Jeudi 09/01/2014
« Antifragile »
Nassim Nicholas Taleb
Antifragile est un concept, plein de sens, inventé par Taleb.
Vous savez que ce qui est fragile casse tout de suite.
Vous comprenez que ce qui est solide résiste au choc. « L’antifragile dépasse la résistance et la solidité. Ce qui est résistant supporte les chocs et reste pareil ; ce qui est antifragile s’améliore. Cette qualité est propre à tout ce qui est modifié avec le temps » et Taleb de citer l’innovation technologique, les réussites culturelles et économiques, les recettes de cuisine, et notre propre existence en tant qu’espèce sur cette planète. Et « l’antifragile aime le hasard et l’incertitude », nous avons besoin d’une dose de stress et de volatilité pour nous améliorer.
Taleb prend l’exemple de deux frères, l’un travaille dans une grande banque, l’autre est chauffeur de taxi. Le premier bénéficie de revenus réguliers contrairement au second, mais en moyenne sur l’année ils sont équivalents. Avec la crise bancaire le premier perd son emploi et voit ses revenus tomber à zéro tandis que l’autre se débrouille et maintient son activité. Les artisans, les professions indépendantes ont des revenus instables mais cette volatilité les oblige à mieux « sentir » le marché et à s’adapter en permanence, ce qui n’est pas le cas d’un salarié d’une grosse société (ou de l’administration…) qui se croit à l’abri. Taleb conclut : « Telle est l’illusion principale de la vie : croire que le hasard est risqué et néfaste, et qu’on l’élimine en s’appliquant à l’éliminer. »
Plus grave : « quand on supprime artificiellement la volatilité, ce n’est pas seulement que le système tend à devenir extrêmement fragile ; c’est qu’il ne présente en même temps aucun risque visible. » Et Taleb de rappeler Alan Greenspan qui voulait éliminer les cycles économiques et faisait l’éloge d’une « grande modération » qui n’aura finalement servi qu’à masquer la crise qui explosa en 2008.
Nassim Nicholas Taleb s’est fait connaître dans le monde entier avec son livre « Le Cygne noir » paru en 2007. Juste avant le déclenchement de la crise des subprimes, il expliquait la fragilité des modèles utilisés dans la finance et leur aveuglement face aux événements extrêmes, imprévisibles, mais qui se produisent toujours plus souvent qu’on ne le croit. Son livre a été l’essai le plus vendu dans le monde avec 3 millions d’exemplaires.
« Antifragile » (Les Belles Lettres, en librairie depuis le 23 août) est son nouveau livre qui veut apporter une réponse aux défis posés par son précédent ouvrage.
Il répète, « le hasard dans le domaine du Cygne Noir est insoluble. La limite est mathématique, voilà tout. Ce qui est non mesurable et non prévisible demeure non mesurable et non prévisible, si nombreux que soient les experts diplômés qui se consacrent à l’affaire. »
Le problème des prévisions est leur dimension iatrogène (1). Ainsi « ceux qui tablent sur les prévisions courent davantage de risques, s’attireront des ennuis et feront même peut être faillite. Pourquoi ? Quelqu’un qui fait des prévisions se fragilise face aux erreurs de prévision. Un pilote trop sûr de lui finira par s’écraser. Et les prévisions chiffrées incitent les gens à prendre davantage de risques. »
Alors que faire ? Se laisser aller au gré du hasard ? Pas du tout. S’appuyant sur la sagesse des Anciens, notamment Sénèque et les stoïciens, Taleb explique que « la sagesse en matière de décision est infiniment plus importante que la connaissance ». En somme, il faut se rendre antifragile. La fragilité implique que l’on a plus à perdre qu’à gagner en cas de volatilité importante, l’antifragilité que l’on a plus à gagner qu’à perdre dans la même situation.
Et Taleb d’expliquer : « Selon moi, le stoïcien moderne est quelqu’un qui transforme la peur en prudence, la douleur en information, les erreurs en une initiation, et le désir en entreprise. »
(1) iatrogène se dit d’un trouble, d’une maladie provoqués par un acte médical ou par les médicaments, même en l’absence d’erreur du médecin.
Ci-après quelques liens :
Que le ciel continue à vous tenir en joie