Mercredi 2 mars 2016

Mercredi 2 mars 2016
« Le pouvoir des GAFA c’est d’être la porte d’entrée du monde vers vous, « individu » et la porte d’entrée de l’individu sur le monde »
Olivier Babeau
Olivier Babeau est enseignant-chercheur et consultant en stratégie. Il dispose d’un site qui présente ses études : http://olivierbabeau.fr/
Il était l’invité de l’émission du Grain à moudre, l’été dernier. Lors de cette émission, il a déclaré :
«Il n’y a pas eu d’exemple dans l’histoire de l’humanité où des entreprises privées ont eu un tel pouvoir.
Dans le passé il y a eu des banques qui arrivaient à prêter aux empereurs et aux rois ou aux papes.
Mais il n’y a jamais eu d’entreprises qui étaient aussi puissantes que les GAFA.
Si vous prenez le chiffre d’affaire des GAFA vous avez l’équivalent du PIB du Danemark soit la quinzième puissance mondiale.
Si vous prenez les réserves financières des GAFA, vous avez 123 milliards de dollars, c’est-à-dire de quoi acheter les 50 start up les prometteuses et les plus innovantes.
C’est une puissance considérable et cela pose des problèmes d’éthique.
Le pouvoir des GAFA c’est d’être la porte d’entrée du monde vers vous, l’individu et la porte d’entrée de l’individu sur le monde.
Leur pouvoir c’est le contrôle de ces deux côtés et ce contrôle les GAFA le monétise, en tire leur puissance financière et leur capacité d’influence.»
Tout est dit dans ce paragraphe : Notre smartphone, nos requêtes Google, nos amis Facebook, si nous sommes sur ce réseau, vos achats Amazon sont ce que Olivier Babeau explique : une double porte vers le monde et du monde vers nous.
Ces services sont très largement gratuits, parce que la marchandise c’est nous.
Les GAFA prennent nos données que nous donnons et notre vie privée et ils revendent ces données, grâce à quoi ils sont très riches.
Apple et Amazon, en plus de faire cela vendent aussi des produits.
Une autre invitée, la journaliste Andréa Fradin a ajouté :
«Le vrai souci que l’on voit surtout depuis les révélations de Snowden sur la surveillance de masse via les réseaux sociaux c’est les gens qui ne s’intéressent pas aux sujets numériques, s’en fichent de ces problèmes. Ils répondent : « on le savait déjà, on s’en fiche, nous n’avons rien à cacher ! »
Je me souviens d’une anecdote, un collègue qui avait amené sa mère, une ancienne prof à une conférence de hacker, des gens qui savent comment ça marche et qui expliquaient l’importance de la vie privée et de l’utilisation des bons logiciels. La collègue attendait de la part de sa mère une épiphanie qui lui aurait ouvert l’esprit. Mais elle ne l’a pas eu. Elle a déclaré qu’elle continuerait à utiliser Google. Il semble qu’il n’y a pas de demande du grand public sur la protection des données. »
On peut parler « de servitude volontaire »  comme l’écrivait Etienne de la Boétie.
Nos données sont données librement au GAFA en pleine indifférence, en pleine ignorance.
Ces sites suivent votre comportement en ligne, ils sont capable de déterminer vos habitudes de consommation bien sûr mais aussi vos opinions politiques, vos obsessions, vos fantasmes peut être, tout est enregistré.
Les hommes et les femmes naïfs, devant leur ordinateur croient qu’ils sont seuls, que personnes ne voient ce qu’ils font, la requête qu’ils sont en train de demander à Google. Ils n’oseraient peut être pas en parler à leur conjoint ou à leurs amis, mais poser la question à Google, c’est anonyme, personne ne saura.
Rien n’est plus faux !
Non seulement les big data de google savent que vous avez demandé telle chose, mais en plus ils le tracent et le rapprochent d’autres requêtes que vous avez faites et sont ainsi en mesure de construire un profil de vous, dévoilant tous les jardins secrets que vous pensiez cachés.
«Votre historique de recherche est la chose la plus personnelle sur Internet, car vous y partagez vos problèmes de santé, vos soucis financiers, le tout sans même y réfléchir», explique Gabriel Weinberg, le créateur de DuckDuckGo qui est un moteur de recherche concurrent de Google. La philosophie de ce moteur de recherche est de préserver la vie privée et de ne stocker aucune information personnelle concernant les utilisateurs
Une tribune de la présidente de la CNIL précise : « La transition numérique de la société concerne tous les secteurs et se traduit par une multiplication des flux de données. Le problème n’est pas leur circulation, mais leur utilisation à l’insu des citoyens.
Lorsque l’on visite quatre sites grand public, des sociétés que nous ne connaissons pas installent une cinquantaine de cookies sur notre ordinateur. On ne voit pas non plus que des tas d’annonceurs traquent notre activité en ligne pour nous proposer des publicités ciblées. Google, Facebook, Amazon et les autres géants du Net collectent, regroupent et monétisent les données personnelles de façon non transparente.
À ce problème s’ajoute celui de la surveillance sur Internet. Plus ou moins poussée selon les États, elle alimente un sentiment de perte de contrôle sur nos données personnelles. »
Je me souviens du jour où mon fils pourtant connaisseur en matière d’informatique, m’a appelé en disant : « Ça fait peur ». Il constatait que Google était capable de retracer, chaque jour, tous les déplacements qu’il avait effectués en France comme au Canada. Cela dépend de votre portable et des paramétrages que vous avez acceptés. Vous trouverez quelques informations derrière ce lien : http://www.phonandroid.com/google-peut-vous-montrer-une-carte-de-votre-vie-minute-par-minute.html
Et  puis j’ai lu cet avis désabusé d’un ancien dirigeant de la BBC, Alan Yentob : «Amazon en connaît probablement plus sur la vie de mes enfants que moi »
Nous devons être lucide et prudent avec nos portes vers le monde et inversement.