Écrivain français d’origine mauricienne, J.M.G. Le Clézio a reçu le Prix Nobel de littérature en 2008
http://le1hebdo.fr/journal/numero/1/vos-reves-ne-seraient-pas-mes-reves-55502-79.html
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Cette pensée de Coluche a été citée par Thierry Marx lors de l’émission évoquée hier dans laquelle il était question de la manière dont nous nous nourrissions et de de l’importance que nous accordions à l’alimentation.
Dans le domaine de l’alimentation, et des conséquences que cela implique pour le modèle agricole, notre responsabilité, notre influence, notre capacité d’agir se trouve, beaucoup moins dans notre «droit de vote» que dans nos «actes de consommation». Mais cette pensée dépasse la seule alimentation.
Je suis de plus en plus convaincu que notre plus grand pouvoir, celui dont nous disposons pour influer sur le monde, est celui de notre choix de consommer ou de ne pas consommer, tel ou tel produit, tel ou tel service.
Dans plusieurs mots du jour ce sujet de ce que nous consommons, de ce que notre consommation dit de nous, ce qu’elle signifie pour le monde dans lequel nous vivons, a été abordé.
Le mot le plus terrible a été celui du philosophe allemand Peter Sloterdijke qui écrivait : «La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. » (Mot du jour du 30 octobre 2013).
Dans le même esprit, mais un plus doux, le mot du jour du 14 avril 2014 citait Annie Arnaux : «Je suis de plus en plus sûr que la docilité des consommateurs est sans limite.»
Annie Arnaux avait écrit un livre à teneur sociologique sur un Hypermarché qu’elle fréquente souvent : «Regarde les lumières mon amour», il s’agit des paroles d’une maman à son enfant en montrant des lumières de Noël qui illuminaient les escalators du temple de la consommation décrit par Annie Arnaux
Le 14 mai 2013, après le drame de l’usine textile du Bengladesh, (l’immeuble de neuf étages qui s’est effondré près de Dacca le 24 avril, avait fait 1 127 morts), deux chercheurs en sciences humaines, Michel Wieviorka et Anthony Mahé, posaient cette question terrible : « Sommes-nous capables de regarder en face (la vie de) ceux qui nous permettent de consommer comme nous le faisons ? »
Nous voulons consommer beaucoup et le moins cher possible.
Lors du mot du jour du 11 février 2016, j’avais tenté une analyse sur notre trouble de la personnalité :
«En réalité nous sommes chacun 1/3 de producteur 1/3 de consommateur et 1/3 d’être social. Ce dernier tiers correspondant à celui qui contribue à l’Etat providence et qui bénéficie aussi de l’Etat providence.
C’est à ce dilemme que Jean-Paul Delevoye, le dernier Médiateur de la république, apportait cette évidence : « L’économie est mondiale mais le social est local !»
Eh bien nous avons accepté, comme une évidence, que celui qui devait être privilégié dans notre être oeconomicus c’était le 1/3 consommateur.»
Et le mot du jour du 20 Janvier 2016 citait le concept décrit par l’économiste et sociologue américain Thorstein Veblen décédé en 1929 : « La consommation ostentatoire »
Veblen expliquait que la consommation est statutaire, elle sert à celui qui en fait un « usage ostentatoire » à indiquer un statut social.
« Le besoin de consommer et de posséder compense la peur de ne pas être reconnu et d’être faible.»
Dans cette explication l’acte de consommer est destiné à se sentir exister par le regard des autres, qu’on imagine envieux et admiratifs.
Je finissais cette chronique par cette conclusion : « Le mot du jour n’a aucune vocation de prêcher une morale mais simplement poser des questions auquel il appartient à chacun, s’il le souhaite, de répondre pour sa part.»
Le mot de Coluche a fait revenir dans ma mémoire ces quelques réflexions distillées lors de l’aventure des mots du jour. Descartes avait édicté cette sentence «Je pense donc je suis !». S’il revenait parmi nous aujourd’hui probablement qu’il dirait : «Je consomme donc je suis !».
<Vous trouverez cette citation et d’autres de Coluche derrière ce lien>
<867>
Donc François Fillon continue à se défendre en plaçant son affaire sur le seul plan de la légalité. Il sait qu’il sera très compliqué de prouver, au niveau pénal, que l’emploi de son épouse était fictif.
Il a une explication étonnante pour justifier le montant des rémunérations : les diplômes de sa femme. Les surdiplômés qui peinent à trouver un emploi bien rémunéré seront ravis d’apprendre que ce n’est pas normal. Les étudiants stagiaires seront ravis d’apprendre le montant des rémunérations versés par Papa Fillon à ses enfants sur des deniers publics. C’est la loi ? mais ce sont les députés qui font la Loi, et les députés se doivent donc d’être exemplaires. Et puis il y a les rémunérations à la revue des deux Mondes. Je vous invite à écouter l’assemblée de centristes réunis par Philippe Meyer commenter cette affaire et particulièrement La revue des deux Mondes : https://www.franceculture.fr/emissions/lesprit-public/laffaire-fillon-le-candidat-benoit-hamon Philippe Meyer nous apprend que les auteurs prestigieux qui écrivent dans la Revue des deux Mondes, le font gratuitement et a des mots très durs sur le rôle trouble du propriétaire de ce journal. Et puis nous savons que brusquement François Fillon a arrêté de rémunérer son épouse. Coïncidence ? Il l’a fait juste au moment de la mise en place de la Loi sur la transparence publique qui a suivi l’affaire Cahuzac. Est-ce que quelqu’un peut croire qu’il l’a fait parce qu’il venait de se rendre compte que c’était choquant ? On a du mal à le croire puisque le Canard enchaîné a rappelé qu’« A la suite de l’affaire Cahuzac, François Hollande annonce le 10 avril 2013, un projet de loi sur la transparence de la vie publique. Qui se précipite dans les studios de télé pour le critiquer avec véhémence ? François Fillon. Le député de Paris explique au 20 heures de France 2 qu’ »il n’y a pas besoin de projet de loi (…). Je récuse l’idée que les hommes politiques soient tous corrompus » Sur iTélé, il ajoute : « Je suis scandalisé que le gouvernement parle de loi de moralisation. Comme si la vie politique était immorale. Moi, je n’ai rien à cacher. Je ne voterai pas ce texte parce qu’il n’a aucun intérêt ». » Sur ce point il a tenu parole, il n’a pas voté le texte. Et évidemment il accuse tout le monde, les officines, les médias, le gouvernement… Pour finir je vous montre une collection de tweets que cet homme a réalisé depuis quelques années : |
De la calomnie ?
Non la vérité : Faites ce que je vous dis, pas ce que je fais….
S’il parvient à se maintenir et à se retrouver au second tour contre Marine Le Pen, je pense qu’il sera battu.
Et s’il était quand même élu, il n’aura aucune légitimité de faire les réformes qu’il annonce, il sera rapidement plus impopulaire que François Hollande.
<832>
« Notre mission en tant qu’humains n’est pas de trouver des réponses, mais de chercher. Les musulmans sont appelés à être d’humbles chercheurs, et pas des ânes qui ânonneraient sans cesse des histoires abracadabrantes. Tu le sais bien, ma petite Nour : Le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes. Ces certitudes qui vous mènent aujourd’hui tout droit en enfer. »
(1) Pour ma part je ne répéterai jamais assez que le monde est complexité et que le propos que je tiens ici sur l’économie ne rejette pas l’intégralité de cette discipline mais critique certains développements qui sont présentés comme une démonstration scientifique alors qu’ils sont au mieux une croyance, au pire un mensonge visant à défendre des intérêts privés. J’en développerai un demain.
<822>
Le solstice d’hiver est ce jour de l’année solaire pendant lequel la nuit est la plus longue.
Depuis 2006, le jour du solstice d’hiver a été désignée comme la journée mondiale de l’orgasme.
Le solstice d’hiver est tombé cette année, ce mercredi, le 21 décembre 2016. Il tombe, depuis la mise en place du calendrier Grégorien, à la fin du XVIème siècle, le plus souvent le 21 ou le 22 décembre.
Il est tombé un 23 décembre en 1903 et il faudra attendre le début du XXIVe siècle pour le voir se produire de nouveau à cette date. Il tombera un 20 décembre à la fin du XXIe siècle.
Sous l’empire romain, le calendrier julien permettait que le solstice d’hiver tombe le 25 décembre.
L’empereur Aurélien (270-275), au milieu des divinités multiples qu’honorait le peuple romain, a assuré une place particulière à une divinité solaire : <Sol Invictus> (latin pour « Soleil invaincu »).
Il proclame « le Soleil invaincu » patron principal de l’Empire romain et fait du 25 décembre, le jour du solstice d’hiver donc, une fête officielle appelée le « jour de naissance du Soleil » (du latin dies natalis solis invicti). Cette fête vient alors se placer au lendemain de la fin des Saturnales, une période de fête ancienne et la plus importante de Rome.
Plus anciennement le 25 décembre correspondait aussi au jour de naissance de la divinité solaire Mithra
La christianisation de l’empire romain va annexer cette fête.
Et pour ce faire, on décidera que la naissance de Jésus de Nazareth remplacera la naissance du soleil et on appellera cette fête « Noël » (du latin natalis).
La première mention de cette célébration chrétienne à la date du 25 décembre a lieu à Rome en 336.
Il se passera la même évolution chez d’autres peuples. Ainsi, les peuples germaniques connaissaient aussi une fête du solstice d’hiver : <Yule> .
Suivant la même logique de syncrétisme que pour les Saturnales et le Dies Natalis Solis Invicti, Yule a été associée aux fêtes de Noël dans les pays nordiques depuis la christianisation de ces peuples.
Wikipedia nous apprend que dans la mythologie nordique, Yule est le moment de l’année où Heimdall (dieu nordique de son trône situé au pôle Nord) […] revient visiter ses enfants avec d’autres divinités.
Ils visitent ainsi chaque foyer pour récompenser ceux qui ont bien agi durant l’année, et laissent un présent dans leur chaussette.
Ceux ayant mal agi voyaient à l’aube leur chaussette emplie de cendres.
Yule est aussi une fête où les gens de leur côté, et les dieux du leur, se rencontrent pour partager un repas, raconter des histoires, festoyer et chanter.
Si vous continuez à lire Wikipedia, dans son article Yule, vous comprendrez que les 4 bougies rouges que les allemands allument, au fur à mesure des 4 semaines de l’Avent, constitue aussi une tradition pré-christique où ce rituel célébrait la renaissance de la lumière.
Je ne vous décris pas ce que Noël est devenu à notre époque vous le savez aussi bien que moi.
Noël avec Nouvel An constituent les fêtes de fin d’année où toute le monde prend congé, se retrouve en famille et fait la fête.
Il est donc pertinent de suspendre le mot du jour et comme je trouve efficient de commencer l’année par une semaine de congé, le prochain mot du jour sera envoyé le lundi 9 janvier.
<810>
J’avais déjà évoqué Maurizio Ferraris, philosophe italien et son livre dont est extrait l’exergue du mot du jour. C’était lors du mot du jour du 16 septembre consacré au droit à la déconnexion pour les salariés reconnu par le paragraphe 7 de l’article L2242-8 du code travail et qui a été mis en œuvre par la fameuse Loi travail.
Mais il me paraissait pertinent d’approfondir la réflexion de Maurizio Ferraris, d’abord parce que j’ai écouté une émission, la Grande Table, qui posait la question <Smartphone, faut-il décréter l’état d’urgence ?> et dans laquelle il était invité.
Ensuite parce que cette réflexion constitue comme un miroir critique à celle de Michel Serres qui présentait l’aspect positif du smartphone :
« Les jeunes générations ont compris ce que signifiait le mot maintenant, qu’il faut lire main tenant, c’est à dire tenant dans la main. Avec les smartphones qu’ils tiennent dans la main, ils peuvent immédiatement échanger avec tous leurs proches ou personnes qu’ils connaissent quel que soit le lieu où les uns et les autres se trouvent dans le monde. Ils peuvent accéder à l’information et à la connaissance instantanément en surfant sur les outils de l’internet, ils peuvent envoyer, maintenant, des photos qu’ils viennent de prendre quelques secondes auparavant etc… »
Il s’agissait du mot du jour du 21 novembre 2012, le 23ème, alors que nous sommes aujourd’hui au 773ème.
J’ai pu lire un extrait de ce livre <Mobilisation Totale ; L’appel Du Portable> sur internet. Extrait auquel vous avez accès en suivant ce <Lien>
Ce livre se penche sur ce phénomène de société engendré par les smartphones et la connexion au monde et montre comment cette sollicitation permanente se transforme en dispositif de mobilisation.
Dans ce livre, Ferraris utilise le terme « arme » pour parler de l’ensemble de ces appareils mobiles qui nous asservissent parce qu’il a créé en italien l’acronyme « ARMI » qui a été traduit en français par Appareils de Registration (en réalité enregistrement) et de Mobilisation d’Intentionnalité.
Voilà ce qu’il écrit par exemple :
« Comment et pourquoi l’appel nous mobilise ?
L’appel est avant tout une responsabilisation : je réponds parce que je me sens apostrophé, moi, précisément moi. La responsabilité dont je me sens investi a un caractère incomparable de « première personne » : le message m’est adressé à moi, et je sens la nécessité de répondre avec le même naturel avec lequel le philosophe américain John Searle, dans l’anecdote qu’il rapporte au début de « la construction de la réalité sociale », sent la nécessité d’entrer dans un bar à Paris et de commander une bière. […]
L’absolu. Qu’est-ce qui rend d’autant plus puissant l’appel du portable par rapport à la bière de Searle ? Pour le dire en deux mots : si la bière a quelque chose à voir avec l’esprit, fut-ce avec celui du houblon, l’appel communique avec l’absolu. Pour la première fois dans l’histoire du monde, nous avons l’absolu dans la poche.
Le dispositif, dont le Web est la manifestation la plus évidente, est un empire sur lequel le soleil de se couche jamais, et le fait d’avoir un Smartphone dans la poche signifie à coup sûr avoir le monde en main, mais automatiquement aussi, être aux mains du monde : à chaque instant pourra arriver une requête et à chaque instant nous serons responsables
Même si l’on établissait par contrat de travail qu’on ne travaille qu’une heure par semaine, dans les faits s’appliquerait le principe selon lequel on travaille à toute heure du jour […].
Le mobile mobilise. Voilà ce qui a changé depuis l’époque de la bière de Searle. Que celui qui est encore en mesure de le faire, revienne en arrière, à l’époque où les téléphones étaient des appareils fixes et seulement capables de communiquer, sans aucun aspect lié à l’enregistrement. À cette époque, qui ne se trouvait pas physiquement dans les parages d’un téléphone fixe lié à son entourage (domicile ou bureau), était virtuellement soulagé de toute responsabilité. Le téléphone sonnait mais si cet individu avait un motif valide pour ne pas se trouver chez lui ou à son bureau, le fait d’être injoignable de pouvait en aucune façon lui être imputé. Ajoutons que le fixe était non seulement localisable, mais il était en principe amnésique (avant l’invention des répondeurs enregistreurs ou autres systèmes de mémorisation des appels), si bien qu’il ne restait pas de trace des coups de téléphone même quand on revenait dans les parages de l’appareil. Donc, là aussi, aucune responsabilité […].
Le seul téléphone mobile (mais sans mémoire) qui ait existé un bon nombre d’années fut le téléphone rouge, conçu en 1963. Enfermé dans une boite, il suivait comme une ombre ou un spectre le président des États-Unis et pouvait être utilisé pour communiquer directement avec le dirigeant de l’Union soviétique en cas de menace nucléaire. Cette évocation de la sphère militaire apparaît rétrospectivement prophétique. Les armes contemporaines sont des dispositifs mobiles et mobilisant qui tirent tout leur pouvoir du fait d’être toujours auprès de nous et éternellement muni de mémoire. Ce qui signifie justement qu’à la différence de ce qui se produisit avec le fixe, nous sommes responsables face aux messages qui peuvent nous arriver, et cela en tout lieu et à tout instant. Même si l’on se trouvait dans une zone sans réseau ou si nos « armes » étaient pour quelque raison déchargées, en très peu de temps la mémoire, se réactivant, nous mettrait face à nos responsabilités, c’est-à-dire aux messages qui nous seraient arrivés durant la période de déconnexion. […]
Action. Généralement l’appel ne se limite pas à requérir une réponse ; il exige une action. Dès l’instant où une grande part du travail se fait à travers les « armes », l’accès à ces « armes » équivaut à l’accès au travail : qu’on pense à la quantité de prestations fournies par les « armes » hors des horaires habituels de service. Ce travail est non rétribué et souvent même il n’est pas comptabilisé comme travail, ce qui implique une nouvelle frontière de l’exploitation, qui commence au moment où, comme cela se faisait en de nombreuses entreprises on oblige les employés à être toujours muni d’un smartphone.
Les mobilisés acceptent d’être appelés à agir à tout moment et c’est aussi une diminution objective de liberté, qui n’est compensé par aucun avantage économique et qui même, le plus souvent, se transforme en un travail gratuit, que ne couvre aucune protection syndicale. […]
Responsabilité. Le message qui t’est destiné, est destiné à toi. Qui te l’as envoyé sait que tu l’as lu. L’ordre se présente comme un commandement individuel, de façon très différente de ce qui se passait avec les médias du siècle précédent. De ce point de vue, notre situation a changé par rapport à l’époque de la radio et de la télévision. On se lamentait alors du fait qu’on se trouvait submergé par un flot d’informations, surabondant et ingérable. Et alors ? Où était le problème ? Il suffisait de ne pas en tenir compte. Il est bien plus difficile d’affronter l’avalanche de sollicitations, de requêtes, de demandes impatientes qui sont adressés par l’armée mobile qui nous enserre. »
<Vous pouvez aussi lire cet article des Inrocks qui analyse ce livre>
Cette réflexion apparait très négative. A mon analyse, elle ne contredit pas la vision optimiste de Michel Serres, elle la complète.
Le smartphone est à la fois un outil formidable comme le décrit Michel Serres, et un outil d’asservissement comme le montre Maurizio Ferraris.
Il nous faut suffisamment de sagesse pour profiter de ses fonctionnalités et maîtriser ses excès.
Bref, il faut mater notre smartphone et savoir se déconnecter !
Régis Debray nous apprend d’abord que le mot « religion » est une particularité locale, c’est-à-dire un mot créé dans l’Occident chrétien.
Selon lui, ce mot n’a pas d’équivalent dans les autres civilisations.
Il traque dans les grandes langues de l’humanité les différents mots que l’Occident a traduits par le mot « religion », en montrant que cette traduction est erronée et très approximative.
C’est le sociologue Emile Durkheim qui a tenté de définir de manière savante ce mot :
« Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c’est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent. ».
On constatera, l’incongruité de l’utilisation du mot « église » qui ramène irrémédiablement au christianisme.
« Religion » vient du latin « Religio ».
Et dans la Rome antique, « Religio » signifiait le respect des institutions établies.
Et le christianisme, dans ses débuts, a été traité par les érudits romains face à la Religio, de superstition.
Ainsi Tacite (58-120) dans ses Annales, en évoquant les persécutions de Néron a écrit :
« Néron […] fit souffrir les tortures les plus raffinées à une classe d’hommes détestés pour leurs abominations et que le vulgaire appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Pontius Pilatus. Réprimée un instant, cette exécrable superstition se débordait de nouveau, non-seulement dans la Judée, où elle avait sa source, mais dans Rome même, où tout ce que le monde enferme d’infamies et d’horreurs afflue et trouve des partisans. »
Une exécrable superstition… écrivait Tacite.
On attribue à <Tertullien qui vécut autour des années 200> le fait d’être parvenu par son érudition et sa force de conviction à inverser le sens des termes et de rendre respectable le christianisme en lui attribuant le nom de « religio » alors que les autres pratiques romaines et notamment le paganisme devenaient des « superstitions »
Il existe deux étymologies du mot : la païenne – relegere, recueillir (Cicéron) – et la chrétienne : religare, relier (Lactance).
Régis Debray précise : « relegere, c’est relire avec attention, d’où vient l’expression accomplir religieusement une tâche ». Pour lui le contraire de ce sens est « distraction »
L’étymologie du mot nous enjoint donc à comprendre la religion comme rassemblement (religare) et recueillement (relegere), ou encore communauté et prière, lecture des textes saints.
Non seulement le mot religion n’existe pas dans les autres civilisations, mais on ne trouve pas trace, selon Régis Debray, du mot religion dans la bible hébraïque (ancien testament), ni dans les évangiles.
Au moment des débats sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les républicains de 1905 ont choisi de ne pas parler de la religion mais des cultes.
Régis Debray écrit :
« Le mot de culte me paraît plus adéquat. Le culte c’est deux choses : une réunion (des assemblées) et des rituels.
Il y a culte dès qu’il y a une croyance qui réunit des gens et que cette croyance est une croyance en une réalité ou un sujet méta-empiriques.
Ce peut être un ancêtre, un événement passé, une déité, une personnalité. »
Mais si le mot « religion » s’est imposé dans le monde comme l’« étalon maître des croyances » c’est en raison de la colonisation occidentale et de la suprématie des nations chrétiennes pendant la phase de la révolution industrielle.
L’Islam en outre sur bien des points et notamment sur celui-ci s’est inscrit dans l’héritage chrétien. L’Islam ayant vocation de constituer la religion monothéiste qui accomplit les deux autres qui l’ont précédé.
Car le terme de religion est intimement lié à ces cultes monothéistes dont Régis Debray explique :
« Non seulement, ces religions [monothéistes] entendent régler nos mœurs et notre vie intime mais ce sont elles qui ont liées la notion de croyance et la notion de vérité et ça c’est de la dynamite. – vera religio veri Dei – « la vraie religion du vrai Dieu. »
Et je finirai par cette brillante étude comparative de civilisation :
« Cette idée que nous a rendu naturelle des siècles d’enseignement religieux dans notre culture, semblera totalement barbare ou idiote à un chinois, à un japonais ou à un indien.
Cette idée que parce qu’on a une religion on ne pourrait pas en avoir une autre.
Un japonais né en milieu shinto n’hésitera pas à se marier chrétien et à mourir bouddhiste. Un chinois han se promène en souplesse entre Bouddha, Confucius et le Tao, sans avoir à renier un « isme » par un autre.
[En outre] les mots « bouddhisme », « taoïsme » et « confucianisme » sont des inventions des intellectuels occidentaux, non des penseurs asiatiques.
D’ailleurs les temples en Chine sont la demeure de toutes les divinités, et l’encens ne fait pas le détail. Et en Inde, un fidèle de Vishnou ne trouvera pas répréhensible d’aller fleurir l’autel de Shiva »
Vous trouverez tous ces développements <Ici>
Vous y trouverez aussi la phrase qui sert d’exergue à ce mot du jour, tellement explicite et juste qu’il n’est pas nécessaire d’expliquer davantage.
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