Mercredi 1er avril 2015
« il me paraît si aisé de vous percer, tant vous ressemblez aux Princes que j’ai côtoyés tout au long de ma vie dans ce pays ;
donc, oui, Monseigneur, vous avez raison, mais par vos esquives, ne seriez-vous point le premier et le plus grand responsable de l’immobilisme ? »
donc, oui, Monseigneur, vous avez raison, mais par vos esquives, ne seriez-vous point le premier et le plus grand responsable de l’immobilisme ? »
Le Fantôme de Necker à François Hollande
dans le roman « Le fantôme de l’Elysée » de Philippe Dessertine, .
Visite impromptue du baron Necker à François Hollande
dans le roman « Le fantôme de l’Elysée » de Philippe Dessertine, .
Visite impromptue du baron Necker à François Hollande
Michel Slatkine est un éditeur suisse qui adore la France et l’Histoire de France et qui en plus regarde la télévision française.
Un soir il regarde une émission où il entend l’économiste français Philippe Dessertine parler de la dette française et des réformes qui ne sont pas réalisées.
Cet homme de culture pense immédiatement à un ouvrage historique <Le compte rendu au roi du baron Necker>. Ouvrage de 1781 où Necker explique au roi comment faire des économies sur les dépenses ordinaires du Royaume.
Michel Slatkine via les éditions Albin Michel convainc alors Philippe Dessertine d’écrire un ouvrage moderne qui serait le compte rendu au président.
Philippe Dessertine va répondre à cette commande par une fiction : une visite du fantôme de Necker à François Hollande la veille d’une conférence de presse.
Il va décrire un dialogue entre ce fantôme de Necker et le président actuel, en cherchant à lui montrer toutes les analogies qui existent entre son époque et l’époque actuelle.
Il explique que des réformes auraient pu et dû être faites mais ne l’ont pas été et qu’en conséquence les choses ont mal fini.
Et il donne cette réplique : «vous ressemblez aux Princes que j’ai côtoyés tout au long de ma vie dans ce pays »
« Monseigneur, il faut se résoudre à agir ainsi que je n’ai point su le faire : aller vite, avec la plus grande énergie. Réformer la dépense revient à réformer ce qui touche le souverain au plus près, dans son quotidien, dans l’exercice même de son ministère. »
Le Président hoche la tête en signe d’assentiment.
« Je partage votre diagnostic. En totalité, cher Monsieur, et je crois me trouver dans une difficulté aussi grande que celle à laquelle vous avez dû faire face. Avec le recul, quel serait selon vous l’axe majeur du changement ?
– Il est simple, il fut celui d’ailleurs qui me donna tant de cette popularité immense et dangereuse que m’accorda le peuple quand il cherchait d’abord des coupables et moins des solutions. » Ses yeux pétillent : « Si vous saviez combien je déçus mes zélateurs en 1790, quand je m’empressai de leur exposer les moyens de rétablir la situation du pays…
– Dites vite, je vous prie.
Je suis suspendu à vos lèvres…
– Supprimer les exceptions, les dérogations de toutes sortes. Le service de l’État ne se monnaye pas, il ne doit pas procurer d’avantages indus. Il vaut mieux concentrer l’essentiel de la force d’un pays dans la production de richesse. Le conseil est celui d’un financier : plus la dette est élevée, plus la préoccupation première du débiteur est de dégager de la capacité à rembourser.
– Dans les avantages, vous pensez aussi à des régimes de retraites ou à un temps de travail réduit, par exemple ?
– Retraites, c’est-à-dire pensions ? Croyez-en ma recette : réductions, coupes uniformes ne laissant aucun statut à l’écart des bouleversements. L’uniformité des régimes est la seule vraie grande idée, ce sera celle que combattent tous ceux bénéficiant d’une exception.
– Au-dedans de la fonction publique et à l’extérieur, nous sommes d’accord ?
– Certes. Il faut porter le fer partout à la fois. Monsieur Turgot n’hésita point à s’attaquer aux corporations, protégées par des textes et surtout par leur farouche volonté de ne point s’ouvrir
– Les corporations… Oui, nous avons changé la dénomination, “les professions réglementées”, mais nous avons conservé le problème. Dans cette direction aussi, vous me conseilleriez de passer à l’offensive ?
– En ayant bien consolidé vos arrières. Monsieur Turgot dut reculer en rase campagne pour avoir mésestimé les pouvoirs établis. Mais vous voyez que lui et moi n’étions point si éloignés. Je me suis attelé à mon tour au principe d’égalité de traitement, d’égalité de prélèvement.
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– Savez-vous, cher Monsieur Necker, que votre langage devient soudain très moderne ?
– Malheureusement ce sont nos faiblesses qui me semblent vous concerner davantage encore. J’ai l’idée que je suis ici pour les expier. Monseigneur, pardon de vous parler crûment, il m’apparaît avec plus de clarté que vous êtes victime du même travers, celui de feu mon Roi.
– Vous voyez, vous aussi finissez par me dire mollasson !
– Plaît-il ?
– Une expression d’aujourd’hui… manque de courage, indécision.
– Peu importe, Monseigneur, ce que je pense ou ce que l’on dit derrière votre dos. Ces défauts sont-ils les vôtres ?
– Le climat général du pays peut favoriser mes mauvais penchants. Comment les réformes visant à réduire la dépense ont-elles échoué, à votre époque ?
– Par tous les moyens possibles : l’obstruction dans les parlements et les débats interminables.
– Oui, les amendements, nous connaissons encore, nous avons quelques spécialistes en la matière.
– Les influences de toutes parts, exercées par les Princes, les hommes de Dieu, la Reine, les grands capitaines…
– D’accord, oui, les lobbies, en effet, nous avons modernisé ces jolies pratiques, mais elles sont toujours présentes.
– Et les actions à l’opposé des directives données par le Roi, la désobéissance, vous les connaissez aussi ?
– Le jour où la France saura dégager autant d’énergie pour se changer en profondeur qu’elle en mobilise pour ne pas bouger, elle redeviendra l’une des plus grandes puissances du monde. »
Le vieil homme hoche la tête de nouveau. Il lève la main lentement et pointe son doigt vers le Président.
« Ce que vous dites est vrai, Monseigneur. Mais il me paraît si aisé de vous percer, tant vous ressemblez aux Princes que j’ai côtoyés tout au long de ma vie dans ce pays ; donc, oui, Monseigneur, vous avez raison, mais par vos esquives, ne seriez-vous point le premier et le plus grand responsable de l’immobilisme ? »
« l’intérêt de l’ouvrage est ailleurs… il est de nous montrer que les interrogations sur le niveau des prélèvements obligatoires, sur le choix de l’endettement, la propension court-termiste pour la dépense, sont autant d’obstacles à une réforme structurelle et en profondeur de la sphère publique. La libéralisation de la croissance, la lutte contre les corporatismes et le capitalisme de connivence, les rentes de situations sont également des éléments puissants du livre, que l’auteur rapproche utilement des guildes, manufactures et autres fabriques placées opportunément dans la bouche de son ministre des finances visiteur du soir. »
En ce jour du premier avril, plutôt qu’un poisson d’avril, cette fiction me parait bienvenue puisqu’elle nous entraîne vers des interrogations salutaires.