Mercredi 10 janvier 2018

« Les trois utopies humaines à l’œuvre aujourd’hui : La religion, l’écologie et le transhumanisme »
Réflexions personnelles après l’écoute de deux émissions de radio

Yuval Noah Harari, Régis Debray et bien d’autres nous rappellent l’importance des utopies dans les sociétés humaines.

Si on observe le monde, on constate qu’il y a essentiellement trois utopies à l’œuvre aujourd’hui :

  • La première est la plus ancienne, elle fait appel à la spiritualité, à Dieu pour espérer d’une manière ou d’une autre un monde meilleur.
  • La seconde est celle qui dresse le constat que l’évolution de notre société basée sur la croissance et le consumérisme amène à une impasse. Elle considère que la terre est pour nous le seul horizon et que pour sauver l’humanité il faut rendre l’homme compatible avec la nature.
  • La troisième ne nie pas les problèmes qui se posent aux humains mais elle prédit que les humains disposent des ressources techniques et intellectuelles pour surmonter les difficultés.

Toute classification est toujours réductrice, mais elle permet d’esquisser une réflexion. Dans chacune de ces catégories, il existe des nuances, des courants différents mais il existe quand même une homogénéité de comportement et de discours pour chacune d’entre elles.

Pour simplifier nous pourrions nommer la première Religion ; la seconde Ecologie et la troisième Transhumanisme.

Il y a certainement de nombreuses personnes qui ne se raccrochent à aucune de ces utopies et cherchent simplement à vivre au jour le jour ou même à s’amuser pour ne pas penser à toutes ces choses. L’Histoire nous apprend cependant que ce ne sont pas ces gens-là qui font l’histoire, mais bien celles et ceux qui s’inscrivent dans les utopies.

La religion est la plus ancienne de ces utopies. Nous avons du mal, en tant que français qui voyons nos églises vides et qui vivons au quotidien la sortie de la religion, à prendre cette utopie au sérieux. Je veux dire d’estimer que la religion pourra avoir une importance stratégique pour l’avenir de l’humanité. Mais nous sommes probablement assez différents du reste du monde et même des Etats-Unis où la religion reste extrêmement prégnante. Savez vous que le Vice Président des Etats-Unis Mike Pence est un créationniste, il est certain que la création de la terre a été faite comme cela a été décrit dans la bible.

Et lorsqu’un journaliste essaye de savoir ce qu’il pense de la théorie de l’évolution de Darwin, il répond :

« ça, je ne peux pas le dire. Je le Lui [Dieu] demanderai. Mais je crois en cette vérité fondamentale [de la création divine] ».

Il est vice-président des Etats-Unis !

Vous pouvez aussi vous intéresser à un autre membre du gouvernement des Etats-Unis : Ben Carson. Je ne prends qu’un de ces propos qui avait été rapporté par le Washington Post :

« En 1998, il considère, en se référant à la Bible que les pyramides d’Egypte n’ont pas été construites pour abriter les pharaons défunts mais que Joseph (de l’ancien Testament) les a bâties pour stocker du grain »

Vous trouverez aussi dans cet article des Echos des témoignages qui montrent l’influence des évangélistes auprès des Républicains et de Donald Trump, et notamment sur la décision de transférer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem.

Parmi ces évangélistes, il en est un certain nombre qui sont millénaristes. C’est-à-dire qu’ils attendent la fin du monde et le retour du Christ. Et que dans cette perspective, accélérer la fin des temps est une solution envisageable. L’Église adventiste du septième jour fait partie de cette mouvance, or Ben Carson, cité précédemment, appartient à cette église.

J’aurais pu parler des fondamentalistes dans d’autres religions. Mais j’ai trouvé plus pertinent de mettre en avant des chrétiens dans le pays le plus riche et le plus développé de la planète. Parce que ces gens sont puissants, il y en a beaucoup qui sont riches et globalement ils ont une grande influence aux Etats-Unis.

Ces gens croient que de toute façon tout est entre les mains de Dieu, même l’apocalypse et qu’il suffit de prier pour que finalement tout se passe bien pour les croyants. Si vous avez lu les mots du jour consacrés à Luther, vous comprendrez certainement un peu mieux ces croyances.

Cette utopie peut-elle l’emporter ?

A priori non. Mais qui sait, si l’Humanité est confrontée à d’immenses problèmes écologiques dont on ne voit pas d’issue. La pensée magique peut redevenir une option pour des désespérés.

 

La seconde qu’on appellera, par facilité, utopie écologique mais qui peut mieux se définir comme la tentative de rendre compatible la vie des humains avec la nature terrestre et les ressources de notre planète. Elle n’a pas pour l’instant la puissance de la première. Cette utopie est probablement la plus raisonnable et c’est cela peut être sa faiblesse. Elle part du constat simple qu’il n’est pas possible de croitre à l’infini dans un monde fini. Elle ne croit pas à la toute-puissance de la technique humaine pour trouver des solutions à tous les problèmes qui se posent à nous. Elle ne croit pas non plus que nous pourrons nous échapper de notre vaisseau terrestre pour pouvoir continuer à vivre avec la même soif de consommation et nos besoins énergétiques sur d’autres planètes de l’univers.

Cette utopie entrainerait l’humanité vers des ruptures de comportement auxquelles aujourd’hui il ne semble pas que la plus grande part des humains soit prête. Il existe, de plus en plus nombreuses, des initiatives encourageantes. Le film « Demain » en a montré certains. Mais pour entraîner la masse est-ce suffisant ?

 

Car il y a la troisième qu’il est commode de nommer le transhumanisme. Cette utopie croit à la toute-puissance de la technique. Et si l’intelligence humaine est manifestement insuffisante, il suffit de faire appel à l’intelligence artificielle.

Si dans l’utopie écologique il s’agit de rendre l’homme compatible avec la nature, ici il s’agit, ici, de rendre l’homme compatible avec l’intelligence artificielle. Et elle promet tant de choses, une meilleure santé, la diminution du risque. Il faudra que je revienne sur ce que la Chine réalise dans le domaine de la reconnaissance faciale, le big data et la notation généralisée des citoyens. Je pourrais appeler ce futur mot du jour « l’œil de Pékin ». Cet univers de contrôle généralisé permet de vivre en bien meilleure sécurité puisque cette technique a pour ambition la prédiction des crimes et donc de les éviter. Et puis avant d’entreprendre une quelconque relation économique, sentimentale ou de travail avec quelqu’un vous pourrez d’abord consulter la base de données des chinois pour connaître la note qui lui est attribuée. C’est cela la diminution du risque !

Mais pour l’instant les plus grandes évolutions se trouvent en Californie.

Elon Musk, né en 1971, PDG de la société Tesla et maintenant de Space X. Il réalise des prodiges et pense que l’homme et l’intelligence artificielle sont en capacité de réaliser des performances que nous ne pensons pas possible aujourd’hui. Il est tout à fait d’accord avec les écologistes : la terre ne pourra bientôt plus supporter l’empreinte humaine sur ses ressources. Lui ne croit pas que l’humanité est prête à des ruptures de comportement. Il est même probable, que pour sa part il ne le souhaite pas. Donc lui envisage très sérieusement de créer les instruments, les vaisseaux et l’infrastructure permettant aux humains, à quelques humains seraient plus juste, de quitter la planète pour coloniser d’autres endroits de l’espace. Dans sa réflexion actuelle il pense possible de créer des conditions de vie sur mars.

Je ne sais pas jusqu’où ira cette utopie, mais pour les prémices elle est en marche et même dans un rythme soutenu. L’outil de contrôle général de la population chinoise a des probabilités fortes d’être mis en œuvre et assez rapidement. L’intelligence artificielle est dans une phase exponentielle de développement, le domaine de la santé et toute l’activité humaine vont être bouleversés.

Ces réflexions m’ont été inspirées par de nombreuses lectures, mais particulièrement par deux émissions :

  • La première mettait face à face Laurent Alexandre et le mathématicien Olivier Rey. Laurent Alexandre qui a écrit « La guerre des intelligences » et dont j’avais évoqué une présentation au Sénat sur l’intelligence artificielle est ambigüe. Dès qu’il s’exprime on le sent enthousiasmé par les perspectives que révèlent l’intelligence artificielle. Mais dès qu’on le contredit qu’on le pousse dans ses retranchements, il prétend qu’il n’aime pas du tout ces évolutions et qu’il s’en méfie beaucoup. La position mathématicien Olivier Rey, auteur notamment de «Quand le monde s’est fait nombre» est plus claire, il est très méfiant. Cette confrontation est très féconde. Voici cette émission : <Répliques du 23/12/2017>.
  • La seconde avait pour sujet l’exploitation spatiale, sa privatisation, le concept du « new space ». Il était question de l’accélération technique, de la rencontre entre le spatial, le numérique et l’intelligence artificielle et aussi d’Elon Musk. Voici cette émission <Affaires étrangères du 30/12/2017>

Et puis si vous voulez en savoir davantage sur l’évolution de la Chine, vous pouvez utilement lire cet article : <le big data pour noter les citoyens>

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