Mardi 11 octobre 2016
«Malscience, De la fraude dans les labos»
Nicolas Chevassus-au-Louis
C’est encore l’argent qui est au centre de ce scandale.
L’argent me fait toujours penser à deux réflexions :
La première me rend un peu triste et mélancolique quand on examine ce qui s’est passé après. C’était lors du Congrès fondateur du PS à Epinay, le discours de François Mitterrand :
«l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine, et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes !»
La seconde est un peu plus équilibrée, elle fut le mot du jour du 26 octobre 2012, soit le 9ème mot :
« L’argent qu’on possède est l’instrument de la liberté; celui qu’on pourchasse est celui de la servitude. » Jean-Jacques Rousseau.
Un journaliste qui est aussi docteur en biologie, Nicolas Chevassus-au-Louis vient de publier le 01/09/2016 un livre <Malscience : De la fraude dans les labos>
La quatrième de couverture explique :
« […] D’apparence de plus en plus sophistiquée mais produite en masse, de plus en plus vite et de moins en moins fiable.
Interrogés de manière anonyme, 2 % des scientifiques reconnaissent avoir inventé ou falsifié des données. Soit pas moins de 140 000 chercheurs fraudeurs de par le monde. Biologie et médecine sont, de loin, les plus touchées. Et ces fraudes manifestes ne sont rien à côté des petits arrangements avec la rigueur devenus fréquents dans les laboratoires. Est-ce grave ? Très grave. Car la biologie et la médecine traitent de la santé, de la vie, de la mort. Est-il acceptable que de nouveaux médicaments soient testés, et peut-être autorisés, sur la base d’expériences plus ou moins truquées ?
Comme le secteur financier miné par ses créances irrécupérables, la littérature scientifique en biologie et en médecine, mais aussi en physique et en chimie, s’avère gangrenée par des articles toxiques. Ce livre revient sur une série de scandales internationaux – de la thèse des frères Bogdanoff à des cas moins médiatisés mais non moins fâcheux – et se propose de réfléchir aux causes d’une telle dérive et aux moyens d’y remédier.
À la fois enquête de terrain et essai critique, il met en lumière un aspect fondamental et trop ignoré de l’évolution actuelle des pratiques scientifiques.»
Mais c’est encore une chronique de Xavier de la Porte que vous trouverez derrière ce lien : http://rue89.nouvelobs.com/2016/10/06/lalgorithme-a-mis-foutoir-recherche-psychologie-265352, qui m’a conduit vers ce livre :
«Dans un livre récemment publié aux éditions du Seuil et intitulé « Malscience – De la fraude dans les labos », le journaliste Nicolas Chevassus-au-Louis met au jour une pratique de plus en plus répandue dans le monde scientifique : la falsification des données. Le phénomène n’est pas récent, mais depuis une vingtaine d’années, le phénomène augmente et touche les revues scientifiques les plus prestigieuses. Bien sûr cette falsification ressortit plus souvent du petit arrangement avec les données que de l’invention pure et simple, bien sûr toutes les disciplines ne sont pas concernées au même titre, mais cela illustre selon lui – et il n’est pas le seul à le penser – un travers de la recherche scientifique contemporaine, où l’on est incité à publier vite pour occuper le terrain où le premier à publier emporte tous les bénéfices et où le résultat quantitatif est privilégié à la rigueur de la méthode.
Cela n’empêche pas les découvertes, mais les ralentit parfois, et surtout peut avoir pour conséquence de détourner les chercheurs les plus scrupuleux. La question déprimante que l’on se pose en refermant le livre est la suivante : à part révolutionner l’écosystème de la recherche scientifique, que peut-on faire ?
C’est là qu’on apprend l’existence d’un algorithme fabriqué par deux doctorants de l’Université de Tilburg aux Pays Bas, et qui répond au joli nom de « Statcheck ». A l’origine, ce petit programme a été écrit pour corriger les erreurs d’arrondis dans les statistiques souvent utilisées par les articles de psychologie (le fait qu’une célèbre histoire d’arnaque ayant touché en 2011 le département de psychologie sociale de l’Université de Tilburg n’est peut-être pas étranger à cette initiative).
Quoi qu’il en soit, une fois écrit, le programme a passé en revue 50 000 articles, et ce qu’il a trouvé est assez inquiétant. Près de la moitié des papiers révisés par le robot contiennent au moins une erreur. Mais, plus étonnant, la plupart des erreurs ne sont pas le fruit du hasard puisqu’elles vont dans le sens du résultat annoncé par le papier.
Et même, 13% des papiers contiennent une erreur qui aurait pu en changer la conclusion. Et les deux doctorants ont décidé de publier leurs résultats sur un forum scientifique très populaire dans la recherche, du nom de Pubpeer. C’est là que le foutoir a commencé.
Parce que si certains chercheurs en psychologie ont vu dans cette démarche un moyen de corriger et améliorer leur travaux, d’autres ont réagi assez violemment. Susan Fiske, chercheuse en psychologie à Princeton et ancienne directrice de l’Association pour la science psychologique est particulièrement remontée.
Elle a même parlé de « terrorisme méthodologique ». Ses reproches portent principalement sur la méthode, le fait que tout cela se joue dans un forum et sur les réseaux sociaux académiques, dans des lieux où les mécanismes traditionnels de la publication scientifique sont court-circuités pour une conversation à bâtons rompus, directe, moins policée, plus personnelle. Et de fait, manifestement, c’est dans ces espaces, mais aussi, par blogs interposés, que les chercheurs en psychologie du monde entier sont en train de s’écharper depuis quelques semaines.
[…] »
Suzan Fiske ne s’intéresse pas au fond, la falsification, mais au fait que ces pratiques soient dénoncées en dehors des circuits officiels maîtrisés par les mandarins de la recherche scientifique.
L’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes….