la Gaule.

Deux empereurs romains sont nés à Lyon : Claude, né en 10 avant notre ère, et Caracalla, né en 188.

C’est à Lyon que chaque année, le 1 er août, se réunissent et siègent les délégués des soixante cités des trois Gaules. Ce rassemblement se déroule dans un vaste sanctuaire (installé sur les pentes de l’actuelle colline de la Croix-Rousse). On y élit le prêtre chargé des cérémonies dédiées au culte de Rome et de l’Empereur. Cette fonction constitue la plus haute charge administrative à laquelle les notables gallo-romains puissent accéder en Gaule. Le « Conseil des Trois Gaules » a pour fonction de représenter les intérêts gaulois auprès de Rome. »

C’est ainsi que commence l’Histoire de Lyon…

<1029>

Vendredi 23 février 2018

« En privant un homme de son travail, on le prive de son humanité et c’est une forme encore plus générale de l’esclavage.»
Martin Luther King Discours prononcé à la bourse du travail de Lyon le 29 mars 1966

Il y a 50 ans, le 4 avril 1968, le Pasteur Martin Luther King était assassiné.

Pour commémorer cet évènement, la Bibliothèque de Lyon Part-Dieu a décidé à lui rendre hommage par une exposition : «Martin Luther King le rêve brisé ? » qui se tiendra jusqu’au samedi 28 avril 2018.

C’est 5 ans avant son assassinant que Martin Luther King, le 28 août 1963, lors de la marche pour les droits civiques sur Washington, prononça la célèbre phrase «I have a dream».

3 ans après ce discours, Martin Luther King est venu à Lyon et a tenu un discours à la bourse du travail de Lyon, le 29 mars 1966 dans une salle comble.

Ce discours a été publié dans « Topo » le journal des bibliothèques de Lyon

Il commença son discours par ces mots :

« C’est un grand réconfort pour moi d’être en France, berceau des libertés et des idéaux, pour réfléchir avec vous sur les problèmes que nous affrontons. Nous sommes réunis ce soir, motivés par le souci de faire disparaître les barrières. Aux Etats-Unis qui constituent une sorte de condensé du monde d’aujourd’hui, nous connaissons des difficultés spécifiques provenant de l’incomplète assimilation des différents groupes ethniques qui composent la Nation. »

Puis il a continué son discours en faisant l’histoire de l’esclavage et le combat contre les discriminations aux Etats-Unis..

Sa conclusion est la suivante :

Si, en ce moment, nous luttons pour mettre fin au colonialisme interne qui interdit aux Noirs d’avoir accès au développement économique et les confine dans un ghetto de pauvreté, nous n’ignorons pas que cette lutte contre les forces de domination politique appartient à l’histoire de notre temps et concerne l’univers tout entier.

En privant un homme de son travail, on le prive de son humanité et c’est une forme encore plus générale de l’esclavage.

C’est pourquoi notre combat est un immense encouragement pour le reste du monde car il contribue à faire naitre l’aurore d’un monde nouveau où tous, communistes, capitalistes, noirs, blancs, jaunes catholiques, protestants, riches, pauvres pourront se respecter réciproquement et coexister dans la paix.

Ce jour viendra où l’on fera un soc de charrue avec les épées et où les nations ne se dresseront plus les unes contre les autres. Ce sera le jour où les nations ne se dresseront plus les unes contre les autres. Ce sera le jour où le lion et l’agneau pourront se tenir l’un près de l’autre sans s’effrayer l’un et l’autre.

Ce jour approche.

Vous me permettrez de dire en terminant, combien j’apprécie le soutien moral et financier que vous apportez au combat que nous menons. En le faisant, vous reconnaissez que toute menace contre la justice, quelque part dans le monde, est une menace partout dans le monde.

Assuré de votre aide et de votre prière, je me sens d’autant plus fort pour chanter avec vous : We sall Overcome. Nous triompherons un jour. »

J’aurai pu choisir d’autres exergues que celui que j’ai choisi dans ce discours, mais j’ai mis en avant cette phrase dans laquelle il parle de la pauvreté, de la domination économique qui est marqué par la privation de travail des dominés.

Le commissaire de l’exposition est Michel Chomorat qui a été interrogé par un journal lyonnais.

Il nous révèle que si la venue de Martin Luther King était un évènement, certains avaient préféré s’abstenir de leur présence.

« Les élus[lyonnais] étaient aux abonnés absents, ils étaient à l’inauguration de la Foire, ils saucissonnaient et buvaient du beaujolais.

Martin Luther King avait choisi Lyon en France car c’est la capitale de la résistance, de l’humanisme social. Et en dehors des politiciens qui n’étaient pas là, le cardinal était là, le grand rabbin et le responsable protestant de Lyon aussi »

En 1966, le maire de Lyon était Louis Pradel.

<Ce site décrit de manière détaillée l’exposition lyonnaise>

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Lundi 29 janvier 2018

« Faire de la musique ensemble »
Réflexions personnelles sur un week-end musicale et sur la musique en général.

Qu’écrire comme mot du jour pour le lundi quand on a passé le week-end à l’auditorium de Lyon pour écouter de la musique, samedi soir, dimanche à 16 heures et même le mercredi précédent où j’ai eu la chance d’assister entre 20 heures et 22 heures 30 à la répétition du concert de samedi ?

Parler des émotions et de musiciens qui jouent ensemble et créent de la beauté.

J’avais déjà consacré un mot du jour à une artiste exceptionnelle : Hillary Hahn, le 19 mai 2017.

Et c’est une autre soliste exceptionnelle, la violoncelliste Sol Gabetta qui s’est associée au chef Alan Gilbert pour réaliser un concert d’une qualité rare.

Il y a un domaine où le « c’était mieux avant » est manifestement totalement faux, c’est la qualité des musiciens classiques et des orchestres.

Les orchestres d’aujourd’hui sont techniquement bien meilleurs que ceux d’hier. L’Orchestre de Lyon n’échappe pas à cette règle.

Bien sûr il faut un catalyseur.

Souvent on pose la question, mais à quoi cela sert un chef d’orchestre ?

Celles et ceux qui se sont trouvés à l’Auditorium samedi et ont entendu l’Orchestre de Lyon, son engagement, la profondeur de la respiration musicale, la chaleur des cordes, la qualité des bois et l’éclat des cuivres, ne se posent pas la question, un grand chef d’orchestre sert à ce que l’Orchestre se dépasse et sonne comme il n’a jamais sonné.

Ce fut le cas de la magnifique 3ème symphonie de Brahms dirigé par Alan Gilbert.

Le troisième mouvement de cette œuvre doit être connu par le plus grand nombre car elle a souvent été utilisé hors des circuits classiques par exemple dans le film « Aimez-vous Brahms » d’Anatole Litvak., et aussi dans la chanson de Serge Gainsbourg, Baby Alone in Babylone, par Yves Montand pour Quand tu dors près de moi, par Frank Sinatra pour Take My Love.

Alan Gilbert fut le directeur du New York Philharmonic pendant 9 ans.

Les mélomanes du monde entier connaissent la qualité des orchestres états-uniens et distinguent ceux qu’on appelle les fameux Big Five (les Cinq Grands): Chicago, New York, Cleveland, Boston, Philadelphie. Depuis quelques années le Los Angeles Philharmonic tente d’entrer dans ce cercle fermé.

Avant Alan Gilbert , ce poste au New York Philharmonic fut occupé par Gustav Mahler, Arturo Toscanini, Bruno Walter, Léonard Bernstein, Pierre Boulez, Lorin Maazel. Même si vous n’êtes pas très connaisseur vous devriez être impressionné. Aucun chef n’a jamais été nommé sur ce poste sans avoir été précédé d’une solide réputation.

Alan Gilbert était pour les mélomanes du monde entier, un total inconnu au moment de sa nomination en 2009, à 42 ans.

Tout au plus savait-on que ses deux parents avaient été musiciens dans l’Orchestre et au moment de sa nomination, sa mère était toujours membre de l’orchestre. Il est probable que c’est la première fois de l’Histoire de la musique que le directeur musical d’un des plus grand orchestre symphonique du monde dirige sa mère.

Mais ceux qui l’ont choisi, ne se sont pas trompés.

Après cette symphonie, la solaire Sol Gabetta a interprété le très difficile concerto N°1 de Martinu avec une aisance et une flamboyance qui laisse pantois.

Et puis, dimanche l’immense soliste Sol Gabetta et le grand chef d’orchestre sont descendus de leur podium, pour interpréter avec 4 autres musiciens de l’Orchestre un autre chef d’œuvre le premier sextuor de Brahms.

Encore une œuvre qui a été utilisé comme musique de film dans Les Amants de Louis Malle.

Ils ont alors simplement fait de la musique ensemble, et le chef d’orchestre a pris modestement la place de second altiste.

La répétition s’était déroulée dans cette même ambiance que je décrirai par cette phrase : faire de la musique ensemble.

Il y a une précision que je n’ai pas donnée jusqu’ici c’est que la violon solo de l’orchestre de Lyon est Jennifer Gilbert, la sœur d’Alan Gilbert.

Quelques liens :

Vous trouverez derrière ce lien, la 3ème symphonie de Brahms interprétée par Alan Gilbert et le New York Philharmonic

<Le troisième mouvement du sextuor à cordes de Brahms>

<Ici vous trouverez un court extrait du concerto de Martinu par Sol Gabetta à la Philharmonie de Berlin>

Ce concert à Berlin a été enregistré et il est possible d’acquérir le CD du live :


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Lundi 1 février 2016

«Lady Macbeth du district de Mzensk»
Dimitri Chostakovitch

Le mot du jour correspond au titre d’un opéra, un des plus grands chefs d’œuvre de l’opéra du XXème siècle, de Dimitri Chostakovitch qui est actuellement à l’affiche de l’Opéra de Lyon.

Ce mot se décline à 3 niveaux :

1/ Le premier est une déclaration d’amour à l’Opéra de Lyon quand cette maison accueille des metteurs en scène qui savent mettre en valeur un texte et une musique. L’orchestre, le chœur et les autres artistes font alors des merveilles.

Cette maison d’opéra est, dans cette situation, comparable au plus grandes.

Je ferais court sur ce point, il suffit pour ce spectacle de lire Télérama : <Lady Macbeth de Mzensk embrase l’Opéra de Lyon>

Ou encore ce site spécifiquement consacré à la musique classique <Bouleversante Lady Macbeth à l’opéra de Lyon>

2/ Ce n’est pas le cas quand certains metteurs en scène se laissent aller à leurs instincts de machistes ordinaires. Et à ce deuxième niveau, nous revenons un peu à la thématique de la semaine dernière et de la manière de considérer la femme.

Beaucoup d’entre vous ne sont pas familiers du monde de l’opéra, pourtant vous connaissez tous « Carmen » l’opéra le plus joué au monde, opéra de Bizet sur un texte de Prosper Mérimée. Carmen est une femme libre qui a décidé de choisir ses amants et de décider à quel moment elle passerait de l’un à l’autre. Mérimée décrit ainsi une femme moderne, libre. Le metteur en scène qui a réalisé cet opéra à l’opéra de Lyon en 2013 a cru intelligent de la présenter comme une prostituée au milieu d’autres prostituées. Une femme libre ne saurait être qu’une putain, voilà la brillante idée qu’a soutenu, le connu et emblématique directeur du festival d’Avignon : Olivier Py. Un metteur en scène du genre mâle.

L’autre grand opéra français : « Pélléas et Mélisande » de Debussy sur un texte tout en finesse et en symbole de Maurice Maeterlinck, décrit une jeune fille apeurée, qui a fui un mari dont elle ne parle qu’en allusion et qui s’échappe dans les échanges avec le vieux prince Golaud qui l’a recueilli et épousé sans lui laisser trop le choix, par des mensonges qui restent sa seule défense. Maeterlink met en scène une femme qui a subi des violences avant que l’opéra ne commence et va continuer à être opprimé par Golaud. Soit par manque d’imagination ou par mimétisme avec Olivier Py, le metteur scène du genre mâle, Christophe Honoré qui a mis en scène cet opéra en juin 2015, à Lyon, a fait de Mélisande une prostituée.

C’est encore un metteur en scène du genre mâle, Stefan Herheim, qui avait la tâche de mettre en scène Rusalka de Dvorak en 2014 et qui va avoir la brillante idée d’en faire une prostituée.

Cet opéra est moins connu, mais l’histoire est connu de tous : c’est l’histoire de la petite sirène qui parce qu’elle est amoureuse d’un prince humain doit abandonner sa nature de sirène. Ce mâle-ci a trouvé particulièrement pertinent d’interpréter le symbole de la communauté des sirènes, comme un groupe de prostituées sous la domination d’un mac et a été particulièrement fier de pouvoir faire l’analogie entre la difficulté pour la sirène d’entrer dans le monde des humains, et la prostituée d’entrer dans le monde des bourgeois.

Et enfin, il y a la damnation de Faust de Berlioz inspiré du Faust de Goethe. Cette fois il s’agit de la pécheresse Marguerite abusée par Faust lui-même entraînée vers la perversion par Méphistophélès, personnification de Satan, qui va subir le même traitement. Cette fois c’est David Marton, metteur en scène du genre m…, qui va tout simplement ajouter du texte à l’opéra, texte certes uniquement parlé, où des enfants (comme c’est charmant) vont vociférer vers Marguerite et bien sûr la traiter de P..

Quand sur un peu plus de 2 saisons, des metteurs en scènes différents arrivent à concevoir le même type de représentation, il ne s’agit plus d’un hasard ou d’une malencontreuse coïncidence, il s’agit d’un système de pensée.​

Une femme libre, une femme victime de violence, la petite sirène, la jeune fille abusée par un manipulateur : « toutes des putes ».

Nous sommes dans le même esprit que celui que j’ai dénoncé dans les 5 mots du jour de la semaine dernière.

3/ D’où cette divine surprise quand cette fois, le metteur en scène Dmitri Tcherniakov n’a pas succombé à cette facilité.

Car dans cet opéra, ce dont il est question c’est d’une femme frustrée dont le mari est impuissant et lâche, qui est martyrisé par son beau-père chef d’entreprise alcoolique et violent. Cette femme va tomber amoureuse d’un bellâtre et avec lui tuer son beau-père et son mari.

Le crime est dénoncé à une police décrite comme totalement corrompue et le couple finira au bagne où elle se suicidera parce que son amant la trahit.

A ce troisième niveau, je vais vous parler de Staline et de l’Union soviétique.

Cette œuvre extraordinairement réaliste, d’une modernité géniale au moment de sa création en 1934 est portée par une musique d’une force incandescente.

Dès sa création à Saint Petersbourg elle fut acclamée et connut un très vif succès pendant plusieurs mois.

Elle connut le succès jusqu’au 28 janvier 1936 où à la représentation du Bolchoi de Moscou, le camarade Staline avec ses sbires vinrent au spectacle.

Le lendemain matin la Pravda écrivit : « Le chaos remplace la musique » et tout l’article expliqua comment cette musique était dévoyée et que l’Union Soviétique et les masses populaires ne pouvaient accepter telle décadence.

Exactement comme les nazis qui ont développé le concept <d’art dégénéré>

Chostakovitch fut humilié en public, ses œuvres retirées du répertoire, et pour résister à la peur d’être déporté voire pire il augmenta sa consommation de vodka.

Un jour il faillit vraiment être envoyé au goulag, mais chance l’enquêteur du KGB qui s’occupait de réunir le dossier contre lui, fut lui-même mis en cause dans le cadre d’une autre procédure de purge, arrêté, condamné à mort et exécuté. Le dossier de Chostakovitch fût oublié alors dans les méandres de cette administration folle et chaotique.

Chaque fois que l’on creuse un peu on constate qu’il n’y a aucune différence de fond entre Hitler et Staline qui furent tous deux des criminels, des déséquilibrés, des tyrans pathologiques et aveuglés par la violence de leur pouvoir.

C’est tout récemment qu’Alain Minc, qui ne fait pas partie de mes inspirateurs, m’a dévoilé pourquoi des amis que je respecte n’ont jamais voulu mettre Hitler et Staline au même niveau.

Alain Minc a dit, du temps de Staline il y avait beaucoup de communistes qui étaient des braves types et qui avaient foi que le communisme apporterait le bien au plus grand nombre, les nazis qui croyaient à la supériorité de la race n’étaient jamais des braves types.

Ceci est certainement juste, mais les deux maîtres de ces idéologies, eux, étaient des sales types dont on ne peut départager la noirceur.

Mais tout ceci ne doit pas m’éloigner des deux messages principaux que je voulais dévoiler dans ce mot :

Lady Mac Beth de Mzensk est un chef d’œuvre

L’opéra de Lyon en réalise une interprétation admirable.

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