Vendredi 31 janvier 2020

« Le consentement »
Vanessa Springora

Le consentement !

J’entends les protestations : « Alain ce mot n’est pas nouveau ! »

Ce n’est pas faux !

Le « consentement » est le substantif issu du verbe « consentir » qui lui-même vient du latin consentire « être d’accord avec ».

Le <dictionnaire> du CNRS fait remonter à la deuxième moitié du XIIème siècle l’introduction du mot « consentement » dans la langue française. Il est donc vrai qu’il ne date pas d’hier.

Il présente cependant une brûlante actualité. Actualité liée au livre écrit par  Vanessa Springora : « Le consentement » et paru début janvier 2020.

Mais selon moi, plus largement, c’est la pleine conscience de la signification de ce mot dans le domaine des relations sexuelles qui donne son actualité à ce mot et justifie que je l’utilise en exergue.

Le mouvement « #metoo » « moi aussi » a pris son envol, en octobre 2017, après la dénonciation par des actrices du comportement prédateur sexuel du puissant producteur de cinéma américain Harvey Weinstein. C’est l’actrice américaine Alyssa Milano qui a proposé de partager les témoignages de violences sexuelles et de la violence contre les femmes dans différents milieux, sous le hashtag « #MeToo ». Il semble que ce « mot de ralliement » autour des violences sexuelles à l’encontre des femmes existait depuis 2007.

La grande historienne de l’Histoire des Femmes, Michelle Perrot qui vient de publier un ouvrage de 1000 pages que j’ai offert à Annie  : « Le chemin des femmes » dit :

« #MeToo, puisque c’est à cela que vous faites allusion, je pense que c’est un événement. Une révolution, je n’irai pas jusque-là, parce les révolutions ne se font pas comme ça : les rapports entre hommes et femmes sont issus de si vieilles structures que l’on ne les bouleverse pas si facilement. Mais c’est un événement. Dans « Me Too » les deux mots sont très importants. « Me », moi. Chacune des femmes concernées se dit : ça m’est arrivé à moi. « Too », aussi. Les autres aussi. Je ne suis pas seule, ce qui m’est arrivé n’est pas une histoire sur laquelle je ne dois rien dire parce que c’est honteux et que je suis seule. Non, c’est arrivé à beaucoup d’autres que moi.

#MeToo, c’est une histoire du corps des femmes. Le corps des femmes est au cœur du mouvement de libération depuis les années 1970. Une des devises de ce mouvement était : « notre corps, nous-mêmes.» C’était le droit à l’avortement et à la contraception, qui avait été acquise par la loi de 1967.  »

Vous lirez cela dans une interview sur le site de Mediapart : « Le silence sur les femmes m’est apparu incroyable : plongées dans l’obscurité »

Ce mouvement « #MeToo » s’est développé à l’échelle internationale et a libéré la parole des femmes.

Témoignage après témoignage, livre après livre nous découvrons l’ampleur de ce désastre, de cette prédation dans tous les milieux, dans tous les domaines dans lesquels des hommes par leur pouvoir, par l’argent, par le charisme, par leur emprise de type « gourou » de réalisateur, d’entraîneur, de chef d’orchestre, de star médiatique ont pris l’habitude d’abuser des femmes, parfois des hommes, souvent des enfants, en écartant l’impérieuse nécessité du consentement.

Le consentement est constitué par un accord donné de manière libre et dans lequel on s’engage entièrement à accepter ou à accomplir quelque chose.

En matière de santé on parle de « consentement libre et éclairé ».

Le consentement doit être libre, c’est-à-dire en l’absence de contrainte, et éclairé, c’est-à-dire précédé par une information.

L’importance du consentement est à la base de notre société libérale fondée sur le contrat.

Yuval Noah Harari dans son livre «Sapiens », pages 372 à 375, a raconté le parcours inverse, au début du XVIIème siècle, du déclin de la puissance tyrannique de l’Espagne et de la montée en puissance des Pays bas qui après s’être libérés de l’hégémonie de l’Espagne ont développé une société libérale basée sur la confiance, le contrat et le consentement. J’ai essayé de résumer ce récit historique par le mot du jour 2 juin 2016

Pour qu’un contrat soit valable il faut établir le consentement de chaque partie au contrat. Et l’autorité judiciaire indépendante est gardienne et juge des litiges sur les contrats et sur l’échange des consentements.

Le code civil français, qui consacre à ces questions, les articles 1128 à 1144, ne définit pas positivement le consentement lui-même.

Mais l’Article 1130 du Code Civil décrit le consentement en creux en donnant les cas dans lesquels le consentement est écarté. :

« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.  »

La violence ou l’erreur, c’est-à-dire la méprise ou le malentendu sur l’acte ou la chose auquel on donne son consentement est simple à comprendre.

Le dol est un plus compliqué. Il correspond aussi à une erreur d’un des cocontractants, mais cette erreur a été provoquée par une manœuvre d’un autre cocontractant dans le but de tromper ou d’abuser son partenaire

L’Article 1128 précise qu’il y a deux autres conditions à la validité d’un contrat :

  • La capacité de contracter ;
  • Un contenu licite et certain.

La capacité est une question difficile en matière sexuelle, elle conduit au sujet de la majorité sexuelle.

Je m’étais indigné, en 2017, lors de deux mots du jour traitants d’affaires différentes : « Un enfant de 11 ans peut consentir à une relation sexuelle avec un homme de 28 ans » et « Un homme de 22 ans a une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Elle tombe enceinte puis l’enfant qui naît est placé dans une famille d’accueil. Cet homme vient d’être acquitté par la cour d’assises de Seine-et-Marne ». Ces deux affaires correspondaient à des positions de la Justice française. Dans le premier cas un avis du parquet, dans le second un jugement de cour d’Assises.

Vanessa Springora, avait un peu plus que 11 ans. Elle était élevée par une mère divorcée et lisait beaucoup. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre Gabriel Matzneff., un écrivain, un « fabriquant » de livres très introduit dans la société littéraire de Paris. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Quand elle a quatorze ans, elle s’offre à lui corps et âme.

L’histoire est très bien racontée par Claude Askolovitch lors de sa revue de presse de la veille de Noël :

« Le Consentement, aux éditions Grasset, […] amorce ce qu’on appellera tristement un scandale, quand il n’est que bouleversant. C’est le livre d’une femme « très belle, à la voix douce » de langue classique lumineuse et juste, qui a le mot vrai et qui sait penser, dit Le Magazine Littéraire, dans un superbe portrait parce qu’il est digne d’elle… Vanessa Springora, patronne des éditions Julliard, qui connaît les hommes de lettres.

Et notamment un écrivain, aujourd’hui vieillard en désuétude, mais qui il y a vingt ans, trente ans, était un dandy « propre, massé, le crâne épilé, aimable » que Bernard Pivot invita cinq fois à Apostrophes. Gabriel Matzneff qui collectionnait les amants, les amantes de onze ans, de douze ans, de quatorze ans… Et parmi ses amantes, il y eut Vanessa, qu’il connut en 1985, quand elle avait treize ans, une proie aux yeux bleus qui lisait Eugénie Grandet et qui plaçait les écrivains sur un piédestal, et dont il s’empara, corps et âme, l’ayant rassurée de lait, de mots doux, de mousses au kiwi, et elle fut la chose de l’ogre…

« À 14 ans, à la sortie du collège, on n’est pas supposée vivre à l’hôtel avec un homme de 50 ans, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche à l’heure du goûter », écrit dans son livre Vanessa Springora. Je retrouve cette phrase dans Le Monde et dans L’Express qui racontent une folie dans un autre siècle. Quand Matzneff, sans rien cacher, était un homme adulé de complaisance ; ce Gabriel qui se faisait passer pour un chef scout afin d’échapper à un père dont il avait happé l’enfant, « un chaton de 12 ans, l’un des gosses les plus voluptueux que j’ai connus ». En 1990, une romancière québécoise, Denise Bombardier, avait osé dire son dégoût à Matzneff sur le plateau d’Apostrophes. Elle s’était retrouvée ostracisée au cocktail après l’émission, raconte-t-elle au journal Le Monde et puis insultée, dénigrée par la fine fleur de la critique littéraire. En 1977 quand Matzneff lançait une pétition pour soutenir des gens qui s’étaient amusés avec des mineurs de douze et treize ans, le texte était publié dans Le Monde et signé Aragon, Sartre, Beauvoir, Roland Barthes, Francis Ponge, André Glucksmann, Bernard Kouchner, Félix Guattari, Jack Lang… Imaginez.

L’hôtel où Matzneff se repaissait de Vanessa était payé par Yves Saint-Laurent, lis-je dans L’Express. Un jour, Vanessa y reçut un appel téléphonique de François Mitterrand, président de la République, qui venait prendre des nouvelles de son « cher Gabriel » hospitalisé…

Et c’est donc, au-delà de Vanessa Springora elle-même, une aberration collective et s’impose pour des hommes admirables un mépris. « Votre rôle est d’accompagner Gabriel sur le chemin de la création et de vous plier à ses caprices », ordonna Emil Cioran à Vanessa Springora… Dans Le Monde où les amis de Matzneff se désolent que les temps ont changé, Frédéric Beigbeder redoute que Gabriel se suicide, il en est d’autres qui pourraient, se relisant, mourir de honte, s’ils vivent encore ici-bas. »

J’ai découvert Vanessa Springora lors de son passage dans les matins de France Culture du 3 janvier 2020.

Elle dit de Matzneff

« Il était bien ce qu’on apprend à redouter dès l’enfance : un ogre ».

Et lors de l’émission :

« C’était important pour moi de faire rentrer dans le champ littéraire la voix d’une jeune fille qui avait été victime. C’est une voix qu’on n’entend jamais en littérature. C’est un pendant de Lolita de Nabokov. J’ai longtemps tourné autour du sujet avant de parvenir à l’écrire de cette manière, à la première personne. J’avais pensé raconter l’histoire de Lolita inversée, du point de vue de la jeune fille.

[ l’attribution du prix Renaudot à Gabriel Matzneff en 2013 ] fait partie des provocations qui pour moi, à titre personnel, étaient insupportables. Il y en a eu beaucoup d’autres. […]

En 2015, il a écrit à la personne avec qui je travaillais un nombre invraisemblable de mails pour essayer de rentrer en contact avec moi. Il m’a toujours écrit partout où il a pu, essayé d’avoir mon adresse, il a toujours essayé de maintenir son emprise. Il continue d’ailleurs de le faire aujourd’hui avec la réponse qu’il a donnée hier à L’Express. [Je ne mérite pas l’affreux portrait que (…) tu publies de moi. (…) Non, ce n’est pas moi, ce n’est pas ce que nous avons ensemble vécu, et tu le sais »].

[…] La véritable raison [du livre] c’est d’être devenue moi-même mère et d’avoir autour de moi des adolescents et de comprendre enfin ce qui avait été très difficile pour moi, ce qu’était cet âge très particulier, de grande vulnérabilité, de transition entre l’enfance et l’âge adulte. C’est un moment où on est une proie idéale pour ce type de structure psychique auquel on a affaire avec cet homme. La particularité chez lui, c’est d’être écrivain, et donc de redoubler son entreprise de prédation par une exploitation littéraire.

[…] Pour qu’une histoire de ce type puisse se produire, il faut un certain nombre d’éléments. Il y avait chez moi un manque paternel assez criant, une grande solitude, une mère très prise par son travail et qui m’élevait seule, notamment dans ce milieu littéraire. Il fallait aussi être très attirée par la littérature, d’avoir magnifié toute mon enfance la figure de l’écrivain. Il avait cet ascendant d’adulte et quelqu’un qui avait l’aura de l’artiste. Pour moi qui était très attirée par cet univers, j’avais déjà très envie d’écrire à l’époque, c’était une figure forcément fascinante. […]

Il y a eu quelques alertes. Une personne a écrit une série de lettres anonymes qui ont été envoyées à la brigade des mineurs mais qui sont restées sans suite. Ma mère avait employé le mot ‘pédophile’ à son égard dès la première fois, quand je lui ai annoncé qu’on s’était écrit, qu’il m’avait donné rendez-vous. Je ne l’ai pas prise au sérieux parce que j’étais une adolescente un peu rebelle et que ce mot me paraissait ne pas correspondre à ce que j’étais en train de vivre. J’étais dans cette période de l’adolescence où on a tendance à se croire déjà adulte. Je ne me reconnaissais pas dans ce statut d’enfant et le terme pédophile était associé à l’enfance. Ce serait faux de dire qu’il n’y a pas eu d’alerte, en revanche, il n’y a eu aucune tentative pour mettre fin à cette histoire. Ma mère est vraiment dans le regret de ne pas avoir été plus loin. Elle était dans un état d’esprit qui ressemblait à celui de la fin des années 1970, qui était ‘il est interdit d’interdire’. »

Cela pose, en effet, la question de la capacité d’une jeune adolescente de consentir à une telle relation.

Mais, au-delà de cette question de capacité, par rapport à ce que j’expliquais sur le consentement il y a eu dol dans cette histoire qui a conduit la jeune fille dans l’erreur. Elle raconte sa prise de conscience :

« Tout d’un coup je me suis rendue compte (en le lisant) que eux et moi, ces très jeunes enfants, dont il parle dans son journal, qu’il va payer à Manille pour avoir des relations avec eux, je me suis sentie tout à fait solidaire d’une certaine manière. J’ai compris la manipulation dans laquelle j’étais tombée. J’étais face à quelqu’un qui était un prédateur et pas un amoureux des enfants, mais un chasseur. Cela a été extrêmement violent parce que c’est le moment où j’ai commencé à lui demander des comptes. Il m’avait interdit de lire ses livres, j’ai fini par braver l’interdit et à partir de ce moment-là notre relation est devenue extrêmement violente. J’ai eu du mal à m’en dépêtrer. »

En seconde partie d’émission, Guillaume Erner a reçu le sociologue Pierre Verdrager, auteur notamment de « L’enfant interdit. Comment la pédophilie est devenue scandaleuse » aux éditions Armand Colin.

Celui-ci explique l’état d’esprit de cette époque après mai 1968. Il s’agissait de promouvoir la liberté sexuelle, il y avait le combat des homosexuels et on y associait sans trouver de problème moral à cela, les relations sexuelles avec des enfants.

Je vous renvoie vers cette page du site de France Culture <Quand des intellectuels français défendaient la pédophilie>. Vous y lirez des choses effarantes pour notre regard d’aujourd’hui. Il faut lire les noms de ceux qui (tous des hommes me semblent-ils !) qui défendaient la pédophilie comme le relate Claude Askolovitch.

Ainsi, le 4 avril 1978, l’émission « Dialogues » invite Michel Foucault, le romancier et membre fondateur du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) Guy Hocquenghem et le juriste Jean Danet, tous trois signataires de la pétition qui demande la décriminalisation de la pédophilie. Durant une heure et quart, en public dans le studio 107, ces intellectuels vont défendre l’idée que des pédophiles sont incarcérés à tort parce que les enfants qu’ils ont abusés étaient consentants. Toujours le sujet du consentement

Il y eut une époque où de grands esprits considéraient que la défense de l’homosexualité et de la pédophilie constituaient un même combat !

Le livre de Vanessa Springora est un grand succès de librairie, mais les livres de Gabriel Matzneff ont aussi connu un rebond de ventes. Étrange société, dans laquelle on aime à aller voir dans la maison de l’ogre.

Vanessa Springora a aussi été invitée par Laure Adler dans <L’heure bleue> du 8 janvier 2020. Elle a tenu des propos qui m’ont beaucoup touché (à partir de 8:50):

« Ma mère me faisait la lecture des contes de fées. […] Je crois toujours au prince charmant puisque j’en ai rencontré un. Je crois que ça existe le prince charmant. Mais je crois que c’est une erreur quand on est petite fille d’y croire, il ne faut pas y croire, mais il faut le rencontrer sans l’attendre. [Moi] je l’ai cherché longtemps. J’ai eu beaucoup de chance de le trouver. »

J’ai été touché parce que malgré la souillure du début, l’exemple de Vanessa Springora prouve que le bonheur reste possible.

Ce jeudi matin, sur France Inter, j’ai entendu le témoignage de l’ancienne championne de patinage artistique Sarah Abitbol qui a été violée, dans le milieu sportif, par un de ses entraineurs. Elle aussi a trouvé une belle relation amoureuse et sexuelle, selon ce qu’elle a pu dire lors de son entretien. Son livre s’appelle «Un si long silence».

J’ai trouvé ce site canadien qui parle du <consentement sexuel>

<1340>

Vendredi 22 février 2019

« Sodoma »
Frédéric Martel

Revenons à la source, au récit initiatique de notre civilisation judéo-chrétienne et aussi musulmane. A savoir « La Genèse » premier livre de la Bible chrétienne et de la Torah juive. Il est aussi désigné comme le premier livre du Pentateuque (« cinq livres de Moïse »)

La ville de Sodome est connue par le récit qu’en fait le chapitre 19 de la Genèse.

Dans la traduction de Louis Segond :

« Les deux anges arrivèrent à Sodome sur le soir ; et Lot était assis à la porte de Sodome.
Quand Lot les vit, il se leva pour aller au-devant d’eux, et se prosterna la face contre terre.
Puis il dit : Voici, mes seigneurs, entrez, je vous prie, dans la maison de votre serviteur, et passez-y la nuit ; lavez-vous les pieds ; vous vous lèverez de bon matin, et vous poursuivrez votre route. Non, répondirent-ils, nous passerons la nuit dans la rue.
Mais Lot les pressa tellement qu’ils vinrent chez lui et entrèrent dans sa maison. Il leur donna un festin, et fit cuire des pains sans levain. Et ils mangèrent.

Ils n’étaient pas encore couchés que les gens de la ville, les gens de Sodome, entourèrent la maison, depuis les enfants jusqu’aux vieillards ; toute la population était accourue.
Ils appelèrent Lot, et lui dirent : Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions.

Lot sortit vers eux à l’entrée de la maison, et ferma la porte derrière lui.

Et il dit : Mes frères, je vous prie, ne faites pas le mal !
Voici, j’ai deux filles qui n’ont point connu d’homme ; je vous les amènerai dehors, et vous leur ferez ce qu’il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu’ils sont venus à l’ombre de mon toit.
Ils dirent : Retire-toi ! Ils dirent encore : Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous te ferons pis qu’à eux. Et, pressant Lot avec violence, ils s’avancèrent pour briser la porte.
Les hommes étendirent la main, firent rentrer Lot vers eux dans la maison, et fermèrent la porte.
Et ils frappèrent d’aveuglement les gens qui étaient à l’entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, de sorte qu’ils se donnèrent une peine inutile pour trouver la porte.  »

Vous noterez que dans ce récit fondateur de notre civilisation, il est totalement intolérable d’avoir des pulsions homosexuelles, mais que Lot, cet homme protégé de Dieu peut allègrement proposer à cette horde en furie de violer ses deux filles vierges dans une orgie sexuelle. Les deux anges et Dieu n’y trouvent rien à redire. Pour ma vision de rationaliste, je dirai plus prosaïquement que l’auteur du récit n’y voit aucun mal. Les religions monothéistes n’ont jamais eu beaucoup de considération pour les femmes…

Par la suite les deux anges vont donc sauver Lot et sa famille et annoncent que Dieu va détruire cette ville et qu’il ne faut pas se retourner dans la fuite.

Et l’histoire se termine ainsi :

« Alors l’Éternel fit pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu, de par l’Éternel.
Il détruisit ces villes, toute la plaine et tous les habitants des villes, et les plantes de la terre.
La femme de Lot regarda en arrière, et elle devint une statue de sel. »

Dans cet article de <Wikipedia>, des théologiens aux idées complexes essayent d’expliquer que cette histoire est plus compliquée qu’il n’y paraît, mais conviennent quand même que

« Dans la tradition chrétienne, ces passages bibliques sont évoqués comme fondements de la condamnation de la sodomie et de l’homosexualité. L’interprétation chrétienne est utilisée par les traités d’éthique chrétienne qui se fondent sur cette lecture particulière du passage Genèse 19, et inspire la plupart des traités de droit criminel condamnant l’homosexualité jusqu’au XVIIIe siècle avec une rigueur inouïe »

La discussion des théologiens tournent autour de l’expression « pour que nous les connaissions » qui pour tout lecteur averti de la Bible signifie avoir des relations sexuelles. Pour les théologiens qui écrivent dans Wikipedia c’est bien la signification pour des relations hétérosexuelles, mais ne le serait pas pour les relations homosexuelles.

Mais le Récit biblique est une chose et l’interprétation que les ecclésiastiques en ont fait est tout aussi importante.

Et cette interprétation est claire, « Sodome » est l’histoire qui montre que Dieu condamne l’homosexualité. Et la ville mythique donnera les noms communs honnis par les religions monothéistes de « sodomie », de « sodomites » et de toutes ses déclinaisons.

Cet autre article de Wikipedia rapporte l’Histoire de l’homosexualité et de la religion chrétienne, dont je tire les extraits suivants :

Ce qui est étonnant dès le début c’est que le premier édit a été décrété par un homosexuel. Rappelons que les relations charnelles entre homme ne posaient pas problème dans la Grèce antique.

« En effet, le 4 décembre 342, les empereurs romains Constantin II et Constant Ier décrétèrent, dans leur édit sur les adultères, la punition de tout homme, déclaré « infâme », qui se marierait en femme». Cette condamnation paraît contraster avec le fait que Constant Ier était lui-même notoirement homosexuel. Cet édit fut suivi par la loi du 14 mai 390 des empereurs Théodose Ier, Valentinien II et Arcadius, qui condamna les homosexuels passifs à la peine de mort par le feu, devant la plèbe réunie. »

Dans ces débuts le christianisme devint rapidement extrêmement cruel avec ce type de sexualité : .

« Plus tard, au VIe siècle de notre ère, jusque-là considérée comme un crime contre la dignité, l’homosexualité devint un crime contre l’ordre naturel créé par Dieu. En effet, en 538, l’empereur chrétien Justinien publia la première de ses Novellæ contre les personnes persévérant dans l’accomplissement d’actes homosexuels (ceux qui « commettent des [actes] contraires à la nature »), qu’il condamnait, en même temps que les blasphémateurs, à être arrêtés et soumis « aux derniers supplices ». Vers 542, en l’an 15 de son règne, Justinien ordonna de couper les parties génitales de deux évêques, Isaïe, évêque de Rhodes, et Alexandre, évêque de Diospolis, présents à Constantinople et, selon Michel le Syrien, « livrés à l’impureté sodomite ». Ils furent ensuite promenés par toute la ville, leurs membres amputés portés sur des lances. Justinien en profita pour établir « au nom de Dieu, la loi que quiconque serait surpris couché avec un mâle, aurait les parties viriles coupées ». »

Et si on s’intéresse plus précisément à L’Église catholique contemporaine, même s’il y a une évolution à l’égard des personnes, l’homosexualité et l’acte homosexuel sont toujours condamnés comme non naturelle et contraire aux lois divines.

Ainsi en novembre 2005 :

«  sur le canal radiophonique de Radio Vatican, à l’occasion de la sortie du document de la Congrégation pour l’éducation catholique refusant l’ordination des prêtres jugés homosexuels, le cardinal Zenon Grocholewski déclara : « Beaucoup de gens défendent l’idée selon laquelle l’homosexualité serait une condition normale de la personne humaine. Au contraire, elle contredit absolument l’anthropologie humaine et la loi naturelle ».

Il y a bien sûr des évolutions, notamment grâce au Pape François, mais l’homosexualité continue à être condamnée par l’Église Catholique.

Et parmi ceux qui le condamnent, beaucoup sont homosexuels. Cette hypocrisie est dénoncée par le journaliste Frédéric Martel dans le livre qu’il vient de publier chez Robert Laffont et qui est sorti en Librairie ce jeudi 21 février: « Sodoma, Enquête au cœur du Vatican »

J’ai entendu parler ce journaliste de son livre pour la première fois sur France Culture le 15 février dans l’émission de Guillaume Erner : « les lourds secrets du Vatican»

Et j’ai appris que le Vatican abriterait une des plus grandes communautés homosexuelles au monde.

Dans cette interview à CNews il affirme que

«Plus un prélat est homophobe, plus il a de chances d’être homosexuel».

Il décrit L’Église catholique comme une société «homosexualisée».

L’écrivain a enquêté pendant quatre ans au sein du Vatican, mais aussi dans trente pays et a interrogé près de 1.500 personnes, dont 41 cardinaux, 52 évêques et monsignori et 45 nonces apostoliques, précise « Le Point » :

Sur 630 pages, le sociologue décrit ce qu’il nomme « le secret le mieux gardé du Vatican » : l’omniprésence des homosexuels au sommet de l’Église. »

Car Frédéric Martel n’évoque pas un « lobby gay » mais presque une « normalité » :

« L’homosexualité s’étend à mesure que l’on s’approche du saint des saints ; il y a de plus en plus d’homosexuels lorsqu’on monte dans la hiérarchie catholique. Dans le collège cardinalice et au Vatican, le processus préférentiel est abouti : l’homosexualité devient la règle, l’hétérosexualité l’exception. »

Et il répète dans ce journal, l’hypocrisie à l’œuvre :

« Les prélats qui tiennent les discours les plus homophobes et traditionnels sur le plan des mœurs s’avèrent eux-mêmes en privé homosexuels ou homophiles, étant ces fameux « rigides hypocrites » dénoncés par François. »

L’article du Point explique que le livre revisite les pontificats de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI sous ce prisme gay. Il est particulièrement terrible pour le pape polonais, qui a multiplié les anathèmes contre l’homosexualité et le préservatif en pleine épidémie du sida, mais dont l’entourage proche aurait été majoritairement constitué de gays, dont deux éminents cardinaux à l’homophobie d’apparat qui ont été mêlés à une affaire de réseau de prostitution masculine.

Par ailleurs, Frédéric Martel affirme que cette culture du secret et cette omni présence de l’homosexualité est une clé essentielle pour comprendre pourquoi certains cardinaux et évêques ont couvert des actes pédophiles : Ils avaient peur que dans le scandale, des révélations éclatent et dénoncent leur homosexualité et leur hypocrisie.

<Dans cet article du Monde>, le Pape actuel qui semble épargné par le livre est cité :

« « Derrière la rigidité, il y a toujours quelque chose de caché ; dans de nombreux cas, une double vie », a ainsi affirmé le pape argentin. Parmi ses ennemis, précise M. Martel, les « homosexuels planqués, pétris de contradictions et d’homophobie intériorisée » seraient légion. »

Dans un article 21 février 2019 sur le site <Slate> Henri Tincq explique que

« L’ouvrage de Frédéric Martel souligne les incohérences entre le discours de l’Église catholique sur l’homosexualité et la pratique de certains de ses dirigeants, notamment au Vatican »

Et il fait l’analyse suivante :

« Martel démontre ici la perversité d’un autre système de pouvoir, d’une machinerie d’Église complexe, génératrice d’une morale aussi ancienne qu’écrasante. Son livre est une quête haletante et absurde à travers les rouages d’une institution ubuesque, corrompue jusqu’à la moelle, schizophrène à un niveau inimaginable, à la fois homosexuelle et homophobe, dont l’auteur nomme les tireurs de ficelles et désigne les principaux criminels. »

Une des raisons de cette sur-représentation des homosexuels à l’intérieur de L’Église catholique serait dû au fait que des jeunes hommes catholiques sentant en eux des pulsions homosexuelles, moralement indéfendables et donc refoulées chercheraient une expression et une «sublimation» dans un milieu de pouvoir presque exclusivement masculin.

Pour cacher une homosexualité prohibée par les lois de l’Église, mais si répandue en son sein, la hiérarchie catholique se livrerait à une surenchère permanente dans l’homophobie. Il existerait un lien étroit entre l’homosexualité pratiquée dans ses rangs à une grande échelle et les combats acharnés que mènerait l’Église des dernières années contre cette «déviance», contre l’avancée des droits des homosexuels (alors même qu’elle se bat pour les droits humains en général), contre les unions de même sexe ou contre les moyens de prévention du virus du sida, notamment le préservatif.

<L’express consacre aussi un article conséquent à cet ouvrage>

Mais je finirai par cet avertissement que donne Marco Politi, vaticaniste italien, auteur de «François parmi les loups» sur le site de « L’Obs »  :

« Mais après «Sodoma», l’Eglise doit se préparer à une autre vague de scandales: un #Metoo des femmes et des religieuses victimes d’abus sexuels par le clergé. En janvier, un prêtre du Vatican, chef de bureau à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a été officiellement démis pour avoir tenté », dans les années passées, d’obtenir les faveurs d’une religieuse pendant la confession. Les femmes ont désormais moins peur du pouvoir clérical et il est fort à parier que bientôt, depuis l’Europe et les Etats-Unis jusqu’en Inde, on assistera à une escalade de révélations.»: »

Et Marco Politi ne parle pas des crimes de pédophilies, pourtant très présent dans l’actualité.

<Dans cette courte vidéo le Pape François reconnait que des prêtres et des évêques ont violé des religieuses>

L’Eglise catholique a vraiment un gros problème avec la sexualité.

<1196>

Jeudi 6 septembre 2018

« Un petit démon »
Léonard Bernstein parlant de sa sexualité

C’est dans le documentaire diffusé par ARTE et que j’ai évoqué lundi, que j’ai appris que Bernstein avait eu cette expression en parlant de lui.

Dans le documentaire, ce propos est d’ailleurs ambigüe car un auditeur non averti pourrait penser qu’il parle de son homosexualité, voire de sa bisexualité parce qu’il était question de cela au moment où cette phrase a été rapportée.

Il n’en n’est rien, Bernstein assumait son homosexualité.

Je n’ai lu qu’une fois explicitement, dans un article français, la réalité qui se cachait derrière cette expression « un petit démon ». Peut-être que la biographie anglaise, non traduite en français, de Meryle Secrest : « Leonard Bernstein, a life » est plus explicite, mais dans la biographie française qui fait autorité, celle de Renaud Machart chez « Actes Sud » le sujet est abordé de manière très elliptique dans un petit paragraphe à la page 17 d’un ouvrage qui en comporte plus de 200 :

« Il y eut, toujours, le goût des hommes, qu’il n’a jamais caché alentour et à sa femme Felicia, d’une grande beauté et d’une fine élégance, avec laquelle il allait former en 1951, l’un des couples les plus sémillants d’Amérique. Le musicien était véritablement attaché à sa famille et à ses trois enfants, Jamie, Alexander et Nina. Il lui fallait sûrement, pour accepter vraiment cette manière de mise sous surveillance de sa propre liberté, des échappées vers l’autre part de lui-même. Décrit par beaucoup comme un prédateur sexuel, celui qui n’hésitait pas à parler aux musiciens de « battement pelvien », voulait aussi être père poule […]

Tous ceux qui l’ont connu parlent de l’énergie incroyable de l’homme, de sa présence physique. Bernstein donnait l’accolade mais plus souvent embrassait volontiers sur la bouche, femmes comme hommes. Sa réaction au moindre soupçon de résistance était d’embrasser encore plus fort, écrit le critique John Rockwell. »

Il faut être attentif, au détour d’une phrase il est possible de comprendre. Dans le mot du jour de lundi, je citais un journaliste dans le magazine Diapason de juillet/août 2018, qui parle de sa culpabilité après la mort de son épouse et ajoute :

« Rien ne l’apaise. Le monde est plein de jolis garçons qu’il consomme sans respirer… ».

Alors tout cela est noyé dans un discours exalté et enthousiaste :

« Diriger c’est comme faire l’amour : nous tous, moi au pupitre, les musiciens et les chanteurs à leur place, nous faisons l’amour chaque fois que nous jouons. Mes musiciens sont mes amants. J’en ai beaucoup c’est vrai… Mille amants en même temps ! »

Magazine Répertoire de septembre 1998, page 13

Evidemment que ce discours représente une réalité virtuelle, un monde de rêves et d’images.

Le problème est que dans ce domaine, Leonard Bernstein ne savait pas faire la part du virtuel et de la réalité. Il était donc un consommateur compulsif de jeunes et beaux hommes rencontrés dans les orchestres, sur les scènes de spectacle. Bien sûr il était si charismatique, si beau, si séducteur, si convaincant que personne ne lui résistait. Pouvons-nous en être si sûrs, qu’ils étaient tous consentants ?

La raison et l’expérience doivent nous contraindre à répondre non. Mais personne ne résistait à Leonard Bernstein.

Aujourd’hui, il est probable qu’un tel comportement ne serait plus possible et il aurait de gros ennuis.

Après l’affaire Weinstein, le monde de la musique classique a été éclaboussé, des chefs d’orchestre très connus ont été mis en cause.

L’opéra de New York, le Metropolitan Opera, a suspendu son chef d’orchestre historique, James Levine, car plusieurs hommes, dont certains étaient mineurs au moment des faits, l’ont accusé de harcèlement et de viol.

Norman Lebrecht est un écrivain, et critique d’art, il a écrit un article : < Did Leonard Bernstein have a James Levine problem ?>, « Leonard Bernstein avait-il un problème du même type que James Levine ? »

Après avoir accepté d’écrire que Bernstein a certainement poursuivi des jeunes hommes toute sa vie d’adulte, il arrive à la conclusion que toute ressemblance entre Levine et Bernstein est purement superficielle et la raison qu’il donne est que la différence entre Bernstein et Levine est que Bernstein était, pour la plus grande partie de sa vie, physiquement attrayant et intellectuellement convaincant.

Certes Leonard Bernstein était nettement plus séduisant et beau que James Levine. Mais on peut ne pas vouloir accepter les avances sexuelles même de quelqu’un de beau et on peut même ne pas désirer avoir des relations homosexuelles quand on est hétéro sexuel et je m’empresse d’écrire que le contraire est tout aussi vrai.

Le site de France Musique est revenu sur l’affaire Levine et a aussi évoqué des sujets de harcèlement dans le monde musique suédois et plutôt que de suivre les arguments de Norman Lebrecht je préfère le constat de Sofi Jeannin qui avance le problème du « culte du génie » pour lequel « on excuse encore des comportements et des excès »

Tout ceci n’enlève pas le talent, la magie de ses interprétations et le génie d’une grande part de ses œuvres, ainsi que la part d’humanisme qu’il portait et défendait.

Cela conduit à constater la complexité du personnage et ne pas occulter sa part d’ombre.

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Jeudi 17 mai 2018

« Mai 1968 et le sexe »
Butinage et réflexions sur mai 68

Mai 68 en France est aussi une histoire qui parle de sexe… surtout de sexe ?

L’obs le rappelle : « et tout commença par une histoire d’accès aux chambres des filles »

Le livre de Ludivine Bantigny « 1968. De grands soirs en petits matins » (Seuil, 2018) rapporte même que dès la fin de l’année universitaire 1967 des résidences universitaires sont occupées à Nanterre et à Lyon parce que les étudiants protestent contre le règlement intérieur qui interdit les visites des garçons chez les filles.

Le Monde rappelle cette même réalité : « La mixité à la cité U, premier combat de Mai 68 »

A cette époque la majorité était à 21 ans, les étudiants étaient donc en grande partie des mineurs. Par ailleurs le poids des traditions et de la morale religieuse toujours très présente même si la Foi l’était moins entraînait que le sujet du sexe était tabou, refoulé, contraint.

Le premier esclandre de Daniel Cohn Bendit est selon les médias son interpellation du Ministre de l’Education nationale. L’article de l’Obs précité donne le détail de l’échange :

A Nanterre, cette année 1968 commence par l’épisode de la piscine. Le 8 janvier 1968, lors de l’inauguration d’installations sportives à Nanterre, le ministre de la Jeunesse et des Sports François Missoffe et un étudiant en sociologie (il aura 23 ans début avril), Daniel Cohn-Bendit, échangent des propos acerbes.

Daniel Cohn-Bendit : « Monsieur le ministre, j’ai lu votre Livre blanc sur la jeunesse. En 300 pages, il n’y a pas un seul mot sur les problèmes sexuels des jeunes. »

Puis, le ministre : « Avec la tête que vous avez, vous connaissez sûrement des problèmes de cet ordre. Je ne saurais trop vous conseiller de plonger dans la piscine. »

Daniel Cohn-Bendit : « Voilà une réponse digne des Jeunesses hitlériennes. »

Cet échange vaut au jeune anarchiste de comparaître devant la commission spéciale d’expulsion de la Préfecture de Police, le samedi 17 février. Il est menacé d’expulsion du territoire français «pour avoir tenu des propos offensants à l’égard de M. Missoffe, lors de l’inauguration de la piscine de Nanterre, et pour avoir fait de l’agitation politique dans un mouvement anarchiste à la faculté», rapporte «le Monde» (17 février 1968).

Finalement cette polémique va se calmer :

Cohn-Bendit a envoyé à Missoffe une lettre « lui exposant qu’il n’avait pas eu l’intention de l’insulter personnellement et expliquant le sens de la réflexion qu’il lui avait faite au sujet du Livre blanc sur la jeunesse. En réponse, le ministre lui a écrit qu’il ne retenait pas l’incident et l’a invité à venir le voir afin d’avoir avec lui une discussion générale sur la jeunesse. »

La procédure d’expulsion, initiée par le doyen de l’université, Pierre Grappin, n’aboutira pas (c’est à la suite des événements du printemps qu’il sera frappé, le 21 mai, par un arrêté d’expulsion, qui ne sera levé que fin 1978).

Alors bien sûr mai 68 fut l’explosion de la libération sexuelle. « Jouissons sans entraves », « Faites l’amour pas la guerre », les slogans libertaires fleurissent sur les murs.

Le site <Sciences Humaines> écrit :

« Les spécialistes s’accordent pour faire démarrer la « révolution sexuelle » au milieu des années 60. La première génération du baby-boom va bientôt avoir 20ans. Dans tous les pays occidentaux, on constate des évolutions convergentes.

Le corps féminin se dévoile. Les minijupes font leur apparition en 1965, tandis que les premiers seins nus se montrent au cinéma. La pilule contraceptive mise en circulation en 1960 aux Etats-Unis arrive en Europe en 1967. A la radio, dans les magazines féminins, on parle plus librement des relations hommes/femmes. La littérature sulfureuse d’Henry Miller et d’Anaïs Nin circule partout. On commence à percevoir une nette augmentation des divorces et l’essor de l’union libre.

Mai 1968 précipite ce mouvement. Le temps est à la contestation de l’ordre bourgeois et patriarcal. Le mouvement hippie, apparu sur la côte Ouest des Etats-Unis à la fin des années 60, se répand en Europe. Les slogans « Faites l’amour pas la guerre », « Peace and Love », « Jouissons sans entrave » s’affichent sur les murs des universités. Les ouvrages de Wilhelm Reich ( La Révolution sexuelle ) et d’Herbert Marcuse ( Eros et civilisation ) deviennent des manifestes. Des communautés libertaires expérimentent la promiscuité sexuelle et l’amour libre. »

Tout ne commença pas en Mai 68. Ainsi, date très importante : 19 décembre 1967, adoption de la loi Neuwirth qui autorise l’usage des contraceptifs, et notamment la contraception orale. Nommée d’après Lucien Neuwirth, le député gaulliste qui la proposa, cette loi vient abroger celle de 31 juillet 1920 qui interdisait non seulement toute contraception, mais jusqu’à l’information sur les moyens contraceptifs. Promulguée le 28 décembre 1967, son application sera cependant lente, les décrets ne paraissant qu’entre 1969 et 1972.

Michel Bozon sociologue, directeur de recherche à l’INED affirme cependant :

« Pour autant, la sexualité ne sera pas une préoccupation centrale de la révolte étudiante et ouvrière du printemps 1968. « Jouir sans entraves », le célèbre slogan des situationnistes et libertaires de Nanterre, décrivait en réalité l’aspiration à un mode de vie plus intense, plutôt qu’il n’évoquait une sexualité débridée. Il faudra attendre quelques années après les événements pour que s’installe le discours sur une « libération sexuelle liée à Mai-68 ».

Cette notion de « libération » correspond assurément au vécu de certaines personnes. Mais pas à celui de tout le monde : dans son fameux Rapport sur le comportement sexuel des Français paru en 1972, Pierre Simon, auteur de la première enquête nationale sur la sexualité, ne mentionne en effet ni Mai-68 ni la notion de libération. On peut difficilement affirmer que les transformations de la sexualité dont nous sommes aujourd’hui les témoins prennent leur source dans les bouleversements de Mai-68. »

Cette nuance peut être entendue mais il n’en reste pas moins que Mai 68 a lancé un mouvement de libération du corps du plaisir et donc de la sexualité.

J’ai beaucoup apprécié ce film aigre doux qui parle de ce moment « La parenthèse enchantée », période où tout semblait devenir simple mais sans l’être vraiment. L’expression est de Françoise Giroud. Elle désigne cette brève période, les années 70, où le bonheur – et le plaisir – semblait possible. Après la pilule et avant le sida. Et il faudra revenir sur ce mouvement en y intégrant le regard des femmes.

Mais aujourd’hui je vais développer un autre aspect de cette histoire : la face noire de mai 68.

J’ai déjà écrit que je n’avais pas vécu mai 68 et que je n’en gardais aucun souvenir personnel. Il y a pourtant un aveuglement que je me reproche et que j’ai déjà développé dans un mot du jour ancien et dont je parlerai à la fin de celui-ci. Et je fais un lien direct entre ce vécu et la morale issue de mai 1968.

L’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu, auteur de l’<Histoire de la pédophilie> lance cette accusation « L’apologie de la pédophilie, face noire de Mai-68 » :

« Mai-68 avait appelé à la libération des corps. Mais la « révolution sexuelle » proprement dite sera l’œuvre de la décennie 1970. Le réexamen incessant, sous un angle résolument politique, de la sexualité et du droit qui la gouverne aura pour effet de bousculer les a priori et de faire vaciller le conformisme.

Une partie de la presse se met alors à dénoncer les tabous, explorer les silences de l’intimité et interroger les sexualités dites alternatives. Dans le paysage politico-culturel qui se dessine, la notion même de déviance est niée ; et bientôt la parole est donnée à une revendication nouvelle : la pédophilie.

A l’orée des années 1970, les défenseurs de la pédophilie s’arriment au militantisme homosexuel et spécialement au Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), fondé en 1971, qui combat tout à la fois l’oppression des homosexuels et appelle à la reconnaissance des « sexualités autres ». Ce « cousinage » est favorisé par le Code pénal et ses dispositions discriminatoires qui punissent les rapports homosexuels en-deçà de 21 ans, tout en permettant les rapports hétérosexuels dès 15 ans. Michel Foucault, qui participe aux travaux de la commission de révision du Code pénal, n’hésite pas à signer une pétition invitant à tenir compte du consentement des mineurs. Il réfléchira même à la possibilité de supprimer toute infraction sexuelle du Code.

Si le mouvement homosexuel, notamment sous l’impulsion des féministes, se désolidarise rapidement des voix pédophiles, un petit nombre d’intellectuels médiatisés continuent de défendre la « cause » dans les colonnes de « Libération », très en pointe, et, dans une moindre mesure, du Monde. Leur plaidoirie se poursuit autour de trois axes empruntés partiellement au fonds de l’antipsychiatrie. Le premier, cher à l’écrivain Gabriel Matzneff, invoque l' »amour des enfants » et le rôle positif que peut jouer une « initiation » sexuelle et intellectuelle dans une éducation bien conçue.

L’éros enfant ou adolescent est placé sous les auspices d’une esthétique et d’une éthique héritées de la pédérastie de la Grèce antique. Le second axe s’appuie sur l’idée d’une altérité radicale de l’enfant qui reste à comprendre et à aimer convenablement, loin des figures naturalistes de la doxa. Tel est en substance le propos de « Co-ire. Album systématique de l’enfance », publié en mai 1976 par le philosophe René Schérer et le fondateur du Fhar, Guy Hocquenghem. Pour les auteurs, l’enfant est celui qui « est fait pour être enlevé […], sa petitesse, sa faiblesse, sa joliesse y invitent », mais aussi celui dont la liberté et l’autonomie sont impossibles.

Les catégories à partir desquelles penser la relation adulte-enfant doivent donc au minimum être repensées. Le troisième axe de la défense pédophile insiste plus directement sur la menace que la sexualité des enfants fait peser sur l’institution familiale. Effrayante, elle est castrée au prix d’un abus de pouvoir scandaleux.

L’écrivain Tony Duvert (prix Médicis 1973) met violemment en cause l’éducation répressive qui brime les désirs et les pulsions des enfants au nom des droits exclusifs de la famille ; il dénonce la prééminence de mères castratrices et le « matriarcat qui domine l’impubère ». »

Doan Bui journaliste qui a reçu le prix Albert-Londres 2013 a écrit dans l’Obs : < Libérer le plaisir de l’enfant», disaient-ils… >

« C’était il y a quarante ans, avant que le mot « pédophile » ne devienne synonyme de « monstre ». De nombreux intellectuels militaient pour autoriser les rapports sexuels avec les plus jeunes. Alors que le débat sur le consentement des mineurs resurgit, retour sur une folle dérive sociétale et culturelle.

[…] Si je suis solidaire de Polanski ? S’il ne s’agit que de relations sexuelles avec mineur, de coït buccal et de sodomie, bien sûr ! » C’est ainsi que feu Jean-Louis Bory, écrivain et critique de cinéma réputé, répondait au « Quotidien de Paris » en 1977 quand on l’interrogeait sur le cinéaste, accusé d’avoir violé Samantha, 13 ans. La presse, unanime à l’époque, plaignait Roman Polanski, « victime du puritanisme américain », en conspuant les parents et la jeune fille, « tout sauf une oie blanche ».[…]

En 1977, l’affaire ne suscite pas l’ombre d’une controverse en France, y compris chez les féministes. Ni quand le cinéaste fuit en France, en 1978, ni quand sort « Tess » l’année suivante, acclamé par la critique, avec la toute jeune Nastassja Kinski, laquelle avait 15 ans quand elle rencontra le cinéaste et qu’il devint son amant.

Martine Storti, militante féministe, était journaliste à « Libération » dans ces années-là. « C’est fou, mais je n’ai aucun souvenir de cette affaire, que j’ai découverte en 2009, quand Polanski a été arrêté en Suisse. » Elle poursuit :

« A l’époque, nous, les féministes, étions sur d’autres combats : la pilule, la criminalisation du viol, pour qu’il soit jugé aux assises… Là-dessus, on se faisait insulter et traiter de réacs. ‘Libé’, c’était quand même un journal de mecs. »

Dans ses pages cinéma, « Libération » consacra juste un petit article à l’affaire : « Au cinéma, les enfants sont là pour séduire les adultes. » C’est la ligne du journal de ces années-là, qui publie des articles titrés : « Centre aéré : je continuerai à jouir avec des impubères si tel est mon plaisir et si tel est le leur » ; des caricatures pour choquer le bourgeois : « Apprenons l’amour à nos enfants », avec le dessin d’une gamine faisant une fellation à un adulte ; ou encore le plaidoyer de Jacques D., incarcéré pour « attentat à la pudeur sur mineur », expliquant que « l’enfant est capable d’aimer sexuellement » et qu’il a la « satisfaction d’être agréable à celui qui le sodomise ».

[…] On comprendrait peut-être les raisons du culte voué à feu David Hamilton. Le photographe (accusé depuis de viols sur mineures) est alors une vedette qui vend ses calendriers par millions. Le magazine « Vogue Homme » le sollicite pour un dossier de couverture mettant en scène des adolescentes peu vêtues, puis récidive en commandant une série plus « réaliste » sur les adolescentes à Polanski, d’où la fameuse séance avec la jeune Samantha.

[…] Brooke Shields fait la une du magazine « Photo », elle a 10 ans, est nue, maquillée, sort du bain. Deux ans plus tard, elle joue une prostituée dans « la Petite », de Louis Malle. Irina Ionesco, elle, fait prendre à sa fille, Eva, des poses pornographiques, dès ses 5 ans. Eva Ionesco l’a narré dans un film et dans « Innocence », magnifique roman autobiographique paru à l’automne. Elle raconte sa mère lui demandant d’écarter les jambes devant l’objectif, vendant les clichés à des clients émoustillés, comme l’écrivain Alain Robbe-Grillet, connu pour son goût des fillettes (il écrivit d’ailleurs le texte du premier livre d’Hamilton, « Rêves de jeunes filles »). Il offrira un stylo Montblanc à Eva pour la convaincre de jouer nue dans son film. »

Etc., je vous invite à lire l’article de Doan Bui, vous lirez aussi des propos de Gabriel Matzneff, de Leo Ferré, Aragon, Beauvoir, Barthes, Ponge, Michel Foucault, Guy Hocquenghem, et tant d’autres…

Et puis il y a Daniel Cohn-Bendit qui a été accusé lors d’un débat politique par François Bayrou d’avoir défendu la pédophilie dans un ouvrage ancien. L’Obs a publié des <Extraits de ce livre>

« Dans son livre « Le Grand Bazar », publié en 1975 chez Belfond, Daniel Cohn-Bendit évoque son activité d’éducateur dans un jardin d’enfants « alternatif » à Francfort :

« Il m’était arrivé plusieurs fois que certains gosses ouvrent ma braguette et commencent à me chatouiller. Je réagissais de manière différente selon les circonstances, mais leur désir me posait un problème. Je leur demandais : ‘Pourquoi ne jouez-vous pas ensemble, pourquoi m’avez-vous choisi, moi, et pas d’autres gosses ?’ Mais s’ils insistaient, je les caressais quand même ». « J’avais besoin d’être inconditionnellement accepté par eux. Je voulais que les gosses aient envie de moi, et je faisais tout pour qu’ils dépendent de moi  » ».

Plus tard, Daniel Cohn-Bendit, a démenti tout acte pédophile et soutenu que ses écrits reflétaient l’esprit de l’époque de « provocation contre le bourgeois ». « Ce qui est écrit dans « Le grand bazar » n’est « pas une réalité », mais « un condensé de faits observés », avait déclaré Daniel Cohn-Bendit. «J’ai raconté ça par pure provocation, pour épater le bourgeois » (…) et « sachant ce que je sais aujourd’hui des abus sexuels, j’ai des remords d’avoir écrit tout cela ».

Récemment, j’ai trouvé cette petite vidéo, dans laquelle Daniel Cohn-Bendit est invité par Bernard Pivot dans apostrophes, probablement que là aussi il veut «épater le bourgeois», en l’occurrence Paul Guth qui est en face de lui et il dit : «La sexualité d’un gosse, c’est absolument fantastique, faut être honnête. J’ai travaillé auparavant avec des gosses qui avaient entre 4 et 6 ans. Quand une petite fille de 5 ans commence à vous déshabiller, c’est fantastique, c’est un jeu érotico-maniaque… ». Je ne voudrai pas accabler Daniel Cohn-Bendit qui a bien changé depuis, mais nous pouvons constater qu’après mai 68 on pouvait tenir de tels propos dans des émissions culturelles de l’ORTF….

Et j’en reviens au mot du jour ancien dans lequel j’avais utilisé comme exergue ce mot de Raymond Aron, à propos du génocide des juifs par les nazis : « Je l’ai su, Mais je ne l’ai pas cru. Et parce que je ne l’ai pas cru, je ne l’ai pas su. ». Dans ce mot du jour j’ai raconté que je connaissais les responsables de l’École en bateau et que j’avais lu le livre qu’avait écrit le fondateur. Dans ce livre, la pédophilie était décrite mais je n’ai pas su la voir et la comprendre parce que l’esprit du temps issu de ces excès de mai 68 nous avait aveuglés, m’avait aveuglé et perverti mon sens du jugement.

Tout ceci ne signifie pas que la libération des mœurs issue de mai 68 ne doit pas être vue de manière positive, mais je trouve l’expression « La face noire » pertinente sur ce sujet où la perversion de certains hommes a pu non seulement s’exprimer sans tabou mais aussi le faire en le justifiant par des théories de libération pernicieuses et dévoyées. Car si la pédophilie s’inscrit dans la nuit des temps, il y eut dans le mouvement de 68 des intellectuels qui exprimaient des théories qui la justifiait et même l’encourageait.

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Mercredi 13 septembre 2017

«En Occident, nous avons nié, oublié, nous avons excisé mentalement le clitoris »
Pierre Foldès

Quand j’étais jeune, j’ai eu droit à des cours d’éducation sexuelle. Dans ces cours on parlait de beaucoup de choses et on représentait de manière banale un pénis au tableau.

Mais le clitoris… non ! On n’en parlait pas.

Même dans ce domaine les femmes et les hommes ne sont pas traités de manière égale !

Et cette <page de France Culture> nous apprend que pour la première fois un manuel scolaire des Sciences de la vie et de la Terre représente correctement un clitoris. Il s’agit du manuel des éditions Magnard. C’est la première fois et c’est la fin d’une longue omerta datant de 1880. Mais les sept autres éditeurs que sont Belin, Bordas, Didier, Hachette, Hatier, Le livre scolaire et Nathan, continuent à faire une présentation erronée de l’organe ou n’en définissent qu’une petite partie.

Vous trouverez sur la page de France Culture la représentation incluse dans ce manuel.

Mais le titre sous forme de question posée par cette page demande des explications :

Pourquoi avoir attendu 2017 pour le représenter dans les manuels scolaires ?

Ainsi : « le clitoris a été correctement dessiné dans le nouveau livre de SVT des éditions Magnard, destiné à entrer dans le cartable des collégiens à la rentrée prochaine. Avec sa double arche interne de 10 cm de long. Cette représentation vient briser un tabou anatomique de longue date. Pourtant, les premières représentations anatomiques correctes du clitoris remontent à 1600… »

<Cette page nous apprend qu’on peut même imprimer en 3D la représentation d’un clitoris>

Et voici ce que cela donne :


La <page de France Culture> déjà citée nous donne plus d’explications et vous pouvez utilement vous y reportez.

Ainsi on apprend que :

En 2010, la gynécologue et obstétricienne Odile Buisson avait consacré une conférence de 15 minutes à l’organe clitoridien et à sa mise au ban par la médecine sexuelle. […] « Le clitoris est probablement la terreur des Homo sapiens, car il faut savoir que 130 à 150 millions de femmes ont été excisées dans des conditions épouvantables », lançait-elle en guise d’introduction. Et ce depuis la nuit des temps, puisque des momies excisées ont été retrouvées, précisait-elle. Et en Occident ? « On a fait moins sanglant mais on n’a pas fait moins sournois, car le clitoris a été un organe complètement oublié des traités d’anatomie. »

Durant ses études de médecine, Odile Buisson a très vite noté que lorsque le clitoris était représenté, ou traité, il l’était de façon erronée : «Je me rappelle que quand j’ai fait ma gynécologie, c’était deux petites pages, vite expédiées, et du reste on ne l’apprenait pas parce qu’on n’était jamais interrogés dessus et qu’en fait, tout le monde s’en foutait.»

Je travaille avec le docteur Pierre Foldès, qui est spécialiste de la réparation des mutilations sexuelles (…), [qui] me dit toujours, «En Occident, nous avons nié, oublié, nous avons excisé mentalement le clitoris ». Odile Buisson

Jean-Claude Piquard, sexologue clinicien, auteur de La fabuleuse histoire du clitoris, a vécu la même expérience lors de ses études : « Lorsque j’ai fait ma formation de sexologue clinicien à la fac de médecine de Montpellier, à ma grande surprise : point de clitoris. On avait posé la question aux profs qui étaient des médecins sexologues : ils refusaient de répondre, ils bottaient en touche, c’était très surprenant. »

D’autant plus surprenant que, suite à ses recherches basées sur les encyclopédies médicales et autres traités d’anatomie, le sexologue s’aperçoit que jusqu’au XXe siècle, le clitoris avait toujours été connu et reconnu comme l’organe du plaisir féminin.

Au début du XXe siècle, il occupait quatre pages dans les traités d’anatomie, et dans les années 1960 qui sont les points culminants de l’omerta clitoridienne, il n’occupait que quatre lignes. On démontre ainsi que ce n’est pas une absence de connaissances, c’est un recul de connaissances.

La première omerta sur le clitoris, c’est à des médecins protestants qu’on la doit, vers 1750, date avant laquelle la masturbation n’avait jamais été mentionnée, explique Jean-Claude Piquard : « Brutalement, elle devient une pratique funeste, potentiellement mortelle, ou en tout cas très dangereuse. » Pourquoi ? Parce que la semence est chose précieuse destinée à la procréation pour les religions, il s’agit donc de ne pas la perdre .

« Quelque part en France, on a été protégés par les catholiques, il n’y a quasiment pas eu d’excision thérapeutique en France. Les catholiques ont fait du suivisme mais étaient beaucoup moins intégristes. […] Dans tous les pays protestants, la répression de la masturbation a été violente, sauf en Angleterre peut-être. »

Par la suite cet article parle aussi du rôle de Freud, mais si cela vous intéresse je vous propose de vous reporter directement à < France Culture>

Enfin, je vous engage à regarder cette animation : <Le clitoris>

La présentatrice canadienne introduit le sujet en disant : « les femmes sont chanceuses, elles disposent du seul organe qui sert uniquement au plaisir »

Alors vous pourriez poser la question pourquoi parler du clitoris ?
Parce que je pense qu’il s’agit d’un révélateur de la manière dont la société traite les femmes.

Dans certains pays la tradition patriarcale a imposé l’excision, c’est à dire l’ablation de la partie externe du clitoris et de son capuchon.

Wikipedia nous apprend que l’excision est la plus courante en Afrique subsaharienne et dans quelques régions du Proche-Orient (Égypte) et de l’Asie du Sud-Est (Indonésie et Malaisie). Dans les pays occidentaux, ces pratiques se retrouvent dans les communautés issues de ces pays. Selon les pays, la proportion de femmes excisées varie de façon importante, allant de 1,4 % au Cameroun à 96 % en Guinée au début des années 2003. On considère qu’environ 100 à 140 millions de femmes ont subi une excision (principalement en Afrique). Environ 2 millions de fillettes sont susceptibles de subir une telle mutilation tous les ans. Selon une étude de l’INED, 50 000 femmes ont subi des mutilations sexuelles et vivent actuellement en France.

Si dans ces sociétés on désire priver les femmes de leur clitoris c’est parce qu’on sait à quoi il sert : donner du plaisir.

Dans nos sociétés, on est beaucoup moins brutal mais nous constatons d’après les informations de cet article qu’il y a eu longtemps une omerta. Il faut être juste Il y eut une époque où le clitoris était davantage à l’honneur dans notre pays et selon les spécialistes qui s’expriment le moment culminant de l’omerta se situe dans les années 1960.

Mais pourquoi se méfie t’on du plaisir féminin, pourquoi le corps des femmes constitue-il autant un problème qui préoccupe les hommes et les sociétés patriarcales, pourquoi enferme t’on les femmes dans certaines sociétés ? Pourquoi punit-on avec une telle rage les femmes adultères dans tellement de civilisation ?

Parce que lorsque l’enfant nait, il est facile de connaître la mère, mais qui est le père ?

Depuis des siècles et peut être des millénaires les hommes, les patriarches voudraient être certains qu’ils sont bien le père à l’enfant à qui il lègue leur patrimoine, leur pouvoir parfois, et leurs noms. Pour cette raison prosaïque, il faut contrôler le corps des femmes, les relations des femmes. Et bien sûr le plaisir est dangereux parce qu’il peut entraîner le désir de l’infidélité, de chercher le plaisir en dehors des liens du clan ou de la famille.

Ce qui est navrant c’est que sans qu’ils en soient l’auteur, les monothéismes se sont emparés de ces traditions pour le plus grand bénéfice des sociétés patriarcales et l’asservissement des femmes. Au cœur des mythes monothéistes, il y a ce don du plaisir qu’Eve avait donné à son compagnon pour croquer la pomme.

Alors oui ! le clitoris et surtout la manière dont on le cache, on l’ignore ou on le mutile dit beaucoup de nos archaïsmes et de nos sociétés malades de l’égoïsme des mâles.

<Pour finir vous trouverez ici une présentation d’Odile Buisson>

<927>

Jeudi 1 décembre 2016

« La symphonie Pathétique »
Piotr Ilitch Tchaïkovski

La symphonie Pathétique est la sixième et dernière symphonie de Tchaïkovski. Léonard Slatkin et l’Orchestre National de Lyon ont interprété toutes les symphonies du compositeur russe et ont terminé samedi 26 novembre par une interprétation exceptionnelle et bouleversante de la symphonie pathétique.

Mais l’objet de ce mot du jour n’est pas principalement la musique.

Ce que l’on sait et qui est certain, c’est que cette œuvre a été créée à Saint Pétersbourg, sous la direction du compositeur, le 28 octobre 1893 et que Piotr Ilitch Tchaïkovski est mort en pleine gloire le 6 novembre 1893, 9 jours après, à l’âge de 53 ans.

Ce qui n’est pas établi formellement mais très probable c’est qu’il soit mort du choléra, comme sa mère, alors qu’une épidémie s’était répandue dans la ville, ce que tout le monde savait.

Ce qui est aussi très documenté aujourd’hui mais a été caché longtemps c’est l’homosexualité de Tchaïkovski ainsi que son mal être et sa difficulté de vivre ses pulsions dans une société qui rejetait cette tendance sexuelle et la considérait comme une perversion insupportable.

La suite de cette histoire est plus trouble, mais la grande écrivaine russe Nina Berberova a, dans sa biographie du compositeur, développé une thèse qui se racontait de bouche à oreilles, comme un secret inavouable.

Selon Wikipedia, cette théorie fut aussi présentée par la musicologue russe Alexandra Orlova en 1979 après son émigration aux États-Unis, sur les bases de révélations qui lui furent faites en 1966 par Alexander Voitov, élève et historien du Collège impérial de la Jurisprudence de Saint-Pétersbourg.

 

Tchaïkovski aurait contracté le choléra en buvant en pleine conscience un verre d’eau de la Neva non stérilisée. Ce serait donc un suicide.

Cette théorie raconte l’histoire suivante : Tchaïkovski a eu une relation homosexuelle avec un jeune officier Victor Stenbock-Fermor qui était d’une famille princière liée au Tsar de Russie. L’oncle de cet officier, le prince Stenbock-Fermor, maréchal du palais a dénoncé le compositeur par une lettre au procureur.

Le scandale allait éclater, le plus grand compositeur russe vivant allait être arrêté et jugé pour cette dépravation extrême : l’homosexualité. Des amis de Tchaïkovski et des hauts dignitaires du Palais pour éviter ce scandale qui aurait touché un homme célèbre mais aussi toute la Russie ont alors trouvé la solution de réunir secrètement «un tribunal d’honneur» constitué d’anciens étudiants du Collège impérial de la Jurisprudence de Saint-Pétersbourg » pour juger Tchaïkovski. Ce tribunal aurait condamné le compositeur à se suicider.

Dans Wikipedia on lit :

« Après sa mort, il bénéficie de funérailles nationales à la cathédrale Notre-Dame de Kazan auxquelles assistent près de 8 000 personnes. Le cercueil de Tchaïkovski est porté par des proches, dont le prince Alexandre d’Oldenbourg (1844-1932), cousin de l’empereur, les frais des funérailles étant couverts par la Maison de Sa Majesté impériale. Le chœur de la cathédrale et le chœur de l’Opéra impérial russe accompagnent la cérémonie, en présence de son ami le grand-duc Constantin de Russie qui écrit le lendemain dans son Journal que « les murs de la cathédrale n’étaient pas suffisants pour contenir ceux qui voulaient prier pour le repos de l’âme de Piotr Ilitch ».

Cette histoire rappelle celle d’Alan Turing, le génial scientifique qui s’est suicidé en mangeant une pomme empoisonnée et qui avait fait l’objet du mot du jour du 31/12/2013.

En ce moment, au Maroc <Deux adolescentes sont jugées pour homosexualité parce qu’elles ont échangé un baiser>, elles risquent 3 ans de prison. Peine légère si on la compare à d’autres sanctions appliquées dans des pays théocratiques islamiques.

En France, des maires se sont opposés à l’affichage d’une campagne de prévention contre le sida, parce que les affiches montraient, de manière pudique, des homosexuels qui était la cible visée par cette campagne.

Depuis Tchaïkovski, la lutte contre la discrimination homophobe a certes progressé, parfois on a cependant le sentiment d’une régression dans notre pays, dans d’autres pays tout reste à faire.

Pour revenir à la symphonie Pathétique, Ken Russell a réalisé, en 1969, un film <The Music Lovers>, dont le titre français est «la symphonie pathétique» qui évoquait de manière explicite l’homosexualité de Tchaïkovski.

<Vous trouverez ici une belle interprétation de cette symphonie> par le grand chef russe Evgeny Svetlanov.

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Lundi 20 Juin 2016

« invisibilisation »
Substantif pour exprimer le fait de rendre invisible une réalité

Voici un mot au destin singulier. Il y a d’abord un mot de la langue française « visible » dont la racine vient du latin « visibilis » qui signifie la même chose.

Quand on y ajoute le préfixe «in», en latin comme en français cela signifie « ce qu’on ne peut pas voir. »

La langue anglaise, comme très souvent, a emprunté ce mot à la langue française pour le même usage. Mais c’est la langue anglaise qui a ensuite inventé le mot « invisibilisation » que la langue française vient de récupérer.

Pourquoi ce mot du jour ?

A cause de la tuerie d’Orlando, où un criminel se réclamant de DAESH a massacré des homosexuels !

Or beaucoup d’élus comme les journalistes ont dans un premier temps, le temps où on révèle son inconscient et ses vraies valeurs et avant que n’apparaissent les éléments de langage, ignoré ce fait.

Florian Bardou, journaliste à Slate écrit ainsi : «Chers élus, la tuerie d’Orlando n’a pas frappé une boîte, mais une boîte gay »

C’est la revue de Presse du 13/06/2016 de Nicolas Martin sur France Culture qui a attiré mon attention sur ce sujet :

« Pas un seul gros titre de la presse du jour ne mentionne que le club visé par le tueur d’Orlando était un club homosexuel.

Il est assez surprenant quand on regarde le panorama des Unes de la presse française ce matin de constater à quel point il y a un grand absent… un mot, une expression qui ne figure dans aucun des grands titres… on va faire le test tous ensemble si vous le voulez bien… « Attentat islamiste à Orlando, la terreur et la haine » dans le Figaro… « Tuerie de masse dans une boite de nuit en Floride » dans l’Humanité. « Les Etats-Unis frappés par la pire tuerie de leur histoire » dans les Echos. « Nuit d’horreur en Floride » dans Le Parisien. « Orlando, nouvelle plaie béante » dans Libération.

Voilà… il ne manque pas quelque chose ?

Eh oui… pas un grand titre qui inclut cette information, qui n’est pourtant pas accessoire… cette discothèque, ce club… c’est un club gay. Une information qui ne figure même pas dans les sous-titres du Parisien, ou de l’Huma. Le fait que ce soit la communauté homosexuelle qui ait été visée par cet attentat est donc a priori, une information accessoire, pas essentielle, pas de celle que l’on met dans les gros titres. Et on pourrait presque sourire, si ce drame n’était pas si tragique, au fait que le Figaro a choisi pour sa photo d’illustration une femme qui pleure dans les bras d’un homme.

Cette pratique a un nom, elle est souvent d’ailleurs assez inconsciente… ça s’appelle l’invisibilisation… un peu comme si au lendemain des attaques de Charlie Hebdo, la presse avait évoqué des attentats contre des bureaux… ou après l’Hyper Casher, contre un supermarché. Sans préciser la nature de la cible de l’attaque terroriste…

Parce que, s’il reste à déterminer les motivations exactes du terroriste… il n’y a pas de doute sur la nature de l’endroit qui était visé. Sur la cible de l’attaque. Et le problème avec l’invisibilisation, c’est qu’elle permet de faire « comme si », de minimiser en quelque sorte la portée du geste… C’est ce qui permet, par exemple, à des personnes qui ont pris des positions notoirement hostiles aux personnes homosexuelles, de faire « comme si » et de se fendre de messages de compassion et d’oublier comme par magie la nature de la cible visée… La Manif pour Tous par exemple s’est fendu d’un petit tweet hier, signifiant « sa peine immense pour les victimes et leurs familles »… alors même que son porte-parole, en septembre dernier, parlait dans la presse du « lobby gay » comme du « Daech de la pensée unique ». On mesure aujourd’hui encore plus amèrement la profondeur de cette réflexion… Ou Christine Boutin, récemment condamnée pour avoir parlé de l’homosexualité comme une abomination, d’envoyer sans sourciller « sa compassion pour les victimes »… ces abominables victimes, donc.

C’est encore cette invisibilisation qui préside lorsque, dans les messages de soutien de plusieurs personnalités politiques – de François Hollande à Nicolas Sarkozy, de Bruno Le Maire à Marine Le Pen, de Jean-François Copé à Alain Juppé, ne figure pas une seule mention du fait que c’est bel et bien la communauté homosexuelle qui paye aujourd’hui le tribut de la barbarie terroriste. Et que, quelles que soient les conclusions de l’enquête, il est incontestable que les terroristes cherchent à atteindre des cibles précises, pour leur importance symbolique : la communauté juive, un journal satirique, la jeunesse multiculturelle d’un quartier parisien ou aujourd’hui, la communauté homosexuelle américaine, autant de symboles que leur idéologie meurtrière vomit et qui payent une fois de plus le prix du sang.

Et pour conclure sur cette notion d’invisibilisation… le Pulse, cette discothèque gay et lesbienne d’Orlando, n’est pas qu’une discothèque gay et lesbienne. C’est une discothèque fréquentée majoritairement par des noirs et des latinos. Et ça, pour le coup, tout le monde semble s’en moquer éperdument.

Le motif homophobe semble pourtant se dessiner dans le parcours du tueur […] »

Et je reviens sur l’article de Slate évoqué qui explique :

« La timidité des réactions pour qualifier le massacre homophobe du Pulse, en France comme aux Etats-Unis, démontre que les politiques et certains journalistes sous-estiment plus ou moins inconsciemment la violence structurelle envers la communauté LGBT.

Comment encore en douter?

Au lendemain de l’attentat revendiqué par Daech dans un bar LGBT d’Orlando, en Floride, qui a fait au moins 50 victimes et 53 blessés, le caractère homophobe d’un tel massacre est incontestable. Il est incontestable car viser un espace communautaire et revendiqué comme tel, qui plus est en plein mois des marches des fiertés à travers le monde, ne peut traduire qu’une volonté délibérée de s’en prendre ouvertement à la communauté LGBT pour ce qu’elle est –communauté par ailleurs habituée à être la cible de la violence gayphobe, lesbophobe, biphobe et transphobe dans ses propres espaces de refuge.

Pourtant, depuis dimanche, en France comme aux Etats-Unis, de nombreuses réactions occultent la dimension haineuse et LGBTphobe, de l’attentat comme si l’identité du lieu et des victimes n’était qu’une donnée secondaire… Dans les heures qui ont suivi l’attaque du Pulse, «qui n’est pas n’importe quel club gay» d’Orlando, rappelait par exemple USA Today, le New York Times a, dans un premier temps, omis d’évoquer la nature du club avant de progressivement modifier ses titres. Mais le quotidien américain ne souligne pas franchement le caractère homophobe de la tuerie.

En France, même topo. Sud-Ouest est l’un des rares journaux, très rares journaux à mentionner dans son titre la cible visée et la nature de la haine: un massacre homophobe liée à Daech.»

Il existe cependant des hommes politiques qui ont su dire les choses :

« Compassion et solidarité avec le peuple américain. En frappant la communauté gay, l’attaque effroyable d’Orlando nous atteint tous ».-
Manuel Valls (@manuelvalls) 12 juin 2016

«Toutes mes pensées vont vers #Orlando atteinte par l’abjecte et lâche violence homophobe. Unis contre la terreur et la haine.» –
Najat Belkacem (@najatvb) 12 juin 2016

« Soutien à tous les gays lesbiennes, bi et trans meurtris par une attaque qui vise à remettre en cause leur droit de vivre en paix » #
Lovewins – Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 13 juin 2016

Mediapart a également publié un article sur le même sujet : « En France, l’homophobie est soigneusement dissimulée. »

Cette « invisibilisation » révèle deux tabous :

  • Le premier est la violence qui continue à s’exercer sur les homosexuels de manière atroce dans de nombreux pays du monde et de manière plus insidieuse dans notre beau pays.
  • Le second est l’ « homophobie » constante et destructrice de l’Islam et des autres religions monothéistes. Il y a bien cette parole de sagesse récente du pape François : « Qui suis-je pour juger ? » mais elle est bien isolée dans un univers de condamnation et d’intolérance, tant il est vrai que les religions établies, paralysées dans leurs dogmes et leurs normes rejettent violemment tout ce qui est à l’extérieur.

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