Mercredi 27 septembre 2017

« Un enfant de 11 ans peut consentir à une relation sexuelle avec un homme de 28 ans »
Le parquet de Pontoise

C’est une information publiée le 25/09/2017 par Mediapart.

C’est un fait divers.
Il ne se passe pas dans un pays éloigné, il se passe en France.
Plus précisément dans la Région Ile de France, dans le département du Val d’Oise.

D’abord une précision quand on est dans le domaine du Droit Pénal ; c’est-à-dire le Droit qui punit des crimes ou des délits, si vous êtes victime vous pouvez porter plainte mais seul l’Etat peut poursuivre et faire en sorte que l’affaire soit portée devant un tribunal pour être jugé. Le bras armé de l’Etat, pour ce faire, s’appelle le parquet et le nom du magistrat qui a cette mission est le Procureur avec ses adjoints substituts etc.

Résumons d’abord cette affaire dans laquelle Mediapart donne le nom d’emprunt de Sarah à une jeune fille de 11 ans. Dans le Val-d’Oise, Sarah a eu une relation sexuelle avec un inconnu de 28 ans. Elle l’a suivi, puis a subi l’acte sans protester. Le parquet a conclu qu’elle était consentante. Seule le Parquet peut poursuivre !

Et cette conclusion du Parquet a pour conséquence que l’homme de 28 ans va être jugé pour « atteinte sexuelle », et non pour «viol.»

Mediapart appelle cela ironiquement : « Une spécificité française. »

Un viol sur mineur peut entrainer jusqu’à 20 ans de prison, ce qui n’est absolument le cas d’une atteinte sexuelle.

Voici plus précisément le récit que fait Mediapart de cette sordide histoire :

« Le 24 avril 2017, Sarah, 11 ans, scolarisée en sixième dans le Val-d’Oise, accepte de suivre un homme de 28 ans qui l’a abordée dans un square. […]

Cet après-midi-là, le cours de sports est annulé. Sarah sort donc du collège plus tôt, à 15 heures. Elle rentre doucement chez elle, fait une pause, quand “l’Homme” l’aborde dans un petit parc, avec « un ton rassurant, affable, aimable, rien qui n’incite à la méfiance », rapporte la mère de Sarah. Ce n’est pas la première fois. Dix jours, plus tôt, il l’a déjà accostée : « Eh ! belle gosse, tu habites dans le quartier ? Comment ça se fait que je ne t’ai jamais vue ? » Elle parle le soir même de cet homme à sa mère, qui lui conseille de rentrer en transports pour plus de sécurité. Quatre jours plus tard survient une nouvelle rencontre, lors de laquelle Sarah, qui fait un peu plus que son âge, finit par sortir son carnet de liaison scolaire pour lui prouver qu’elle a bien 11 ans. « Quand il a vu le carnet, il a dit : “Ha ! mais tu es un bébé !” », raconte la mère de Sarah. Il s’agit toutefois d’un des seuls points que L’homme conteste : il assure qu’il ne connaissait pas l’âge exact de Sarah, et a déclaré à l’expert-psychiatre qu’il lui donnait entre 14 et 16 ans.

Lors de la troisième approche, dans le parc donc, il la complimente de nouveau : « Qui tu attends ? Ton petit copain ? », « Quoi ? Une belle fille comme toi n’a pas de petit copain ? », « Est-ce que tu veux que je t’apprenne à embrasser ou plus ? ». Sarah n’a jamais embrassé un garçon de sa vie. D’après sa mère, elle « a dû se sentir flattée, reconnue dans ce corps nouveau », que la puberté lui a donné. « Le piège s’est tissé sans qu’elle s’en rende compte, car elle n’avait pas la maturité pour comprendre. Elle n’a pas vu la manipulation. L’embrassade, elle l’a prise comme une plaisanterie. C’est une enfant : elle entend, mais ne comprend pas ce qui se cache derrière les propos. »

Sarah a alors une réaction que sa mère qualifie d’« atypique : elle n’a dit ni oui ni non, elle a haussé les épaules, sans donner de réponse claire et nette. » Sarah dira : « Il a insisté, et il m’a retourné le cerveau. » Elle accepte de le suivre, sans qu’il exerce la moindre violence physique.

Tous deux montent dans l’ascenseur, et dès que la porte se referme, il essaie de l’embrasser. « Elle a compris à cet instant que le piège s’était refermé sur elle, qu’on avait endormi sa conscience. Mais elle était tétanisée, elle n’osait pas bouger, de peur qu’il la brutalise. Elle a pensé que c’était trop tard, qu’elle n’avait pas le droit de manifester, que cela ne servirait à rien, et elle a donc choisi d’être comme une automate, sans émotion, sans réaction », relate sa mère.

Arrivés au 9e étage, il exige d’elle une fellation. Elle s’exécute. « Il lui demandait de manière pressante, mais en gardant le sourire », rapporte sa mère, infirmière de profession. Puis il essaie de la pénétrer, mais le gardien de l’immeuble passe par là. L’homme se cache. Sarah ne saisit pas le moment pour crier ou appeler au secours, ce qui participera à l’imperméabilité des policiers. « Elle était tétanisée, gênée, et avait honte », explique son avocate, Me Carine Diebolt.

L’homme lui propose alors de rentrer dans son appartement. Elle le suit. Il lui demande une deuxième fellation, puis d’enlever en partie son pantalon, et la pénètre. Ensuite, il l’embrasse sur le front. Et une fois qu’elle s’est rhabillée, lui dit de ne rien dire à personne. Il lui demande son numéro de portable, avant de lui proposer de la raccompagner chez elle. Elle décline.

À peine sortie, paniquée, elle appelle sa mère. « Elle était dans une peine immense, complètement désespérée. C’était comme si la vie avait perdu son sens. Une des premières choses qu’elle m’a dite, c’est : “Papa va croire que je suis une pute.” »

Ensuite Mediapart relate les propos de la mère de Sarah après qu’elle ait appelé la police qui auditionne la jeune fille et qui lui font ce retour :

« Ils m’ont expliqué qu’elle l’avait suivi sans violence, sans contrainte, que la seule chose qui jouait en sa faveur, c’était son âge. C’était comme si on me martelait un message pour que ça s’imprime. C’était complètement en décalage avec la tragédie. »

Mediapart rapporte aussi des propos tenus par le prédateur, puisqu’il m’est interdit par la justice française, pour l’instant, de l’appeler le violeur :

Pendant l’enquête, [Cet homme] a livré son sentiment sur les femmes : « Vous savez, maintenant, les filles sont faciles. Avant, à mon époque, il fallait rester au moins un an avec une fille pour la baiser, mais maintenant c’est en dix minutes. » L’homme peut difficilement plaider qu’il est incapable de déterminer l’âge d’un enfant : il est père d’un bébé, mais aussi d’un enfant de 9 ans. En outre, l’examen aux unités médico-judiciaires mentionne que « l’allure physique de Sarah peut laisser penser qu’elle est plus âgée, mais que ses mimiques de visage et sa manière de parler montrent rapidement qu’elle n’a que 11 ans ».

Mediapart explique que le parquet de Pontoise n’a pas souhaité répondre à ses questions sur la qualification choisie dans cette affaire.

L’avocate de Sarah va tenter de faire requalifier, lors de l’audience prévue en février, les faits d’« atteinte sexuelle » en « viol » et rappelle que l’article 227-25 du Code pénal définit ainsi l’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans : « Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » Il s’agit donc d’un rapport sexuel consenti, moins répréhensible qu’une agression sexuelle (pas de pénétration) ou un viol (avec pénétration), tous deux non consentis.

Le journal précise et analyse :

A contrario, pour qu’un viol (punissable de 15 ans de réclusion criminelle, 20 ans sur mineur) ou une agression sexuelle soient caractérisés juridiquement, il doit être démontré que la victime a subi une contrainte, une violence, une menace ou une surprise (art. 222-22 et 222-23 du Code pénal). Il n’existe dans le Code pénal aucune atténuation à ce principe lorsque la victime est un enfant. Depuis 2005, la Cour de cassation considère cependant que la contrainte est présumée pour les enfants en « très bas âge ».

La loi du 8 février 2010 est seulement venue préciser que « la contrainte peut être physique ou morale. La contrainte morale peut désormais résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits ».

La plupart des législations occidentales ont pourtant adopté une « présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur victime d’actes sexuels » : 14 ans en Allemagne, Belgique, Autriche ; 16 ans pour l’Angleterre et la Suisse, 12 ans en Espagne et aux États-Unis. À chaque fois, avant que cet âge soit atteint, il ne peut y avoir consentement.

En se fondant sur ces comparaisons, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a préconisé dans son avis de novembre 2016 d’instaurer « un seuil d’âge de 13 ans en dessous duquel un enfant est présumé ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un majeur ». Pour Ernestine Ronai, une des rapporteures de l’avis, et responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, « l’âge de 13 ans paraît adapté car c’est un âge en dessous duquel les relations sexuelles ne nous paraissent pas souhaitables. C’est aussi un âge couperet, qu’on retrouve souvent dans le droit français ».

Emmanuelle Piet, présidente du collectif féministe contre le viol, préférerait que ce soit 15 ans. Quand on lui parle de la situation de « Sarah, une jeune fille de 11 ans » (le terme employé par les policiers dans leur rapport au procureur), elle explose : « 11 ans ! Mais ce n’est pas une jeune fille ! C’est une petite fille ! » Puis elle se désespère : « C’est honteux. On a dû batailler 20 ans pour que l’âge légal du mariage soit le même pour les filles que pour les garçons [18 ans et non plus 15]. Mais que voulez-vous ? Les vieux garçons aiment la chair fraîche.

Je suppose que vous êtes aussi surpris que moi de cette affaire judiciaire et de la manière dont elle est actuellement traitée par le ministère public.

Il faut attendre que les juges du siège s’en emparent pour savoir s’ils vont requalifier les faits.

Mais pour l’instant et par rapport à ce que vit cet enfant, elle ne peut que se trouver dans un état de sidération et de culpabilité si l’autorité qui représente la société traite ces faits de cette manière.

Pour revenir à l’exergue de ce mot du jour qui tire les conséquences de la qualification du parquet, je ne peux pas être d’accord.

Un enfant de 11 ans ne peut être en situation de consentir à une relation sexuelle avec un adulte.

J’ai comme l’impression que nous nous retrouvons en pleine régression.

Non cet enfant n’est pas coupable, elle est la victime d’un pervers, d’un prédateur qu’il faut punir sévèrement et dissuader de recommencer.

C’est cela que j’attends de la société dans laquelle je vis et de l’autorité qui la représente.

<Voici le lien vers l’article de Mediapart>

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