Mardi 11/02/2014

Mardi 11/02/2014
« Si vous ne signez pas l’arrêté je me tue et vous aurez ma mort sur la conscience ! »
Un lycéen de Moselle dans une supplique gazouillée au Préfet de son département
A la mi-janvier il a neigé dans mon département natal, la Moselle.
La chose n’est pas inhabituelle sur ces terres qui m’ont vu naître comme mon père, mon grand-père et mon aïeul.
Il avait d’ailleurs neigé en décembre. A cette occasion, le préfet de Moselle avait pris un Arrêté pour interdire la circulation des bus et autocar et notamment ceux qui transportent les élèves, les collégiens et les lycéens vers ces établissements où on s’efforce de les tirer de l’univers fangeux de l’ignorance pour mieux les préparer au chômage.
On s’imagine avec quelle satisfaction, les élèves, les collégiens et les lycéens avaient accueilli la décision du représentant de l’Etat qui leur permettait, de facto, de passer leur journée devant GTA 5, FIFA 14 et autres jeux de console, afin de se mieux préparer encore au chômage.
Aussi, quand la population scolaire vit, mi-janvier, les flocons tombés en abondance, elle espérait pouvoir bénéficier d’un nouveau jour de congé.
L’heureuse rumeur fit place à une légitime inquiétude quand on constata que l’arrêté préfectoral espéré ne paraissait point.
Aussi, certains lycéens entreprirent-ils de rappeler le préfet de la Moselle à ses devoirs via le compte twitter que ce Haut fonctionnaire modèle et moderne avait ouvert dès son arrivée dans le département.
Les gazouillis des lycéens prirent d’abord le ton d’une modeste requête :
« S’il vous plaît, faites un arrêté préfectoral, promis, on créera la fête du Préfet, vous serez heureux, lol »
La décision attendue ne venait pas.
Le ton des gazouillis se fit alors dramatique ou mélo dramatique
« Par pitié, monsieur je ne veux pas mourir sur la route, juste un petit arrêté !»
ou « Si vous ne signez pas l’arrêté je me tue et vous aurez ma mort sur la conscience ! »
Devant l’impassibilité préfectorale, le ton monta :
« Préfet ! Tu as vu comme il neige ! » dit sèchement un tweet sur le ton du rappel à l’ordre.
Vient ensuite l’apostrophe : « Vas-y, il y avait moins de neige quand tu as fait l’arrêté préfectoral, fais pas ton radin »
Après l’apostrophe, l’invective : « Vas y fait un arrêté préfectoral jusqu’à vendredi, fais pas ta lopesa ! »
La menace n’est pas loin. « Oh ! Met un arrêté préfectoral où j’te nique ta mère ! »
« T’as vu comme il neige négro, tu mets un arrêté illico ou j’te crame ta préfecture » (Négro parce que le Préfet de la Moselle est issue de la diversité, comme on dit maintenant.
« Etes-vous sûr d’utiliser le ton adéquat » répondit alors la préposé au compte twitter du Préfet.
La réplique fuse : « Eh ! Tu nous annules les bus pour demain à cause de la neige et du verglas où on te nique avec un ton adéquat ».
La vaillante gazouilleuse de la préfecture ne se laissa pas impressionner et ayant répondu à chaque message en constatant que si l’orthographe était fantaisiste, c’était rarement volontaire, elle conclut par ce tweet général :
« Ceux qui réclament le plus de ne pas aller à l’école, semblent être ceux qui en ont le plus besoin ! »
Cette histoire vraie a été racontée par Philippe Meyer lors de sa chronique du 07/02/2013. Les commentaires sont intégralement de lui, les textes des heureux lycéens et collégiens de la Moselle (j’ai essayé d’éviter les fautes d’orthographe). C’est un grand résumé, mais la chronique est encore plus hilarante. <http://www.franceculture.fr/emission-la-chronique-de-philippe-meyer-chronique-de-philippe-meyer-2014-02-07>
C’est ainsi que l’on voit que si on ouvre les méthodes modernes de communication entre l’Administration et les Jeunes, la parole se libère, probablement de manière désordonnée. Mais si un fonctionnaire de qualité occupe l’autre bout du fil de la discussion, les échanges peuvent devenir pédagogiques et utiles à l’éducation des masses.