Jeudi 26 novembre 2015

Jeudi 26 novembre 2015
«L’Islam n’a rien à voir avec DAESH»
Propos très souvent entendu sur les ondes par des musulmans horrifiés par la violence de Daech ou par des non musulmans voulant être rationnel et bienveillant.
Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation : « l’Islam n’a rien à voir avec DAESH ».
Je peux entendre et être en accord avec des affirmations du type : L’Islam peut être interprété autrement que la vision de DAECH ou même une affirmation plus radicale et bienveillante : « L’Islam n’est pas DAECH »
Mais dire que l’Islam n’a rien à voir avec DAECH est faux. Absolument, fondamentalement et rigoureusement faux.
Les religions monothéistes sont par construction intolérantes et totalitaires.
Quant à la base des fondamentaux de son existence, un humain croit à un Dieu unique, bien sûr son Dieu. Qu’il pense que la vraie vie est dans l’au-delà et pas sur terre et qu’il existe des textes « sacrés » qui disent la vérité et des « hommes de Dieu » qui parlent au nom de ce Dieu il y a forcément des conséquences qui sont très éloignées des valeurs de démocratie, de tolérance, de liberté.
Il est logique que lorsqu’on fonde sa vie sur la croyance en un Dieu unique qui est le sien, celui qui ne partage pas cette croyance n’est pas quelqu’un qui a une autre opinion, mais quelqu’un qui est dans l’erreur. C’est un point fondamental et premier. «Le ver est dans le fruit» répète Abdennour Bidar.
Après il y a une deuxième étape, comment agit on avec celui qui est dans l’erreur ?
Les croyants monothéistes postulent un second axiome à celui du Dieu unique : l’important n’est pas la vie sur cette terre que certains désignent comme un pèlerinage dans une vallée d’épreuves et de larmes, mais la vie après la mort, en enfer ou au paradis. Bref, la vie humaine n’a pas de valeur absolue, comme chez les « mécréants ».
Je reviens à la question : comment agit-on avec celui qui est dans l’erreur ?
Le christianisme a pendant longtemps répondu : il faut le brûler. On acceptait que celui qui était dans l’erreur, le reconnaisse et s’amende mais s’il persévérait, il fallait le brûler.
Je ne veux pas opposer deux religions en les comparants de manière scientifique et rationnelle.
Toutefois il est quand même possible de constater que les figures centrales du christianisme et de l’Islam sont assez différentes.
Le Christ a vécu au début de notre ère et a été crucifié par les autorités impériales romaines. Cela je crois ne se discute plus. Pour tout le reste c’est beaucoup plus hasardeux pour tous ceux qui ne croient pas ou qui ne s’arrêtent pas à la seule croyance.
Pour revenir à ce qui est certain, le personnage central de cette religion a été exécuté par la peine infamante des esclaves.
Dans le texte qui décrit cela et sur lequel se fonde les croyants chrétiens et qui est « sacré à leurs yeux », il semble bien que cet homme « Jésus de Nazareth » ait accepté de se faire arrêter sans combattre et appelé ses fidèles à la non-violence puisqu’il aurait dit à un de ses disciples de ne pas sortir l’épée.
Il y a un épisode dans l’évangile qui parle de violence, c’est celui où Jésus chasse les marchands du temple de Jérusalem. Il ne les tue pas mais il les oblige par des actes de violence de sortir du temple. Mis à part cet épisode, il apparait plutôt comme un non violent.
Et…
Et malgré cet exemple, à la fois la crucifixion et un message fondamentalement non violent, le christianisme quand il a pu prendre le pouvoir dans l’Empire et plus tard dans les principautés et royaumes chrétiens a usé de violence extrême pour convertir, combattre les erreurs appelés hérésies, ou pourchasser les non croyants, en tuant et en emprisonnant tous ceux qui ne se soumettaient pas au dogme imposé par la puissance religieuse.
Malgré l’exemple et le texte accompagnant le personnage central initial et initiatique, la religion chrétienne s’est abimée dans la violence et le totalitarisme intellectuel et sociétal. C’est en effet un totalitarisme puisque la science naissante ne pouvait pas dire autre chose ce que le dogme imposait et la vie sociétale était étroitement surveillée par les gardiens du dogme. Il me semble que le terme « pensée totalitaire » est parfaitement approprié.
Il me semble que cette histoire illustre parfaitement les dérives inhérentes à la croyance monothéiste.
Force est de constater que l’Islam a été construit sur un personnage central et historique très différent. Jésus est un vaincu de la vie terrestre, il a été exécuté et semble-t-il sans combattre. Mohammed est certainement un homme plein de bienveillance, jugé à l’aune de son époque, et les musulmans sont capables de citer beaucoup de ses propos ou de ses faits qui montrent son humanité.
Toutefois, il s’agissait bien d’un chef de guerre. C’est un vainqueur de la vie terrestre : il a soumis ses opposants par la force. Certes il avait probablement un grand charisme et un discours très entraînant mais il avait une armée et un des moyens pour convertir a été de vaincre militairement.
Cette manière de faire a été approuvée et pratiqué par lui.
D’autres épisodes de sa vie montre que de son vivant il a décidé ou approuvé des massacres de ces « fameux humains dans l’erreur par rapport à la croyance monothéiste que j’ai évoqué avant »
Dès lors a fortiori par rapport au christianisme, l’intolérance monothéiste trouve encore plus matière à s’épanouir dans cette religion.
Il s’est passé quelque chose dans le christianisme : la renaissance et les lumières. Ce ne fut pas à l’intérieur de la religion que ce mouvement a émergé et s’est éclos. Et c’est ce mouvement qui a obligé peu à peu la religion chrétienne à accepter le relativisme, concept éminemment compliqué pour la pensée monothéiste. Des hommes sont morts pour cela. Le local PS de Villeurbanne se trouve rue Michel Servet. J’ai été surpris, un jour où je m’y trouvais que personne ne connaissait Michel Servet. C’était un scientifique et il voulait aussi faire évoluer la pensée théologique. Et il a été brûlé vif pour hérésie le 27 octobre 1553 à Genève sur l’ordre de Jean Calvin. Car les pères réformateurs n’étaient pas plus tolérants que les prélats catholiques.
Des scientifiques d’abord, des philosophes ensuite ont entraîné un mouvement qui a amené à la fois au développement extraordinaire des sciences et de la liberté.
L’Islam n’a pas connu un tel mouvement. Pourtant, il y eut une époque où la médecine, la science et les arts de la civilisation musulmane avaient beaucoup plus d’atouts que les pays chrétiens pour entrer dans l’ère de la lumière. Mais ce ne fut pas le cas.
Et il est lassant et répétitif de raconter toutes ces horreurs, tous ces crimes commis au nom de l’Islam dans les pays symboles comme l’Arabie saoudite, l’Iran, le Pakistan.
<Le 17 novembre, 4 ajours après les attentats de Paris, un poète a été condamné à mort en Arabie Saoudite pour apostasie> Donc en Arabie, on tue un poète parce qu’il veut quitter la religion musulmane. Mes amis nous sommes contemporains de cela et ce crime est commis au nom de l’Islam, aujourd’hui.
L’Arabie Saoudite qui a financé le développement des communautés fondamentalistes et salafistes jusque dans notre pays. Beaucoup d’entre vous ont entendu ce que l’imam salafiste de Brest raconte de la musique : « Qui écoute de la musique ? », demande l’imam. De nombreux doigts se lèvent spontanément. L’imam poursuit : « Écouter de la musique, c’est un grave péché. C’est écouter Scheitan, le diable ». Les enfants boivent ses paroles. « Allah n’aime pas la musique parce que c’est ce que le diable aime ». Un enfant lève le doigt. « Moi je fais de la batterie ». « Et bien tu vas arrêter d’en faire », poursuit l’imam en faisant référence à l’apocalypse pour mieux marquer les esprits. « Ceux qui chantent, le prophète a dit qu’ils seront engloutis sous la terre. Ils seront transformés en singes ou en porcs. Qui aime encore la musique ? », demande-t-il à son assistance médusée.
Alors quand on dit que les crimes de ces petits délinquants guidés par des idéologues de DAESH n’ont rien à voir avec l’Islam, je ne peux pas accepter cette affirmation qui se voudrait rassurante.
Mais enfin ! Si les tribunaux des gens respectables de Ryad peuvent condamner à mort un homme dont le seul crime est de ne pas croire, quand un religieux de Brest prétend qu’écouter la musique c’est pactiser avec le diable, être tout prêt d’être transformé en porc, cela ne peut-il pas justifié des jeunes écervelés de croire qu’on peut tuer ceux qui ne croient pas comme eux ou massacrer des jeunes écoutant une musique diabolique ?
Parce qu’il faut quand même quelques convictions solidement charpentés pour rentrer dans une salle de concert et tuer froidement des dizaines de personnes. Il faut ne pas voir, en ces futures victimes, des êtres humains comme soi-même mais des personnes diaboliques qu’il faut éliminer.
Et puis il faut accepter de mourir, de se sacrifier ! De considérer cela comme une consécration comme l’a révélé David Thomson, le journaliste de RFI qui en a interviewé un certain nombre.
La folie ne suffit pas, il faut aussi la croyance.
L’Islam n’est pas DAESH
Mais DAESH  n’est pas étranger à l’Islam.
«Comme je l’ai écrit dans ma Lettre ouverte au monde musulman, les musulmans du monde entier doivent passer du réflexe de l’autodéfense à la responsabilité de l’autocritique. Car comme le dit le proverbe français, «le ver est dans le fruit»: ce n’est pas seulement le terrorisme djihadiste qui nous envoie de mauvais signaux en provenance de cette civilisation et culture musulmane, mais l’état général de celle-ci. Voilà en effet une culture tout entière qui est menacée par la régression vers l’obscurantisme, le dogmatisme, le néo-conservatisme, le rigorisme incapable de s’adapter au présent et aux différents contextes de société… et qui, c’est le comble, parle parfois de liberté de conscience pour réclamer le droit de donner libre cours à sa radicalité, ou pour faire valoir publiquement ses «principes éternels», sa «loi divine intangible et indiscutable», comme si quelque chhttps://mail.google.com/mail/u/0/#drafts?compose=15140b87851d720fose pouvait et devait échapper aussi bien à la marche de l’histoire et à la volonté des hommes!
De plus en plus de musulmans prennent conscience qu’il y a là un cancer interne de civilisation gravissime, un cancer qui se généralise à grande vitesse et face auquel les courants progressistes reculent. Un cancer face auquel les musulmans lucides souffrent de voir leur religion ainsi dégénérer, et se sentent terriblement impuissants. Qu’ils ne se laissent pas paralyser par ce sentiment d’impuissance! L’optimisme est une responsabilité. Quand on agit, il n’y a plus de place pour la peur et le désespoir. La tâche est qu’il faut de tout faire, chacun à son niveau, chacun avec ses moyens, pour régénérer, réinventer, métamorphoser cette culture spirituelle en perdition. Et pour cela la première chose à comprendre est qu’il faut arrêter de dire seulement «le vrai islam ce n’est pas cela», «cet obscurantisme ce n’est pas l’islam de mes grands-parents, de mon village, ou des âges d’or de l’islam, comme l’Espagne andalouse». Ce type de nostalgie ne vaut guère mieux face à la gravité du présent que la solution des salafistes qui veulent revenir à un «islam originel», à un «islam pur», à un «noyau» ou à une «essence» de l’islam. Rien de plus stérile que de vouloir fabriquer du futur avec le passé! Rien de plus dangereux que de vouloir faire triompher la «pureté» de quoi que ce soit: ce fantasme de «pureté» passe toujours, l’histoire nous l’a enseigné, par la «purification totalitaire» de tout ce qui n’est pas conforme au modèle!»