Jeudi 5 octobre 2017

«L’anxiété démographique des pays de l’Europe centrale».
Ivan Krastev

L’évolution des pays d’Europe centrale qui ont intégré l’Union européenne nous inquiète. Ces pays qui mettent à leur tête des responsables qui comme Viktor Orban sont des adeptes de la « démocratie illibérale » ou des gouvernants qui comme en Pologne entendent changer les livres d’Histoire, se révèle en outre xénophobes.

Brice Couturier qui continue à s’interroger sur les cultures du monde en sortant de la seule préoccupation franco-française, a commis une chronique sur ce sujet.

Il explique que notamment ces petites nations, traumatisées par une histoire tragique, avaient intégré l’Union européenne pour s’arrimer solidement à une alliance d’Etats démocratiques et intégrer un bloc commercial prospère et solidaire. A l’époque où elles ont fait ce choix, elles venaient d’échapper à plus de quatre décennies de dépendance envers l’empire soviétique et elles se félicitaient d’avoir récupéré leur souveraineté nationale.

Elles ignoraient le « trilemme d’incompatibilité de Rodrik »….

Et Brice Couturier de nous expliquer la théorie de cet économiste de Harvard :

« vous ne pouvez pas avoir en même temps ces trois choses : la démocratie, la souveraineté nationale et une intégration économique poussée. Il y en aura toujours une qui sera sacrifiée. C’est exactement la logique qui a poussé les Anglais au Brexit : de leur expérience de l’Union européenne, ils ont conclu que l’intégration dans l’UE était incompatible soit avec leur souveraineté soit avec leur démocratie et ils sont partis dans l’idée de récupérer l’une et l’autre. »

Mais ce qui m’a surtout intéressé c’est le livre d’Ivan Krastev dans lequel il développe ce concept de l’anxiété démographique des pays de l’Europe Centrale :

Le politologue bulgare, mais pan-européen Ivan Krastev vient de publier un nouveau livre qui s’inspire de cette thèse pour expliquer pourquoi les Etats-membres d’Europe centrale sont en train de se détacher de l’UE.

Le titre en anglais « After Europe », en allemand, c’est encore pire « Europadämmerung », « le Crépuscule de l’Europe »…

Pour Krastev, les peuples d’Europe centrale connaissent ce qu’il appelle une « anxiété démographique ».

Depuis 1989 et l’ouverture de leurs frontières, la Pologne a vu partir vers l’Ouest 2 millions et demi de ses habitants, partis chercher des emplois mieux rémunérés. 3 millions et demi de Roumains. La population de la minuscule Lituanie est passée de 3 millions et demi à 2 millions 900 000. 10 % de la population bulgare a quitté le pays.

Or, ce sont des pays qui connaissent des taux de fécondité très faibles, très éloignés du niveau de maintien de leur population : 1,3 en Pologne, en Bulgarie, 1,4 en Hongrie ou en Slovaquie.

« Qui lira encore de la poésie bulgare dans cent ans ? », se demande Krastev lui-même.

Les jeunes diplômés, en particulier, choisissent Londres ou Francfort.

La partie de la population qui n’est pas mobile, qui ne possède pas les diplômes qui lui permettrait de profiter de l’ouverture ressent très mal cette situation. C’est elle qui constitue l’électorat du PiS, au pouvoir en Pologne, du FIDESZ au pouvoir en Hongrie.

Sentir que le monde dont on vient est en train de s’effondrer crée rarement des pensées positives. Et c’est probablement ce qui arrive aux polonais, aux hongrois, aux bulgares.

Et Brice Couturier continue de rapporter les développements de Krastev :

« Dans ces pays, la crise des migrants a constitué un tournant et un immense traumatisme.

Elle les a ramenés à leur déclin démographique et a relancé leur « anxiété démographique ».

Viktor Orban, le dirigeant hongrois, a déclaré « la question historique à laquelle nous sommes confrontés, c’est de savoir si l’Europe va demeurer le continent des Européens ». Les centre-Européens, selon Krastev, se sentent « trahis » par l’UE, qui ne comprend pas leur anxiété et les traite de populistes.

Et il conclut sur de sombres prophéties : la désintégration de l’Union européenne serait inéluctable… »

<Lien vers l’émission de Brice Couturier>

On peut ne pas approuver les dérives de ces pays de l’Europe centrale. Mais si on veut trouver des solutions, il est nécessaire de comprendre ce qui se passe au sein de ces peuples.

<943>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *