Mercredi 8 octobre 2014

Mercredi 8 octobre 2014
« Déjà vous n’êtes plus qu’un nom d’or sur nos places »
Louis Aragon extrait du Roman inachevé
en souvenir des soldats de la Grande Guerre
Notre ami Fabien, le gardien des hypothèques de Trévoux, m’a incité par deux fois à présenter ce poème d’Aragon.
Depuis le retour des congés je n’ai plus évoqué la guerre de 14-18.
En septembre 1914, deux grands écrivains sont morts au front :

Charles Peguy est mort le 5 septembre 1914

Alain-Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, est mort le 22 septembre 1914

Les premières semaines de la guerre fut un massacre, particulièrement pour l’armée française.
Outre les pantalons rouges, la stratégie voulue par Joffre de l’offensive à outrance a envoyé des milliers de soldats à la mort, sans aucun résultat stratégique ou même tactique.
Ainsi le 22 aout 1914 fut le jour le plus sanglant pour l’armée française, 27 000 morts cette seule journée. Que peut dire un tel chiffre ? Que selon le recensement de 2006, cela représente la population d’Aix les Bains ou de Cachan ou de Vanves ou de Biarritz. Voilà ce que veut dire 27 000 morts en une journée.
Avec cela, l’Etat-major français et particulièrement Joffre n’avait pas confiance dans le patriotisme des soldats. C’est pourquoi après la défaite de Charleroi et l’échec de la Bataille des frontières, deux décrets du 2 août et du 6 septembre 1914 furent promulgués qui instituaient des Conseils de guerre spéciaux, avec une procédure simplifiée et expéditive.
Contrairement à ce que l’on pense ce n’est pas en 1917 qu’il y eut le plus de fusillés mais au début de la guerre.
Pendant la Première Guerre mondiale, en France 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 740 fusillés pour l’exemple. Le pic le plus haut se situe de septembre 1914 à octobre 1915 avec 421 exécutions, soit 63% du total de la guerre.
Un livre a été consacré à ces fusillés pour l’exemple un ouvrage inédit présente la biographie de 740 soldats fusillés durant la Grande Guerre.  «http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130903.AFP4081/les-fusilles-de-la-grande-guerre-ont-desormais-un-nom.html
L’armée française fusillera beaucoup plus que les armées allemandes ou britanniques.
Mais revenons plutôt à Aragon :
Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
Jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu
Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus
Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille
Qu’un obus a coupé par le travers en deux
Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre
Et toi le tatoué l’ancien Légionnaire
Tu survivras longtemps sans visage sans yeux
On part Dieu sait pour où Ça tient du mauvais rêve
On glissera le long de la ligne de feu
Quelque part ça commence à n’être plus du jeu
Les bonshommes là-bas attendent la relève
Roule au loin roule le train des dernières lueurs
Les soldats assoupis que ta danse secoue
Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
Cela sent le tabac la laine et la sueur
Comment vous regarder sans voir vos destinées
Fiancés de la terre et promis des douleurs
La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
Vous bougez vaguement vos jambes condamnées
Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit
Déjà vous n’êtes plus qu’un nom d’or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s’efface
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri.
poème d’Aragon, mis en musique par Léo Ferré, / Chanté par <Barbara> puis <Léo Ferré>