Mercredi 13 septembre 2017

«En Occident, nous avons nié, oublié, nous avons excisé mentalement le clitoris »
Pierre Foldès

Quand j’étais jeune, j’ai eu droit à des cours d’éducation sexuelle. Dans ces cours on parlait de beaucoup de choses et on représentait de manière banale un pénis au tableau.

Mais le clitoris… non ! On n’en parlait pas.

Même dans ce domaine les femmes et les hommes ne sont pas traités de manière égale !

Et cette <page de France Culture> nous apprend que pour la première fois un manuel scolaire des Sciences de la vie et de la Terre représente correctement un clitoris. Il s’agit du manuel des éditions Magnard. C’est la première fois et c’est la fin d’une longue omerta datant de 1880. Mais les sept autres éditeurs que sont Belin, Bordas, Didier, Hachette, Hatier, Le livre scolaire et Nathan, continuent à faire une présentation erronée de l’organe ou n’en définissent qu’une petite partie.

Vous trouverez sur la page de France Culture la représentation incluse dans ce manuel.

Mais le titre sous forme de question posée par cette page demande des explications :

Pourquoi avoir attendu 2017 pour le représenter dans les manuels scolaires ?

Ainsi : « le clitoris a été correctement dessiné dans le nouveau livre de SVT des éditions Magnard, destiné à entrer dans le cartable des collégiens à la rentrée prochaine. Avec sa double arche interne de 10 cm de long. Cette représentation vient briser un tabou anatomique de longue date. Pourtant, les premières représentations anatomiques correctes du clitoris remontent à 1600… »

<Cette page nous apprend qu’on peut même imprimer en 3D la représentation d’un clitoris>

Et voici ce que cela donne :


La <page de France Culture> déjà citée nous donne plus d’explications et vous pouvez utilement vous y reportez.

Ainsi on apprend que :

En 2010, la gynécologue et obstétricienne Odile Buisson avait consacré une conférence de 15 minutes à l’organe clitoridien et à sa mise au ban par la médecine sexuelle. […] « Le clitoris est probablement la terreur des Homo sapiens, car il faut savoir que 130 à 150 millions de femmes ont été excisées dans des conditions épouvantables », lançait-elle en guise d’introduction. Et ce depuis la nuit des temps, puisque des momies excisées ont été retrouvées, précisait-elle. Et en Occident ? « On a fait moins sanglant mais on n’a pas fait moins sournois, car le clitoris a été un organe complètement oublié des traités d’anatomie. »

Durant ses études de médecine, Odile Buisson a très vite noté que lorsque le clitoris était représenté, ou traité, il l’était de façon erronée : «Je me rappelle que quand j’ai fait ma gynécologie, c’était deux petites pages, vite expédiées, et du reste on ne l’apprenait pas parce qu’on n’était jamais interrogés dessus et qu’en fait, tout le monde s’en foutait.»

Je travaille avec le docteur Pierre Foldès, qui est spécialiste de la réparation des mutilations sexuelles (…), [qui] me dit toujours, «En Occident, nous avons nié, oublié, nous avons excisé mentalement le clitoris ». Odile Buisson

Jean-Claude Piquard, sexologue clinicien, auteur de La fabuleuse histoire du clitoris, a vécu la même expérience lors de ses études : « Lorsque j’ai fait ma formation de sexologue clinicien à la fac de médecine de Montpellier, à ma grande surprise : point de clitoris. On avait posé la question aux profs qui étaient des médecins sexologues : ils refusaient de répondre, ils bottaient en touche, c’était très surprenant. »

D’autant plus surprenant que, suite à ses recherches basées sur les encyclopédies médicales et autres traités d’anatomie, le sexologue s’aperçoit que jusqu’au XXe siècle, le clitoris avait toujours été connu et reconnu comme l’organe du plaisir féminin.

Au début du XXe siècle, il occupait quatre pages dans les traités d’anatomie, et dans les années 1960 qui sont les points culminants de l’omerta clitoridienne, il n’occupait que quatre lignes. On démontre ainsi que ce n’est pas une absence de connaissances, c’est un recul de connaissances.

La première omerta sur le clitoris, c’est à des médecins protestants qu’on la doit, vers 1750, date avant laquelle la masturbation n’avait jamais été mentionnée, explique Jean-Claude Piquard : « Brutalement, elle devient une pratique funeste, potentiellement mortelle, ou en tout cas très dangereuse. » Pourquoi ? Parce que la semence est chose précieuse destinée à la procréation pour les religions, il s’agit donc de ne pas la perdre .

« Quelque part en France, on a été protégés par les catholiques, il n’y a quasiment pas eu d’excision thérapeutique en France. Les catholiques ont fait du suivisme mais étaient beaucoup moins intégristes. […] Dans tous les pays protestants, la répression de la masturbation a été violente, sauf en Angleterre peut-être. »

Par la suite cet article parle aussi du rôle de Freud, mais si cela vous intéresse je vous propose de vous reporter directement à < France Culture>

Enfin, je vous engage à regarder cette animation : <Le clitoris>

La présentatrice canadienne introduit le sujet en disant : « les femmes sont chanceuses, elles disposent du seul organe qui sert uniquement au plaisir »

Alors vous pourriez poser la question pourquoi parler du clitoris ?
Parce que je pense qu’il s’agit d’un révélateur de la manière dont la société traite les femmes.

Dans certains pays la tradition patriarcale a imposé l’excision, c’est à dire l’ablation de la partie externe du clitoris et de son capuchon.

Wikipedia nous apprend que l’excision est la plus courante en Afrique subsaharienne et dans quelques régions du Proche-Orient (Égypte) et de l’Asie du Sud-Est (Indonésie et Malaisie). Dans les pays occidentaux, ces pratiques se retrouvent dans les communautés issues de ces pays. Selon les pays, la proportion de femmes excisées varie de façon importante, allant de 1,4 % au Cameroun à 96 % en Guinée au début des années 2003. On considère qu’environ 100 à 140 millions de femmes ont subi une excision (principalement en Afrique). Environ 2 millions de fillettes sont susceptibles de subir une telle mutilation tous les ans. Selon une étude de l’INED, 50 000 femmes ont subi des mutilations sexuelles et vivent actuellement en France.

Si dans ces sociétés on désire priver les femmes de leur clitoris c’est parce qu’on sait à quoi il sert : donner du plaisir.

Dans nos sociétés, on est beaucoup moins brutal mais nous constatons d’après les informations de cet article qu’il y a eu longtemps une omerta. Il faut être juste Il y eut une époque où le clitoris était davantage à l’honneur dans notre pays et selon les spécialistes qui s’expriment le moment culminant de l’omerta se situe dans les années 1960.

Mais pourquoi se méfie t’on du plaisir féminin, pourquoi le corps des femmes constitue-il autant un problème qui préoccupe les hommes et les sociétés patriarcales, pourquoi enferme t’on les femmes dans certaines sociétés ? Pourquoi punit-on avec une telle rage les femmes adultères dans tellement de civilisation ?

Parce que lorsque l’enfant nait, il est facile de connaître la mère, mais qui est le père ?

Depuis des siècles et peut être des millénaires les hommes, les patriarches voudraient être certains qu’ils sont bien le père à l’enfant à qui il lègue leur patrimoine, leur pouvoir parfois, et leurs noms. Pour cette raison prosaïque, il faut contrôler le corps des femmes, les relations des femmes. Et bien sûr le plaisir est dangereux parce qu’il peut entraîner le désir de l’infidélité, de chercher le plaisir en dehors des liens du clan ou de la famille.

Ce qui est navrant c’est que sans qu’ils en soient l’auteur, les monothéismes se sont emparés de ces traditions pour le plus grand bénéfice des sociétés patriarcales et l’asservissement des femmes. Au cœur des mythes monothéistes, il y a ce don du plaisir qu’Eve avait donné à son compagnon pour croquer la pomme.

Alors oui ! le clitoris et surtout la manière dont on le cache, on l’ignore ou on le mutile dit beaucoup de nos archaïsmes et de nos sociétés malades de l’égoïsme des mâles.

<Pour finir vous trouverez ici une présentation d’Odile Buisson>

<927>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *