Jeudi 11 juillet 2019

« Seul le meilleur est acceptable »
Herbert von Karajan (5 avril 1908 – 16 juillet 1989)

Karajan est né dans une famille autrichienne et il avait aussi un ancêtre paternel originaire de Grèce comme Sappho de Mytilène.

Il est né à Salzbourg, la ville où est né Mozart

Le 16 juillet 2019, cela fera 30 ans qu’il a quitté la communauté des vivants.

Il y a 30 ans j’étais plus jeune et je crois que j’étais très injuste dans mon appréciation sur ses qualités et son importance dans la musique.

Je me souviens de discussions passionnées avec mon ami Bertrand G. qui considérait que c’était le plus grand.

Moi je ne voyais que la part d’ombre

Le fait qu’il avait par deux fois adhéré au parti nazi, pour sa tranquillité et pouvoir continuer à exercer son métier. Il n’était cependant pas dans les grâces d’Hitler qui le traitait de « freluquet autrichien ».

Je n’aimais pas, à l’époque, son côté autocrate, je disais « dictatorial ».

Je n’aimais pas ses interprétations et préféraient toujours d’autres interprétations.

Chaque fois qu’il y avait une histoire drôle à ses dépens je m’en délectais.

Comme celle qui mettait en scène 3 grands chefs de l’époque qui se disputait pour savoir qui est le plus grand.

« C’était d’abord Bernstein qui disait : c’est moi le plus grand parce que je suis aussi compositeur et que j’ai composé West Side Story,

Solti s’approchait alors en disant : Dieu m’a dit…

Immédiatement interrompu par Karajan répliquant : comment ça je ne t’ai rien dit. »

Mon frère m’a rapporté que lorsque l’Octuor de Paris dont il était membre, était allé à Berlin pour un concert à la Philharmonie, lui et ses collègues avaient demandé au chauffeur de taxi de les emmener à la Philharmonie. Le chauffeur de taxi avait conclu :

« Ah oui au Karajan Circus »

Ou cette autre histoire :

C’est Karajan qui prend un taxi à Berlin. Le chauffeur lui demande : « Où dois-je vous emmener Maestro ? ». Et la réponse de Karajan : « N’importe où, partout on a besoin de moi ! ».

Et cette manie de diriger les yeux fermés dans les années 1970 !

Simon Rattle dit aujourd’hui :

« Les dernières années lorsque Karajan se mit à diriger les yeux ouverts. […]. Ce contact visuel établi sur le tard avec ses musiciens, après des années où il sembla commander à des escadrons fanatisés, est comme une rédemption. »

Et il est vrai qu’à la fin de sa vie, Karajan est tombé gravement malade et il ne pouvait plus garder les yeux fermés pour une question d’équilibre.

Et je me souviens que Yehudi Menuhin disait : « Il est tombé malade et a gagné énormément en humanité.»

Mais ce n’était que l’écume des choses !

J’ai beaucoup appris depuis et notamment à travers les propos de Christophe André sur « l’admiration »

« L’admiration, c’est la volonté de porter son regard sur ce qui rend le monde meilleur. […]

Admirer quelqu’un alors qu’on connait bien ses travers !

L’admiration est un contraire de la mesquinerie qui va chercher les défauts derrière les qualités.

Plusieurs travaux de psychologie positive ont mesuré en laboratoire les conséquences de différentes formes d’admiration […] ont confirmé qu’admirer nous rend meilleur, plus proche des autres, plus altruiste, plus motivé à progresser »

Et maintenant 30 ans après, je vois surtout son extraordinaire capacité d’aller vers la plus grande qualité d’interprétation, l’approfondissement.

Dans des propos rapportés par le Figaro Magazine du 22 juillet 1989, il disait :

« Seul le meilleur est acceptable !

La maladie affolante de notre société c’est de ne pas demander le meilleur possible »

Contrairement à d’autres grands chefs, et à ceux d’aujourd’hui qui folâtrent d’un orchestre vers l’autre et qui ont la responsabilité de deux voire trois orchestre, lui a été le chef d’un seul orchestre : l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Parfois il allait diriger l’Orchestre Philharmonique de Vienne mais revenait toujours à son orchestre, dans un travail en profondeur pour obtenir une pate orchestrale et une qualité unique et phénoménale.

Et que dire lorsqu’on sait qu’alors il était tout à la fin de sa longue carrière et qu’il entendit Evgeny Kissin 16 ans alors, jouer du piano il fut ému aux larmes.

Son épouse Eliette Mouret raconta comment malgré ses tentatives répétées de lui faire rencontrer Pablo Picasso, elle n’arriva jamais à l’organiser, Karajan parvint toujours à se défiler.

Après la mort du peintre, son épouse lui demanda si ça ne l’aurait pas intéressé de le connaître. Il répondit :

« Si bien sûr, beaucoup, mais je ne pouvais pas m’imaginer que ce serait intéressant pour lui de me rencontrer »

Il était aussi visionnaire et a pleinement participé à l’essor des nouvelles technologies audio.

<Il joua un rôle éminent dans l’émergence du CD>

Evidemment, 30 ans après c’est devenu un support du passé.

Jamais Karajan ne fit de concessions à l’exigence musicale.

Ce fut un des plus grands musiciens interprètes du XXème siècle.

Je me délecte aujourd’hui à écouter les enregistrements qu’il a laissés à l’Histoire.

Et si je dois en choisir qu’un petit nombre je prendrai :

Le Pélléas et Mélisande de Debussy


Le Parsifal de Wagner


Et son anthologie des œuvres de Berg, Webern et Schoenberg


Et une madeleine de Proust : Les préludes de Liszt


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Une réflexion au sujet de « Jeudi 11 juillet 2019 »

  • 11 juillet 2019 à 18 h 41 min
    Permalink

    Il y a 40 ans même, tu ne ratais aucune occasion de rapporter une anecdote croustillante sur Karajan. Peut-être contre lui, peut être aussi pour nous pousser à écouter d’autres artistes. Solti était un de tes préférés, un de ceux que tu voulais nous faire découvrir. Par facilité j’ai quand même eu et gardé pas mal de karajan que je peux donc écouter la conscience tranquille dès aujourd’hui
    Amicalement !

    Répondre

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