Lundi 28 janvier 2019

«Si je n’apprends plus rien, je suis mort. »
Clint Eastwood

Chers amis, chers lecteurs réguliers ou occasionnels du mot du jour,

J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce mot du jour.

Je garde en mémoire cette réponse de Jacques Brel à un journaliste qui lui demandait de parler de sa vie personnelle :

« Mais cela ne présente aucun intérêt. Cela n’intéresse personne.
Ce n’est pas poli. Cela ne se fait pas !»

Le mot du jour est un lieu de partage de réflexions, d’émotions, d’humour et surtout de questionnements.

Mais l’écriture va devenir un peu plus compliquée dans les prochaines semaines, prochains mois. Et je voudrais en quelques phrases en dire le contexte.

Il ne va pas s’arrêter, car j’ai besoin de cette discipline d’écrire et tenter de partager tous les jours un sujet d’intérêt qui peut toucher ou faire réfléchir.

Vous savez que je me méfie du seul récit des faits : «L’homme médiocre parle des personnes, L’homme moyen parle des faits, L’homme de culture parle des idées ».

Ce mot du jour je l’avais cependant complété quelques jours plus tard, lors de l’article consacré à Barbara : « Barbara me rappelle que j’ai oublié le plus important :
L’homme de cœur et en l’occurrence la femme de cœur parle de la vie et de l’amour. »

Il faut cependant que je commence par quelques faits :

En novembre 2011, j’ai été opéré d’un cancer de la prostate, solution la plus raisonnable pour un cancer détecté précocement à un âge où il pouvait se développer rapidement. La promesse était une guérison.

Ce ne fut pas le cas, il y eut récidive en 2013.

Bien que ce cancer fût détecté précocement et que tout au long de ces années j’ai été suivi consciencieusement, l’attente dont j’ai parlé lundi dernier a conduit au diagnostic que cette maladie avait muté en un cancer des os avec des métastases au niveau des vertèbres. Le langage technique désignera cette situation sous le nom de : « cancer au stade 4 » qui constitue l’avant dernière étape, celle dans laquelle la médecine occidentale sait encore freiner et ralentir la progression de la maladie sans laisser la moindre perspective de guérison.

Il me faut donc faire face à une maladie plus grave. Je vais le faire avec détermination, calme et en étant pleinement acteur de ce combat honorable, comme l’avait appelé François Mitterrand.

Les faits s’arrêtent là.

Mais être acteur signifie aussi lire beaucoup d’articles ou de livres qui donnent des informations, consacrer du temps pour se soigner et accompagner le soin par des temps de silence et d’activités physiques.

Le temps n’étant pas extensible, il me faudra consacrer moins de temps à mon travail professionnel, mais aussi au temps consacré à rédiger le mot du jour.

En aucun cas, le mot du jour ne va se transformer en bulletin de ma santé, ni en lieu d’échanges sur ce sujet.

Si dans mes lectures ou découvertes consacrées à la santé, j’ai le sentiment que telle information, article ou livre mériteraient d’être partagé, je le ferais.

Mais je continuerai à m’intéresser à tous les autres domaines qui m’ont occupé jusqu’ici et même au-delà.

Car je veux continuer à interroger, apprendre, comprendre et expliquer.

Probablement, au moins dans un premier temps, je rédigerai moins les mots du jour en allant plus vite vers le lien qui a inspiré ma réflexion et le désir du partage.

Je renverrai aussi parfois à des articles déjà écrits qui me semblent mériter un rappel. J’écrirai aussi probablement plus souvent des mots du jour consacré à la musique que j’écoute pour me faire du bien et dont je pourrai partager les bienfaits.

Et s’il n’y a vraiment pas de temps, il y aura des jours de pause.

Je me suis résolu à expliquer le contexte dans lequel cette aventure du mot du jour va continuer, il me semblait que cet exercice de transparence était utile.

Et avant notre finitude que j’entends repousser jusqu’aux limites du possible, il faut vivre tous les jours jusqu’à ce moment et continuer à apprendre sur tous les plans, parce qu’apprendre c’est la vie.

Et les grandes épreuves permettent d’apprendre beaucoup.

Comme exergue, j’ai choisi une parole du grand artiste américain qui a accordé un entretien au journal « Le Monde » à l’occasion de la sortie de son dernier film : Rencontre avec Clint Eastwood. Cet article a été publié le 23 janvier 2019.

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Lundi 21 janvier 2019

« Celui qui attend est comme un arbre avec ses deux oiseaux, solitude et silence. »
Christian Bobin

Dans un premier temps, j’avais eu l’intention d’utiliser simplement : « L’attente » comme exergue de ce mot du jour.

Mais je suis tombé sur un poème de Christian Bobin qui m’a paru donné plus de profondeur et de force à ce que je souhaitais partager aujourd’hui, après une pause d’un mois.

C’est Christophe André qui m’avait fait découvrir cet écrivain né en 1951. Et c’est une citation de Christian Bobin que j’avais utilisée lors du mot du jour du « Jeudi 18 mai 2017» pour terminer la série de mots du jour consacré à l’émission « 3 minutes à méditer » qu’avait réalisée Christophe André :

« Pour qu’une chose se termine, il faut qu’une autre chose commence –
et les commencements, c’est impossible à voir»

L’attente est l’état de celui qui attend ou le temps pendant lequel on attend.

C’est un état qui pour beaucoup devient rapidement insupportable tant la société nous presse vers l’immédiateté : tout, n’importe quoi, tout de suite, donc sans l’attente.

Dès qu’une esquisse d’envie nous touche, surtout dans le domaine de la consommation, il suffit d’aller vers nos outils numériques et de commander sur les sites marchands en ligne.

J’ai appris récemment que pour l’instant Amazon réalise une marge infime dans son métier de commerce en ligne et cela notamment en raison de sa stratégie de vouloir livrer tous ses clients dans des délais extrêmement contraints.

Pourtant la vie est constituée de beaucoup d’attentes.

Quand on est enfant, on attend de devenir grand.

Avant l’enfant, il faut la naissance c’est encore une attente, qui est calibrée, il faut neuf mois à quelques jours près.

On attend une rencontre, un rendez-vous, sa première expérience sexuelle, son premier job et tant d’autres choses.

Ce site attribue à Jules Renard la citation suivante :

« Si l’on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce en serait la salle d’attente. »

Car le mot « attente » peut aussi avoir le sens de l’espérance ou de l’espoir. C’est le cas dans les expressions suivantes :

  • Cet enfant a répondu à l’attente qu’on avait de lui.
  • Il a rempli notre attente.

Pendant ses années d’études on attend, aussi notamment les résultats des examens. Dans ce cas l’attente est en effet espérance.

Et puis, il en est d’autres examens dont on attend les résultats.

Je me souviens avoir vu ce très beau film : « Cléo de 5 à 7 » d’Agnès Varda avec dans le rôle principal Corinne Marchand.

L’action se déroule à Paris, près de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Cléo, une jeune et belle chanteuse plutôt frivole, craint d’être atteinte d’un cancer. Il est 17 heures et elle doit récupérer les résultats de ses examens médicaux dans 2 heures. Pour tromper sa peur, elle cherche un soutien dans son entourage. Elle va se heurter à l’incrédulité voire à l’indifférence et mesurer la vacuité de son existence. Elle va finalement trouver le réconfort auprès d’un inconnu à l’issue de son errance angoissée dans Paris. Le film est constitué par ce temps de deux heures d’attentes

Télérama écrit :

«  La jolie chanteuse (métier de Cléo) égocentrée et narcissique des premières scènes cède peu à peu la place à une autre femme, non plus objet mais sujet, qui regarde, qui écoute, qui se laisse enfin atteindre par les autres. C’est l’histoire inoubliable d’une transfiguration. »

Un film à voir et à revoir.

Je me trouvais dans la salle d’attente de la médecine nucléaire de Villeurbanne qui dispose d’un équipement très performant pour ausculter le corps humain.

Une femme très agitée est entrée. Elle avait mon âge.

Nous avons échangé des paroles, j’ai compris qu’elle était là non pour elle, mais parce qu’elle attendait sa fille de 25 ans.

Son attente n’était pas espérance, mais inquiétude

Nous avons échangé peu de paroles, mais l’échange se fait aussi par le regard, par l’attitude corporelle, par le silence.

Car le silence peut être habité, la solitude peut percevoir l’empathie.

Et l’empathie fait du bien à celui qui accepte de la recevoir.

Mais l’empathie fait aussi du bien à celui qui donne.

Et le don de l’empathie est probablement plus fort encore quand celui qui le donne se trouve lui-même dans la solitude et le silence.

L’exergue est extrait de ce poème qui se trouve dans «L’autre visage» publié aux Éditions Lettres Vives en 1991, aux pages 52 et 53 :

Celui qui attend

Celui qui attend est comme un arbre
avec ses deux oiseaux, Solitude et Silence.
Il ne commande pas à son attente.
Il bouge au gré du vent,
docile à ce qui s’approche,
souriant à ce qui s’éloigne.
Celui qui attend,
nous l’appelons le “tout comblé”
car dans l’attente,
le commencement est comme la fin,
la fleur est comme le fruit,
le temps comme l’éternel.

Christian Bobin

Un site que j’aime beaucoup, https://www.espritsnomades.net, parce qu’on y trouve de belles pages sur la musique classique et la littérature, a consacré une page à Christian Bobin : <Christian Bobin, notre part manquante>

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Vendredi 21 décembre 2018

« Bientôt Pâques »
Ma grand-mère maternelle, dès que les fêtes de fin d’année étaient terminées

Il est temps d’arrêter de parler des affaires du monde et de la France, puisque le moment des fêtes de fin d’année débute.

C’est un moment de cadeaux, d’échanges, de repas.

Pour Annie et moi, il s’agit aussi du moment de faire les gâteaux de Noël alsaciens.

Et quand je pense gâteau, je pense à ma grand-mère maternelle dont le nom de Naissance était Franziska Kordonowski.

Elle était polonaise et se disait polonaise, bien que le jour de sa naissance le 15/06/1898, la Pologne n’existait pas, ou n’existait plus ou ne réexistait pas encore.

Un matin, alors que je sortais du métro et que je me demandais quel mot du jour je pourrais bien trouver pour clore cette année 2018, avant la trêve de Noël, le regard doux et bienveillant de ma grand-mère m’est apparu.

Et je me suis souvenu qu’elle disait toujours, à peine les fêtes de fin d’année achevées : « et maintenant, bientôt Pâques »

Bien sûr, le lendemain du lundi de Pâques, elle disait de même : « Et maintenant, bientôt Noël ».

Pour cette femme chrétienne et croyante, l’année était rythmée par les fêtes religieuses et on allait de l’une à l’autre, dans un mouvement cyclique.

Jusqu’au moment où arrivé à un certain âge, on commence à se poser la question : est-ce que je vivrais encore la prochaine fête ?

Nous savons que ces fêtes religieuses ont épousé des fêtes païennes plus anciennes qui justement ponctuaient les saisons.

Le mot du jour du 23 décembre 2016 évoquait justement cette origine païenne de la fête de Noël :

L’empereur Aurélien (270-275), au milieu des divinités multiples qu’honorait le peuple romain, a assuré une place particulière à une divinité solaire : <Sol Invictus> (latin pour « Soleil invaincu »). Il proclame « le Soleil invaincu » patron principal de l’Empire romain et fait du 25 décembre, le jour du solstice d’hiver donc, une fête officielle appelée le « jour de naissance du Soleil » (du latin dies natalis solis invicti).

Parce qu’en effet, ce n’est pas un hasard que Noël se situe à quelques jours du solstice d’hiver. Solstice d’hiver qui a lieu précisément aujourd’hui, le 21 décembre 2018.

D’ailleurs depuis de nombreux siècles, cette fête se situe juste après le solstice d’hiver, lorsque le temps de la nuit commence à refluer devant le jour.

Et Pâques, dans sa formulation même évoque la saison. Je l’avais noté dans un mot du jour non consacré à Pâques, mais à la chanson de Craonne qu’il est bon de rappeler en cette fin d’année commémorative des 100 ans du 11 novembre 1918.

En effet, chaque année les chrétiens fêtent la «résurrection du Christ» le premier dimanche qui suit la première pleine Lune après l’équinoxe de Printemps.

Le printemps qui est bien sûr la saison de la renaissance de la nature.

Et donc, « Bientôt pâques » au moment de Noël pourrait aussi se dire « Bientôt le printemps » au moment de l’hiver.

L’expression « Bientôt pâques » d’une vieille dame de plus de 80 ans, peut aussi s’analyser comme la relativité du temps.

Einstein nous a appris que le temps absolu n’existe pas, il n’existe que des temps relatifs.

Ainsi quand on calcule la durée qui sépare l’hiver et le printemps on trouve environ 90 jours.

Dès lors pour un enfant de 6 ans qui a donc vécu 2 192 jours, cette durée de 90 jours représente 4,11% de son temps passé sur terre.

Pour un jeune homme de 20 ans cela représente 1,23%, et pour une dame de 85 ans qui a vécu 31 046 jours, cela représente 0,29% c’est-à-dire un temps relatif 14 fois plus réduit que celui de l’enfant de 6 ans.

Il apparait donc bien normal que pour cette dame de 85 ans, la période qui sépare l’une et l’autre fête apparaisse très courte dans son échelle de temps.

Pour finir ce mot avec un peu d’ivresse…

Chrystelle est une lectrice du mot du jour et quand elle a vu cette bouteille lors d’un repas convivial auquel elle a participé, elle a immédiatement pris une photo et a pensé à me l’envoyer.

Je ne vais pas la garder pour moi, je la partage donc avec tous ceux qui voudront bien lire ce mot du jour.

Le mot du jour ou the word of the day se met donc en congé pendant quelques temps.

Il reviendra en janvier, à une date qui reste à préciser.

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Lundi 17 décembre 2018

« Strasbourg »
Une ville chère à mon cœur et à celui d’Annie, une ville aujourd’hui meurtrie

Strasbourg est une de ces villes qui a une âme. Je l’ai rencontrée au sortir du bac pour commencer mes études supérieures dans cette grande ville de l’est de la France.

Mes études dans les classes préparatoires aux grandes écoles au Lycée Kléber, se sont mal passées et ont fini par un échec.

Mais j’ai toujours continué à aimer cette ville.

Annie est venue aussi faire des études à Strasbourg, un an avant et elles se sont terminées, après mon départ, par un succès.

Chaque fois que nous y retournons, nous sommes heureux, émus et émerveillés par la beauté de cette ville.

Les Romains sont arrivés en Alsace en 58 av. J.-C. C’est sous la direction de Jules César que les romains sont intervenus en Gaule, à partir de cette date en 58 avant JC.

Cette intervention qui sera couronnée par la bataille décisive de la guerre des Gaules en 52 av. JC, le siège d’Alésia qui voit la défaite d’une coalition de peuples gaulois menée par Vercingétorix face à l’armée romaine de Jules César..

Finalement Wikipédia, nous apprend que le frère de Tibère, deuxième empereur romain après Auguste le fils adoptif de César, Nero Claudius Drusus fait construire sur le site de Strasbourg en 12 avant JC sur l’emplacement d’une forteresse gauloise, une ville qui s’appellera Argentoratum.

En l’appelant ainsi les romains n’ont fait que latiniser le nom celte de la forteresse gauloise Argentorate.

Rappelons que Strasbourg se trouve sur la rive gauche du Rhin, fleuve qui a souvent joué le rôle de frontière.

Lors de l’expansion de l’empire romain qui s’est étendu à la Germanie au IIe et IIIe siècles, Argentoratum va servir de base de repli pour les troupes romaines installées en Germanie. Mais en 260, les légions quittent définitivement la Germanie et Strasbourg redevient une ville frontière.

Et en 355, la ville est saccagée par des germains qui ont pour nom les « Alamans ».

Et il faut savoir que le nom français donné au pays voisin : « Allemagne » vient du latin « Alemannia » qui signifie le pays des Alamans.

Mais la réalité de nos voisins est complexe puisqu’en allemand ce pays est appelé Deutschland, en anglais Germany et en polonais Niemcy.

Une autre tribu germaine, « les Teutons » est aussi utilisée, en particulier en italien où « tedesco » signifie « allemand ».

Strasbourg va avoir un destin compliqué entre l’Allemagne et la France.

Mais avant cette dispute, ce sont les Huns d’Attila qui vont complétement détruire la ville en 451.

C’est un autre peuple germain « Les francs », qui je le rappelle sont autant nos ancêtres que les gaulois, qui au début du VIe siècle vont reconstruire la ville, sous le nom de Stratae burgus (le bourg de la route). Et Stratae burgus va devenir Strasbourg.

Le christianisme va bien sûr jouer un rôle considérable dans le développement de la ville. Comme pour Lyon, la ville sera essentiellement gouverné par la puissance épiscopale. Wikipedia nous apprend que sous l’impulsion de l’évêque Arbogast de Strasbourg, une première cathédrale et un couvent sont édifiés dès le VIème siècle.

Par la suite vous savez que Charlemagne va tenter de recréer un empire chrétien. Il sera couronné empereur par le Pape en l’an 800. Charlemagne qui est un empereur français comme nous l’apprennent les livres d’Histoire de France. Mais les livres d’Histoire

allemande le désignent comme un empereur germanique donc allemand. Pour départager les deux, il faut se rappeler que la capitale de Charlemagne est Aachen, ville allemande, même si les livres d’Histoire français continuent à la désigner sous le nom d’Aix la Chapelle.

Ceci est très important pour Strasbourg puisque après que le fils de Charlemagne Louis le Pieux lui ait succédé sur le trône de l’Empire, les trois petits fils vont se partager l’empire.

Et c’est alors qu’eut lieu le « Serment de Strasbourg » le jour de la Saint Valentin, le 14 février 842. L’aîné des 3 frères Lothaire avait l’ambition de jouer un rôle primordial dans la succession de son père. Mais les deux autres frères n’étaient pas d’accord et c’est par le serment de Strasbourg qu’une alliance militaire est signée entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, contre leur frère aîné, Lothaire Ier.

Ce serment est fondamental à plusieurs titres.

Le premier c’est que la Lotharingie qui occupait une place centrale va être absorbée par les ces deux voisins à l’ouest va émerger la France et à l’est les pays allemands.

Le second c’est que Louis le Germanique prononce son serment en langue romane pour être compris des soldats de Charles le Chauve, et Charles le Chauve récite le sien en langue tudesque pour qu’il soit entendu des soldats de Louis.

Le texte en roman des Serments a une portée philologique et symbolique essentielle, puisqu’il constitue, pour ainsi dire, « l’acte de naissance de la langue française ».

Jusqu’alors ce type de texte était rédigé en latin.

Mais il est important de savoir qu’en 1493, Strasbourg est proclamée ville libre impériale par Charles IV. Ce qui en fait indiscutablement une ville allemande.

Strasbourg qui sera d’ailleurs un centre important de la réforme initiée par Martin Luther.

Mais comme je l’avais écrit lors des mots du jour sur Luther, avant la réforme il fallut inventer l’imprimerie, pour imprimer des livres et d’abord la bible en langue comprise par tous.

Cette invention est le fait Johannes Gutenberg qui est né à Mayence mais qui s’est installé à Strasbourg en 1434 et Strasbourg va devenir un des plus grands centre d’imprimerie d’Europe.

Cependant Wikipedia précise que :

« Gutenberg est retourné à Mayence entre 1444 et 1448 ce qui fait qu’on ignore exactement où a été finalisée cette invention majeure. Toujours est-il que Strasbourg devient très vite un des grands centres de l’imprimerie, puisque dès la fin du XVe siècle la ville compte une dizaine d’ateliers d’imprimerie, notamment la prestigieuse officine des Grüninger. De fait, Strasbourg va attirer nombre d’intellectuels et d’artistes. Sculpteurs, architectes, orfèvres, peintres, horlogers, la ville excelle dans de nombreux domaines. Strasbourg était une ville très influente d’où son statut très spécial et unique de « ville libre » elle produisait sa propre monnaie avec un commerce développé et grâce à sa situation géographique pouvait exporter et importer des produits. »

Une des principales places de Strasbourg a d’ailleurs été nommée du nom de l’inventeur de l’imprimerie.

Dans la suite Strasbourg va devenir un centre de la réforme puisque dès 1519, les thèses de Martin Luther seront affichées aux portes de la cathédrale et les dirigeants de la ville, notamment Jacques Sturm, sont favorables à ce changement. La ville adopte la Réforme en 1525 et devient protestante en 1532 avec l’adhésion à la confession d’Augsbourg.

Mais il va s’en suivre une période de grands conflits religieux qui va notamment donner lieu à la terrible guerre de trente ans. Guerre qui va s’achever par les paix de Westphalie signés le 24 octobre 1648

Ces traités vont conduire qu’une partie de l’Alsace sera rattachée à la France, mais Strasbourg demeure ville libre impériale.

La ville est sortie épargnée par la guerre mais est affaiblie, et l’empire germanique vaincu ne peut lui apporter d’aide.

Et c’est ainsi que le 28 septembre 1681, la ville est assiégée par une armée commandée par Louis XIV. La ville se rend deux jours plus tard et sera rattachée au royaume de France avec l’Alsace tout entière.

Strasbourg redevient ville frontière et abrite environ 6 000 soldats français, basés pour la plupart à la citadelle de Vauban dont les travaux ont débuté dès 1682 et dont on voit toujours les traces dans la ville actuelle.

En 1704, un prince de la famille Rohan devient évêque de la ville. La famille conservera le pouvoir épiscopal jusqu’en 1790 et fera construire le fameux palais des Rohan situé tout près de la cathédrale, sur les rives de l’Ill.

Durant toute cette période, même si le catholicisme va se développer, la ville reste majoritairement protestante.

Une autre institution fondamentale de Strasbourg sera son Université. Strasbourg aura été et reste un immense centre universitaire international.

Et un des plus célèbres étudiants de cette université sera Goethe.

Après la guerre 14-18 et le retour de Strasbourg en France, l’Université de Strasbourg fera l’objet de toutes les attentions du gouvernement français qui y enverra ses plus grands professeurs. Il faut savoir que c’est à Strasbourg en 1929 que fut créée la prestigieuse revue historique « les Annales » par ses deux fondateurs Marc Bloch et Lucien Febvre, tous deux professeurs à l’Université de Strasbourg. Revue qui donnera naissance au courant appelé l’école des Annales.

L’Histoire plus récente de Strasbourg est connue comme son rôle de ville du Parlement de l’Union européenne et du siège du Conseil de l’Europe.

Mais il faut rappeler que lors de la période révolutionnaire, la population strasbourgeoise se soulève. Le 21 juillet 1789, l’hôtel de ville est saccagé. Et c’est le 26 avril 1792 que Rouget de l’Isle compose à la demande du maire de Strasbourg, un chant pour l’armée du Rhin sans se douter qu’il deviendra un symbole de la Révolution française en devenant La Marseillaise.
La Marseillaise fut créée à Strasbourg.

Après avoir accueilli le serment de Strasbourg qui est historiquement le premier document officiel en langue française, avoir été le lieu de la création de l’hymne national montre combien la ville de Strasbourg est importante pour la France, elle qui fut si longuement disputée par les deux entités issues de la dislocation de l’empire de Charlemagne.

Beaucoup des précisions historiques de ce mot du jour sont issues de Wikipedia.

Les photos qui agrémentent ce mot du jour ont toutes été réalisées par mes soins lors de notre visite à Strasbourg en avril 2018.


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Lundi 3 décembre 2018

« Grigory Sokolov »
Un pianiste exceptionnel

Annie et moi sommes allés, comme chaque année, au concert que donne annuellement Grigory Sokolov à Lyon.

Cette année c’était le 8 novembre et je n’en ai pas fait un mot du jour le lendemain, parce que le 9 novembre je commençais mon itinérance intellectuelle et historique sur la guerre 14-18, sa fin et ses conséquences.

Cette itinérance étant terminé, je peux revenir à cet artiste.

Souvent on lit « le meilleur » pour parler d’un sportif ou d’un artiste, dans un domaine. Quand j’étais plus jeune, il m’arrivait aussi de tomber dans cette faiblesse de la compétition à tous les niveaux.

Aujourd’hui, il me semble que notamment dans le monde de l’art, il n’y a pas à faire de classement mais simplement à ressentir ou à comprendre ce qu’un artiste peut apporter.

Un artiste peut apporter le divertissement et ce n’est pas rien de divertir.

Dans d’autres domaines et dans la musique particulièrement et sur un piano singulièrement, l’artiste peut rechercher la performance.

<Par exemple vous pouvez voir Yuja Wang jouer la célèbre marche turque de Mozart arrangée d’une manière époustouflante.>

C’est une incontestable performance qui d’ailleurs ravit le public et le divertit aussi un peu.

Grigory Sokolov ne fait ni l’un, ni l’autre.

Dans le monde des pianistes il existe une autre typologie :

  • Les cogneurs ;
  • Et les autres ceux qui ont un toucher aérien, souple, magique, je ne sais comment les définir. Mais ce ne sont pas cogneurs.

Dans ce domaine, les cogneurs ne sont pas forcément des hommes, il existe des cogneuses.

Je peux vous donner l’exemple d’une pianiste très célèbre, je vous avoue que je ne comprends pas pourquoi, qui « cogne » un prélude de Rachmaninov : <Valentina Lisitsa – Prélude opus 23 N° 5 de Rachmaninov>.

Grigory Sokolov appartient au second type, ceux qui ne cognent pas. Cette même œuvre de Rachmaninov jouée par lui <donne cela>. Ce n’est pas une vidéo, il existe <une vidéo> dans laquelle on le voit « toucher » le piano, mais le son est assez mauvais.

Cette œuvre de Rachmaninov est surtout une œuvre très technique et brillante, il ne faut pas en attendre trop d’émotions, mais il y a quand même un monde entre l’exécution de Valentina Lisitsa et l’interprétation de Sokolov, un éléphant et un oiseau.

Lorsqu’il y a quelques années, après avoir lu certains articles sur lui, nous sommes allés la première fois l’écouter à l’Auditorium, la salle était à moitié pleine. Mais chaque année, probablement par le bouche à oreille, la salle se remplit davantage, cette année elle était pleine.

Grigory Sokolov est probablement un peu timide, peut-être même un peu autiste. Il rentre sur scène discrètement et rapidement. Il exige un éclairage minimum. Il passe toujours derrière le piano, pour que l’instrument le protège du public, il salue une fois, se met au piano et joue tout de suite. Et c’est le miracle. Cet homme fait parler son piano, la musique vous touche alors au plus profond de votre humanité, de votre âme si on se laisse aller au lyrisme.

Et même quand il joue un bis, une œuvre technique et brillante comme ce morceau de Couperin, il y met une légèreté et un sens de l’ineffable qui n’appartient qu’à lui : <Grigory Sokolov – Couperin – Le tic-toc-choc ou Les maillotins>

Je ne suis pas seul à penser et éprouver cela, le critique <Christian Merlin> écrit :

« Il y a un mystère Sokolov. On ne vous parle pas seulement de l’homme, de son côté autiste, qui apprend par coeur les horaires de train et les codes-barres, et ritualise son entrée en scène comme ses saluts. On vous parle bel et bien du pianiste. Une fois de plus, le récital que Grigory Sokolov a donné au Théâtre des Champs-Élysées[…] fut un moment hors de l’espace et du temps. Un moment passé à se demander: «Comment fait-il?»

Question que les pianistes présents dans la salle se posaient constamment, tentant par exemple de comprendre son jeu de pédale: sans avoir l’air d’y toucher, Sokolov alterne résonance et son étouffé sur une même note, comme s’il tirait les registres d’un orgue. Et tout cela avec des marteaux sur des cordes! Il y a sa souplesse de poignet aussi, cet art du trille où l’on a l’impression que même le nombre de battements est calculé. Cette façon de murmurer tout en jouant au fond du clavier, ou de tonner sans être brutal. En un mot, la maîtrise absolue, surhumaine, de quelqu’un qui travaillait encore sur scène une demi-heure avant le début du concert, empêchant le public arrivé en avance d’entrer, et serait capable de démonter et de remonter le piano pièce par pièce.

[…] il nous a tout simplement hypnotisé, nous faisant perdre le sens de l’orientation dans le temps, comme une image de l’éternité. Six bis, dont deux miraculeux intermezzi de Brahms, nous ont laissé écrasés par cette recherche d’absolu. »

Comme l’écrit Christian Merlin, à la fin de son concert, il joue de nombreux bis souvent plus de 5 et des bis qui sont souvent une œuvre à part entière. Ainsi à Lyon après avoir interprété les 4 impromptus opus 142 de Schubert, son premier bis fut un autre impromptu de l’autre série celle opus 90.

Et quand Sokolov joue Schubert cela donne un moment d’extase : <Grigory Sokolov – Schubert Impromptu Nr. 2 Es-Dur>

Un critique suisse parle du : « Triomphe du dépouillement pour un pianiste qui vit dans son monde, comme hanté par une mission hors normes. »

Grigory Sokolov, décide d’un programme unique pour une année, programme qu’il approfondit sans cesse et avec lequel il va faire tous ces concerts agrémentés de nombreux bis qui eux seront différents.

Ainsi le programme joué à Lyon le 8 novembre sera aussi joué entre autre

  • Le 5 Décembre 2018 à la Philharmonie du Luxembourg
  • Le 8 Décembre 2018 au Théâtre des Champs-Elysées à Paris
  • Le 6 mars 2019 au Palau de la Música Catalana à Barcelone
  • Le 10 mars 2019 à l’Auditorium Rainier III à Monte Carlo

Il finira le 29 mai 2019 à Milan

Pour les toulousains, c’est trop tard car c’était le lundi 4 juin 2018

Et pour une dernière pièce la <Gigue de la 1ère Partita de Bach>

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Mercredi 7 novembre 2018

« Attention les vieux ! »
Un jeune enfant sur une trottinette

Avec Annie, nous marchions tranquillement, côte à côte sur le trottoir tout près de notre domicile.

L’espace disponible sur ce trottoir est diminué en raison d’arbres majestueux qui embellissent la rue.

Un enfant de 4 ou 5 ans, juché sur une trottinette, à laquelle par une action vigoureuse il tentait de donner une belle vitesse, arrivait à notre rencontre.

Je sentais une légère angoisse chez ce tout petit homme dont le visage esquissait un sourire crispé.

Il n’était pas sûr de pouvoir nous éviter et je pense qu’il éprouvait aussi une crainte de ne pas pouvoir freiner suffisamment.

Devant cette situation complexe et stressante, il a pensé que la meilleure solution était d’en appeler à notre bienveillance.

Il a alors lancé d’une voix forte et assurée :

« Attention les vieux !»

Notez-bien que dans l’échelle des impertinences, il aurait pu aller plus loin en criant : « Poussez-vous les vieux !». Mais il n’a pas du tout usé de cette injonction autoritaire, simplement pour nous préserver d’un choc qui aurait pu nous être préjudiciable, il a tenté de nous convaincre qu’il vaudrait mieux que nous nous écartions.

Nous n’étions pas tout à fait seul sur ce trottoir, mais nous étions les seuls qui marchions côte à côte.

Et pour nous distinguer des autres piétons, il a cherché à nous caractériser, à nous désigner par un mot qui nous permette de comprendre immédiatement qu’il s’agissait de nous. Et cela a fonctionné. Nous avons tout de suite compris que « les vieux » c’était nous.

Nous nous sommes donc écartés et Annie a quand même lancé à l’enfant que c’était un peu impertinent de nous traiter de vieux.

Sa mère qui suivait à pied n’a absolument pas compris ce qui se passait, montrant par-là que beaucoup de choses échappent aux parents.

Derrière nous, un jeune garçon d’une vingtaine d’années qui lui avait suivi parfaitement la scène a voulu nous rassurer :

« Mais non vous n’êtes pas vieux. Simplement de manière relative par rapport à lui, ce jeune garçon vous classe dans les vieux ».

Nous avons chaleureusement remercié ce garçon plein de sollicitude et de compréhension.

Je vous ai raconté un fait qui nous est arrivé. Les lecteurs attentifs du mot du jour savent que je trouve « moyen » de s’arrêter aux faits.

Il faut donc que je continue pour aller un peu plus loin dans la réflexion.

Je ne m’arrêterais pas à la question de savoir si à soixante ans on est vieux. Une chose est certaine on vieillit chaque jour et si on devient vieux c’est une bonne nouvelle, c’est une victoire de la vie. Car si on ne devient pas vieux, c’est qu’on est mort avant. « Vie » constitue d’ailleurs étonnamment les trois premières lettres de vieux.

On pourrait aussi, peut-être parler des trottinettes qui circulent sur les trottoirs et de la difficile cohabitation avec les piétons. <C’est pourquoi Paris veut interdire les trottinettes sur les trottoirs>

De manière plus globale, on pourrait évoquer ce que l’on a eu pour habitude d’appeler « les modes doux » de circulation, c’est-à-dire une alternative à la voiture.

Je ne sais pas ce que vous en pensez mais je trouve qu’en observant l’attitude de certains, l’adjectif « doux » semble totalement inapproprié. Dans l’esprit de ces personnes, il ne s’agit pas de mode « doux » mais de mode « rapide », je veux dire plus rapide que les voitures embouteillées.

J’ai la faiblesse de penser que ce n’était pas cela que l’on imaginait quand on parlait de mode « doux ».

Mais ce fait me conduit surtout à penser à la question du rythme de la vie : il faut être efficace, rapide, gérer intelligemment son temps. Mais dans une société où il y a de plus en plus de vieux comment faire ? Comment concilier, se faire se rencontrer le temps du vieux et le temps du jeune startupper cher au cœur d’Emmanuel Macron ?

Prenons, le cas extrême des vieux en EHPAD et des soignants qui n’ont pas de temps, qui doivent réaliser leurs interventions à une vitesse peu compatible avec le temps des vieux et une durée frustrante au regard de l’attente de l’ainé.

On pourrait imaginer que le progrès et l’automatisation constituent une ressource pour laisser plus d’espace au « temps de l’humain ».

Mais tel n’est pas le cas, le progrès et l’automatisation aujourd’hui ne nous donnent pas davantage de temps, mais nous rendent davantage contraints à la vitesse comme si nous devions servir le progrès, les machines, les flux financiers et d’autres choses qui accélèrent notre temps.

Sylvain Menétrey et Stéphane Szerman ont bien écrit le livre « Slow attitude ! » et dont le sous-titre est « Oser ralentir pour mieux vivre ».

J’ai trouvé aussi cet article qui parle d’un film de Gilles Vernet « Tout s’accélère » qui est une réflexion sur le temps. A travers les yeux d’écoliers de CM2 et appuyé par l’avis de physiciens, de psychologues et d’écologistes, le documentaire décrypte le rythme frénétique de notre monde et appelle au ralentissement.

L’article nous apprend :

« Gilles Vernet est un ancien trader. L’accélération du monde, il la vivait au quotidien car à Wall Street, chaque seconde compte. Optimisation, efficacité, rapidité, rentabilité… cette spirale infernale s’est arrêtée le jour où Gilles Vernet a appris que sa mère était mourante. Deux ans, c’était le temps qu’il lui restait à vivre. Deux ans, c’est aussi « ce temps » qui a produit le déclic chez le réalisateur. « Le choc m’a fait passer à l’acte » confit-il.

Gilles Vernet abandonne le monde de la finance. Devenu instituteur, il interroge ses élèves sur la cadence démesurée de notre société. Pourquoi travailler si vite ? Le monde ralentira-t-il un jour ? »

Nous sommes vraiment dans la problématique des modes doux, du temps doux.

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Mardi 23 octobre 2018

« Que nous apprend le cancer sur la vie ?»
Réflexions personnelles sur cette maladie

Le cancer fait mourir beaucoup de personnes autour de nous et porte en lui un imaginaire inquiétant.

C’est aussi une réalité, j’évoquais hier notre amie Françoise, il y a quelques années notre amie Cécile fut également emportée par ce mal et beaucoup plus tôt dans son histoire de vie.

Je poursuis, depuis quelques années, moi-même, une histoire intime avec cette maladie.

Parmi vous, il en est qui ont perdu des êtres aimés que la science actuelle des hommes n’a pas su prémunir d’une fin prématurée.

C’est bien sûr très encourageant quand on apprend que les recherches récentes offrent de nouvelles pistes de guérison qui viennent d’être honorées : Lundi 1er octobre, le prix Nobel de médecine 2018 a été décerné conjointement à l’Américain James P. Allison et au Japonais Tasuku Honjo pour leurs travaux sur l’immunothérapie.

Mais ce n’est pas de cette lutte scientifique contre la maladie que je souhaite parler aujourd’hui, ni d’explications scientifiques sur l’apparition et le développement du cancer. Dans le mot du jour du 29 septembre 2017, j’avais indiqué ce <Lien> vers une vidéo du site « science étonnante » dans laquelle, le créateur de ce site David Louapre était allé interroger des médecins de l’Institut Gustave Roussy.

Mon propos tente d’approcher une réflexion philosophique.

Je me souviens que très jeune et encore très peu préoccupé par cette maladie, avoir entendu parler un professeur de médecine qui d’après mes souvenirs était le professeur Jean Bernard.

Et ce qu’il a dit m’a beaucoup marqué, même si je n’en avais approfondi la signification.

Il avait exprimé cette réalité qu’il voyait dans les laboratoires :

« Qu’est-ce que le cancer en fin de compte ? Ce sont des cellules qui ne veulent pas mourir. Nous avons dans nos laboratoires des cellules cancéreuses, prélevées sur des humains qui sont morts depuis de nombreuses années. »

Le cancer ce sont des cellules qui ne veulent pas mourir !

Elles se reproduisent à un rythme accéléré et ne meurent pas en proportion.

Ce sont des parties, des éléments d’un corps global, d’un corps humain ou animal.

Ces éléments ne veulent pas mourir et de ce fait, ils font mourir le corps dont ils ne sont qu’un élément.

Alors je ne peux pas m’empêcher de penser à cette catégorie de transhumanistes qui ne veulent pas mourir, qui poursuivent le fantasme de Gilgamesh celui de devenir immortel ou a-mortel.

Un article de « Science et vie » pose cette question : « Pourquoi meurt-on ? ».

« Comment expliquer qu’on ait été mis au monde pour, un jour, mourir ? […] Au fil des générations, la sélection naturelle n’aurait-elle pas dû éliminer les gènes qui, in fine, nous sont fatals ? Là réside justement le secret. […]

Car si mourir paraît inacceptable au niveau de l’individu, c’est tout le contraire à l’échelle de l’espèce : si nous mourons, c’est parce que la finalité de la vie n’est pas sa préservation, mais sa perpétuation.

Une fois que l’individu a rempli sa mission de reproduction, la sélection naturelle ne le préserve plus. En sorte, c’est notre faculté à donner la vie qui, mécaniquement, signe notre arrêt de mort.

Pour comprendre cette surprenante conclusion, il faut avoir à l’esprit une loi intangible : au sein d’une même espèce, entre un individu doté d’une faible longévité mais se reproduisant abondamment, et un individu vivant longtemps tout en se reproduisant peu, le premier obtiendra les faveurs de la sélection naturelle, via une diffusion plus importante de ses gènes au cours des générations.

[…] En tout cas, dès que les organismes vivants ne sont plus capables de se reproduire, la sélection naturelle laisse s’accumuler les mutations délétères dans leurs génomes, lesquelles les mènent à une mort inéluctable.

[…] Si nous mourons, c’est pour mieux donner la vie. Tel est le véritable paradoxe de notre finitude. »

Les êtres vivants que nous sommes ont vocation à se reproduire et à survivre par leur descendance.

C’est à nouveau ce combat entre l’Ego et le Nous, le Nous de l’espèce.

Il existe même des espèces qui meurent en se reproduisant. On pense à la mante religieuse qui au terme de l’accouplement voit la femelle dévorer le mâle. Il en existe d’autres comme certains marsupiaux qui s’épuisent lors d’une frénésie d’accouplement :

« Certains d’entre eux se reproduisent avec différentes femelles pendant de longues heures et finissent par mourir d’épuisement. Selon des chercheurs australiens, ce comportement sexuel particulier leur permettrait de fertiliser le plus grand nombre de femelles possible et d’assurer ainsi leur descendance. »

Tout comportement excessif est déraisonnable.

Je crois que nous avons raison d’aspirer à une belle et longue vie qui ne soit pas brisée prématurément par une maladie brutale.

Les scientifiques et les médecins sont donc légitimes à chercher des moyens pour essayer de réaliser ces objectifs.

Mais lorsque le cofondateur de PayPal : Peter Thiel  dit

« Je pense qu’il y a probablement trois grandes façons d’aborder la mort. L’accepter, la nier ou la combattre. Je crois que notre société est dominée par des gens qui sont dans le déni ou l’acceptation ; pour ma part je préfère la combattre. »

(cité par Harari)

Je crois qu’il a tort. Il faut accepter la mort, sans cela nous nous comportons comme un cancer pour notre espèce.

Je finirai ce mot du jour un peu âpre par une reproduction du tableau de Gustav Klimt : « La Vie et la Mort » achevé en 1916.


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Lundi 22 octobre 2018

« Une enfance heureuse »
Marie-Françoise Seyler

Nous vivons une époque de mutation considérable mais ce n’est pas la première fois que notre société a été confrontée à ce type d’évolution : d’un monde connu vers un nouveau monde.

Ce fut le cas de nos ainés qui venaient du monde rural et se sont intégrés dans le monde urbain, c’est ce qu’on a appelé l’exode rural.

Wikipédia nous apprend que c’est entre 1850 et 1860 que la population rurale française avait atteint son maximum (en valeur absolue) avec 26,8 millions de ruraux. À partir de cette date, les effectifs de la population rurale ont commencé à décroître en France. La France a d’ailleurs connu un exode rural plus tardif que les autres pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord.

Pour Marie-Françoise Seyler que nous appelions Françoise, cet exode fut encore plus tardif puisqu’elle raconte dans ce livre « Une enfance heureuse » le début de sa vie au milieu du XXème siècle dans une famille agricole vivant dans un village au pays de Bitche : Petit-Réderging.

Elle raconte comment pour financer les études d’un enfant, son père vendait une bête et la réalité de la vie villageoise de cette époque.

Dans la préface de ce livre son frère Jean-Marie, relate comment il expliquait à ses enfants : « J’ai connu le Moyen Âge ».

J’ai rencontré Françoise en 1976, en arrivant à Strasbourg pour poursuivre des études.

Annie a rencontré Françoise un an plus tard.

Parfois Annie et moi nous croisions dans la maison de Françoise, sans jamais nous remarquer.

Après plus de 10 ans, en 1988, Françoise a conseillé à Annie de s’intéresser à moi et depuis nous vivons ensemble.

Lorsque chacun de nos enfants est né, c’est Françoise qui est venu pour nous aider, nous conseiller et être là tout simplement.

C’est encore elle qui nous a appris et a fait avec nous les merveilleux gâteaux de Noël alsacien.

Et au-delà du matériel, nous avons échangé tant de choses immatérielles lors de nos rencontres dans lesquelles sa bienveillance, son humanisme, son éthique étaient comme un phare qui permettait d’éclairer la route.

Michel Rocard a écrit : « Dans les cinq plus beaux moments d’une vie, il y a un (ou des) coup(s) de foudre amoureux, la naissance d’un enfant, une belle performance artistique ou professionnelle, un exploit sportif, un voyage magnifique, enfin n’importe quoi, mais jamais une satisfaction liée à l’argent. »

C’est ainsi qu’Annie et moi avons vécu l’amitié de Françoise : un des plus beaux moments de notre vie.

Pendant de nombreuses années elle a affronté son terrible cancer, les yeux ouverts plein de lucidité et de force. Elle continuait à voyager, à faire de longues randonnées et finalement aussi écrire.

Puisqu’elle a écrit un autre livre sur la vie d’antan à la campagne : « couleurs des saisons » et un roman toujours sur ce sujet du lien entre le monde rural d’hier et le monde d’aujourd’hui : « Le nouveau monde d’Anna », un autre livre a été écrit et devrait être édité prochainement.

Jusque dans son dernier combat avec la mort, elle fut pour nous un exemple et une leçon de vie. Sa cérémonie d’Adieu eut lieu le jour où j’entrais dans ma soixantième année.

Le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants.

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Mercredi 6 juin 2018

«Il faudrait enseigner à douter y compris du doute…»
Edgar Morin

Je suis abonné aux tweets d’Edgar Morin. Souvent en quelques mots il écrit des choses fondamentales.

Tel est le cas de cette phrase : « Il faudrait enseigner à douter » et il ajoute et même douter du doute.

Probablement que cette réflexion a été inspirée par cette incongruité de l’annonce par les services officiels de l’Ukraine du meurtre du journaliste russe Arkadi Babtchenko. Nous savons désormais qu’il s’agissait d’une <fausse information> (fake news en globish)

J’avais consacré un mot du jour au doute : «Nous devons combiner la graine fertile de la curiosité et l’esprit fécond du doute»

Plus récemment j’avais rappelé le propos du mathématicien Henri Poincaré : « Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir.»

Alors je trouve particulièrement important, dans un monde de fausses nouvelles et de théories du complot, de se reprendre à douter et même à douter du doute.

Par exemple :

  • Douter des théories économiques.
  • Douter du doute sur l’apport des vaccinations.
  • Et même douter du libre-échange et douter du doute du libre-échange.

 

Nous sommes le 6 juin 2018. Ce blog a donc un an…

Le mot du jour introductif du blog, le mot du jour existait sous une autre forme depuis 2012, se trouve derrière ce lien <6 juin 2017>

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Mardi 27 février 2018

«Nous avons été de la viande à charbon. »
François Dosso, porte-parole de la cellule maladies professionnelles de la CFDT des mineurs de charbon de Lorraine

Je suis né à Forbach et ma maison parentale se trouvait dans la ville voisine de Stiring-Wendel. Ces deux villes faisaient partie du bassin houiller de Lorraine, les mines de charbon. Si mon père n’y a travaillé que pendant une très petite période, la plus grande partie de ma famille : oncles, cousins, petits cousins y ont travaillé toute leur vie.

La Lorraine était une région industrielle de mines, les mines de fer près de Thionville, les mines de charbon autour de Forbach, Freyming Merlebach et aussi des mines de sel près de la ville bien nommée Château-salins.

En avril 2004, le dernier puits du bassin houiller lorrain a fermé, il s’agissait du puits de la Houve à Creutzwald. Le siège de Merlebach avait fermé au mois d’octobre 2003.

Mais c’est bien l’arrêt de la production, le 23 avril 2004, du puits de la Houve qui marque la fin de l’exploitation du charbon en France.

<Vous trouverez derrière ce lien une histoire documentée de l’aventure du Charbon à Freyming-Merlebach>

Wikipedia nous apprend que la présence du charbon dans la région fût connue dès le XVIe siècle, mais que c’est au début du XIXe siècle que l’exploitation du bassin lorrain va connaître son développement. Ainsi, c’est en 1810 que deux ingénieurs du corps impérial des Mines dressent le premier atlas du bassin houiller lorrain dans la continuité du bassin de la Sarre qui se trouve au-delà de la frontière du côté de l’Allemagne qui n’a pas encore opérée son unification.

Nous apprenons aussi que le bassin houiller lorrain s’étend sur une superficie de 49 000 ha, qu’il peut être délimité par le triangle Villing (près de Creutzwald) – Faulquemont – Stiring-Wendel et qu’il regroupe environ 70 communes. Enfin on y dénombra plus de 58 puits construits entre 1818 et 1987.

En 1946, au lendemain de la guerre les mines de charbon furent nationalisées et on créa les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), un établissement public à caractère industriel.

L’exploitation est donc désormais arrêtée depuis 14 ans, mais de graves problèmes demeurent dans ma région natale.

D’abord un problème économique, cette région est sinistrée depuis cette fermeture qui correspond à une désindustrialisation que rien n’a su compenser pour donner des emplois stables et rémunérateurs. J’avais esquissé cette problématique en évoquant le documentaire de Régis Sauder <Retour à Forbach>

Ensuite des problèmes géologiques, en effet, l’eau s’engouffre dans les galeries et cause des affaissements de terrain et des effondrements miniers qui endommagent les immeubles et les routes.

Mais la technique n’est rien sans les hommes explique « l’Humanité » dans ce bel article de 2003 < Freyming-Merlebach, ou la vie après la mine>. Vu à hauteur d’homme, cet article raconte comment dans ce lieu de labeur se sont côtoyés des travailleurs venant de pays différents :

« Des convois d’Italiens, de Polonais surtout, arrivent en gare de Toul. On leur pend un écriteau autour du cou. Ils s’ajoutent par dizaines aux Slovènes, aux Hongrois, et bien sûr aux Allemands. Depuis le début du siècle, ils acceptent de descendre aux côtés des paysans de Freyming. Du coup, les effectifs salariés progressent de 13 500 à 24 775 de 1920 à 1938. »

Mon grand-père maternel faisait partie du contingent polonais qui est venu renforcer la force de travail dans les mines de charbon de Moselle dans les années 1920.

Dans cet univers aussi se côtoyait ceux qui ne croyaient pas et ceux qui croyaient. Après un article du journal l’Humanité, je suis tombé sur un article de 2013 du journal « La Croix » : <La retraite contrastée des mineurs de Lorraine> :

On pourrait penser que le destin d’un mineur de charbon était enviable :

« Dans le charbon, on cessait le travail à 50 ans pour les mineurs de fond et à 55 ans quand on travaillait au jour. Mais quand les Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) ont progressivement cessé leurs activités, entre la fin des années 1990 et 2008 (l’exploitation avait pris fin en 2004), l’âge a encore été avancé à 45 ans. »

Mais la journaliste de la Croix raconte aussi la perte de sens, l’ennui et le vide :

« Heureusement, j’habite dans une maison et il y a du travail, poursuit Stanislas. Mais beaucoup sont en appartement, ils n’arrivent pas à s’occuper, passent leurs journées dans leur canapé, devant la télévision, à boire et à fumer. J’en connais un, pourtant bon vivant, qui a divorcé, puis s’est suicidé. Un autre a fait une tentative, récemment. Ils avaient pourtant tout pour avoir une vie extraordinaire. Mais ce qui manque le plus, c’est le contact. […]

En tant que médecins du travail, nous aurions voulu continuer à les suivre au-delà de 2008, témoigne Pierre Heintz, ancien médecin des Houillères, mais cela n’a pas été validé par Charbonnages de France. La direction estimait que ça ne pouvait que bien se passer. Nous, nous avions le retour des premiers mineurs partis, dont certains s’étaient mis à boire, avaient un sentiment de perte d’identité car leur métier n’existait plus. »

Et la journaliste rappelle « Le Pacte charbonnier », un accord inimaginable aujourd’hui :

« En 1994, alors que les Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) emploient 12 000 personnes, le « Pacte charbonnier » est signé sous la houlette de Gérard Longuet, alors ministre de l’industrie. Cet accord, inimaginable aujourd’hui, est justifié par la crainte de ne pas réussir à reclasser les « gueules noires », dont beaucoup sont victimes de maladies professionnelles (amiante et silicose) et envers qui la Nation se sent redevable d’une dette.

Un « congé charbonnier de fin de carrière » (CCFC) est ouvert à tous les ouvriers et agents de maîtrise de plus de 45 ans ayant au moins vingt-cinq ans d’ancienneté (vingt ans pour ceux ayant plus de 20 % d’invalidité) »

Ils touchent 80 % de leur salaire, ne peuvent travailler en parallèle (plus tard, ils auront la possibilité de toucher un faible revenu) et conservent tous leurs avantages (gratuité des soins, du logement, du chauffage), y compris pour les veuves».

Mais si j’écris aujourd’hui un mot du jour à ce sujet, c’est en raison d’un article « des Echos » du 15 février 2018 écrit par Pascale Braun : <La dernière bataille des mineurs de Lorraine> :

« Exposés à des conditions de travail dangereuses et insalubres dans les années 1980, plus de 3.000 mineurs tentent aujourd’hui de faire reconnaître la faute inexcusable des Houillères à leur encontre. […]»

« Nous avons été de la viande à charbon. Les houillères ont envoyé au casse-pipe des jeunes de vingt ans. Nous ne cesserons pas de nous battre tant que nous n’aurons pas obtenu la reconnaissance collective de cette ignominie », expose sans ambages François Dosso, porte-parole de la cellule maladies professionnelles de la CFDT. »

Car avant de partir à la retraite les mineurs de charbon qui travaillaient au fond de la mine ont été soumis à des poussières, des gaz, la terrible silice, l’amiante et d’autres produits dangereux :

«  A partir du choc pétrolier déclenché en 1973 par la guerre du Kippour et jusqu’à la catastrophe du puits Simon de Forbach en 1985, les houillères du bassin de Lorraine (HBL) ont imposé aux mineurs une productivité très élevée.

Les rendements ont progressé de manière spectaculaire, passant de 4,4 tonnes par homme et par jour en 1974 à 6 tonnes par homme et par jour en 1990. Les embauches ont repris à un rythme soutenu – jusqu’à 3.000 mineurs par an, avec un turnover atteignant parfois les deux tiers – jusqu’à l’arrêt brutal des recrutements en 1983. […]

Sur le plan sanitaire, cette période s’est avérée funeste. Les syndicats se sont d’abord inquiétés des accidents – 16 morts lors de la catastrophe de Merlebach en septembre 1976, mais aussi 15 morts et 600 blessés graves en moyenne chaque année hors accidents collectifs. Le souci des maladies n’est apparu que plus tard. […]

Les mineurs sont tombés malades. Pour l’année 1992, considérée comme ordinaire, les affiliés au régime minier présentent un taux de prévalence de maladies professionnelles 144 fois plus élevé que pour les affiliés au régime général. Au fond des puits, ils utilisent massivement des huiles minérales ou bitumineuses et du trichloréthylène. Ils respirent des vapeurs de gazole, des fumées de tirs d’explosifs et des fibres de roche.

En fonction des sites et des métiers, ils ont pu entrer en contact avec 24 produits cancérigènes ou pathogènes. [Ils] ont été exposés en moyenne à 11 d’entre eux au cours de leur carrière.

La dernière mine de Lorraine ferme en 2004 . Quatre ans plus tard, Charbonnage de France est liquidé et relayé par l’Agence nationale pour la garantie des mineurs (ANGDM). Disparaît ainsi un employeur qui régna en maître dans le bassin houiller durant un siècle et demi. Les langues se délient.

Peu avant la liquidation, certains médecins et cadres communiquent aux syndicats des informations jusqu’alors inédites sur la toxicité des produits utilisés. S’engage alors la troisième bataille du charbon, visant à faire reconnaître et à indemniser les victimes sanitaires d’une exploitation hors norme.

Le combat sans concession commence par l’amiante. Dans un premier temps, CDF conteste l’exposition elle-même. Déboutée jusqu’en cassation, l’entreprise attaque systématiquement toutes les demandes de reconnaissance de faute inexcusable, mais se voit presque immanquablement condamnée, au terme d’une guérilla juridique évaluée à 5.000 euros par cas, soit un coût de plus de 15 millions d’euros.

Aujourd’hui, entre 10 et 15 dossiers sont plaidés et gagnés chaque semaine au tribunal des affaires sanitaires et sociales de Metz.

A ces quelque 3.500 plaintes en cours se sont ajoutés au moins 500 dossiers portant sur la silicose et les maladies respiratoires inscrites aux tableaux 30 et 30 bis de la Sécurité sociale . »

L’avocat spécialisé en santé et sécurité au travail, Michel Ledoux explique :

« Pendant des décennies, nous avons échoué à contrer le raisonnement communément admis selon lequel on ne peut extraire du charbon sans générer de la silice. Nous sommes ensuite parvenus à démontrer que les houillères n’avaient pas respecté les mesures de sécurité qu’elles avaient elles-mêmes mises en place. Mais chaque dossier constitue un gros travail, car les mineurs ont exercé à des époques différentes, dans différents puits et à différentes tâches ».

C’est donc une bataille juridique qui s’est engagée. Elle est très incertaine pour les mineurs

« En juillet 2017, 755 anciens mineurs de l’Est mosellan ont pourtant encaissé une sévère déconvenue : la cour d’appel de Metz les a déboutés à la fois de leur demande d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété et de leur plainte contre Charbonnages de France (CDF) pour violation de l’obligation de sécurité.

Les plaignants avaient obtenu partiellement gain de cause le 30 juin 2016 devant le tribunal des prud’hommes de Forbach , qui leur a accordé un préjudice d’anxiété – jusque-là réservé aux victimes relevant du dispositif spécifiquement dédié aux victimes de l’amiante – avec une indemnisation de 1.000 euros contre les 15.000 demandés.

Ils ont décidé de se pourvoir en cassation, mais tous ne seront peut-être pas au rendez-vous. Entre juin 2013, date de la première instance aux prud’hommes, et le lancement de la procédure en appel en septembre 2015, 14 des 844 plaignants sont morts, à l’âge moyen de 61 ans. La décision de la cour est attendue courant 2019. »

Tout récemment sur des motifs analogues, des mineurs de fer de Lorraine ont été déboutés par la Cour de Cassation le mercredi 21 février 2018.

Nous sommes ici au cœur de la complexité du monde industriel dans lequel des ouvriers étaient fiers de leur travail et donnaient du sens à leur action tout en perdant leur vie à la gagner.

Pour celles et ceux que cela intéresse, j’ai encore trouvé <Un diaporama montrant le travail dans les mines de charbon lorraines et son évolution>

Et <Ici> toute une collection de photos du patrimoine minier.

Il y a énormément de ressources sur Internet. Ainsi sur ce blog on trouve une page décrivant chacun des 58 puits de l’Histoire des charbons de Lorraine, du puit de Schoeneck (1818) à La Houve (Creutzwald), le puits ouest (1987)

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