Lundi 6 octobre 2014
« Juste pour qu’il soit présent,
Juste pour qu’il ne soit pas oublié.
Juste pour répondre à votre sollicitation. »
Juste pour qu’il ne soit pas oublié.
Juste pour répondre à votre sollicitation. »
François Morel
François Morel, l’humoriste du vendredi dans la matinale de France Inter, habitué à des billets d’humour et parfois d’humeur, a ce vendredi 3 octobre réalisé un billet d’émotion.
Michelle, une des destinataires de ce mot du jour, a été très touchée par cette chronique, comme vous le serez si vous l’écoutez.
François Morel a expliqué avoir reçu le courriel le plus étonnant depuis qu’il travaille sur France Inter » et il s’est mis à le lire.
C’était un message de Françoise, la compagne d’Hervé Gourdel, le guide de montagne décapité la semaine dernière par le groupe Jund al-Khilafa, lié au groupe Etat islamique.
« Bonsoir, je suis la compagne d’Hervé Gourdel. J’ai une requête à vous soumettre.
Je souhaiterais qu’Hervé soit présent dans votre prochaine chronique. Normalement, ça ne se demande pas.
Mais Hervé appréciait beaucoup vos chroniques, et je souhaiterais que ce soit une sensibilité qui s’exprime ainsi qu’une hauteur de vue », a-t-il lu en direct
François Morel a répondu à cette inhabituelle requête, en s’accompagnant d’un morceau du musicien Ibrahim Maalouf.
Voici des extraits de ce moment :
« Françoise, j’écoute Ibrahim Maalouf et je pense à vous.
“J’imagine que votre requête est importante à vos yeux car vous me l’adressez comme après un naufrage, on lance une bouteille à la mer.
J’ai peur de ne pas en être capable.
Qui je serais, moi, pour parler de quelqu’un que je ne connaissais pas et qui a rencontré l’horreur absolue en Kabylie ?
Je reprends vos mots : « une sensibilité » soit, mais « une hauteur de vue ! «
J’écris des chroniques sur France Inter mais entre nous, je suis un imposteur, je devrais déchiffrer l’actualité mais l’actualité m’effraie (…)
Je devrais saisir la réalité, mais la réalité m’échappe.
Je devrais décrypter le monde mais le monde est de plus en plus incompréhensible à mes yeux, à mes oreilles (…)
Je n’ose pas le dire à Patrick Cohen, il m’arrive de ne plus écouter la radio le matin, de peur d’apprendre de trop mauvaises nouvelles.
Les extrémismes qui montent, le sens de la solidarité qui disparaît, la violence comme seule réponse”.
Je pense à vous Françoise et j’écoute Ibrahim Maalouf
J’ai peur de ne pas trouver les mots
Je devrais peut être juste répéter le nom de votre mari,
Juste pour qu’il soit présent, juste pour qu’il ne soit pas oublié.
Juste pour répondre à votre sollicitation.
Hervé Gourdel, Hervé Gourdel, Hervé Gourdel.
[Hervé] aimait la vie qui s’est arrêtée pour lui dans l’horreur, la violence absolue, les pages « International » de tous les journaux du monde.
Depuis qu’Hervé est mort, il y a eu des manifestations, des marches silencieuses dont certaines ont tourné à la querelle de chiffonniers, comme si la mort d’un homme ne pouvait pas au moins susciter la retenue, le respect, le silence. »
« Le silence comme seule réponse possible un peu digne », a-t-il conclu en lançant un morceau d’Ibrahim Maalouf, musicien qui a été récompensé par l’UNESCO pour « être un artiste qui ouvre le dialogue entre le monde arabe et l’occident ».