Lundi 25 août 2025

« J’ai toujours éprouvé pour ma mère l’amour le plus absolu. Elle m’a sauvée d’un danger intérieur qu’elle seule avait remarqué. »
Amélie Nothomb « Tant mieux » page 195

Comme à chaque rentrée, depuis des temps immémoriaux, Amélie Nothomb publie un livre chez Albin Michel. Je ne le lis jamais.

Par hasard, j’ai vu sur le média internet Brut, une interview dans laquelle elle présente celui de cette année : « Tant mieux ».

Ce livre est consacrée à sa mère qui est morte début 2024.

Il faudrait toujours écrire, peut être pas un livre, au moins quelques mots sur notre mère. Pour se souvenir, éclairer des zones d’ombre et surtout comprendre et exprimer sa reconnaissance. Car sauf cas très marginaux et rare, nous avons tous motif à gratitude.

Albert Cohen a écrit un bouleversant document : « Le livre de ma mère », j’en avais tiré un mot du jour en 2018 : « Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles. ».

Pour Christian Bobin, si sa relation à son père fut lumineuse, celle à sa mère fut plus complexe. Elle avait très peur pour lui et de ce fait l’empêchait de sortir de sa maison sauf pour aller à l’école. Il a ainsi passé une enfance dans la solitude et dans ce qu’il a appelé lui même une agoraphobie. Je ne crois pas qu’il ait écrit un livre sur sa mère, mais il a dit ceci dans l’émission de France Culture « Les Racines du ciel » du 7 septembre 2014 :


« Ma mère, elle a fait comme elle a pu.
Comme chaque femme qui a des enfants, elle a fait le travail impossible qui lui a été assigné. A savoir un travail d’engendrer et puis surtout ensuite de veiller, d’amener au mieux les gens qui lui sont confiés, les enfants.
Ce travail, elle l’a fait, elle l’a bien fait, à sa façon. La vie n’a pas été facile pour elle. Je pense qu’elle aussi à sa façon m’a tout appris. Ce que je sais des mères, ce que j’écris des mères, je le tiens bien d’elle, d’une façon ou d’une autre, même si c’est parfois de façon paradoxale.
C’est par l’absence qu’on connait la présence, c’est par le manque. C’est par la faim qu’on sait ce qu’est un morceau de pain. On sait exactement ce que c’est. On le sait mieux que la personne qui a toujours du pain à volonté sur sa table. […]
Moi, je suis fait de ceux que je rencontre. Je suis fait aussi de mes parents c’est évident. Je suis fait de tout, même de leur manque, même de leur faille. Et c’est par ces failles aussi que, sans doute, j’ai vu la lumière. »
« Christian Bobin: Une vie en poésie »
à 13:10

Quand je dis qu’il faudrait écrire sur notre mère, je ne parle bien sûr pas de publier. La littérature se trouve devant un paradoxe terrifiant : il y a de plus en plus d’auteurs qui publient des livres et de moins en moins de lecteurs qui lisent. Ecrire, c’est d’abord pour soi qu’on doit le faire et peut être pour quelques proches. Je m’imagine que la fratrie ou les enfants ne peuvent être indifférents à lire ce que le coeur sait révéler.

Amélie Nothomb a publié le livre sur sa mère et ce qu’elle dévoilait dans son entretien m’a poussé à l’acheter et à le lire immédiatement. Ses livres sont courts, il ne m’a même pas fallu une soirée pour le finir.

La plus grande partie est ce qu’elle appelle dans son entretien, un conte qui raconte l’histoire d’une enfant, Adrienne, dans ses relations avec ses grands parents, ses parents, ses sœurs jusqu’à la rencontre de l’homme de sa vie. Le livre se termine par une partie beaucoup plus courte dans laquelle le conte s’éclaire et Amélie Nothomb parle de sa mère, et c’est bouleversant.

Le livre est désigné par la catégorie « roman », on ne sait pas quel est la part d’invention ou même s’il y a invention. Il semble cependant que l’essentiel correspond à la réalité.

Je ne vais pas divulgâcher le propos du livre. Il me fallait cependant trouver une exergue dans le livre. Elle est mystérieuse et il faut bien expliquer un peu :


« J’ai toujours éprouvé pour ma mère l’amour le plus absolu. Elle m’a sauvée d’un danger intérieur qu’elle seule avait remarqué. Mes deux ainés, dès la naissance étaient lumineux. J’étais sombre. Dès mes cinq ans, j’ai senti cette noirceur grandir en moi. J’étais appelée, je pense, à devenir une dépressive pathologique.
Quand ma mère me voyait sous emprise de cette obscurité, elle me disait :
– Pourquoi es-tu comme cela ?
– Je ne sais pas
– Alors Arrête. Tu n’as pas le droit.
C’était dit avec autorité et douceur.
Cette parole a été entendue. Aujourd’hui encore, lorsque la force atrabilaire se manifeste en moi, la voix maternelle la repousse : Tu n’as pas le droit. C’est d’une efficacité redoutable.
Je n’oublierai jamais ma dette astronomique envers ma mère : Elle m’a livré un bouclier pour lutter contre mes ténèbres. »

Je crois que beaucoup d’entre nous pourraient parler de leur dette astronomique envers leur mère.

Une réflexion au sujet de « Lundi 25 août 2025 »

  • 25 août 2025 à 10 h 50 min
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    Bonjour Alain, merci beaucoup pour ce mot, sur le même sujet, lire le Monde des livres du 22 août.

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