Mardi 16 juin 2015

«Que votre aliment, soit votre médicament»
Hippocrate

Hippocrate né vers 460 av. J.-C. et mort vers 370 av. J.-C., est un médecin grec du siècle de Périclès, mais aussi philosophe, considéré traditionnellement comme le « père de la médecine » car il est le plus ancien médecin grec sur lequel les historiens disposent de sources, même si celles-ci sont en grande partie légendaires et apocryphes.

Il a fondé l’école de médecine hippocratique qui a révolutionné intellectuellement la médecine en Grèce antique, en instituant cet art comme une discipline distincte des autres disciplines de la connaissance auxquelles elle avait traditionnellement été rattachée [source Wikipedia]

Mon amie Florence m’a fait découvrir ce morceau d’anthologie <Le Professeur Joyeux explique comment l’alimentation permet de lutter contre le cancer ou à le favoriser>

Vous rirez beaucoup et vous apprendrez un certain nombre de choses.

C’est lui qui à la fin de cette intervention cite le mot du jour et aussi un propos du biologiste Jean Rostand :

« Il vaut mieux un bon menu qu’une ordonnance»

Il affirme avec assurance que le lait de vache est très mauvais pour notre organisme ainsi que l’excès de gluten.

Il conseille de manger de bons aliments bio et de proximité et de préférer les aliments qui nécessitent une bonne mastication. Il faut d’ailleurs beaucoup mastiquer avant d’avaler.

Le professeur David Khayat, a publié en octobre 2014, <Prévenir le cancer, ça dépend de vous> où il insiste aussi énormément sur l’alimentation.

Il était l’invité d’Anne Sinclair et je l’ai écouté attentivement : http://www.europe1.fr/emissions/l-interview/david-khayat-linterview-integrale-941864

Avec la même assurance que le professeur Joyeux, il énumère les aliments qui préviennent le cancer :

  • Le jus de grenade
  • Le thé vert
  • Le curcuma
  • Le café
  • La tomate
  • Le brocoli
  • Le vin rouge

Ces deux professeurs sont des sommités :

Henri Joyeux, né en 1945 est professeur des universités-praticien hospitalier de cancérologie et de chirurgie digestive à l’université Montpellier.

David Khayat (né en1956) est un oncologue français. Chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris depuis 1990, il est également professeur de cancérologie à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI)  et professeur adjoint au Centre médical MD Anderson à Houston au Texas (États-Unis). Il a été élu membre du conseil de direction de l’American Society of Clinical Oncology en 2013. Organisateur du Sommet Mondial contre le Cancer à l’Unesco, il est à l’origine de la Charte de Paris contre le Cancer.

Ils donnent de bons conseils : manger lentement, des bons produits, bien mastiquer etc…

Et ils établissent un lien direct entre la maladie et notamment le cancer et l’alimentation. Il est possible, probable (?) qu’ils aient raison et qu’une bonne alimentation, comme le disait Hippocrate, permet de prévenir des maladies.

Mais c’est ensuite qu’il y a un problème : Ils affirment et se parent de l’autorité de leur professorat que tel aliment a telle vertu et tel autre est nocif.

L’esprit fécond du doute (mot du jour du 3 mars 2015) m’oblige à vous révéler, si vous ne le savez déjà, que ces affirmations ne présentent aucune des garanties de la démarche scientifique.

La dernière fois que j’attendais dans la salle d’attente de mon médecin traitant, j’ai parcouru une revue scientifique qui dévoilait une enquête qui analysait les études alimentaires. Dans un premier temps elle comparait, selon les études, les effets positifs ou négatifs des aliments : le lait, le vin, le café, le thé et quelques autres. Cette enquête constatait que les études pour chacun de ces aliments  qui trouvaient un effet bénéfique étaient de manière très équilibrée contredites par des études qui trouvaient un effet nocif. Je pense d’ailleurs qu’intuitivement vous aviez déjà constaté ce fait : que des études portant sur la nutrition se contredisaient.

Par suite cette revue révèle qu’en réalité pour pouvoir faire des études sérieuses sur la conséquence de la consommation de certains aliments, la durée d’observation, l’échantillon à examiner comme les conditions sont si contraignantes que ces études présentent un coût exorbitant que personne n’accepte de payer.

Les laboratoires n’y ont pas intérêt, ils veulent vendre leurs médicaments, s’il existe des aliments qui pourraient en partie s’y substituer il vaut mieux ne pas les connaître.

La recherche publique est de plus en plus pauvre, elle ne considère pas ce domaine comme prioritaire.

Je m’en suis ouvert à mon médecin et au nutritionniste que je fréquente désormais (pour élargir mon panel de médecins) qui m’ont confirmé ce point que les études qui sont faites ne présentent pas de caractère scientifique et c’est la raison principale pour laquelle elles se contredisent.

Mon nutritionniste a fait une réflexion qui me semble de bons sens et même avoir un caractère scientifique :  Si une étude démontre que la consommation quotidienne d’un litre et demi de lait (c’est une des études qui a été faite) présente des effets négatifs sur la santé, cela ne peut que prouver que la consommation excessive de lait n’est pas bonne, mais pas la simple consommation de lait.

D’ailleurs tout excès est mauvais. Mon nutritionniste m’a appris qu’une vraie étude scientifique avait été réalisée par un laboratoire qui visait à démontrer que les suppléments alimentaires notamment en termes de vitamines que le laboratoire vendait, étaient bénéfiques pour la santé. Cette étude a montré le contraire, il n’est pas bénéfique pour la santé d’apporter un surplus de vitamines ou d’autres éléments nutritionnels. Combler les carences oui, mais donner plus non ! Il semblerait que cette étude a découragé toute étude sérieuse complémentaire.

Donc quand ces sommités parlent avec assurance sur ces sujets, ils expriment une croyance, une foi, une intuition non pas une connaissance scientifique.

<Vous trouverez ici un article de Libération sur différents thèses alimentaires notamment celles du professeur Khayat>

<Ici un autre article critique notamment sur les thèses du Professeur Joyeux> sur un site qui a pour nom : «les pseudos sciences».

Tout ceci ne doit pas nous décourager de manger sainement et de bons  aliments, diversifiés, équilibrés et sans excès.

Ce mot du jour n’a d’autre vocation que de dénoncer des propos excessifs et non démontrés que prononcent certaines blouses blanches du haut de leur réputation.

En attendant ils vendent des livres et d’autres prestations qui abondent leur patrimoine.

<515>

Lundi 15 juin 2015

Lundi 15 juin 2015
«L’uberisation du monde»
Maurice Levy
C’est le patron de Publicis, Maurice Levy, qui a inventé ce concept dans un entretien accordé au Financial Times. Il a dit précisément «Tout le monde a peur de se faire ubériser, de se réveiller un matin pour s’apercevoir que son business traditionnel a disparu ».
Garrett Camp qui a fondé UBER avait pour objectif  de réduire le nombre de véhicules particuliers et de devenir acteur d’un écosystème de transports partagés. Noble entreprise !
Le cœur du produit est une application lancée à San Francisco en 2010 sur iOS (apple) et Android(les autres smartphones et tablettes) pour mettre en relation des personnes souhaitant être véhiculées et des chauffeurs de voitures.
Quand on saisit Uber sur son ordinateur et qu’on clique sur le premier résultat on tombe sur ce site :
Dans un premier temps Uber a mis en relation des clients avec des VTC (voiture de transport avec chauffeur) qui sont des exploitants professionnels. Depuis ils ont fait mieux en créant UberPop qui met en relation des clients et des simples particuliers transformés en chauffeurs
Bien sûr pour le consommateur c’est un service facilement accessible et moins cher que les taxis.
Pour l’entreprise Uber c’est aussi un service très lucratif. Dans cet article vous lirez que UBER double son CA tous les 6 mois et qu’elle a vraiment la côte auprès des investisseurs.
Pour le chauffeur VTC nous sommes dans l’univers de l’autoentrepreneur, précaire et qui peut gagner convenablement sa vie en travaillant plus que beaucoup : http://rue89.nouvelobs.com/2014/02/20/pierre-chauffeur-vtc-a-paris-3-460-euros-mois-monde-requins-250117
Donc si vous êtes consommateur et que vous avez un emploi, au sens classique de ce terme, et que vous gagnez convenablement votre vie, vous êtes très content de faire appel à Uber. Mais un jour, comme le dit Maurice Levy, vous allez avoir une surprise : votre métier aura été ubérisé. Vous trouverez une analyse de cette évolution dans cet article de l’Expansion  :  http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/l-economie-francaise-va-t-elle-se-faire-uberiser_1635189.html#fstmMWEvzOhGeZZG.99
Quelques extraits : « Concurrencés par les VTC, les taxis ont peur de disparaître. Concurrencés par Airbnb, les hôteliers peinent à remplir leurs chambres. Amazon menace les libraires et les éditeurs. Google tient la presse sous assistance publicitaire. Des professions, installées depuis des lustres, découvrent qu’elles sont fragiles. Dans un entretien accordé au Financial Times, le PDG de Publicis, Maurice Lévy, résume: « Tout le monde commence à avoir peur de se faire uberiser. De se réveiller un matin pour s’apercevoir que son business traditionnel a disparu ». Mais Uber n’effraie pas que les patrons.
La nouvelle économie digitale ne s’attaque pas seulement aux professions en voie de vieillissement. Les auteurs d’un rapport sur la fiscalité des géants du Web, remis au ministère des Finances en 2013, signalaient que « les gains de productivité générés par l’économie numérique ne se traduisent pas par des recettes fiscales supplémentaires pour les grands Etats ». Les bénéfices fuient les pays développés pour les paradis fiscaux. En cause, un droit fiscal « inadapté ». Pierre Collin et Nicolas Colin, les rapporteurs, mettaient en garde contre une « spirale mortifère ». Le numérique gagnant tous les secteurs d’activité, les marges pourraient être délocalisées et manquer au PIB. Une situation « sans précédent historique », prévenaient-ils.
C’est aussi contre une « distorsion fiscale » que met en garde l’économiste de l’OFCE Guillaume Allègre, à propos des stars de l’économie collaborative que sont Uber et Airbnb. Dans un post de blog sur Libération.fr, il met en garde: l’économie collaborative risque d’entraîner une « perte sociale importante ».
Airbnb s’attaque à « la rente » des propriétaires d’hôtels bien placés au centre-ville, ce qui est favorable au consommateur. Mais le fait que le « travail collaboratif » du propriétaire qui loue son bien ou du locataire qui le sous-loue ne soient pas soumis aux mêmes charges que celui de l’hôtelier est une « distorsion », qui devient « maximale » à mesure que le travail collaboratif devient plus courant – à plus forte raison s’il n’est pas déclaré.
Attention, avertit également Guillaume Allègre: l’économie collaborative ne bénéficie pas des économies d’échelle de l’économie traditionnelle. Le travail collaboratif occasionnel étant « très peu productif », il est aussi « très peu rémunéré ». Pour le plus grand profit des tycoons du secteur
[En anglais, tycoon signifie magnat ou homme d’affaires prospère (appelé autrefois également nabab).]
« Le travail collaboratif crée une distorsion fiscale très importante avec le travail salarié, précise Guillaume Allègre à L’Expansion. Il réduit l’avantage d’avoir un emploi salarié, puisque les micro-revenus qu’il procure sont parfois cumulables avec le chômage ou des allocations parentales. On risque d’avoir une économie à deux vitesses, avec d’un côté des salariés à plein temps, de l’autre des précaires qui cumulent des micro-revenus ».
Si le travail collaboratif se répand, d’aucuns seront tentés de rester plus longtemps hors-emploi salarié, augmentant d’autant la charge des cotisations sociales des salariés. Une situation intenable à long terme, surtout si les bénéfices des entreprises qui emploient ces nouveaux travailleurs ne participent pas assez aux recettes sociales et fiscales. « Le statut d’auto-entrepreneur a, le premier, creusé une brèche dans la norme de la société salariale », rappelle Guillaume Allègre. Auto-entrepreneur, précisément le statut de nombreux chauffeurs Uber… Le CDI et ses charges sociales importantes? De l’histoire ancienne pour l’économie du partage. »
Je cite : «Cette crainte, on la retrouve chez les chauffeurs de taxis face à la concurrence d’Uber et de ses services de VTC (Voitures de transports avec chauffeurs). Alors, ce que fait Uber, c’est de mettre directement en relation le consommateur qui a besoin de se déplacer avec des chauffeurs indépendants. Ils ne sont ni des artisans taxis, qui ont besoin d’acheter à prix d’or leurs licence, ni des salariés d’une compagnie de taxi.
Et c’est un peu le même modèle qu’on retrouve avec Airbnb, qui vous permet de louer une chambre ou un appartement directement auprès du propriétaire. C’est de l’économie collaborative.
A la base de ce phénomène, il n’y a pas de nouveaux services, il s’agit toujours d’aller d’un point à un autre dans une voiture ou encore de trouver une chambre pour un week-end ou quelques jours de vacances. Rien de neuf sous le soleil.
Ce qui est nouveau, et ça n’est possible que grâce à la révolution numérique, aux smartphones et aux applications, c’est la désintermédiation, plus besoin de passer par une société de taxi, plus besoin de passer par un hôtel. Entre le client et le service dont il a besoin,  il n’ y a plus qu’un clic, et qui dit moins d’intermédiaires, dit aussi moins de coût et donc des tarifs attractifs.
Le succès d’Uber est évidemment l’exemple le plus criant. Créée en 2009, l’entreprise est aujourd’hui présente dans 58  pays, génère un milliard de chiffre d’affaire et représente une valorisation boursière de 40 milliards de dollars, c’est colossal, c’est plus que toutes les compagnies aériennes américaines réunies. Une uberisation qui s’étend peu à peu à tous les secteurs de l’économie. C’est en effet le cas pour les transports et l’hôtellerie mais les acteurs de cette uber économie ont déjà d’autres idées en tête. Aux Etats-Unis, Uber  expérimente ainsi un service de livraison à domicile et Amazon, le géant de l’internet a lancé une plateforme de services à la personne : travaux d’électricité, plomberie, jardinage ou encore cours de maths ou de yoga.
L’uberisation de l’économie, à terme, c’est aussi celle du monde du travail. Cette « uber économie » n’a plus besoin de salariés, seulement d’une force de travail disponible au coup par coup. Des travailleurs indépendants donc, mais précarisés et privés des avantages du salariat (protection sociale et salaires  fixes). Au fond, l’uberisation de l’économie, c’est l’avènement de l’auto-entrepreneur. En France, ils sont déjà près d’un million, au Royaume-Uni, plus de 4 millions soit près de 15 % des travailleurs, quant aux Etats-Unis, certaines études (MBO Partners) prédisent que d’ici 2020, c’est à dire demain, il y a aura plus d’auto-entrepreneurs que de salariés.»
Ces évolutions semblent inéluctables.
Force est de constater que notre modèle économique et social  actuel va être violemment secoué.
Comment financer la santé, la retraite et tous les autres pans de notre Etat Social avec une économie uberisé ?

Vendredi 12 juin 2015

Vendredi 12 juin 2015
«C’est La chaine de la vie contre la chaîne de la mort»
Dounia Bouzar
Dounia Bouzar, est anthropologue du fait religieux. Elle a créé en avril 2014 le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam : http://www.cpdsi.fr/
Elle était l’invité du 7/9 de France Inter du 14 mai 2015 : < http://www.franceinter.fr/emission-le-79-dounia-bouzar >
C’est à la fin de cette émission qu’elle a eu ce mot «C’est La chaines de la vie contre la chaîne de la mort, Nous sommes tous acteurs et nous nous donnons la main»
Parce qu’elle explique que lorsque des jeunes sont embrigadés dans cette dérive sectaire, il n’est plus possible de les atteindre par un discours rationnel. La seule possibilité, selon elle, de les faire évoluer est de renouer les liens d’affection avec la famille proche et notamment les parents.
Elle confirme le nombre important de convertis dans cette dérive, c’est à dire des jeunes qui ne sont pas nés dans des familles musulmanes. L’islam dans ce phénomène n’est pas déclencheur, mais utilisé parce qu’on trouve aujourd’hui dans cette religion des « fous de Dieu » qui l’instrumentalise pour en faire une utopie meurtrière.
Elle raconte aussi que les commanditaires, ceux qui envoient les autres se faire tuer, alors qu’eux même se protègent, utilisent tous les stratagèmes pour pousser des jeunes vers le terrorisme et la mort. Elle a évoqué ainsi une jeune fille qui avait perdu son frère et en était très malheureuse. Des djihadistes sont arrivés à la convaincre que le meilleur moyen de le rejoindre rapidement  était de mourir en martyr, elle pouvait alors tout « en plaisant à Dieu » accélérer ses « retrouvailles » avec son frère.
Beaucoup de témoignages pendant l’émission ont montré des parents qui avaient pu renouer le fil perdu avec leurs enfants grâce à l’organisation mise en place par cette femme..
Dans ce même article elle détaille aussi les 4 degrés dans l’indication de la rupture :

Premier degré : le jeune ne fréquente plus ses anciens amis car ils sont impurs, ne sont pas dans le vrai.

Deuxième degré : le jeune arrête ses activités de loisirs – le sport, la peinture, la musique… –, car elles sont le produit de Satan.

Troisième degré : la rupture scolaire, car l’école enseigne les valeurs de Satan.

Quatrième degré : la rupture parentale, lorsque l’autorité du groupe se substitue à elle.

J’ai trouvé cette femme très intéressante et particulièrement investie dans ce noble combat qui peut surgir, sans qu’on s’y attende, dans nos familles.
Certains articles sont plus critiques et montre la complexité du personnage tout en reconnaissant son travail positif sur la cause qu’elle défend. Par exemple : http://rue89.nouvelobs.com/2015/03/12/dounia-bouzar-lexperte-derives-djihadistes-arrangeuse-verites-258151
S’il existe des saints, ils ne sont pas sur terre. Ici il n’y a que des femmes et des hommes avec leurs forces et leurs faiblesses. Aimons à regarder leurs forces.

Jeudi 11 juin 2015

Jeudi 11 juin 2015
« Le XXIe siècle sera le siècle de l’autoritarisme. »
Ralf Dahrendorf
Sociologue allemand (1929-2009)
En réalité, le parti AKP est très largement majoritaire, seulement il n’a pas plus la majorité absolue et il ne pourra probablement pas modifier la constitution comme le souhaitait Erdogan. Ce dernier voulait, en effet, donner plus de pouvoir au Président, poste qu’il occupe.
Nous verrons bien comment Erdogan va surmonter cette difficulté. Il est possible que pour obtenir la majorité absolue il s’allie à un Parti ultra nationaliste, ce qui constitue une perspective peu réjouissante.
Mais Erdogan est un de ces gouvernants qui semble donner corps à la prédiction d’un sociologue allemand qui a écrit « Le XXIe siècle sera le siècle de l’autoritarisme. » Ahmet Insel a décrit cette dérive autoritaire dans son dernier livre  <La nouvelle turquie d’Erdogan, du rêve démocratique à la dérive autoritaire> qui vient de paraître aux éditions La Découverte. Il était l’invité de Nicolas Demorand pour parler de ce livre : http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-la-nouvelle-turquie-derdogan-une-turquie-a-deux-visages
Dans un autre épisode de la même émission Nicolas Demorand avait invité Christophe Jaffrelot pour parler de la puissance indienne lors de la visite officielle que Narendra Modi, le premier ministre indien avait effectué en France. Jaffrelot n’avait pas évoqué Dahrendorf, mais avait parlé du régime indien comme d’une forme dégradée de la Démocratie
http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-la-puissance-indienne-en-questions
Christophe Jaffrelot donne la définition de ce nouveau type de démocratie : «Les électeurs sont encore en mesure de sortir les sortants, ce qui n’est pas rien et n’existe pas par exemple  en Chine ou en Iran bien qu’il y ait des élections dans ces deux pays.
Mais notre acceptation de la démocratie va bien au-delà : Séparation des pouvoirs, liberté de la presse, justice indépendante. » Toutes choses qui n’existent pas ou de manière très amoindrie dans ces régimes. En outre, il apparaît un point commun entre ces différents régimes autoritaires : «Une Relation très forte entre les milieux d’affaire et les gouvernants. ». Ce dernier point entraînant une corruption encore accrue par rapport aux autres démocraties.
Outre la Turquie D’Erdogan, l’Inde de Modi, nous avons aussi la Russie de Poutine, la Hongrie d’Orban qui sont sur ce chemin où le peuple abandonne sa souveraineté et les protections des régimes libéraux à un autocrate.
Ce type de démocratie menace t’elle de s’implanter en France ? Certaines fractions de la population y aspirent-elles ? Certains hommes politiques en rêvent-ils ?

Mercredi 10 juin 2015

Mercredi 10 juin 2015
« Dans une prison, on peut toujours retrouver la liberté intérieure pourvu qu’on se consacre aux études »
Robert Badinter
Parole qu’il a dite au dernier condamné à mort en France après qu’il fut sûr qu’il ne serait pas exécuté.
La peine de mort a été abolie en France en 1981, Robert Badinter avait été nommé Ministre de la Justice pour réaliser cette évolution de notre législation et ce progrès de l’Humanité.
Il semblerait, selon certains sondages récents, que les français seraient de nouveau favorables à ce crime institutionnel.
Quand la France a aboli la peine de mort elle a été le 35ème Etat dans le Monde mais le dernier de L’Europe occidentale : L’Allemagne ce fut en 1949, La Grande Bretagne en 1973, L’Italie en 1947 et l’Espagne en 1978, La Suède en 1921 !
Aujourd’hui on est à 99 Etats abolitionnistes. Sur les restants plus de la moitié sont abolitionnistes de fait : ils n’exécutent plus.
L’abolition n’a cessé de croître.
Un de nos concitoyens Serge Atlaoui est condamné à mort en Indonésie parce qu’il a travaillé à l’installation de machines industrielles (il est artisan soudeur) qui servait à fabriquer de la drogue, ce qu’il prétend avoir ignoré.
A cette occasion Robert Badinter avait été invité pour reparler de son combat contre la peine de mort. :  http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/le-club-de-la-presse/sons/europe-soir-le-club-de-la-presse-29-04-15-2441003
Il a, comme toujours, défendu avec chaleur et conviction son combat pour l’abolition.
Et il a évoqué sa rencontre, le lendemain e la victoire de François Mitterrand avec le dernier condamné à mort français qui attendait son exécution : Philippe Maurice.
Le mot du jour est une des paroles qu’il lui a dite ce jour là
« Le lendemain de l’élection de Mitterrand […] je suis allé à la maison d’arrêt de Fresnes où il était dans la cellule des condamnés à mort.
Je lui ai dit votre vie est sauvée vous allez devenir le symbole de l’abolition. Alors vous pouvez encore rêver d’une évasion et rejoindre ce que vous avez fréquenté jusqu’alors et c’est un désastre pour l’abolition.
Pensez aux autres. Vous savez vous êtes très intelligent,
Rappelez-vous : Dans une prison, on peut toujours retrouver la liberté intérieure pourvu qu’on se consacre aux études ce que vous êtes capable. »
« Trois décennies plus tard [après 1981], œil vif et tempes grises, le “symbole” se porte bien. Libéré en 2000, on le cite en modèle de réhabilitation, parfait contre-exemple d’un Patrick Henry. Désormais spécialiste du Moyen-Âge, Philippe Maurice anime un séminaire à l’Ecole des Hautes Études de Paris. La violence de l’univers carcéral, qu’il ne cesse de dénoncer, n’a pas eu sa peau. Par quel miracle ? “J’ai décidé, un jour, de ne plus me laisser porter par la haine.” Se cultiver, en purgeant sa longue peine, au lieu de cogner les poings contre les murs : “J’ai découvert la joie d’apprendre.”
Malgré les railleries et brimades d’un entourage hostile, le taulard se met à étudier. Seize heures par jour, comme un damné… Il assimile le latin, se plonge dans les antiques registres des notaires de Lozère. L’administration a bien voulu lui accorder un lecteur de microfilms. Il s’évade dans la guerre de Cent Ans. Jacqueries, famines, épidémies et saints pèlerinages constituent son univers quotidien. À fréquenter ainsi le temps des cathédrales, il finit par bâtir la sienne : une thèse de 1200 pages sur “la famille en Gévaudan au XV e siècle”. En 1998, bénéficiant d’une permission spéciale, il ira la soutenir – sous escorte – à l’université de Tours. Et “l’irrécupérable” devient docteur en Histoire médiévale, félicitations unanimes du jury. Avec ce compliment, jamais oublié, d’un professeur de la Sorbonne : “Merci, vous m’avez rendu plus intelligent.”
Un condamné à mort touché par la grâce ? Uniquement sur le plan juridique, alors. Parce que Dieu ne lui parle guère et l’angélisme non plus : “Ce n’est pas le système pénitentiaire, parfaitement destructeur, qui a permis ma réinsertion. Plutôt la main tendue par de rares individus, dont deux sous-directeurs de maison d’arrêt…”
À 55 ans – intellectuel reconnu par ses pairs, heureux papa d’une fillette – le rescapé voit le monde sous un nouveau jour. “J’ai même quelques amis magistrats”, admet-il dans un sourire. On le sent lucide, apaisé, prêt à affronter des bonheurs ordinaires… Son édifiant parcours, pourtant, lui impose des obligations : “On me sollicite beaucoup, je milite au sein d’une association pour l’abolition universelle. C’est bien le moins…” »
L’ex-détenu, jadis promis à la décapitation, a gagné ses galons de citoyen. Enfin, presque : «Je reste privé de mes droits civiques »

Mardi 9 juin 2015

Mardi 9 juin 2015
« Ils sont fous ces Coréens »
Eric Surdej
Éric Surdej a été, pendant dix ans, d’abord directeur général, puis président de la filiale française du coréen LG. Il a raconté son expérience dans un livre publié chez Calmann-Lévy « Ils sont fous ces Coréens !»
Ainsi il pose la question :  « Savez-vous à quoi on reconnaît une entreprise coréenne ? ». La réponse est : « à l’emplacement du bureau de son président : juste au-dessus de l’entrée. C’est moins pour lui une façon de montrer son leadership sur sa société… que de surveiller les entrées et les sorties des membres du personnel. Flicage indispensable pour un manager coréen censé connaître parfaitement le temps que ses employés passent à leur travail.»
Ainsi dans un commentaire du Point on lit : « Ce qu’il raconte des méthodes de travail des Coréens est tellement excessif et stupéfiant que cela en devient comique. Au point que l’on finirait par trouver réconfortantes les folies du nouveau secrétaire général de la CGT réclamant pour les Français une semaine de 32 heures, ou les idées baroques des jeunes socialistes plaidant pour généraliser une année sabbatique à tous les salariés afin de réduire le poids du chômage.
Car dans une entreprise coréenne, même installée en France, la moyenne du temps de travail est de dix à douze heures par jour. Samedi compris. Des journées entrecoupées, il est vrai, de deux pauses de 40 minutes à la cantine de la firme. L’une pour le déjeuner, à midi précis, l’autre pour un dîner à 18 heures. Mais ce ne sont pas là de vrais moments de détente puisqu’il est exclu de parler avec ses voisins de table d’autre chose que du travail et de ceux qui le font. À condition que ce soit pour les dénigrer. Dans ces conditions, rien de surprenant à ce que l’Inspection du travail vienne enquêter et inflige souvent des pénalités à la société coréenne, qui n’en tient aucunement compte, joue la montre, multiplie les appels et préfère à la fin payer plutôt que de se remettre en question.
Le pire tient peut-être dans la façon de noter les collaborateurs. Sans qu’intervienne aucun critère objectif ni même qualitatif. Les Coréens ont découvert que, dans une entreprise, « toute tâche peut être découpée jusqu’à un niveau de détail infinitésimal ». Résultat : chaque employé ou cadre reçoit tous les mois une feuille de route qu’il n’a pas le loisir de discuter, mais qui définit précisément les dizaines d’objectifs qu’il doit viser. Le temps pour visser un boulon, comme le nombre de secondes mis pour répondre au téléphone. En effet, dans une entreprise coréenne, on doit décrocher à la première sonnerie pour montrer qu’on est à son poste. À la fin de la période de référence, le salarié devra cocher les résultats obtenus : en vert si l’objectif est atteint à 100 %, en jaune s’il n’a été rempli qu’entre 95 et 99 %, en rouge en dessous de 95 %. Et là, dit l’auteur, on frôle la catastrophe. Chacun vivant dans le stress permanent des trois couleurs dont il faudra répondre devant une commission.»
<Il était aussi l’invité de l’émission de Nicolas Demorand le 13 mars 2015> où il raconte notamment qu’à LG il y a 7 niveau de cadres, le dernier niveau comptant 400 membres. Seuls sont récompensés ceux obtenant les meilleurs résultats dans une compétition exacerbée.
Pour les 400 du dernier niveau, ils reçoivent en début d’année des objectifs et ceux qui n’arrivent pas à les atteindre sont virés. Aucune excuse n’est admise il y a une analyse binaire vous avez atteint vos objectifs ou non.
Un autre article nous montre « cette perception déshumanisée, effrayante, des Coréens, sortes d’automates uniformes prêts à prendre nos emplois : à quel point ils évoluent tels des robots dans des organisations inhumaines ; à quel point ils sont corvéables à merci, 12 à 14 heures par jour, jusqu’à leurs lits de mort, sans que ça les dérange.»
En résumé si nous sommes bien en compétition dans le cadre de la mondialisation avec des adversaires ayant ces valeurs et cette capacité à s’y soumettre, nous n’avons aucune chance.
Cependant des critiques semblent avoir été émises sur ce livre comme décrivant une réalité mais déjà dépassée. Car les jeunes coréens ne sont plus peut être tout à fait prêt à suivre l’exemple de leurs ainés.
Ainsi on lit : «Bien entendu que cette vie les dérange. Il suffit pour s’en convaincre, de consulter le classement des pays en fonction du taux de suicide établi par l’OMS, où la Corée du Sud figure en seconde position. Il suffit également de discuter avec un nombre croissant de jeunes diplômés coréens qui aspirent à autre chose que le parcours de leurs paternels éreintés par une vie entière au service de leurs employeurs, pour se retrouver au crépuscule de leurs vies avec une retraite précaire et un foyer en miette. Bref, il aurait fallu que l’auteur s’intéresse aux Coréens en plus de son expérience chez LG, avant se prononcer sur leur degré d’humanité, ou leur degré de folie. »
Nous avons peut-être un espoir que ces « forçats du travail » nous rejoignent dans nos aspirations à la liberté et à d’autres occupations que le seul travail professionnel.
Sinon …

Lundi 8 juin 2015

Lundi 8 juin 2015
«Le procès à front renversé »
[Concernant TEFAL et une inspectrice du travail]
Titre d’un article de l’humanité sur un procès à Annecy contre Laura Pfeiffer, inspectrice du travail
Nous lisons dans <cet article de L’humanité> : «L’affaire, dévoilée par l’Humanité, commence en janvier 2013. Une jeune inspectrice du travail, Laura Pfeiffer, [….] découvre une irrégularité dans l’accord 35 heures signé treize ans plus tôt [dans l’entreprise TEFAL]. Elle demande sa renégociation avec pour conséquence éventuelle de transformer des heures «normales» déjà travaillées en heures supplémentaires, donc majorées, devant être réglées comme telles par l’entreprise. Refus de la direction, et bras de fer, pendant plusieurs semaines, avec l’inspectrice du travail. C’est alors que la fonctionnaire se voit convoquée, le 19 avril, par son supérieur hiérarchique, Philippe Dumont, directeur départemental du travail. Quelques jours plus tôt, et devant ses collègues, l’homme aurait reproché à l’inspectrice de «mettre le feu dans cette grosse entreprise». En face-à-face, cette fois-ci, «il me demande de revoir ma position sur l’accord RTT [de Tefal], en m’indiquant que si je continue de la sorte, je vais perdre toute légitimité et toute crédibilité», explique-t-elle dans une plainte adressée au Conseil national de l’inspection du travail (Cnit, sorte de conseil de l’ordre de la profession). La jeune femme dispose alors d’une semaine pour revoir son jugement. «Une menace», demande-elle ? «Une mise en garde», lui aurait répondu Dumont. A ce stade, les pressions exercées par son supérieur constituent déjà une violation de la convention 81 de l’Organisation internationale du travail sur l’indépendance de l’inspection du travail, rappelle l’Huma.»
D’ailleurs l’avis Conseil national de l’inspection du travail (CNIT) du 10 juillet 2014, sollicité sur cette affaire est sans ambigüité :
«il résulte des éléments recueillis lors de l’instruction que les griefs formulés par des responsables de l’entreprise mettant en cause l’impartialité de l’inspectrice du travail accusée d’avoir fait preuve d’acharnement à son encontre sont dépourvus de fondement. »
Vous trouverez cet avis du CNIT <Ici> et vous y lirez aussi cette phrase : « Il est regrettable que, dès lors qu’elles ont été rendues publiques, aucune intervention  publique  des  autorités administratives ou  de  l’autorité  centrale  de  l’inspection du  travail  ne  soit  venue  les  condamner  et  rappeler les  principes  de  droit  interne  et international qui garantissent l’indépendance de l’inspection du travail  »
Mais vendredi dernier, ce n’était ni TEFAL, ni le directeur de Laura Pfeiffer qui était convoqué par le Tribunal.
Non ! Ceux qui étaient convoqués étaient Laura Pfeiffer ainsi qu’un informaticien de TEFAL qui avait révélé à l’inspectrice les manœuvres que TEFAL avait entreprise pour d’abord demander à sa hiérarchie de l’influencer puis de la déplacer. Ce qui leur est reproché c’est la divulgation d’informations confidentielles. Le fait que ces informations confidentielles révèlent des scandales de connivence et de laxisme de la part de la Direction du Travail ne pose pas problème, ce qui pose problème c’est le fait que l’on utilise des informations internes pour révéler le scandale.
Libération dans son article du 4 juin 2015, signale, en outre, une relation ambigüe entre le Directeur départemental du Travail et la direction de TEFAL, car il semblerait qu’il soit devenu leur obligé en raison d’une faveur que la Direction lui a accordé.
Vous trouverez  dans ces autres articles des précisions sur toute cette histoire : http://www.liberation.fr/economie/2014/10/14/a-l-inspection-du-travail-la-casserole-tefal_1121593
Le Procureur qui semble t’il a pris le mauvais parti, a affirmé vouloir «faire le ménage» au sein de l’inspection du travail.
On dit :  « quand le sage montre la Lune, le fou regarde le doigt », nous voyons un certain nombre de fous dans cette histoire.
Et pensez-vous qu’au bout de l’affaire, quand l’émoi populaire suscité par cette injustice aura permis à Laura Pfeiffer d’en finir avec cette histoire, que le Directeur coupable non seulement de ne pas avoir soutenu sa collaboratrice mais en plus d’avoir été le complice de ceux qui étaient dans l’illégalité, le procureur qui a exprimé un avis public déontologiquement inacceptable et bien sûr les membres de la Direction de TEFAL coupable de manœuvres indignes, seront inquiétés juridiquement ?
Je ne le pense hélas pas.

Vendredi 5 juin 2015

Vendredi 5 juin 2015
«Oui je veux donc parler au nom de tous les « laissés pour compte »
parce que « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger » »
Thomas Sankara
Cette actualité conduit à reparler de cet homme exceptionnel qui avait été le Président de la Haute Volta dont il avait changé le nom pour celui du « Burkina Faso », « le pays des hommes intègres ».
Il a été président de 1983 jusqu’au 15 octobre 1987 où il fut assassiné et où celui qui l’avait accompagné jusque-là et qu’il appelait son frère « Blaise Compaoré », soutenu par les pays africains amis de la France et la France elle-même, a pris le pouvoir.
Il a fallu attendre que Blaise Compaoré se fasse renverser après 27 ans de pouvoir, le 31 octobre 2014, pour que la Justice puisse reprendre son cours pour déterminer qui a été responsable du meurtre de Sankara et de ses douze compagnons qui étaient avec lui le jour de son assassinat.
On parle souvent de la corruption africaine, mais force est de constater que quand de grands Hommes intègres comme Thomas Sankara ou Patrice Lumumba au Congo belge ont voulu s’opposer aux puissances économiques occidentales, françaises ou belges dans ces deux exemples, ils sont morts assassinés et les Etats européens ont toujours joué, dans ces cas, un rôle plus que trouble.
Wikipedia nous donne ces informations : « Souhaitant redonner le pouvoir au peuple, dans une logique de démocratie participative, il crée les CDR (Comités de défense de la révolution) auxquels tout le monde peut participer, et qui assurent la gestion des questions locales et organisent les grandes actions.  Cette politique visait à réduire la malnutrition, la soif (avec la construction massive par les CDR de puits et retenues d’eau), la diffusion des maladies (grâce aux politiques de « vaccinations commandos », notamment des enfants, burkinabés ou non). Sankara tente également de rompre avec la société traditionnelle inégalitaire burkinabé, en affaiblissant le pouvoir des chefs de tribus, et en cherchant à intégrer les femmes dans la société à l’égal des hommes.
Il institue la coutume de planter un arbre à chaque grande occasion pour lutter contre la désertification. Il est le seul président d’Afrique à avoir vendu les luxueuses voitures de fonctions de l’État pour les remplacer par des Renault 5. Il faisait tous ses voyages en classe touriste, ses collaborateurs étant tenus de faire de même. »  >>> http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Sankara
Mais le mot du jour est extrait de son discours du  4 octobre 1984 à l’ONU, resté célèbre en raison de sa vision globale des rapports de force et de domination et aussi de l’humanité dont il était imprégné.
En voici l’extrait dont est tiré le mot du jour : 
« Forts de cette certitude, nous voudrions que notre parole s’élargisse à tous ceux qui souffrent dans leur chair, tous ceux qui sont bafoués dans leur dignité d’homme par un minorité d’hommes ou par un système qui les écrase.
Permettez, vous qui m’écoutez, que je le dise : je ne parle pas seulement au nom du Burkina Faso tant aimé mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part.
Je parle au nom de ces millions d’êtres qui sont dans les ghettos parce qu’ils ont la peau noire ou qu’ils sont de culture différente et bénéficient d’un statut à peine supérieur à celui d’un animal.
Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur.
Je m’exclame au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis.
Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier, nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabè. En retour, nous donnons en partage à tous les pays, l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil de l’État et de la vie sociale au Burkina Faso. Des femmes qui luttent et proclament avec nous, que l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.
Je parle au nom des mères de nos pays démunis, qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l’OMS et l’UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.
Je parle aussi au nom de l’enfant. L’enfant du pauvre, qui a faim et qui louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une vitre épaisse. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier, placé là par le père d’un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que représentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système.
Je parle au nom des artistes (poètes, peintres, sculpteur, musiciens, acteurs), hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations de show-business.
Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge pour ne pas subir les dures lois du chômage.
Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage modernes.
Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim.
Militaire, je ne peux oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente, et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort.
Enfin, je veux m’indigner en pensant aux Palestiniens qu’une humanité inhumaine a choisi de substituer à un autre peuple, hier encore martyrisé. Je pense à ce vaillant peuple palestinien, c’est-à-dire à ces familles atomisées errant de par le monde en quête d’un asile. Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine la nécessité et l’obligation morale de respecter les droits d’un peuple : avec leurs frères juifs, ils sont antisionistes.
Aux côtés de mes frères soldats de l’Iran et de l’Irak, qui meurent dans une guerre fratricide et suicidaire, je veux également me sentir proche des camarades du Nicaragua dont les ports sont minés, les villes bombardées et qui, malgré tout, affrontent avec courage et lucidité leur destin. Je souffre avec tous ceux qui, en Amérique latine, souffrent de la mainmise impérialiste.
Je veux être aux côtés des peuples afghan et irlandais, aux côtés des peuples de Grenade et de Timor Oriental, chacun à la recherche d’un bonheur dicté par la dignité et les lois de sa culture.
Je m’élève ici au nom des tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération réellement. Sur cette tribune beaucoup m’ont précédé, d’autres viendront après moi. Mais seuls quelques-uns feront la décision. Pourtant nous sommes officiellement présentés comme égaux. Eh bien, je me fais le porte-voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde, ils peuvent se faire entendre. Oui je veux donc parler au nom de tous les « laissés pour compte » parce que « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
Notre révolution au Burkina Faso est ouverte aux malheurs de tous les peuples. Elle s’inspire aussi de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’Humanité. Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du Tiers Monde. Nous sommes à l’écoute des grands bouleversements qui ont transformé le monde. Nous tirons des leçons de la révolution américaine, les leçons de sa victoire contre la domination coloniale et les conséquences de cette victoire. Nous faisons nôtre l’affirmation de la doctrine de la non-ingérence des Européens dans les affaires américaines et des Américains dans les affaires européennes. Ce que Monroe clamait en 1823, « L’Amérique aux Américains », nous le reprenons en disant « l’Afrique aux Africains », « Le Burkina aux Burkinabè ». La Révolution française de 1789, bouleversant les fondements de l’absolutisme, nous a enseigné les droits de l’homme alliés aux droits des peuples à la liberté. La grande révolution d’octobre 1917 a transformé le monde, permis la victoire du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu possible les rêves de justice de la Commune française.
Ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant aussi de certains terribles échecs qui ont conduits à de tragiques manquements aux droits de l’homme, nous ne voulons conserver de chaque révolution, que le noyau de pureté qui nous interdit de nous inféoder aux réalités des autres, même si par la pensée, nous nous retrouvons dans une communauté d’intérêts.
[et il a fini son discours par ces phrases]
J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu pour demander à chacun de vous que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison, pour que s’efface le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes et qu’enfin, avec une seule et même volonté, luttant pour la survie de l’Humanité, nous parvenions à chanter en chœur avec le grand poète Novalis :
« Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassement ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout brûleront à nouveau les flammes de la vie, le vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie« . »
Le discours de Sankara à l’ONU le 4 octobre 1984 en audio : https://www.youtube.com/watch?v=Mv5TPUL1NcU
Le même discours en texte intégral : http://www.thomassankara.net/spip.php?article285

Jeudi 4 juin 2015

Jeudi 4 juin 2015
[Pour surmonter ce conflit]
«une chose est absolument nécessaire : la compassion»
Daniel Barenboïm qui parle du conflit israélo palestinien à ses musiciens

Daniel Barenboïm est un des plus grands musiciens vivants, pianiste et chef d’orchestre.

Il est juif de nationalité israélienne. Contrairement à Herbert von Karajan évoqué lors d’un mot du jour récent, il ne se réfugie pas dans son art pour rester sourd aux drames qui l’entourent.

Il a créé un orchestre avec l’écrivain chrétien américano-palestinien Edward Saïd composé d’israéliens, de palestiniens et d’arabes de Syrie, du Liban, de Jordanie et d’Egypte.

La création de cet orchestre a lieu en 1999 à Weimar à l’occasion du 250e anniversaire de la naissance de Goethe : le nom de l’orchestre vient d’ailleurs du recueil West-östlicher Divan (Divan occidental-oriental) du poète allemand.

Il prend en effet pour nom : Le West-Eastern Divan Orchestra (Orchestre du Divan occidental-oriental).

Edward Saïd est décédé en septembre 2003.

Chaque été environ ces 80 jeunes instrumentistes viennent en Europe se former et jouer ensemble.

Il s’assemble en Espagne, à Séville où il répète pendant le mois de juillet avant d’entreprendre en août une tournée mondiale (Europe, Amérique du Sud, …)

Daniel Barenboïm a été l’invité d’Anne Sinclair le 25 mai 2015 :  http://www.europe1.fr/emissions/l-interview/daniel-barenboim-linterview-integrale-989228

Anne Sinclair l’interroge d’abord sur des sujets artistiques car il vient interpréter l’intégrale des sonates de piano de Schubert à la Philharmonie de Paris.

Mais dans la seconde partie de l’entretien elle l’interroge sur le conflit israélo-palestinien.

Il raconte d’abord un épisode de l’Histoire de l’orchestre.

Il était prévu de se réunir comme chaque année en juillet 2014 mais la guerre de Gaza venait d’être engagé par Israël.

Plusieurs jeunes musiciens ne voulaient pas venir.

Alors Daniel Barenboim leur a dit à chacun :

« Écoute en restant dehors tu n’aides pas la chose. Viens et on va en parler tous ensemble.
Si après que tu sois venu, tu ne te sens pas bien alors tu pourras partir, je ne t’en voudrai pas.
Le premier soir on a immédiatement fait une réunion et on a parlé de tout et tout le monde se disputait et chahutait.
Alors j’ai pris la parole et j’ai dit : Écoutez c’est complètement irréaliste d’attendre d’un israélien d’avoir de la sympathie avec le destin d’un Palestinien ou pour un Palestinien d’avoir de la sympathie pour un israélien.
Parce que la sympathie c’est une qualité émotionnelle.
Mais une chose est absolument nécessaire et ça c’est la compassion qui n’est pas une qualité émotionnelle mais une qualité morale.
Et si parmi vous, les musiciens, il existe des musiciens qui n’ont pas cette compassion, alors votre place n’est pas ici, vous pouvez partir demain.
Tout le monde est resté.»

Le mot « compassion » vient du latin : cum patior, « je souffre avec ».
C’est une vertu par laquelle un individu est porté à percevoir ou ressentir la souffrance d’autrui.

Cet extrait se situe à partir de 16:30 de l’entretien.

Et un peu plus loin il dit cette chose simple et tellement évidente :

« Ce n’est pas un conflit symétrique. Les Israéliens sont les occupants et les palestiniens sont les occupés.
Une partie nettement plus grande de la responsabilité repose sur les épaules des israéliens. »

En janvier 2008, l’Orchestre avait enfin reçu l’autorisation de jouer en Cisjordanie, à Ramallah

<Ici vous verrez et entendrez les mots que Daniel Barenboim prononce à la fin de ce concert exceptionnel :
« Ce projet qu’Edward Said et moi-même avons entrepris a parfois été décrit comme un orchestre pour la paix, un orchestre capable d’insuffler tel ou tel sentiment.
Mesdames et messieurs, je vous l’affirme, nous n’apportons pas la paix vous le savez.
C’est un fait, ces gens merveilleux qui jouent ensemble n’apporteront pas la paix.
Ce qu’ils peuvent apporter c’est la compréhension, la patience, le courage et la curiosité d’écouter ce que l’autre veut dire. C’est là toute notre ambition.
Dans ce contexte chacun a pu s’exprimer librement et ce qui est aussi important a pu entendre la version de l’autre.
C’est la raison de notre présence parmi vous pour apporter un message d’humanité pas un message politique, un message d’humanité, de solidarité pour la liberté qui fait défaut à la Palestine. Cette liberté dont toute la région a besoin.
Nous croyons qu’il n’existe pas de solution militaire à ce conflit.
Nous croyons que les destinées de ces deux peuples palestinien et israélien sont inextricablement liées.
Ainsi le bien être, le sentiment de justice et le bonheur de l’un dépendront inévitablement de ceux de l’autre.
Ils représentent notre objectif.
Nous œuvrons pour le changement du mode de pensée qui prévaut dans cette région.
Nombreux sont ceux qui comprendront bientôt que nous avons ici deux peuples pas un.
Deux peuples liés par un lien très fort philosophique, psychologique et historique à cette région du monde.
C’est notre devoir d’apprendre à vivre ensemble.
Nous avons le choix : nous entretuer ou apprendre à partager ce qui peut se partager.
C’est ce message que nous venons vous porter aujourd’hui. »

Depuis janvier 2008, Daniel Barenboïm a reçu un passeport palestinien de la part de l’autorité palestinienne.

Cette attitude ouverte ne lui attire pas que des sympathies en Israël.

Ainsi, un député du parti ultra-orthodoxe Shass affirme que « c’est une honte que le chef d’orchestre ait accepté la nationalité palestinienne »

Il demande que « son passeport israélien lui soit confisqué, puisque désormais, il en détient un autre, d’une entité ennemie ».

Nous entretuer ou apprendre à partager ce qui peut se partager, tout est dit.

Et en 2009, je pense que l’académie Nobel aurait pu donner le prix Nobel de la paix à Barenboïm et à cet orchestre plutôt qu’à Obama.

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Mercredi 3 juin 2015

« En France, vous avez un art très rare qui est de fabriquer des religions sans dieu. Vous n’avez pas de roi mais un président qui ressemble à un roi, vous n’avez pas de religion d’Etat mais vous avez le Panthéon ».
Kamel Daoud

Kamel Daoud, né en Algérie, est un écrivain et journaliste algérien d’expression française. Selon Wikipedia

«S’il écrit en français et non en arabe, c’est, dit-il, parce que la langue arabe est piégée par le sacré, par les idéologies dominantes. On a fétichisé, politisé, idéologisé cette langue.»

Depuis 1994, il écrit au Quotidien d’Oran, il est aussi parfois chroniqueur dans des journaux français comme Le Point.

Il a acquis aussi un surplus de notoriété en écrivant un roman «Meursault, contre-enquête » sur lequel je reviendrai plus loin. C’est pour ce roman qu’il avait été invité le 13 décembre 2014, dans l’émission « On n’est pas couché sur France 2 ».

ll a parlé de son rapport à l’islam.

« Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l’homme, on ne va pas avancer. La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu’on la tranche, il faut qu’on la réfléchisse pour pouvoir avancer. »

Et suite à cette émission un imam salafiste, Abdelfattah Hamadache Zeraoui, a appelé à son « exécution », écrivant que « si la charia islamique était appliquée en Algérie, la sanction serait la mort pour apostasie et hérésie ». « Il a mis le Coran en doute ainsi que l’islam sacré ; il a blessé les musulmans dans leur dignité et a fait des louanges à l’Occident et aux sionistes. Il s’est attaqué à la langue arabe, écrit Abdelfattah Hamadache Zeraoui. (…) Nous appelons le régime algérien à le condamner à mort publiquement, à cause de sa guerre contre Dieu, son Prophète, son Livre, les musulmans et leurs pays. »

C’est cet homme qui était l’invité de France Inter du 27 mai 2015. <En France vous avez l’art de fabriquer des religions sans dieu>

C’est souvent l’œil extérieur qui sait porter le regard le plus pertinent sur une situation ou une société. Interrogé par un auditeur sur l’autocensure de certains intellectuels ou pratiquée dans les médias français sur la question de l’islamisme par peur de représailles ou lâcheté intellectuelle, il a eu ce propos :

« L’islamisme est le nouveau totalitarisme de notre siècle donc il pèse par la peur, par l’oppression, par la violence, par le meurtre. En Algérie, la dernière polémique visait une étudiante exclue parce qu’elle portait une jupe trop courte. En France, on a le contraire, une jupe trop longue. C’est assez symptomatique du siècle et de ces « maladies ». En France, j’ai été frappé du fait que vous n’arrivez pas à redéfinir facilement les choses : qu’est-ce que la liberté, qu’est-ce que dessiner, qu’est-ce que la laïcité. Vous avez une élite qui jacasse beaucoup mais qui est incapable de définir la liberté pour un écolier de 15 ans. Je pense que vous avez besoin d’un dictionnaire. Vous avez une collection de tabous extraordinaires. Je me sens beaucoup plus libre paradoxalement quand j’exerce mon droit d’intellectuel en Algérie qu’ici ».

Et puis il a ajouté ce qui est le mot du jour d’aujourd’hui.

Enfin il a eu ce rapprochement audacieux :

«Il y a finalement peu de différences entre les islamistes qui me menacent dans mon pays et la montée du Front national en France. D’ailleurs, le mot « salafiste » veut dire « souche »».

Kamel Daoud est devenu plus célèbre en France, en octobre 2013 quand sort son roman «Meursault, contre-enquête»

Il a loupé le prix Goncourt d’une voix : 4 contre 5 à Lydie Salvayrepour pour son roman « Pas pleurer »

Ce livre est une réponse à «l’Étranger» d’Albert Camus

L’Étranger d’Albert Camus, roman de 1942, met en scène un personnage-narrateur nommé Meursault, vivant à Alger en Algérie française. Dans la première partie du roman, il enterre sa mère, qu’il a internée à l’hospice de Marengo et il assiste aux funérailles, sans avoir l’air d’être triste, il ne veut pas simuler un chagrin qu’il ne ressent pas.

Par la suite il est mêlé à une dispute entre son voisin et sa maîtresse qui est arabe. Quelques jours après en se promenant sur la plage avec son voisin il croise deux Arabes, dont le frère de la maîtresse. Une bagarre éclate. Plus tard, Meursault, seul sur la plage accablée de chaleur et de soleil, rencontre à nouveau l’un des Arabes, qui, à sa vue, sort un couteau. Meursault tire sur l’homme, puis tire quatre autres coups de feu sur le corps.

Dans la seconde moitié du roman, Meursault est arrêté et questionné. Ses propos sincères et naïfs mettent son avocat mal à l’aise. Il ne manifeste aucun regret. Lors du procès, on l’interroge davantage sur son comportement lors de l’enterrement de sa mère que sur le meurtre. Meursault se sent exclu du procès. Il dit avoir commis son acte à cause du soleil, ce qui déclenche l’hilarité de l’audience. La sentence tombe : il est condamné à la guillotine. Meursault voit l’aumônier, mais quand celui-ci lui dit qu’il priera pour lui, il déclenche sa colère. Avant son exécution, Meursault finit par trouver la paix dans la sérénité de la nuit.

Camus décrit Meursault comme un étranger au Monde, il ne donnera jamais de nom à l’Arabe victime de Meursault.

Kamel Daoud écrit son roman en prenant pour narrateur le frère de « l’Arabe » tué par Meursault et le sort donc de l’anonymat.

Wikipedia nous apprend qu’en Algérie, le livre est l’objet d’un malentendu :

« Sans l’avoir lu, de nombreuses personnes ont pensé que c’était une attaque de L’Étranger, mais moi je n’étais pas dans cet esprit-là. […] Je me suis emparé de L’Étranger parce que Camus est un homme qui interroge le monde. J’ai voulu m’inscrire dans cette continuation. […] J’ai surtout voulu rendre un puissant hommage à La Chute, tant j’aime ce livre. »

Kamel Daoud est en tout cas un homme passionnant, et ce qu’il dit de la France est si juste :

Nous nous disons républicains mais nous sommes des monarchistes qui révoquons notre roi tous les 5 ans et des laïcs qui allons voter le dimanche dans notre maison laïque sacrée de l’École. Enfin nous disposons d’un Temple : Le Panthéon où notre roi décide quels sont les saints laïcs que nous pourrons vénérer.

Pour toutes les autres nations, nous autres français ne pouvons apparaître que bizarres et contradictoires.

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