Sidération !
Sidération devant les chiffres.
10% des adultes disent avoir été victimes de viol ou d’agression sexuelle dans l’enfance.
Le collectif féministe contre le viol a élaboré une autre statistique, sur l’ensemble des agressions qui lui sont rapportées chaque année, 30% dénoncent des violences qui ont eu lieu avant les 11 ans de la victime.
Autrement dit : 1 enfant sur 10 est victime de violences sexuelles.
Quand vous êtes devant une classe de 30 enfants, en moyenne il y a 3 victimes.
78% des victimes sont du sexe féminin, ce qui veut dire que pour les filles c’est 1 fille sur 6 qui est victime.
Ces chiffres très sérieux ont été donnés lors de l’émission <les matins de France Culture du 19 janvier 2021> et aussi la Grande Librairie du 13 janvier 2021 dont l’intégralité de l’émission n’est plus en ligne au moment où j’écris mais dont vous trouverez un extrait derrière ce lien < L’inceste, la fin du silence ?>
Ces émissions ont fait suite à la sortie du livre de Camilla Kouchner « La Familia grande » dans lequel, elle dénonçait les agissements de son beau-père, c’est-à-dire le second mari de sa mère, Evelyne Pisier, Olivier Duhamel.
L’invité des Matins de France Culture, Édouard Durand, magistrat, membre du conseil scientifique de l’Observatoire national de l’enfance en danger et ancien membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a confirmé ces chiffres et ajouté
« Ce que l’on sait, c’est que le nombre de victimes de violence sexuelle, dont 60 % d’enfants, en France est effarant. […] Et que le nombre de condamnation est extrêmement modeste. Et que ce nombre de condamnation a tendance à diminuer. Cela constitue, pour nous au Haut Conseil à l’Égalité, un système d’impunité des agresseurs. »
Le Figaro en se basant sur une étude de l’INED annonce des chiffres encore plus catastrophiques.
L’UNICEF analyse le phénomène sur la planète entière.
Il est difficile de croire ces chiffres.
Pourtant depuis la publication du livre, qui a été comme un électrochoc, des paroles se sont libérées. Et parmi celles et ceux qu’on connaît, il y en eut qui ont dit « moi aussi ».
Révélant ainsi plus justement la part de l’iceberg qui était caché à notre vue.
Et souvent, elles ou ils avaient parlé mais on ne les a pas cru.
On n’a pas cru à la parole des enfants. Mais comme le rapporte Edouard Durand, nous savons maintenant qu’il y a tant de crimes impunis dans ce domaine, que c’est en n’écoutant pas la parole des enfants, en ne la prenant pas en compte que le risque de commettre l’injustice est le plus élevé.
Indécence !
J’ai lu de ci de là et je me suis même disputé sur les réseaux sociaux avec des adeptes de cette thèse que Camilla Kouchner aurait écrit ce livre à un moment où les faits sont prescrits uniquement pour gagner de l’argent. Parce qu’étant donné les familles concernées, la réputation de l’accusé et l’emballement médiatique, le livre se vendrait très bien.
François Busnel a interviewé Camilla Kouchner, dans l’émission précitée et dont il existe un extrait de l’entretien <Ici>. Cet échange montre, si cela était nécessaire, la souffrance et la déchirure que l’inceste a constitué pour la fratrie et pour toute la famille.
Bien sûr, le fait que le père de la victime soit Bernard Kouchner, que l’accusé soit Olivier Duhamel , que la mère soit Evelyne Pisier et la tante Marie-France Pisier ne peut qu’avoir un écho médiatique et assurer une promotion du livre.
Mais comme le mouvement qui l’a suivi le montre, c’est parce que Camilla Kouchner a accepté ou plutôt a senti la nécessité de mettre cette affaire sur la place publique, qu’il a été possible de consacrer autant de temps à ce qu’Edouard Durand appelle « un crime généalogique » et que tant d’autres victimes ont cru possible de dévoiler leur vérité et rendre d’autant plus crédible à nos yeux l’ampleur de ce crime fait à l’enfance, à l’enfant qui est une personne vulnérable.
Et puis Guillaume Erner pose la bonne question :
« Si ce genre de livre existe, c’est parce que la justice ne passe pas comme elle devrait passer ? »
La réponse du magistrat est sans nuance :
« Oui, bien sûr. Le Haut conseil à l’égalité, et particulièrement la Commission violences alerte les pouvoirs publics sur la nécessité de modifier la loi pour que les enfants soient mieux protégés contre les violences sexuelles et contre toutes les formes de violences.
Et que particulièrement la procédure judiciaire parvienne à mieux prendre en compte la souffrance des enfants pour interrompre le cycle de la violence. »
Colère !
Colère contre Alain Finkielkraut et tous ses semblables qui osent évoquer dans cette affaire d’inceste la question du consentement.
Il a beau avoir condamné l’acte d’Olivier Duhamel, il n’avait pas de «consentement» ou de «réciprocité» à évoquer.
Il s’agit d’autorité, d’emprise il ne peut être question de consentement.
C’est justement cette confusion, dans laquelle on prétend que dans une telle situation il est possible d’aller chercher le consentement de l’enfant, qu’il y a l’acceptation de l’inacceptable.
Dans la deuxième partie de la Grande Librairie du 13 janvier dont vous pouvez voir <ici> un extrait déjà cité, François Busnel avait invité :
- Muriel Salmona qui est la présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie et qui a publié « Livre noir des violences sexuelles », aux éditions Dunod.
- Marie-Pierre Porchy qui a été juge des enfants et qui est aujourd’hui retraitée. Elle avait publié en 2003, « Les silences de la loi »
Et aussi le philosophe Marc Crépon auteur de « La société à l’épreuve des affaires de mœurs. ».
Pour Marie-Pierre Porchy, dans un inceste : « Le consentement d’un enfant cela n’existe pas »
Et elle précise que judiciairement :
« Tout reste régi par une Loi qui oblige à démontrer, « violence, menace contrainte surprise ».
Ce qui a pour conséquence, en pratique, le plus souvent d’obliger l’enfant à démontrer le non consentement.
Or elle pose cette règle avec laquelle pour ma part je suis totalement en accord :
« Une relation sexuelle avec un enfant n’est jamais négociable. Jamais, Jamais ! »
Le père d’Albert Camus disait : « Un homme ça s’empêche »
Dans le journal du dimanche la même Marie-Pierre Porchy dit :
« La loi demande à l’enfant victime d’inceste en quoi il était contraint, alors qu’il exécute ce qu’on lui demande simplement parce que c’est un enfant. Il ne dit ni oui ni non, mais il monte dans la chambre… Il faut éliminer cette notion de consentement pour que les enfants puissent se réparer dans le cadre de l’action judiciaire. L’agresseur, quand il reconnaît les faits, rejette en général la responsabilité sur la victime, qui se sent coupable de n’avoir pas dit non. Cette dynamique judiciaire perverse vient anéantir tout travail de reconstruction psychologique. Il faut tout revoir dans la loi, pas seulement un petit article sur les viols, et faire évoluer nos pratiques. »
Et je finirai pour ce premier mot du jour consacré au crime générationnel par l’incompréhension de l’auteure des « silences de la Loi » exprimée dans l’émission de la Grande Librairie
« Je ne comprends pas qu’aujourd’hui on ne peut pas arriver à écrire [dans la Loi] : une relation sexuelle avec un enfant est puni de … »
<1525>
Merci de cette saine colère !
Merci Alain
Comment un état transforme le droit des enfants à l’innocence en droit sexuels pour des adultes malades, je voudrais citer le magistral travail d’Ariane Bilheran https://www.arianebilheran.com son livre « L’imposture des droits sexuels » m’a fait comprendre combien cette dérive s’est profondément installée dans notre société… Ne pas le voir, ne le dire ne sont certainement pas la solution…