Jeudi 17 novembre 2016

Jeudi 17 novembre 2016
«L’islam des lumières»
Malek Chebel

Malek Chebel était un musulman à la voix douce qui donnait une belle image de l’Islam, il vient de mourir à 63 ans, le 12 novembre 2016.

Il avait écrit notamment <Manifeste pour un islam des lumières>.

Il s’était aussi illustré pour écrire sur la sexualité dans le monde de l’Islam. En 2006, il publiait ainsi « le Kama sutra arabe » et il déclarait dans un entretien :

« J’ai pris le parti de chercher la lumière dans le monde arabe. Je suis tenu par un souci de vérité et je veux m’approcher au plus près possible de ce que je pense être cette vérité»

Sur ma tablette, je dispose de sa traduction moderne du Coran.

Le Figaro Magazine avait publié une interview qu’il avait accordée en septembre dernier.

FIGAROVOX. – Vous vous battez pour un «islam des Lumières». Quelles seraient selon vous les conditions de cet islam compatible avec la modernité? Que faudrait-il faire pour «réformer l’islam de France»?

MALEK CHEBEL. – En effet, depuis trente ans, je cherche à mettre en place ce que j’appelle l’«islam des Lumières» inspiré des Lumières occidentales, et dont la liberté de conscience, l’émergence de l’individu, la raison et l’égalité stricte de droits entre hommes et femmes sont les prérequis. Cet islam des Lumières est d’abord un islam de paix, principale garantie de son succès.

Comment le promouvoir?

 Il nous faut mettre en place au profit de la France exclusivement un grand imam de France avec les attributs et/ou prérogatives suivantes :

– Être Français ;
– Être francophone ;
– Avoir suivi une formation théologique (entre la licence et le master, ou plus, si besoin est);
– Être laïc;
– Ne faire allégeance à aucune instance religieuse exogène;
– Être élu sur la base d’un programme défendu devant le plus grand nombre de musulmans français sans exclusive de sexe, d’âge ou d’origine.
Une commission indépendante se chargerait au nom de la République de donner un avis consultatif (ou de validation) pour que les musulmans trouvent le chemin du dialogue et de l’apaisement entre eux et avec les autres composantes de la nation. […]

L’islam traditionnel n’est-il pas en train de perdre la bataille au sein de l’orthodoxie sunnite, au profit d’une lecture littéraliste du Coran ?

Oui, en effet, l’islam apolitique de nos grands-parents et de nos parents a perdu la partie face à l’islam idéologisé des années 1980, puis 1990, puis 2000. Le changement structurel de génération – combien de jeunes qui «posent» problème ont moins de 30 ans actuellement? – a été un bouleversement dont les conséquences sont encore visibles aujourd’hui. Il s’agit d’un séisme profond, avec son immense faille autour de la cité. Depuis deux décennies, le combat était piloté par les fondamentalismes religieux, non seulement extérieurs à l’Hexagone, mais encore au sein même des associations périphériques. Combien de jeunes encadreurs dans le périurbain ont cherché vainement à tirer la sonnette d’alarme ? […]

Que répondez-vous à ceux qui considèrent l’islam comme une religion intrinsèquement violente et hégémonique ?

Il y a au moins deux types d’islam, l’un violent, l’autre non. L’un est inscrit dans une longue durée. Il est vain d’en nier la dimension expansionniste et donc la violence. Cela commence par l’épopée dite arabe qui a porté le sabre jusqu’en Andalousie. Et je ne suis pas de ceux qui se voilent la face, les liens de cet islam violent avec le Califat et les chefs de l’EI sont publiquement affirmés. L’EI se réclame sans aucune ambiguïté de cet islam violent. Peu de musulmans normalement constitués l’aiment vraiment, ils l’exècrent sans ambages, et hors la peur viscérale qu’ils ruminent intérieurement, le déclameraient entre nation et République.

L’islam aujourd’hui, fait peur à nombre de Français. Comprenez-vous cette peur? Comment la désamorcer?

Cet islam fait peur à tous les Français, individuellement et massivement, car outre qu’il est foncièrement létal, il est aveugle et frappe sans discernement. À l’inverse, ce que les musulmans refusent d’admettre, c’est de considérer cette religion comme exclusivement violente, et la seule à en être «affectée». À cet effet, l’autocritique papale peut les soutenir. Enfin, pour désamorcer la peur, il faut la verser dans le grand chaudron national, en faire un travail d’appropriation national, le récit d’une tension à gérer mutuellement, tenir des forums, les animer sans les arrimer au chiffre trompeur d’une déradicalisation qui, hélas, n’a pas tenu ses promesses. Là encore, une autorité centrale de l’islam peut, avec le charisme de sa fonction, appeler au refus net et radical de la violence au nom d’Allah, ce Dieu qui est «beau et qui aime la beauté» (j’en ai fait le titre de mon dernier ouvrage), au dire même du Prophète ! »

Vous pourrez lire le reste de cette interview derrière ce <lien>.

Après ces trop nombreux mots sur Donald Trump, il fallait revenir à un homme qui portait haut les valeurs des lumières.

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