Vendredi 15 septembre 2023

« Je n’ai absolument rien fait de cette journée […] et je me suis découvert heureux, comblé. »
Christian Bobin

Christian Bobin est mort un mois après mon frère (à un jour près) : le 23 novembre 2022, lui aussi d’un cancer fulgurant.

Depuis j’ai beaucoup lu Bobin.

Bobin n’est pas l’écrivain de longs textes, de grandes arches littéraires.

Il est l’écrivain des miniatures, des fulgurances.

Il a été confronté avec la mort, tout au long de sa vie.

En 1995, il a perdu brutalement, son amie de cœur Ghislaine Marion, d’une mort prématurée.

Il écrira pour la célébrer, en 1996, « La plus que vive », ouvrage que j’ai lu d’une traite, une nuit d’insomnie de décembre.

L’ouvrage suivant sera en 1997 «  Autoportrait au radiateur  »
De ce livre, je partage ce texte :

« Je n’ai absolument rien fait de cette journée,
qu’ouvrir au matin les fenêtres de la cuisine et de la chambre,
laisser les nuages entrer dans l’appartement,
frotter leur silence régnant dans ces pièces,
Oui, voilà ce que j’ai fait de ma journée,
j’ai ouvert mes fenêtres sur le jour, rien d’autre,
et dans ce rien beaucoup de choses se préparaient
dont je saurai plus tard le nom, beaucoup plus tard.

Au soir, parce que les nuages avaient repris leur errance
et que le froid s’invitait sans façon, j’ai refermé les fenêtres, il était huit heures.
De la cuisine, j’ai vu un moineau se poser sur le sapin.
La branche a tremblé sous la maladresse de son atterrissage.
Dans ce mouvement communiqué à l’immense par presque rien,
j’ai reconnu l’image de ma journée
et je me suis découvert heureux, comblé. »

Autoportrait au radiateur
Lundi 30 septembre

Christian Bobin

<1762>

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