Vendredi 23 février 2024

« Merci pour toutes ces heures d’écoute. »
Clémentine Lecalot-Vergnaud

Clémentine Vergnaud est morte le 23 décembre 2023, après un an et demi de lutte, à l’âge de 31 ans, des suites d’un cancer des voies biliaires.

J’en ai parlé deux fois déjà.

Le 22 juin 2023 : « La mort est au bout du chemin, mais elle s’est un peu éloignée. ». C’était au moment de la publication de la série de 10 podcasts dans lesquels elle décrivait son combat, ses espoirs, sa peur et ses relations avec les médecins et l’administration.

Le 27 décembre 2023 : « 18 mois de vie. » au moment de son décès.

Ce troisième article est motivé par la publication de 6 nouveaux podcasts, les 6 derniers qu’elle a enregistrés et dans lesquels elle raconte ses dernières semaines, son mariage à l’hôpital, et le moment où elle a compris que la maladie avait toujours un coup d’avance et qu’il fallait pour elle, lâcher prise,  vivre ses derniers jours avec le plus d’intensité et de saveur possible, tout en reconnaissant la peur devant l’inconnu.

Elle raconte sa peur :

« Comme l’autre soir, alors que j’étais censée me reposer, juste récupérer sur mon lit, et où c’est monté.
Et j’avais mon papa en face de moi, assis sur sa chaise, qui attendait que je me repose.
Et j’ai su lui dire, juste : papa, j’ai peur.
Et il n’a rien fait d’incroyable, il est juste venu près de moi, il a pris ma main et il a dit : « Moi aussi j’ai peur ». Ce n’était pas grand-chose, mais sa main, ma main dans la sienne, et juste savoir qu’il était là, qu’il entendait, qu’il comprenait que je puisse avoir peur, que lui aussi partageait ça…
C’est peu de chose, mais il y a des fois où juste se libérer de cette émotion, juste la dire, la formuler, rien que ça, c’est salvateur.
Et de savoir que les autres sont à côté, qu’ils comprennent ou qu’ils ne comprennent pas, mais en tout cas de lire dans leur regard ou dans leurs gestes qu’ils seront là quoi qu’il arrive, c’est quelque chose qui fait énormément de bien. »

Elle avait vécu d’espoir, la thérapie ciblée qui lui avait été proposée semblait pleine de promesse. Mais elle a provoqué comme effet collatéral un « takotsubo » : appelé aussi syndrome du cœur brisé, proche des symptômes d’un infarctus. La lutte contre le cancer aboutissait à ce que le cœur lâche. Elle bénéficiera d’une autre thérapie, une chimiothérapie qui aura aussi des effets collatéraux désastreux.

Souvent l’émotion déchire le témoignage, ces 6 émissions constituent une leçon de vie dans ce qu’elle a de plus profond, de plus humain.

Il faut être prêt à écouter et à entrer dans ce témoignage poignant.

Pour ma part, j’ai été bouleversé, mais aussi rempli de force et d’intelligence pour vivre ce qui doit être vécu en restant pleinement humain et lucide, jusqu’au bout du chemin.

Elle a terminé ces 6 émissions par ces mots :

« La maladie m’a forcément changée. Je ne suis plus la même personne.
Je dirais que je suis à la fois plus enjouée, plus reconnaissante des petits moments, ces petits moments dorés dont on parlait, qu’on peut peut-être laisser filer quand on n’est pas malade.
Et qu’on n’a pas conscience du caractère ténu de ce fil de la vie. […]. Et en même temps, il y a toujours eu cette espèce d’ombre qui plane au-dessus et qui m’a enlevée toute mon insouciance […]

Je pense aussi que ça m’a rendu une part de joie de vivre parce qu’on a quand même beaucoup rigolé dans toutes ces épreuves, souvent. […].
Et puis l’envie de donner, beaucoup, l’envie de donner aux autres et notamment au travers du podcast. Je m’en suis rendue compte par les répercussions qu’il a eu : je pouvais donner énormément de choses aux gens en ayant l’impression d’en faire peu, finalement.
[…] Si j’ai pu aider au moins une personne avec ce podcast, moi, je suis mille fois heureuse parce que quand on est malade, on subit beaucoup.
Et ça m’a rendu tellement de pouvoir sur tout ça. De prise. De possibilités de faire. D’être dans l’agir, d’être là pour les autres.
C’était vraiment, je crois, l’expérience à faire dans cette maladie, l’expérience d’une vie.

Merci pour toutes ces heures d’écoute. Merci pour ça. »

« Merci pour toutes ces heures d’écoute », ces remerciements que Clémentine Vergnaud adresse à celles et ceux qui l’ont écoutée, peuvent aussi bien être renvoyés vers elle, sous la forme d’une immense gratitude que l’on peut exprimer pour ce qu’elle a su donner à celles et ceux qui ont eu la capacité de recevoir son témoignage et sa leçon de vie et de partage.

Son compagnon et mari, Grégoire Lecalot, a été l’invité de France 5 pour raconter sa part dans cette histoire tragique et lumineuse. <le podcast bouleversant de Clémentine>


Il parait juste aussi de citer Samuel Aslanoff qui a co-produit et réalisé cette série de 16 podcasts au total.

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