Mercredi 10 juin 2015

Mercredi 10 juin 2015
« Dans une prison, on peut toujours retrouver la liberté intérieure pourvu qu’on se consacre aux études »
Robert Badinter
Parole qu’il a dite au dernier condamné à mort en France après qu’il fut sûr qu’il ne serait pas exécuté.
La peine de mort a été abolie en France en 1981, Robert Badinter avait été nommé Ministre de la Justice pour réaliser cette évolution de notre législation et ce progrès de l’Humanité.
Il semblerait, selon certains sondages récents, que les français seraient de nouveau favorables à ce crime institutionnel.
Quand la France a aboli la peine de mort elle a été le 35ème Etat dans le Monde mais le dernier de L’Europe occidentale : L’Allemagne ce fut en 1949, La Grande Bretagne en 1973, L’Italie en 1947 et l’Espagne en 1978, La Suède en 1921 !
Aujourd’hui on est à 99 Etats abolitionnistes. Sur les restants plus de la moitié sont abolitionnistes de fait : ils n’exécutent plus.
L’abolition n’a cessé de croître.
Un de nos concitoyens Serge Atlaoui est condamné à mort en Indonésie parce qu’il a travaillé à l’installation de machines industrielles (il est artisan soudeur) qui servait à fabriquer de la drogue, ce qu’il prétend avoir ignoré.
A cette occasion Robert Badinter avait été invité pour reparler de son combat contre la peine de mort. :  http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/le-club-de-la-presse/sons/europe-soir-le-club-de-la-presse-29-04-15-2441003
Il a, comme toujours, défendu avec chaleur et conviction son combat pour l’abolition.
Et il a évoqué sa rencontre, le lendemain e la victoire de François Mitterrand avec le dernier condamné à mort français qui attendait son exécution : Philippe Maurice.
Le mot du jour est une des paroles qu’il lui a dite ce jour là
« Le lendemain de l’élection de Mitterrand […] je suis allé à la maison d’arrêt de Fresnes où il était dans la cellule des condamnés à mort.
Je lui ai dit votre vie est sauvée vous allez devenir le symbole de l’abolition. Alors vous pouvez encore rêver d’une évasion et rejoindre ce que vous avez fréquenté jusqu’alors et c’est un désastre pour l’abolition.
Pensez aux autres. Vous savez vous êtes très intelligent,
Rappelez-vous : Dans une prison, on peut toujours retrouver la liberté intérieure pourvu qu’on se consacre aux études ce que vous êtes capable. »
« Trois décennies plus tard [après 1981], œil vif et tempes grises, le “symbole” se porte bien. Libéré en 2000, on le cite en modèle de réhabilitation, parfait contre-exemple d’un Patrick Henry. Désormais spécialiste du Moyen-Âge, Philippe Maurice anime un séminaire à l’Ecole des Hautes Études de Paris. La violence de l’univers carcéral, qu’il ne cesse de dénoncer, n’a pas eu sa peau. Par quel miracle ? “J’ai décidé, un jour, de ne plus me laisser porter par la haine.” Se cultiver, en purgeant sa longue peine, au lieu de cogner les poings contre les murs : “J’ai découvert la joie d’apprendre.”
Malgré les railleries et brimades d’un entourage hostile, le taulard se met à étudier. Seize heures par jour, comme un damné… Il assimile le latin, se plonge dans les antiques registres des notaires de Lozère. L’administration a bien voulu lui accorder un lecteur de microfilms. Il s’évade dans la guerre de Cent Ans. Jacqueries, famines, épidémies et saints pèlerinages constituent son univers quotidien. À fréquenter ainsi le temps des cathédrales, il finit par bâtir la sienne : une thèse de 1200 pages sur “la famille en Gévaudan au XV e siècle”. En 1998, bénéficiant d’une permission spéciale, il ira la soutenir – sous escorte – à l’université de Tours. Et “l’irrécupérable” devient docteur en Histoire médiévale, félicitations unanimes du jury. Avec ce compliment, jamais oublié, d’un professeur de la Sorbonne : “Merci, vous m’avez rendu plus intelligent.”
Un condamné à mort touché par la grâce ? Uniquement sur le plan juridique, alors. Parce que Dieu ne lui parle guère et l’angélisme non plus : “Ce n’est pas le système pénitentiaire, parfaitement destructeur, qui a permis ma réinsertion. Plutôt la main tendue par de rares individus, dont deux sous-directeurs de maison d’arrêt…”
À 55 ans – intellectuel reconnu par ses pairs, heureux papa d’une fillette – le rescapé voit le monde sous un nouveau jour. “J’ai même quelques amis magistrats”, admet-il dans un sourire. On le sent lucide, apaisé, prêt à affronter des bonheurs ordinaires… Son édifiant parcours, pourtant, lui impose des obligations : “On me sollicite beaucoup, je milite au sein d’une association pour l’abolition universelle. C’est bien le moins…” »
L’ex-détenu, jadis promis à la décapitation, a gagné ses galons de citoyen. Enfin, presque : «Je reste privé de mes droits civiques »