Lundi 18 septembre 2017

« La diva, c’est celle qui apporte l’exemple d’un travail, d’une discipline et d’une grande maîtrise du métier »
Maria Callas dans un entretien accordé à L’Express le 19 janvier 1970

Ce week-end, tout le monde était invité à visiter le patrimoine de la France.
Je vous invite à échanger sur un monument du patrimoine de l’art et de la musique de l’humanité.

En effet, ce samedi nous étions le 16 septembre. Or, il y a 40 ans, le 16 septembre 1977, Maria Callas décédait brutalement à l’âge de 53 ans, dans son appartement au no 36 de l’avenue Georges Mandel dans le 16ème arrondissement de Paris.

Beaucoup de choses ont été dites, écrites sur elle, sur son caractère, ses caprices, sur son ego, sur ses faiblesses, sur ses déchirures.
Mais revenons aux fondamentaux. Éloignons-nous de ce qui est futile pour nous centrer sur l’essentiel.

L’essentiel c’est quoi ?

Maria Callas était unique. L’opéra a changé à partir d’elle, il y avait l’opéra avant Maria Callas et il y a l’opéra après Callas.

D’abord l’opéra était devenu le lieu de la performance où les divas et les ténors rivalisaient pour chanter une note non écrite dans la partition mais très haute dans la tessiture ou tenir une note périlleuse pendant beaucoup plus longtemps que le compositeur ne l’avait prévu. Et la salle attendait ces moments de « bravoure » et éclatait dans des vivats exubérants ou des sifflets si la chanteuse ratait le « contre ut ».

Maria Callas savait faire cela mais elle y renonçait pour la musique, car elle n’était que musicalité. Elle était musique et émotion.

Et puis elle rencontra Luchino Visconti et elle devint aussi une exceptionnelle tragédienne, une actrice de théâtre.

J’ai trouvé sur internet un extrait d’une heure d’une émission de la télévision française du 20 avril 1969 « Invitée du dimanche » de Pierre Desgraupes qui outre des chroniqueurs musicaux français avait invité l’ancien administrateur de la scala : « Siciliani » et surtout Luchino Visconti.

<Ici> vous trouvez l’extrait, plus précis, où Luchino Visconti parle de Callas. Et qu’apprend-t ‘on ?.

Que Maria Callas était l’artiste qui venait la première répéter et qui quittait le théâtre la dernière. Et c’était elle qui avant de venir avait le plus travaillé le rôle.

Luchino Visconti dit qu’elle était l’artiste la plus docile et la plus sérieuse qu’il a eu à diriger.

Et quand dans l’émission, Armand Panigel était allé interviewer la professeure de la Callas, Elvira de Hidalgo cette dernière dit la même chose : la plus travailleuse, la plus sérieuse, celle qui écoutait le mieux sa professeure et qui comprenait aussi très vite.

Et lorsqu’on se tourne vers tous les grands artistes qui ont travaillé avec elle, c’est toujours la même version : une perfectionniste, une professionnelle.

Et c’est ainsi qu’elle se présente dans un article de l’express du 19 janvier 1970 que j’ai choisi comme exergue de ce mot du jour

« Suis-je une diva ? Oui ! Mais dans le bon sens :
La diva, c’est celle qui apporte l’exemple d’un travail, d’une discipline et d’une grande maîtrise du métier »

Dans cette même interview elle dit aussi :

« Je ne suis qu’une interprète : une interprète s’empare du personnage qu’elle doit interpréter. […] Je fais mon travail le plus sérieusement possible mais je suis un être humain. »

Et dans un entretien avec le magazine « Elle » le 9 février 1970 elle va encore plus loin :

« Je ne crée rien : j’interprète. Je suis venue au monde pour cela. Je donne vie à ce que le compositeur a créé avant moi. »

Et dans la revue « Les Arts » en 1958 :

« Je ne suis pas parfaite. Je ne prétends pas l’être, mon seul désir est de lutter pour l’art… quoi qu’il m’en doive coûter. Même la plus simple mélodie peut doit être chantée avec noblesse. »

Et dans une émission de l’ORTF en février 1965 de Micheline Banzet

« Dans notre métier, il faut beaucoup de choses, le physique, le jeu scénique, la diction, le respect de la musique. On ne prend plus le temps nécessaire à tout cela. On veut gagner de l’argent, faire des notes aigües, impressionner le public « épater le bourgeois »… Mais ce n’est plus de l’art ! J’accepte les conseils, je les recherche […] avec de la bonté on peut tout obtenir de moi » »

Dans l’émission précitée Luchino Visconti raconte que la première fois qu’il a entendu Maria Callas chanté dans la maison de Tullio Serafin (le chef qui a le plus souvent dirigé Callas) il a été bouleversé car il n’avait jamais entendu chanté comme cela. Et c’est pour Maria Callas qu’il commença à réaliser des mises en scène pour l’opéra, avec notamment une « Traviata » à la Scala de Milan sous la direction de Giulini qui n’a jamais été égalée.

Je ne crois pas qu’il existe une vidéo sur ce spectacle mais on trouve sur internet des extraits audio avec des photos de la mise en scène, <par exemple ici>

Visconti raconte aussi un spectacle à la Scala de Milan où il était venu à la dernière minute et avait pu obtenir une place dans la loge de l’intendant de la Scala. Il ne s’était pas aperçu que s’était installée dans la loge après lui et derrière lui une femme. A la fin de l’acte, il s’est retourné et a vu cette femme pleurer. C’était Elisabeth Schwarzkopf qui était l’équivalent pour Mozart et Richard Strauss de Maria Callas dans Verdi ou le bel canto. Elle a dit à Visconti : « Cette femme est un miracle »

Voilà donc Maria Callas une artiste entièrement dévouée à son art et qui a développé toute son énergie pour servir l’art, jamais pour que l’art ne la serve. Alors oui, elle ne supportait pas quand ses confrères ne donnaient pas autant, quand ils ne travaillaient pas assez, quand ils se contentaient d’approximations ou même arrivaient en retard aux répétitions. Alors elle se mettait en colère.

Et puis quand sa voix la lâchait, son exigence de qualité l’obligeait à renoncer et alors on le lui le reprochait.

Parfois elle essayait pourtant de chanter et sa voix la trahissait et on le lui reprochait encore.

Tout au long de sa carrière, un noyau d’imbéciles l’a poursuivie notamment à la Scala pour la déconcentrer avant les grands airs en lançant des cris ou des insultes et puis en sifflant à la fin du spectacle et en balançant même des légumes à la place des fleurs attendues. Bien sûr, la plus grande partie du public l’acclamait. Mais elle a toujours été l’objet d’une hostilité malveillante de certains.

Après sa mort, comme le relate <Le Point>, on apprend qu’en réalité elle était malade et victime d’une maladie dégénérative qui a affecté ses cordes vocales.

Ce sont deux médecins italiens spécialistes en orthophonie qui soutiennent cette thèse :

Selon ces experts, Franco Fussi et Nico Paolillo, qui ont présenté les résultats de leurs recherches avec l’université de Bologne (nord) à l’occasion d’une table ronde, la soprano était atteinte de dermatomyosite, une maladie qui affecte les muscles et les tissus en général, y compris ceux du larynx.

Ils soulignent que cette maladie est traitée avec de la cortisone et des immunodépresseurs, ce qui peut entraîner à la longue une insuffisance cardiaque et que, selon le rapport médical officiel, la Callas est morte d’un arrêt cardiaque.

L’information, révélée mardi par le quotidien La Stampa, dément que la Callas se soit suicidée après la perte graduelle de sa voix à la suite d’une déception amoureuse dans sa relation avec l’excentrique milliardaire grec Aristóteles Onassis, qui l’a quittée en 1968 pour épouser Jacqueline Kennedy.

Les orthophonistes ont étudié avec des instruments ultra modernes les enregistrements de la cantatrice dans les années 50, sa période la plus achevée, dans les années 60, quand elle commença à avoir des problèmes, et dans les années 70, marquées par une brusque perte de poids et l’altération de sa voix.

« Fussi, un des orthophonistes les plus renommés du pays, et Paolillo ont analysé les dernières vidéos de la Callas qui montrent que les muscles ne répondaient plus car la cavité thoracique ne se gonflait pas quand elle respirait », soutient le journal de Turin.

« Le déclin de l’icône de l’opéra n’est pas dû à des efforts sur sa voix ou à des causes externes » comme des tensions émotives, affirment les experts, qui ont étudié un des moments les plus critiques de la carrière de la diva, lorsqu’elle ne put pas chanter l’opéra Norma à Rome, le 2 janvier 1958, en l’honneur du président italien de l’époque, Giovanni Gronchi, et de sa femme.

A la fin du premier acte, à l’issue duquel la moitié de l’assistance était déçue, la Callas s’était échappée par une porte dérobée : « cela n’a pas été un caprice, elle était vraiment malade, elle avait une trachéite, les muscles lâchaient. C’était le début de la fin », disent-ils.

Que de choses ont aussi été écrites sur sa perte de poids en 1953, 30 kilos en un an. Certains osent encore écrire que c’était pour plaire à Onassis alors qu’elle ne le rencontra qu’en 1959. Cette perte de poids elle la désira pour pouvoir mieux jouer ses rôles et parfaire sa silhouette de tragédienne.

Alors d’autres prétendent que cette perte de poids altéra sa voix, alors que probablement c’était cette maladie dégénérative qui était déjà à l’œuvre.

De toute façon même si voix est si particulière et qu’on la reconnait entre toutes, ce n’est pas la plus belle voix du siècle comme l’écrivent des journalistes superficiels et incompétents.Ainsi, Zinka Milanov, Leontyne Price ou même celle dont a voulu faire sa rivale Renata Tebaldi avaient des voix plus somptueuses.

Mais aucune n’avait cette émotion, cette théâtralité dans la voix, dans le jeu, dans l’expression.

Même quand elle donnait un récital, ses yeux, l’expression de son visage, ses mains, son corps tout exprimait l’émotion et la vérité théatrâle.

J’ai rencontré cette émotion à tous les instants pendant ce week end où j’ai écouté et regardé des vidéos de Maria Callas, en préparant l’écriture de ce mot du jour.

C’était une artiste exceptionnelle, unique et merveilleuse.

La femme fut plutôt malheureuse, mais j’y reviendrai demain.

<ARTE a consacré une émission à sa dernière Tosca à Paris en 1964>. Elle sait dompter sa voix rebelle et l’émotion reste unique.

<Ici sur Youtube la prière de la Tosca de ce même spectacle>

 

Les spécialistes se déchirent pour savoir quel est le meilleur disque de Maria Callas.

 Pour moi, il s’agit de la Tosca justement, celle de 1953 avec Victor de Sabata comme chef d’orchestre.

 

C’était Maria Callas, dont je ne saurais dire que du bien.

 

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Mercredi 22 avril 2015

« L’âge d’or des séries américaines »
Brett Martin

Avouons que nous avons tous, d’abord un peu honteux, regarder des séries américaines. Et même nous y avons pris goût.

Nous n’osions le dire mais cela nous plaisait.

Maintenant nous pouvons nous rassurer.

De grands esprits, des philosophes, des universitaires et même des critiques de cinéma du Cahier des Cinémas, nous expliquent qu’il s’est passé un « truc » aux Etats Unis où est né un nouvel espace créatif qui est devenu un phénomène artistique de premier plan, un art majeur.

Un philosophe, spécialiste de Michel Foucault, a ainsi écrit un livre sur le seul sujet de Game of Thrones en analysant la lutte pour le pouvoir dans cette série, 

Si nous aimions, c’est parce que ce sont de vrais œuvres d’art dont certaines même sont géniales.

Il y a maintenant sans cesse des classements pour savoir quelle est la série la plus remarquable :

  • « Mad men »,
  • « Breaking Bad »,
  • « Game of Thrones »,
  • « True Detective »,
  • « The Wire », et bien d’autres.

Brett Martin dans son ouvrage <Des hommes tourmentés>  raconte cette histoire et parle de l’âge d’or des séries américaines, pour être plus précis, il parle du 3ème âge d’or.

Il était l’invité de Nicolas Demorand <Hommage aux antihéros des séries américaines avec Brett Martin>

Il raconte cette révolution de la télévision américaine.

Avant les années 2000, la télévision était le cimetière des ambitions artistiques.

C’était un désert de platitude où régnait la publicité où il ne fallait pas froisser les annonceurs, les grandes marques étaient très conservatrices. Il fallait des héros positifs, des intrigues claires, avec des bons et des méchants et où à fin le bon devait toujours gagner.

C’est surtout une chaine de télévision Home Box-Office (ou HBO), chaîne de télévision payante qui va balayer tout cela.

C’était une chaine d’abonné sans publicité.

Cette chaîne a eu des patrons intelligents, intuitifs et téméraires pour croire et avoir foi en des artistes.

« Ce fut la source magique, faire confiance aux auteurs. » dit Brett Martin

Cela commence par « Les Soprano », histoire d’un mafieux violent mais dépressif et qui a des problèmes avec ses enfants adolescents.

Ils vont récupérer des cinéastes maudits, des scénaristes qui trainaient dans le milieu de la télévision sans jamais avoir eu la chance de se faire connaître et c’est avec eux qu’ils vont créer cet âge d’or.

Ces hommes tourmentés (les antis héros des séries) sont des hommes fragiles entre leur désir de faire le bien et leur tendance à faire le mal et un mal absolu.

Ces séries sont ouvertes et l’intrigue est inventée d’un épisode à l’autre.

Les personnages deviennent très complexes, le spectateur va suivre leurs évolutions pendant des dizaines d’heures et pas seulement 2 heures comme au cinéma.

Et pour que cela captive il faut de véritables auteurs comme David Simon (The Wire) ou Matthew Weiner (Mad Men).

On apprend qu’il a fallu sept ans à Matthew Weiner pour trouver un diffuseur à Mad Men.

Télérama décrit cette évolution :

« Une rage d’écrire autre chose, d’envoyer balader les codes et les bienséances, de rendre sa noblesse à un genre qui plante ses racines chez Dickens et Dumas, dans le feuilleton littéraire du XIXe siècle. Une envie, un besoin, qui renversera les logiques économiques classiques pour pousser HBO, FX, AMC et d’autres chaînes câblées américaines à développer des séries d’auteurs, à fouiller sans retenue la psyché humaine et les entrailles de la société contemporaine. »

Même les matins de France Culture s’y sont mis : <De Dallas à True detective la révolution des séries>.

Et les séries ont leur festival dont c’est la 6ème saison du 17 au 26 avril, donc en ce moment : < https://series-mania.fr/  >  au Forum des images qui se trouve Forum des Halles.

Souvent dans l’Histoire, quand tant d’intellectuels émérites commencent à s’intéresser à un phénomène c’est qu’il touche à sa fin …

Mais Brett Martin pense que ce n’est pas encore la fin de l’âge d’or.

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Mercredi 24 décembre 2014

Mercredi 24 décembre 2014
«Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.  »
Spinoza, Ultime phrase de L’Ethique de Baruch Spinoza (écrit entre 1661 et 1675)

L’Ethique est selon beaucoup de gens sérieux que j’ai entendu, une des œuvres de l’esprit la plus remarquable de l’humanité. Spinoza (1632-1677) l’a achevée peu de temps avant sa mort.

Dans ce monde où on zappe si facilement, où on nous assèche le désir par de multiples objets dont nous ne savions pas avoir besoin, et peut être particulièrement à Noël, Spinoza nous rappelle que nous ne pouvons aller à la quête du beau et du profond qu’avec effort et en sachant que ces instants sont rares.

Elle me parait aussi singulièrement appropriée après le mot du jour d’hier consacré à Zhu Xiao Mei.

Spinoza parlait surtout de la recherche spirituelle qui fût la quête de sa vie.

Voici la fin de l’Ethique :

« J’ai épuisé tout ce que je m’étais proposé d’expliquer touchant la puissance de l’âme sur ses passions et la liberté de l’homme.

Les principes que j’ai établis font voir clairement l’excellence du sage et sa supériorité sur l’ignorant que l’aveugle passion conduit. Celui-ci, outre qu’il est agité en mille sens divers par les causes extérieures, et ne possède jamais la véritable paix de l’âme, vit dans l’oubli de soi-même, et de Dieu, et de toutes choses ; et pour lui, cesser de pâtir, c’est cesser d’être. Au contraire, l’âme du sage peut à peine être troublée.

Possédant par une sorte de nécessité éternelle la conscience de soi-même et de Dieu et des choses, jamais il ne cesse d’être ; et la véritable paix de l’âme, il la possède pour toujours. La voie que j’ai montrée pour atteindre jusque-là paraîtra pénible sans doute, mais il suffit qu’il ne soit pas impossible de la trouver.

Et certes, j’avoue qu’un but si rarement atteint doit être bien difficile à poursuivre ; car autrement, comment se  pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s’il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu’il fût ainsi négligé de tout le  monde ?

Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare. »

Vous trouverez l’intégralité du texte de Spinoza ici : http://www.lituraterre.org/Spinoza-Ethique.pdf

Nous sommes à la trêve de Noël, après je vais prendre quelques congés et je reviendrai à mon travail le 12 janvier, date de mon prochain mot du jour.

Le silence est aussi, parfois, rempli de sens.

Passer de bonnes fêtes et si vous deviez vous ennuyer des mots du jour, lisez l’Ethique, cette œuvre est remplie de mots du jour.

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Mardi 23 décembre 2014

Mardi 23 décembre 2014
« Zhu Xiao Mei »
Pianiste chinoise qui magnifie Bach
A l’approche de Noël je voudrais partager un moment de grâce.
J’essaye de m’ouvrir à beaucoup de domaines que je partage, mais il n’y a qu’un domaine où je crois qu’on peut me reconnaître une connaissance approfondie, c’est celle de la musique classique occidentale.
Les amis ou les connaissances qui le savent m’interrogent souvent : mais qu’est ce qu’il faut écouter ?
Dans la musique occidentale le plus grand est Jean Sébastien Bach, c’est mon avis c’est aussi l’avis de beaucoup d’autres. J’ai même entendu un jour  Serge Gainsbourg le dire.
Même mal joué, souvent Bach reste beau.
Mais quand Zhu Xiao Mei, se met au piano et joue Bach, la beauté et l’émotion jaillissent immédiatement.
Zhu Xiao Mei est une chinoise qui a 10 ans est entrée au Conservatoire de Pékin où elle commence de brillantes études. Mais ses études sont brutalement interrompues par la Révolution Culturelle maoïste.
Pendant cinq années, elle est envoyée dans un camp de rééducation aux frontières de la Mongolie-Intérieure.
Dans ce camp se trouve un mauvais piano désaccordé, grâce à des gardiens plus laxistes que d’autres elle peut continuer à jouer quelquefois. Elle joue du Bach. Elle recopie aussi pendant des heures sur du mauvais papier de la musique de Bach dont elle se souvient.
Elle dit dans son livre « La rivière et son secret » que Bach lui a permis de survivre dans ces moments d’injustice et de bêtise que des théories humaines menées jusqu’à l’absurde ont imposés à des millions d’humains.
Par suite, elle parvient à s’enfuir de Chine et se retrouve à Paris, on la découvre et elle devient professeur au Conservatoire National de Musique de Paris
J’ai eu la chance de l’entendre jouer les Variations Goldberg à Lyon, salle Molière le 13 janvier 2010. Un de mes plus grands souvenirs musicaux.
Qu’une chinoise, adepte du Tao, puisse jouer ainsi la musique d’un luthérien allemand de culture exclusivement chrétienne montre l’universalité de cette musique.
Zhu Xiao Mei revient à Lyon, au Palais de la Mutualité, le 27/02/2015 jouer, le sommet de la musique de Bach : l’art de la Fugue.
Dans le livret de son dernier disque justement consacré à l’Art de la Fugue elle donne deux clés pour comprendre le lien entre la Chine et Bach à travers ces deux œuvres :
Les variations Goldberg se terminent par l’aria qui les débute et elle l’éclaire par ce mot de Lao-Tseu : « Le retour est le mouvement du Tao« 
L’art de la fugue se termine par une fugue inachevée et elle fait songer Zhu Xiao Mei à une phrase du Livre des mutations, le Yi King le plus ancien des grands textes chinois « sheng sheng bu xi »ce qui signifie « La vie engendre la vie : il n’y a pas de fin« 
Mais les mots ne peuvent exprimer ce que sait faire la musique, Arte a capté, dans de remarquables conditions, un concert de Zhu Xiao Mei où elle joue les Variations Goldberg.
Elle les interprète dans le temple de Bach, je veux dire l’Église Saint Thomas de Leipzig où il a été cantor de 1723 jusqu’à sa mort en 1750. Il est enterré dans cette église
A la fin du concert Zhu Xiao Mei qui reçoit des fleurs va immédiatement les déposer sur sa tombe : http://concert.arte.tv/fr/zhu-xiao-mei-variations-goldberg-bach?language=fr
Vous pourrez l’écouter jusqu’au 14/03/2015.
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Mardi 16 septembre 2014

Mardi 16 septembre 2014
« Tout seul on va plus vite.
Ensemble on va plus loin »
Proverbe africain

Je vais encore parler de quelque chose que je ne connais pas et que je n’ai pas vu. Alors, je vais essayer de le faire bien.

J’écoutais, hier, pendant la pause méridienne le journal de 13h de France Inter.

A la fin, il a été question de la biennale de la danse de Lyon.

Dimanche a eu lieu le grand défilé (le 10ème) dans les rues de Lyon, plus grande parade chorégraphiée d’Europe et 300 000 spectateurs.

Une vidéo montre et évènement <Le défilé de la biennale de la danse 2014>

La biennale c’est 45 spectacles et cette année il y a une ouverture sur le monde du cirque incarnée par la compagnie XY.

Et pour décrire le spectacle de cette compagnie, la journaliste de France Inter a eu ces mots :

« Tout commence par un combat de corps au sol,
puis bien vite les artistes prennent de la hauteur,
des tours humaines s’érigent
2,3 ou 4 corps empilés les uns sur les autres,
sans aucun dispositif de sécurité.

Le spectateur retient son souffle,
puis les corps prennent leur envol
et virevoltent à 2, 4, 8 mètres de hauteur.
Les jeunes filles se transforment en anges,
Propulsées par des hommes puissants.
Leur bras font office de tremplin.
Le tout avec une facilité déconcertante [..]

Dans les différents tableaux se mêlent rire et poésie.
L’objectif est bien de transmettre des émotions au public.»

Puis Peggy, membre de la Compagnie, s’exprime :

« Les gens étaient beaucoup plus émus par ce que ça impliquait de faire des portés, de la solidarité entre les gens sur le plateau que des prouesses techniques elles-mêmes »

Et c’est alors qu’elle a énoncé ce proverbe africain :

«Tout seul on va plus vite. Ensemble on va plus loin.»

Je l’ai trouvé beau dans le contexte dans lequel il était révélé et profond dans la sagesse qu’il dévoile.

Peggy a ajouté :

Je crois qu’il y a quelque chose comme ça chez nous»

Le spectacle s’appelle il n’est pas encore minuit….

Le site de cette compagnie <La compagnie XY>

Il n’y a pas encore de vidéo sur ce spectacle, mais voici un petit extrait d’un spectacle précédent <Le grand C>

Que l’art vous garde votre joie.

<350>

Vendredi 23/05/2014

Vendredi 23/05/2014
«Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?»
Jacques Brel
Dans la continuité du mot du jour d’hier, ce poème de Brel. Seule la poésie et la musique peuvent nous aider à supporter le tragique et l’injustice de l’Histoire.
Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s’appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grands-parents
Entre l’absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d’être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laisse au visage un teint de cendre
Oui, not’ Monsieur oui not’ bon Maître
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
On ne peut pas dire qu’ils furent esclaves
De là à dire qu’ils ont vécu
Lorsque l’on part aussi vaincu
C’est dur de sortir de l’enclave
Et pourtant l’espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux yeux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu’à la vieillesse
Oui not’ bon Maître oui not’ Monsieur
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Si par malheur ils survivaient
C’était pour partir à la guerre
C’était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelques sabreurs
Qui exigeaient du bout des lèvres
Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur
Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui not’ bon Maître
Couvert de prêtres oui not’ Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps du souffle d’un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès?
Jacques Brel
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Lundi 3 février 2014

« La culture c’est la vie et la vie est belle »
Claudio Abbado

Claudio Abbado est mort Lundi 20 janvier 2014

Très jeune Claudio Abbado a été un chef d’orchestre remarquable et brillant.

Il a dirigé les plus grandes institutions musicales.

A 35 ans, il devint Directeur de la Scala de Milan, il le restera pendant 18 ans.

Après, il dirigera l’Opéra de Vienne et lorsqu’il fallut trouver un successeur à Herbert von Karajan, les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Berlin le désignèrent à l’unanimité en 1989.

Et puis…

En 2000, un terrible cancer l’assaillit, un cancer de l’estomac.

Il revint au bout de quelques mois, émacié et transfiguré.

Il dit alors : « J’ai souffert et j’ai lutté de toutes mes forces. Mais comme toujours, du mal peut naître quelque chose de bon ».

Il devint alors un chef génial et unique.

Il quitta l’institution de la Philharmonie de Berlin et recréa avec des musiciens venant de tous les horizons et notamment beaucoup de jeunes, l’Orchestre du Festival de Lucerne, qu’il dirigea tous les étés jusqu’en 2013.

Celui qui n’a pas vu des vidéos de ces concerts, ne connait pas l’émotion que la musique peut déclencher.

Claudio Abbado a alors construit une relation unique avec ces musiciens.

Arte a diffusé le Requiem de Mozart par Abbado et Lucerne interprété en août 2012 et que vous trouvez sur Youtube :

Requiem de Mozart par Abbado Festival de Lucerne 2012

A la fin de cette interprétation bouleversante, le public est resté silencieux pendant presque une minute avant d’applaudir.

Le silence était si intense qu’il était encore musique.

Nos mots sont trop pauvres pour décrire l’indicible et le sublime.

<Ce journal suisse lui rend hommage> et présente sa carrière. L’article se termine par cette conclusion :

[Claudio Abbado] disait que « la culture est un bien commun et primaire comme l’eau » et que « La culture c’est la vie et la vie est belle ». Place au silence.

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