Lundi 10 décembre 2018

« C’était de l’ultraviolence. Ils avaient des envies de meurtre. Nous, notre but c’est juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles. »
Une CRS présente à Paris lors de la journée de violences du 1er décembre

Des images ont circulé en boucle montrant des excès des forces de l’ordre françaises contre des lycéens et puis contre les manifestants « gilets jaunes ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué la « violence disproportionnée » des autorités françaises face aux manifestations de « gilets jaunes », ajoutant qu’il suivait la situation « avec préoccupation » :

« Le désordre règne dans les rues de nombreux pays européens, à commencer par Paris. Les télévisions, les journaux regorgent d’images de voitures qui brûlent, de commerces pillés, de la riposte des plus violentes de la police contre les manifestants […] Ah ! Voyez un peu ce que font les policiers de ceux qui critiquaient nos policiers. […] l’Europe a échoué sur les plans de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés ».

Quand on lit les propos de cet autocrate qui réprime la liberté dans son pays avec une hargne et cruauté inacceptable, on hésite entre le rire et la colère.

 Même des iraniens, comme le rapporte Libération, critiquent les forces de sécurité française :

« La scène se déroule mercredi dans la capitale iranienne devant l’ambassade de France. Les manifestants dénoncent la répression du mouvement des gilets jaunes. Rebelote vendredi : une poignée d’hommes, gilets jaunes sur le dos, brandissent des pancartes évoquant les «victimes» faites par Macron à Paris et au Yémen… Ces étudiants reprennent le mantra des conservateurs, prompts à épingler les atteintes aux droits humains dès lors qu’elles ont lieu dans les pays occidentaux. «Monsieur Rohani, c’est le bon moment pour téléphoner à votre homologue français et l’exhorter à… la modération», s’amuse sur Twitter une supportrice du régime, dans une allusion à l’appel de Macron au président iranien, en janvier, alors que des manifestations violentes éclataient un peu partout en Iran »

Il y a certes des excès, mais ce que l’on demande aux CRS, aux policiers et aux gendarmes est quasi inhumain.

Comme dans tout groupe humain, il existe des individus qui sortent du cadre. Par faiblesse, par peur ou par manque de maîtrise, ils peuvent déraper. D’ailleurs l’IGPN enquête dans ces cas.

Mais dans leur plus grand nombre, nous disposons de forces de maintien de l’ordre tout à fait remarquables et qui notamment à Paris sont parvenues à maîtriser la violence qui se déchaînait contre eux et contre les biens.

Ce sont des hommes et des femmes qui souvent sur certains points peuvent partager les indignations des gilets jaunes mais qui pour la sauvegarde de l’ordre républicain, dans la discipline et le courage font face aux débordements, la violence et même la haine et mette en danger leur propre intégrité physique.

Je partage ce que Dominique Reynié a déclaré lors de l’émission Esprit Public de ce dimanche

« C’est absolument admirable, ce qui s’est passé hier [le 8 décembre] dans le maintien de l’ordre. Nous avons vraiment des forces de l’ordre qui sont exceptionnelles. Sur le plan technique, chaque minute chaque interaction, chaque confrontation avec le risque d’un incident majeur, c’est manifestement ce qui est recherché par certains groupuscules qui souhaiteraient ardemment qu’il y ait un ou des morts pour enfin passer à la crise inévitable. Cela tient à la gestion du maintien de l’ordre, en ce moment avant même que les mesures soient annoncées par le chef de l’Etat qui convaincront ou non. Tout peut basculer dans une journée comme hier, nous sommes dans une grande fragilité. Un fonctionnaire fatigué ou isolé aurait pu faire basculer la France dans une situation dramatique que certains radicaux souhaitent. »

Et dans ce cas il faut en revenir à notre humanité, regarder ces choses à niveau d’homme ou de femme. Car il y a aussi des femmes dans les rangs des CRS qui sont déployés. Et le Monde consacre un article à une CRS auquel il a donné un pseudo : « Audrey » qui a été blessée lors des violences qui ont lieu à Paris la semaine dernière le 1er décembre : « On sait que la violence va monter d’un cran et on est épuisés physiquement »

La photo que je joins pour illustrer cet article n’est pas liée à l’article du Monde, elle a été publiée par le <Figaro> et raconte aussi des choses qui sont décrites ci-après :

« Elle fait partie de ces anonymes casqués, dont les images ont tourné en boucle sur les téléviseurs. Audrey, gardienne de la paix au sein d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS) présente à l’Arc de triomphe samedi 1er décembre, a été blessée à la cuisse par un jet de pavé. Sa chute a été filmée et commentée à foison sur les chaînes d’information en continu les jours suivants.

« Des experts, tranquillement installés dans leur canapé, expliquaient que ça se voyait qu’on était désorganisés. Ça m’a rendue folle ! », raconte-t-elle. »

Il était environ 17 heures quand cette jeune policière, quatre ans et demi de service en tant que CRS au compteur, a chuté sous l’impact du bloc de pierre, qui est passé sous son bouclier. A cet instant, Audrey est sur le pont depuis quinze heures, sans interruption. « Je me suis levée à 0 h 30 pour prendre mon service à 2 heures », se souvient-elle. Sa compagnie, stationnée temporairement à Paris, est affectée à la sécurisation des abords de la place de l’Etoile. A partir de dix heures, elle doit se positionner dans une rue adjacente à l’Arc de triomphe, avec sa section.

Près d’une trentaine de femmes et d’hommes. Casques, jambières, boucliers, l’attirail habituel du maintien de l’ordre.

Pourtant, la journée ne se présente pas comme les autres. « Ma première pensée était : ça pue la révolution. Il y avait une atmosphère de pré-chaos, j’ai senti que c’était apocalyptique dès que j’ai posé le pied sur le pavé parisien ». […]

Des voix grésillent sur les ondes. Des manifestants sont en mouvement. Sa section reçoit l’ordre de les suivre. « On gravitait autour de la place, on rentrait dans les fourgons, puis on ressortait… » Vers 11 h 30, c’est l’heure de la pause sandwich. Les CRS se doutent que l’après-midi risque d’être autrement plus musclée. « On savait que ça allait être violent, avec toutes les conneries écrites sur les réseaux sociaux, les gens se montent le bourrichon. On avait lu que certains voulaient tuer du flic ! »

Soudain, des manifestants commencent à caillasser les véhicules. Les policiers forment un barrage de boucliers autour de leurs fourgons. Ils s’en sortent avec de la tôle froissée. Mais ce n’est que le début. « Ça a dégénéré, on aurait dit une guérilla », raconte Audrey. Sa section est appelée pour sécuriser les abords de l’avenue Kléber, où l’intérieur d’un hôtel particulier est en train de flamber. Les grilles ont été arrachées. « On est tombé dans un guet-apens, ils nous attendaient. J’ai déjà fait des manifestations qui dégénèrent, mais là, c’était de l’ultraviolence. Ils avaient des envies de meurtre. Nous, notre but c’est juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles. »

Elle raconte les insultes des manifestants et le mépris dans leurs yeux. « Quand on était en barrage, les gens passaient devant nous et crachaient à nos pieds. J’ai vu un mec nous expliquer qu’il était père de famille et pacifique. Deux minutes après, il nous jetait un pavé. Les gens deviennent fous. » L’effet de meute ? « L’effet mouton plutôt », corrige-t-elle.

Impossible de savoir l’heure exacte, la jeune CRS est « totalement déconnectée », dans une ambiance saturée de gaz lacrymogène. Mettre ou ne pas mettre le masque ? Un vrai dilemme. « Certains préfèrent faire sans, moi je ne supporte pas le gaz. Mais avec le masque, votre respiration est limitée, et la buée empêche de voir. » Deux de ses collègues, qui ont opéré sans, pour manier les lanceurs de balles de défense 40, ont eu la cornée brûlée.

La nuit commence à tomber quand l’endroit où sont stationnés les fourgons est menacé par les flammes. « Un groupe s’est rendu compte que notre fourgon n’était pas protégé par les CRS, ils ont commencé un énorme caillassage. A ce moment-là, je me suis dit : « Il va falloir que tu t’en sortes. » On a pris une pluie de projectiles, il n’y avait pas de moment d’accalmie. Ils étaient super bien organisés. » Un projectile se fraie un chemin entre le bouclier et la jambière. Elle s’effondre. « J’ai dit à mon binôme que j’étais touchée, il m’entendait mal. Quand il a compris que je n’étais pas bien, ils m’ont extraite de la fumée. J’étais perdue, je respirais le gaz. »

Audrey refuse cependant que le soigneur découpe son pantalon pour jeter un œil à la blessure. Cela aurait signifié pour elle la fin de la journée. Pas question d’abandonner ses collègues. Tout juste passe-t-elle une bombe de froid sous son pantalon. Le spray, actionné trop près, corrode la peau. Qu’importe, elle retourne aux côtés de son binôme, à qui elle cède la gestion du bouclier, incapable de l’appuyer contre sa cuisse.

Les manifestants commencent heureusement à se disperser. Sa compagnie est démobilisée vers 21 heures. Le lendemain, l’aspect de la plaie l’oblige à la signaler. « Ma blessure commençait à faire des cloques. » Écrasement du quadriceps et brûlure au deuxième degré, cinq jours d’arrêt.

Mais c’est moins pour elle que pour ses collègues qu’Audrey semble s’en faire. La compagnie, qui aurait dû être « gelée », selon le jargon policier, après un détachement de deux semaines, a été rappelée pour la journée du 8 décembre. « On sait que la violence va monter d’un cran, et on est épuisés physiquement. »

Le moral n’est pas non plus au beau fixe, notamment avec les accusations de violences policières. « Il faut arrêter de pointer les flics du doigt. Les gens voient une vidéo sur Facebook, sans le contexte, et ils croient qu’ils sont experts du maintien de l’ordre. » Et de cibler les casseurs. « Ils nous visent avec des pavés, des mortiers, des cocktails Molotov… J’en ai vu un prendre les débris de la grille pour en faire un javelot et nous le jeter à la tête. Ils veulent nous tuer. Et nous, on répond avec quoi ? Du gaz qui pique les yeux et des balles en caoutchouc. »

J’ai pratiquement cité tout l’article.

Ces personnes sont des fonctionnaires comme moi. Ils ont fait le choix de se mettre au service de L’État et de la République. Mais quand ils sont appelés à assurer leur mission, sur un théâtre d’opération, ils ne sont pas certains de rentrer en bonne forme le soir, en retournant dans leur famille retrouver leurs enfants, leur compagne ou compagnon.

Que se passerait-il, s’ils n’étaient pas là ?

Le désordre et le chaos !

Oui que se passerait-il si on laissait faire les violents qui ont infiltrés les gilets jaunes et qui ont aussi visiblement sut en entraîner certains ?

Ils prendraient le pouvoir ? Et instaureraient une belle démocratie participative ?

Toute personne qui a une toute petite culture historique sait comment finissent ces émeutes non maîtrisées : un régime autoritaire remplace la République dans ces cas.

C’est grâce à nos forces de maintien de l’ordre que l’Ordre républicain peut se maintenir.

Vouloir en faire des boucs émissaires est indécent.

Les fautes doivent être sanctionnées. Mais quelqu’un de raisonnable peut-il vraiment prétendre que si la quasi-totalité de ces hommes et femmes de devoir et d’abnégation ne maîtrisaient pas leurs actions, il n’y aurait pas un bilan très différent de celui qui est à déplorer.

Leur but est de remplir aussi bien que possible leur mission et comme le dit Audrey : « juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles ».

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Vendredi 7 décembre 2018

« Et puis il y a des trucs tout cons, comme les impôts.
Tu râles toujours un peu quand il faut les payer, mais finalement, quand tu arrives à l’hôpital, tu es pris en main de la manière dont tu es pris en main par des mecs qui ont fait quinze ans d’études. Avec des équipes de 30 personnes qui te sont dédiées et du matos où chaque couveuse vaut un demi-million d’euros. Tous les impôts que tu as payés de 0 à 40 ans, tu peux dire que tu les as mis là. »
Gaël Leiblang

Je suppose qu’il serait normal de continuer à parler des gilets jaunes.

De s’indigner contre cette prétention d’un des gilets jaunes, Eric Drouet à marcher sur l’Elysée samedi prochain et à entrer d’autorité dans le palais présidentiel.

Vouloir aller à l’Elysée pourquoi faire ?

Et alors ? Qu’est-ce qu’on fait après, à part créer le chaos ?

C’est stupide, provoquant et inutile.

Mais après avoir posé cette condamnation, il est possible de se souvenir qu’en pleine affaire Benalla, le jeune président devant les caméras de télévision et un public de partisan a osé cette formule :

« Qu’ils viennent me chercher »

Du point de vue juridique et du droit constitutionnel, cette phrase constituait une ineptie.

Du point de vue de la rhétorique, il me parait juste de reprendre les qualificatifs que j’ai utilisé pour le gilet jaune excité. Mais le fait que celui qui a prononcé ces mots soit Président de la République, ne constitue t’il pas une circonstance aggravante ?

Et je me souviens que lors du mot du jour du 10 novembre 2017 , je citai le principal conseiller du Président Obama qui après quelques mots aimables sur notre Président, qui n’était au pouvoir que depuis 6 mois, finissait son propos par ce jugement :

« La question qui se pose est : comment va-t-il faire arriver le changement ?
Comment est-ce que cela sera reçu.
C’est quelqu’un qui a beaucoup de confiance en lui-même.
Mais ce poste nécessite de l’humilité. »

Bien sûr, je pourrais aussi parler du climat, de la COP24 qui se passe à Katowice en Pologne et de ce nouveau bilan annuel de l’ONU : < Nous avons complètement dérapé> :

Globalement, les terriens étaient parvenus a stabilisé les émissions de CO2. C’était un premier pas. Nous savons que nous devons réduire ces émissions.

Mais nous avons globalement recommencé à faire progresser le taux de CO2 dans l’atmosphère :

« Selon un bilan annuel publié mercredi en marge de la 24e conférence climat de l’ONU, les émissions de CO2 liées à l’industrie et à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz devraient croître de 2,7% par rapport à 2017, après une hausse de 1,6% l’an dernier ayant suivi trois années quasiment stables. Il faut remonter à 2011 et la sortie de la crise financière de 2008 pour trouver pire taux, explique Glen Peters, climatologue au centre de recherche Cicero (Oslo) et co-auteur de l’étude, parue dans la revue Open Access Earth System Science Data.

Les politiques se font distancer par la croissance de l’économie et de l’énergie », souligne-t-il. « On est loin de la trajectoire qui nous permettrait de rester à 1,5°C ou même 2°C » de réchauffement, objectifs de l’accord de Paris.

« La rhétorique enfle mais l’ambition non, nous avons complètement dérapé » »

Mais dans mon butinage je suis tombé sur un article parlant d’un spectacle joué au Lucernaire à Paris ou plus précisément interviewant l’auteur et l’acteur de ce spectacle : Gaël Leiblang.

Et un paragraphe m’a tout de suite accroché et j’en ai fait l’exergue de ce mot du jour.

Parce qu’il y a une révolte fiscale. Celle que l’on voit, aujourd’hui de gens qui disent qu’ils ne peuvent plus payer les taxes qu’on leur réclame.

Mais il y a une autre révolte fiscale celle des très riches qui ne veulent plus payer leur part.

Et des multinationales qui savent mettre en œuvre des stratégies qui leur permettent de ne presque pas contribuer à l’effort commun.

L’affaire Carlos Ghosn m’a appris des tas de choses, d’abord sur le Japon qui n’est vraiment pas le pays merveilleux que certains touristes vantent. Mais aussi sur le fait que la Holding qui gère l’alliance Renault Nissan est une société de droit néerlandais. Un pays qui est un paradis fiscal. Et c’est Lionel Jospin et Laurent Fabius qui ont permis cette évasion fiscale.

On peut toujours revenir aux propos de Henry Morgenthau, secrétaire au Trésor américain sous la présidence de Roosevelt et qui disait en 1937 :

«Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée, trop de citoyens veulent la civilisation au rabais»

J’en avais fait le mot du jour du 21 mars 2013

Mais j’ai aimé ce cri du cœur de cet homme qui au bout de l’épreuve a redonné le sens de la contribution à la civilisation.

Gaël Leiblang est un journaliste devenu comédien. Il est aussi père de famille. Sa compagne a donné naissance à leur fils Roman. Roman a vécu 13 jours.

Ces 13 jours, le couple les a passés à l’hôpital pour accompagner leur enfant.

Ils n’étaient pas seuls, ils étaient avec des médecins et des infirmières.

Suite à la décision collégiale des médecins d’arrêter les traitements et de laisser mourir le bébé, il a été décidé que les parents puissent donner un bain à leur enfant pour lui dire au revoir et créer le souvenir le plus charnel qui soit.

Il en a fait un spectacle : « Tu seras un homme papa »

«J’ai dit au metteur en scène : « Écoute, s’il n’y a pas le bain, il n’y a pas de pièce, parce que tout amène à ce moment de grâce absolu, de spiritualité, de mysticisme, de ce que tu veux. » On raconte quelque chose que personne ne peut voir, qui est complètement secret et qui est sacré.

Ce moment est toujours magique. […]

La première fois qu’on a fait une lecture à la maison, j’ai lu le texte pendant une heure. Et c’était tellement fort et violent que personne ne pouvait plus relever la tête. […]

On pourrait dire qu’il y a plutôt un silence assourdissant autour de ces bébés éphémères.

Parce que leur vie est tellement courte qu’il n’y a pas de souvenirs, et comme il n’y a pas de souvenirs, tu ne peux pas dire…

Moi, je vois bien, si je n’avais pas fait cette pièce, on ne parlerait pas de Roman. Pas parce que c’est tabou. On est une famille tout à fait sympa, on parle très librement et tout, mais parce qu’à un moment tu n’as rien à raconter. C’était treize jours. Tu peux dire « ah, tu te souviens quand il était dans la couveuse ? » une fois, deux fois, cent fois, mais au bout de trois, quatre ans, tu ne vas plus le dire. »

Et quand la journaliste lui pose la question : « Donc tu es devenu un homme avec Roman et avec cette pièce ? »

Il répond :

« Je suis foncièrement la même personne, avec les mêmes défauts. Je gueule pareil sur les trucs, mais il y a d’autres choses qui sont réglées.

La religion par exemple pour moi, c’est très clair maintenant. Il n’y a pas de Dieu, pas de lumière, pas de révélation.

Et puis il y a des trucs tout cons, comme les impôts. Tu râles toujours un peu quand il faut les payer, mais finalement, quand tu arrives à l’hôpital, que tu es pris en main de la manière dont tu es pris en main par des mecs qui ont fait quinze ans d’études. Avec des équipes de 30 personnes qui te sont dédiées et du matos où chaque couveuse vaut un demi-million d’euros. Tous les impôts que tu as payés de 0 à 40 ans, tu peux dire que tu les as mis là et que ce n’est pas grave. »

Cette interview est très longue et vous pouvez la lire derrière ce lien « Article Rue 89 Obs publié le 6 décembre 2018 »

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Jeudi 6 décembre 2018

« C’est une crise de la représentation démocratique dans toutes les démocraties occidentales »
Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine

L’invité des matins de France Culture du 4 décembre 2018 pour essayer expliquer la situation actuelle de la France était Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine. Et son propos le plus marquant fut celui-ci :

« C’est une crise de la représentation démocratique dans tous les pays occidentaux »

Dans <L’Esprit Public d’Emily Aubry de ce dimanche>, un des invités, François Xavier Bellamy a eu le même constat :

« Une crise très profonde de la représentation politique »

<L’émission Du grain à moudre du 4 décembre> avait invité Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature de 2002 à 2006 et auteur du livre « Radicaliser la démocratie : proposition pour une refondation » paru aux Editions du Seuil en 2015

Et Dominique Rousseau a encore souligné cette crise-là : la crise de la représentation démocratique. Et pour illustrer son propos il a même fait appel au grand révolutionnaire Sieyès :

« La crise que l’on connaît c’est l’épuisement d’une forme représentative de la démocratie. Toutes les formes représentatives de la démocratie. Sieyès disait «  Le peuple ne peut vouloir, ne peut agir et ne peut parler que par ses représentants ». On vivait là-dessus depuis 1789. Ce n’est plus le cas. Le Peuple dit, nous voulons parler par nous-même, en dehors de la parole des représentants. »

Quand on cite un glorieux ancien, je m’efforce toujours d’aller vérifier. Sieyès a tenu ces propos lors d’un Discours tenu le 7 septembre 1789 devant l’Assemblée Nationale constituante. La question abordée était celle du véto du Roi. La citation de Dominique Rousseau est extraite du paragraphe suivant :

« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

Toujours se méfier des citations. Bien sûr cette phrase est prononcée au tout début de la révolution. Le pouvoir est encore partagé entre l’Assemblée et le Roi. Le Roi qui était entré sans sa royauté par la croyance d’un Roi de droit divin !

Toujours est-il que dans ce paragraphe Sieyès oppose clairement le principe représentatif et la démocratie. Il ajoute aussi cette phrase énigmatique : « La France ne saurait être une démocratie. » Pourquoi ? Peut-être parce qu’elle est trop vaste pour pratiquer la démocratie directe qui semble donc, si l’on comprend bien l’idée de Sieyès, la seule vraie forme de la démocratie.

Mais Sieyès est surtout connu pour une autre phrase beaucoup plus célèbre

« Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.
Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.
Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »

Cette phrase se situe dans l’introduction de « Qu’est-ce que le Tiers-État ? », un pamphlet publié par l’abbé Sieyès en janvier 1789 en prélude à la convocation des États généraux. Sieyes y présente et critique la situation du moment, et indique les réformes souhaitables, notamment que le vote de chaque ordre se fasse proportionnellement à sa représentativité réelle dans la nation (évidemment favorable au Tiers-État, qui représente près de 98 % des Français). Il donne les prémices de l’avènement d’une assemblée nationale constituante.

Cela me semble assez proche de l’esprit exprimé par celles et ceux que nous appelons « les gilets jaunes » qui ne sont certainement pas 98% des français mais sont une part très importante de la population et une part qui est devenu assez invisible dans les institutions et les médias selon l’expression de Pierre Rosanvallon.

D’ailleurs Dominique Rousseau cite aussi Rosanvallon et cette explication de la révolte :

« Les « gilets jaunes » sont les forces vives de la nation, pour reprendre les mots de De Gaulle. C’est eux qui font vivre le pays. Et ils sont, comme disait Rosanvallon, invisible. Ou du moins ils l’étaient jusqu’à présent parce qu’on parlait en leurs noms. Les « gilets jaunes » sont tout dans le pays car c’est eux qui font le boulot. Ils ne sont rien dans les institutions. »

Pierre Rosanvallon qui avait écrit en 1998 un livre « Le peuple introuvable : histoire de la représentation démocratique en France» dans lequel il a souligné que si la démocratie a proclamé la souveraineté du peuple, mais que ce qui est advenu c’est une société d’individus. Et ainsi s’il peut être envisageable de représenter un peuple, il est compliqué de vouloir représenter une collection d’individus.

Une collection d’individus…

Lorsque Emmanuel Macron a été élu, nous étions dans cette crise de la représentation. Les partis politiques de gouvernement étaient rejetés. A ce rejet s’est ajouté un concours de circonstance qui a permis à ce jeune homme brillant et intégré dans la mondialisation d’être élu.

Il n’aura donc pas fallu longtemps pour que le mouvement que le jeune homme a créé et qui devait incarner la nouveauté, le nouveau monde, se trouve, à son tour, dans la tourmente et le rejet.

Mais la représentation est aussi normalement incarné par les corps intermédiaires que sont les syndicats et les médias qui eux aussi font l’objet de la plus grande méfiance du grand nombre.

En outre, cette crise des syndicats qui étaient déjà fragiles en raison du nombre très restreint d’adhérents a encore été accentuée par le jeune Président qui n’a pas souhaité les intégrer dans le processus de décision, persuadé qu’il connaissait le chemin à suivre par sa seule intelligence et son savoir.

Le mouvement actuel ne tient aussi aucun compte de ces corps intermédiaires.

La crise de la représentation est révélée par les faiblesses même du mouvement des gilets jaunes incapable de désigner des représentants ou après les avoir désignés, les récuse. Certains porte-paroles ont même expliqué qu’ils étaient menacés physiquement s’ils acceptaient de se rendre à des réunions de négociation avec les autorités politiques.

Une collection d’individus…

Mais, je crois surtout qu’il ne faut pas se polariser sur la France et la personnalité de Macron qui joue certes un rôle dans ces évènements mais qui n’est pas central.

Car comme le dit Jean Garrigues : « C’est une crise de la représentation démocratique dans toutes les démocraties occidentales ».

Toutes…

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés

Comment a été élu Donald Trump ?

Il s’est emparé du Parti Républicain à la hussarde contre la volonté de tous les dirigeants du Parti. D’ailleurs, lors des primaires il en vaincu plus de 10 qui étaient des représentants éminents, anciens et expérimentés du Parti. Puis il a vaincu la représentante du Parti Démocrate.

Plus récemment, un autre énergumène a profité de la crise de la représentation et du discrédit des Partis Politiques et notamment du Parti des travailleurs de Lula pour s’emparer du pouvoir. Il s’agit de Jair Bolsonaro.

Et l’Italie ? Les élites économiques et politiques avaient cru trouver leur champion en Matteo Renzi. Aujourd’hui c’est un leader d’extrême droite qui est au pouvoir, du moins qui monopolise la parole du pouvoir : Matteo Salvini.

C’est très inquiétant parce que l’Italie est un laboratoire qui fait office de précurseur et réalise les choses avant les autres.

Ils ont été les premiers à se débarrasser des grands Partis : la Démocratie chrétienne, le Parti communiste italien, le Parti socialiste. Puis c’est un milliardaire, spécialiste des médias bien avant Trump qui s’est emparé du pouvoir exécutif. Puis le « cercle de la raison » a vu émerger et soutenu Matteo Renzi, comme elle l’a fait pour Macron. Et c’est l’extrême droite qui est venu et on ne voit pas bien ce qui va venir après.

Dans le monde, les partis qui continuent à pouvoir prétendre à un soutien relativement solide des électeurs qui votent (je suis prudent et ne parle pas de peuple) sont des partis qui se sont donnés à un homme fort et autoritaire : Erdogan en Turquie, Orban en Hongrie, Poutine en Russie.

Des leaders qui font la part belle au nationalisme et à la xénophobie ou au moins insiste sur le danger extérieur pour renforcer leur pouvoir à l’intérieur.

La Grande Bretagne, le pays qui a inventé la démocratie moderne est aussi dans la tourmente.

L’Allemagne qui n’a pas inventé la démocratie, malgré ses grands philosophes, est aussi en difficulté du point de vue des partis de la représentation politique.

Alors il en est certain qui rêve à une démocratie directe plus active, notamment grâce aux outils numériques et modernes.

Peut-on vraiment croire à cette évolution ?

Certainement pas si on continue à rester des collections d’individus, des collections de consommateurs.

Seuls des citoyens, attachés à la chose publique peuvent faire fonctionner des institutions et une démocratie.

Mais la démocratie porte en elle l’aspiration à l’égalité des citoyens. Égalité politique qui peut accepter une certaine dose d’inégalité économique mais pas l’inégalité qui aujourd’hui se développe et fait diverger toujours davantage le destin des hommes, dans nos civilisations occidentales. Or le jeune Président avait pour ambition de faire entrer davantage la France dans la mondialisation et donc d’augmenter encore les inégalités entre français alors que jusqu’à présent notre système social malade et fragile continuait à nous préserver des dérives anglo-saxonnes.

Alors bien sûr quand on veut taxer le carburant de gens qui n’ont pas de marges de manœuvres financières… Pour qui le carburant est nécessaire pour aller travailler et bien plus que cela nécessaire pour avoir encore des espaces de liberté

Aurélie Filipetti dans l’émission l’Esprit Public citée en début d’article a eu cette belle phrase : « Tous leurs désirs nécessitent du carburant », pour retrouver un ami, emmener les enfants au sport, pour aller consommer etc..

Alors c’est compliqué, indécent serait plus juste, de leur demander de porter la charge de la transition écologique quand ces gens entendent que l’ex PDG de Nissan, Carlos Ghosn, faisait le tour du monde en avion plusieurs fois par semaine. On parle de l’avion personnel de cet homme. A-t-il payé cet avion ? Et même le kérosène, le carburant non taxé des avions, cet homme riche le payait-il de ses deniers propres ?

Bien sûr que non.

Vous savez bien que personne n’a jamais serré la main d’une personne morale, je veux dire d’une entreprise, mais à la fin c’est toujours elle qui paie la note. Pour des gens comme Carlos Ghosn.

Je suis persuadé que le principal problème de la crise de la représentation démocratique provient de la trahison et de la sécession de la plus grande partie des élites qui ne sentent plus de destin commun avec les gens simples. Ils veulent vivre dans un monde aseptisé de luxe où ils ne rencontrent les gens modestes que lorsqu’ils sont à leur service.

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Mercredi 5 décembre 2018

« On ne peut pas continuer comme cela, l’inégalité est trop forte. On risque l’insurrection »
Alain Minc

Alain Minc, ne fait pas partie de mes auteurs préférés.

Je ne le cite que très rarement.

Mais en continuant mon libre butinage à travers les médias et les réseaux sociaux, je suis tombé sur cette interview d’Alain Minc par Libération et publié le 8 juillet 2018.

Il défend la politique et les choix de Macron mais y met une nuance qui me semble lucide et prémonitoire.

Dans ce cas je veux bien le citer :

«  Le capitalisme est le système le plus efficace et le plus inégalitaire. Pendant cette période, les 1 % plus riches aux Etats-Unis ont fini par capter 25 % du revenu national. C’est un pourcentage hallucinant. En Europe, les «1 %» reçoivent 8 % du revenu, ce qui est plus raisonnable, mais toujours excessif. Je ne cesse de tirer la sonnette d’alarme auprès de tous les dirigeants. Une telle inégalité est insoutenable. Mais si l’on cherche à y remédier par les mécanismes classiques de la redistribution égalitaire, on a besoin de sommes énormes, qui seront prélevées sur la classe moyenne, ce qui n’est guère plus satisfaisant. Il faut instaurer le principe de l’équité : réserver la redistribution à ceux qui en ont le plus besoin en révisant les méthodes de l’Etat-providence. Quant aux salariés, ils doivent bénéficier d’un partage du capital, sous la forme d’une distribution d’actions qui leur garantit un patrimoine. […]

Il faut aller plus loin. En tout état de cause, on ne peut pas continuer comme cela, l’inégalité est trop forte. On risque l’insurrection. Elle a déjà commencé dans les urnes, avec la montée des partis populistes. »

Les choses sont bien compliquées. Quand Emmanuel Macron regarde le monde, il constate que, quasi partout, les inégalités sont beaucoup plus fortes qu’en France. Et il a même commencé son quinquennat par des réformes symboliques qui montrent de manière sous-jacente que le problème de la France, selon lui, est que les riches ne sont pas assez riches. Pour ma part je pense que le vrai problème du monde et aussi de la France c’est l’explosion des inégalités. Dans ce monde inégalitaire, il est très difficile de vouloir réaliser une révolution écologique. Probablement même qu’en démocratie c’est impossible, je veux dire dans une démocratie avec ce niveau d’inégalité.

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Mardi 4 décembre 2018

«Le coco fesse des Seychelles est menacé à cause du braconnage»
Divers articles dont celui de Sciences et Avenir mis en lien

Mon neveu Grégory qui est un lecteur du mot du jour et qui est aussi un esprit subtil et clairvoyant, m’a dit un jour : « Finalement ce qui est bien pour toi, c’est que tu écris ton mot du jour sur le sujet que tu choisis sans demander de compte à personne, dans une souveraine liberté ».

Il n’a pas exactement utilisé ces mots, mais c’était bien l’esprit de son propos.

En effet, personne ne me contraint à traiter un sujet en particulier.

Si on écoute la radio, regarde la télévision, lit les journaux français et internationaux, il semblerait qu’il y a un sujet en France qui semble être au premier plan.

Il me semble qu’au départ de ce trouble, il était question d’un problème écologique.

Les questions écologiques sont aujourd’hui multiples sur notre planète.

Et j’ai donc, en toute liberté, décidé d’en traiter un qui concerne la biodiversité.

Le cocotier de mer (Lodoicea maldivica) est une espèce de palmier qui produit la plus grosse graine du règne végétal et qui ne pousse qu’aux Seychelles.

Jusqu’à peu je ne connaissais pas son existence. Je ne suis pas allé aux Seychelles. Oui je confesse que je tente de limiter mon impact carbone.

Mais à quoi ressemble cette graine ?

Voilà, c’est cette graine ou ce fruit.

Et des esprits orientés, probablement du genre male ont appelé ce fruit : « coco fesse ».

<Wikipedia> nous apprend, qu’aux Seychelles d’autres noms vernaculaires sont utilisés pour désigner ce fruit : coco jumeau, coco indécent et cul de négresse

La première fois qu’un occidental a aperçu ce fruit étonnant il l’avait trouvé en mer ou sur une plage. On ne savait pas sur quel arbre il poussait :

« La première mention botanique de ce palmier vient d’un médecin botaniste portugais, Garcia de Orta, qui en 1563, le nomme coco das Maldivasn. À cette époque, ces grosses noix de coco pouvaient être trouvées en mer dans l’Océan Indien et sur les plages des Maldives, de l’Inde et du Sri Lanka.

Rares, de forme pour le moins suggestive et d’origine inconnue, ces noix avaient tout pour susciter l’imagination débridée des hommes. On les nomma en conséquence cocos de mer ou cocos de Salomon pour évoquer leur origine merveilleuse.

« Ne connaissant pas l’arbre qui le produisait, ne le pouvant découvrir, on avait imaginé que c’était le fruit d’une plante qui croissait au fond de la mer, qui se détachait quand il était mûr, & que sa légèreté faisait surnager au-dessus des eaux » (Pierre Sonnerat, Voyage à la Nouvelle Guinée, 1776).

En Inde, on attribuait à sa coque des propriétés de contrepoison (thériaque), très appréciées des « grands seigneurs de l’Indostan » qui l’achetaient à prix d’or. Les souverains des Maldives firent un négoce fructueux de sa noix avec des pays lointains comme l’Indonésie, le Japon et la Chine où elle était renommée comme plante médicinale. »

C’est une grosse noix verte, ovoïde, pouvant faire jusqu’à 50 cm de long. Le fruit fait en général 20−25 kg mais peut atteindre 45 kg. Avec plus de 25 kg, c’est la graine la plus lourde du règne végétal

Et c’est donc un article de <Sciences et Avenir> qui nous enseigne sur la menace qui porte sur ce fruit qui est très convoité pour des raisons peu convaincantes.

L’article nous donne d’abord le procédé de braconnage et le résultat :

« Le procédé est toujours le même : les braconniers se fraient un chemin dans la forêt tropicale et montagneuse de l’île seychelloise de Praslin :

Les braconniers coupent le coco de mer et repartent sans laisser de trace. À part une cicatrice qui longtemps défigure son arbre amputé.

Depuis le début de l’année, une quarantaine de cocos de mer, gigantesques noix de coco surnommées « coco fesse » pour leur forme suggestive, ont disparu dans la vallée de Mai, classée au patrimoine de l’Unesco. La moitié a été dérobée sur le seul mois d’octobre 2014. »

Nous apprenons qu’il ne présente pas d’intérêt gastronomique :

« Moins sucré que la noix de coco classique, et difficile à fendre une fois arrivé à maturité, il [n’est] pas utilisé dans la gastronomie. »

Sciences et Avenir rappelle l’Histoire :

« Le coco de mer fait l’objet de convoitises depuis des siècles à des milliers de kilomètres de l’archipel de l’océan Indien: mystifié jusqu’en Europe ou en Asie, il passait dès le 16e siècle pour avoir des vertus curatives exceptionnelles.

À l’origine, on pêchait la noix à la dérive en pleine mer, ou on la trouvait échouée sur des plages de l’océan Indien.

Ne l’ayant jamais vue pousser sur terre, les marins pensaient qu’elle provenait d’arbres enracinés dans les fonds marins – d’où son nom, coco de mer.

Ce n’est qu’au 17e siècle que le lieu d’origine du fruit géant, en forme de bassin féminin, d’une vingtaine de kg, fut déterminé : l’île de Praslin. »

Et l’actualité :

« Un regain d’intérêt pour le coco de mer est survenu après l’indépendance des Seychelles, en 1976, et « le développement de l’industrie du tourisme », explique Victorin Laboudallon, membre du conseil de la Fondation des îles Seychelles (SIF), qui gère la Vallée de Mai. Un engouement lié à sa forme et à des pseudos vertus aphrodisiaques

Le fruit, récemment offert au jeune couple princier de Kate et William lors de leur voyage de noces, est prisé pour son côté décoratif, mais aussi, en Asie, en particulier en Chine, pour ses soi-disant effets aphrodisiaques, associés à sa forme suggestive.

En 2008, deux « cocos fesse » avaient atteint les prix de 6.000 et 11.000 euros lors d’enchères chez Christie’s à Paris.

L’engouement pour cette noix unique atteint une telle proportion qu’en 1978, les autorités décidèrent d’en contrôler le commerce: les Seychellois ne pouvaient plus la vendre qu’au gouvernement, qui la revendait accompagnée d’un certificat. »

Les habitants, (qui doivent avoir des gênes de français réfractaires) ont protesté auprès des autorités et bien sûr la taxe l’interdiction a été levée, mais l’exportation du fruit reste ultra-réglementée.

Mais tout ceci a aussi entraîné du braconnage et cette espèce végétale est désormais menacée :

« Au prix (450 dollars le kg) où se négocie sur les marchés asiatiques ce fruit introuvable hors de Praslin et d’une autre île seychelloise, Curieuse, la contrebande fait cependant rage.

Et, avec quelque 17.000 arbres recensés à Praslin et 10.000 autres à Curieuse, l’espèce est désormais jugée menacée: l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) l’a inscrite sur sa liste rouge en 2011.

Pour tenter d’enrayer le phénomène, et mieux surveiller les 19 hectares de forêt où se nichent les « cocos fesse », la SIF a augmenté ces dernières années le nombre de gardiens. Mais le terrain accidenté et l’absence d’enclos rendent leur tâche ardue.

Avant on pouvait voir près de 75 cocos sur un arbre, maintenant il y en a juste 25, déplore M. Laboudallon. Les arbres ne donnent pas autant de fruits qu’avant car quand on coupe un coco, cela l’affecte, et il ne produit plus autant. »

Aux Seychelles, le problème du braconnage est pris d’autant plus au sérieux que le coco de mer est un symbole national. Il figure même sur les armoiries du pays. Et, nous apprenons qu’une machine sophistiquée vérifie les valises et détecte les « cocos-fesses » dans les valises :

« Contre l’exportation illégale du fruit, Victoria a installé « une machine radiographique à l’aéroport qui vérifie toutes les valises qui quittent le pays », assure Ronley Fanchet, directeur de la Conservation au ministère de l’Environnement. »

Pour être complet, il faut aussi montrer l’inflorescence mâle ou fleur mâle de cet étonnant arbre Lodoicea maldivica

Que conclure de tout cela ?

D’abord que la nature renferme des curiosités pleines de malices.

Que dès qu’homo sapiens sent l’odeur de l’argent, il devient dangereux pour la nature.

Enfin qu’homo sapiens est très préoccupé par sa libido et que cette inclination qui souvent devient faiblesse, l’entraine à devenir très stupide. Car bien sûr ce fruit n’a aucun effet aphrodisiaque pas davantage que la corne de rhinocéros.

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Lundi 3 décembre 2018

« Grigory Sokolov »
Un pianiste exceptionnel

Annie et moi sommes allés, comme chaque année, au concert que donne annuellement Grigory Sokolov à Lyon.

Cette année c’était le 8 novembre et je n’en ai pas fait un mot du jour le lendemain, parce que le 9 novembre je commençais mon itinérance intellectuelle et historique sur la guerre 14-18, sa fin et ses conséquences.

Cette itinérance étant terminé, je peux revenir à cet artiste.

Souvent on lit « le meilleur » pour parler d’un sportif ou d’un artiste, dans un domaine. Quand j’étais plus jeune, il m’arrivait aussi de tomber dans cette faiblesse de la compétition à tous les niveaux.

Aujourd’hui, il me semble que notamment dans le monde de l’art, il n’y a pas à faire de classement mais simplement à ressentir ou à comprendre ce qu’un artiste peut apporter.

Un artiste peut apporter le divertissement et ce n’est pas rien de divertir.

Dans d’autres domaines et dans la musique particulièrement et sur un piano singulièrement, l’artiste peut rechercher la performance.

<Par exemple vous pouvez voir Yuja Wang jouer la célèbre marche turque de Mozart arrangée d’une manière époustouflante.>

C’est une incontestable performance qui d’ailleurs ravit le public et le divertit aussi un peu.

Grigory Sokolov ne fait ni l’un, ni l’autre.

Dans le monde des pianistes il existe une autre typologie :

  • Les cogneurs ;
  • Et les autres ceux qui ont un toucher aérien, souple, magique, je ne sais comment les définir. Mais ce ne sont pas cogneurs.

Dans ce domaine, les cogneurs ne sont pas forcément des hommes, il existe des cogneuses.

Je peux vous donner l’exemple d’une pianiste très célèbre, je vous avoue que je ne comprends pas pourquoi, qui « cogne » un prélude de Rachmaninov : <Valentina Lisitsa – Prélude opus 23 N° 5 de Rachmaninov>.

Grigory Sokolov appartient au second type, ceux qui ne cognent pas. Cette même œuvre de Rachmaninov jouée par lui <donne cela>. Ce n’est pas une vidéo, il existe <une vidéo> dans laquelle on le voit « toucher » le piano, mais le son est assez mauvais.

Cette œuvre de Rachmaninov est surtout une œuvre très technique et brillante, il ne faut pas en attendre trop d’émotions, mais il y a quand même un monde entre l’exécution de Valentina Lisitsa et l’interprétation de Sokolov, un éléphant et un oiseau.

Lorsqu’il y a quelques années, après avoir lu certains articles sur lui, nous sommes allés la première fois l’écouter à l’Auditorium, la salle était à moitié pleine. Mais chaque année, probablement par le bouche à oreille, la salle se remplit davantage, cette année elle était pleine.

Grigory Sokolov est probablement un peu timide, peut-être même un peu autiste. Il rentre sur scène discrètement et rapidement. Il exige un éclairage minimum. Il passe toujours derrière le piano, pour que l’instrument le protège du public, il salue une fois, se met au piano et joue tout de suite. Et c’est le miracle. Cet homme fait parler son piano, la musique vous touche alors au plus profond de votre humanité, de votre âme si on se laisse aller au lyrisme.

Et même quand il joue un bis, une œuvre technique et brillante comme ce morceau de Couperin, il y met une légèreté et un sens de l’ineffable qui n’appartient qu’à lui : <Grigory Sokolov – Couperin – Le tic-toc-choc ou Les maillotins>

Je ne suis pas seul à penser et éprouver cela, le critique <Christian Merlin> écrit :

« Il y a un mystère Sokolov. On ne vous parle pas seulement de l’homme, de son côté autiste, qui apprend par coeur les horaires de train et les codes-barres, et ritualise son entrée en scène comme ses saluts. On vous parle bel et bien du pianiste. Une fois de plus, le récital que Grigory Sokolov a donné au Théâtre des Champs-Élysées[…] fut un moment hors de l’espace et du temps. Un moment passé à se demander: «Comment fait-il?»

Question que les pianistes présents dans la salle se posaient constamment, tentant par exemple de comprendre son jeu de pédale: sans avoir l’air d’y toucher, Sokolov alterne résonance et son étouffé sur une même note, comme s’il tirait les registres d’un orgue. Et tout cela avec des marteaux sur des cordes! Il y a sa souplesse de poignet aussi, cet art du trille où l’on a l’impression que même le nombre de battements est calculé. Cette façon de murmurer tout en jouant au fond du clavier, ou de tonner sans être brutal. En un mot, la maîtrise absolue, surhumaine, de quelqu’un qui travaillait encore sur scène une demi-heure avant le début du concert, empêchant le public arrivé en avance d’entrer, et serait capable de démonter et de remonter le piano pièce par pièce.

[…] il nous a tout simplement hypnotisé, nous faisant perdre le sens de l’orientation dans le temps, comme une image de l’éternité. Six bis, dont deux miraculeux intermezzi de Brahms, nous ont laissé écrasés par cette recherche d’absolu. »

Comme l’écrit Christian Merlin, à la fin de son concert, il joue de nombreux bis souvent plus de 5 et des bis qui sont souvent une œuvre à part entière. Ainsi à Lyon après avoir interprété les 4 impromptus opus 142 de Schubert, son premier bis fut un autre impromptu de l’autre série celle opus 90.

Et quand Sokolov joue Schubert cela donne un moment d’extase : <Grigory Sokolov – Schubert Impromptu Nr. 2 Es-Dur>

Un critique suisse parle du : « Triomphe du dépouillement pour un pianiste qui vit dans son monde, comme hanté par une mission hors normes. »

Grigory Sokolov, décide d’un programme unique pour une année, programme qu’il approfondit sans cesse et avec lequel il va faire tous ces concerts agrémentés de nombreux bis qui eux seront différents.

Ainsi le programme joué à Lyon le 8 novembre sera aussi joué entre autre

  • Le 5 Décembre 2018 à la Philharmonie du Luxembourg
  • Le 8 Décembre 2018 au Théâtre des Champs-Elysées à Paris
  • Le 6 mars 2019 au Palau de la Música Catalana à Barcelone
  • Le 10 mars 2019 à l’Auditorium Rainier III à Monte Carlo

Il finira le 29 mai 2019 à Milan

Pour les toulousains, c’est trop tard car c’était le lundi 4 juin 2018

Et pour une dernière pièce la <Gigue de la 1ère Partita de Bach>

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