Mardi 20 septembre 2022

« Ne pas voir le problème ou ne pas voir la Coupe du monde. »
Jérome Latta

Aujourd’hui, je vais faire un pas de côté par rapport au choc des civilisations, quoique…

Le football a été inventé, en Angleterre, en Occident donc.

Un pays, appartenant à une autre civilisation et se trouvant près d’un désert très chaud, a trouvé ce sport très à son goût.

Comme il était particulièrement riche, il a investi et investi dans ce sport qui n’avait pas été créé pour lui et qu’il n’est pas facile de pratiquer chez lui car il y fait trop chaud.

Alors …

Alors, avec de l’argent on peut faire tant de choses et le 20 novembre va s’ouvrir la coupe du monde au Qatar, dans deux mois

Une amie Facebook a partagé un texte d’un internaute qui a pour nom Bouffanges Bfg

J’ai appris qu’il était écrivain.

Il a écrit ce texte en l’accompagnant de cette photo :

« Au début, tu sais, il n’y eut guère plus qu’une indignation molle, de celles que l’on exprime face aux tracas subalternes de la vie.
Quand le Qatar se vit attribuer l’organisation de la Coupe du Monde, nous étions en 2010.
C’était il y a une éternité !
Certes, le Qatar n’enthousiasmait pas les plus démocrates d’entre nous ; mais somme toute, nous venions d’organiser des JO d’été à Pékin, nous allions organiser des JO d’hiver en Russie et, dans la lancée, nous retournerions en Chine.
Et puis, tiens, on ferait même une Coupe du Monde en Russie, histoire de boucler la boucle.
Alors bon…. Ce n’était guère plus que la routine, un menu nid-de-poule sur l’autoroute de la modernité.

Peu après, quelques voix se sont élevées pour soupçonner que certains membres de la FIFA auraient perçu des « encouragements » à voter intelligemment.
Certains, du bout des lèvres, allaient jusqu’à appeler ça corruption.
L’affaire fit tant de clapotis que certaines têtes furent coupées.
Mais que faire de plus ? Remettre en cause le résultat des votes ? Après tout, c’était le Qatar, on ne pouvait pas vraiment s’attendre à ce qu’ils n’achetassent pas ce qui peut s’acheter.
D’ailleurs, entre temps, ils s’étaient offert le PSG [en mai 2011] avec des arguments sonnants et trébuchants, ce qui offrait enfin l’espoir que le plus grand club de France cesse de trébucher et de se faire sonner en Ligue des Champions.
Alors bon…Ce n’était guère plus que la routine, un menu flash de radar sur l’autoroute de la mondialisation.

Évidemment, ensuite, il fallut construire les infrastructures.
Et les immenses stades nécessaires à la grand-messe du foute, ça ne pousse pas en arrosant le sable.
Il y avait urgence, alors comme nous l’enseigne infailliblement l’Histoire, quand il s’agit de construire vite et grand, rien de mieux que l’esclavage.
Oh ! L’esclavage ! Tout de suite les grands mots ! Peut-être ces travailleurs étaient-ils de humbles héraults tout entiers dévoués à la cause du foutebale ?
D’ailleurs, les quelques moutons noirs cupides qui osèrent réclamer une paie furent renvoyés à domicile avec la plus stricte des fermetés.
Mais entre le Guardian, qui recense un minimum de 6500 morts, et l’appareil officiel du Qatar, qui en dénombre 37, qui détient la vérité ? Alors bon…
Ce n’était guère plus que la routine, un petit bouchon sur l’autoroute de la civilisation.

Là où ça a commencé à coincer un peu aux entournures (et au col, aussi), c’est quand on s’est aperçu que le Qatar était islamique.
On n’avait pas vraiment conscience de cela, avant.
Rapport au fait que le Qatar semblait vouloir ressembler aux plus belles démocraties occidentales, à grands coups d’architecture ambitieuse et de pétrodollars (pardon, de riyals).
Mais après 2010, il y eut 2015 et le grand festival des attentats.
Charlie Hebdo, Bataclan.
Et après 2015, il y eut 2016 : Bruxelles, Nice.
Puis 2017, 2018, et plein d’autres nombres en 201…

Et chaque année apportait son lot d’attentats islamistes, en France ou ailleurs.
Et l’idée d’une Coupe du Monde en terre d’islam radical est devenue moins rock’n roll.
Le Qatar ne semblait pas parti pour être le prochain Woodstock.
Cela dit, le Qatar se défendait d’être islamiste.
Islamique seulement.
Islam ferme, résolu, mais certainement pas radical.
D’ailleurs, à la différence de l’Arabie Saoudite voisine, qui décapite comme d’autres prennent leur café le matin (81 en une seule journée en 2022, dans un accès de ferveur dévote), le Qatar n’exécute plus personne depuis bien longtemps.
À part en 2021, mais il s’agissait d’un Népalais.
Alors bon. ….
Ce n’était guère plus que la routine, un petit vomi sur le bord de l’autoroute de l’œcuménisme.

Pour beaucoup, la problématique s’est concrétisée tardivement, au début de l’été.
On s’est rendu compte de ce qu’islamique voulait dire lorsque le Qatar a fait savoir qu’une certaine tolérance serait de mise pendant la Coupe du Monde en ce qui concerne la loi locale sur les relations hors mariage.
En temps habituels, toute relation hors mariage, ou pire adultérine, ou pire homosexuelle, ou pire sodomite, était passible de peine de mort, ou a minima de coups de fouets et d’emprisonnement.
Bizarrement, le monde n’a pas forcément ressenti cette précision comme une preuve de la grande tolérance du Qatar.
Mais bon…
Ce n’était guère plus que la rout…


Enfin bref, là oui, on commençait à sentir un peu que l’autoroute avait deux trois malfaçons dans l’enrobé.
Et enfin, pour la plupart, la prise de conscience est survenue après l’été 2022.
On sortait de la plus longue canicule de l’histoire moderne, on n’avait plus d’eau depuis des semaines, des pays entiers étaient sous les eaux, la guerre en Ukraine provoquait une flambée des prix de l’énergie et laissait augurer un hiver bas en couleurs.
Soudain, les images de ces immenses stades perdus au milieu du désert, tempérés par des batteries de climatiseurs grands comme des réacteurs de Boeing 737, sont apparues comme un signe frappant de décalage temporel.
On ne pouvait plus prétendre que ce n’était rien, que c’était comme ça.

Voilà, maintenant tu sais comment, en douze années de temps, la Coupe du Monde au Qatar, avec ses stades bâtis sur des ossuaires, est devenue le symbole de la corruption, de l’atteinte aux droits humains, du dédain face à la catastrophe climatique, tout ça pour le plaisir de voir courir quelques milliardaires en culottes courtes.
Voilà, mon fils, comment elle est devenue le symbole ultime du cynisme de notre civilisation.
Et voilà comment elle est devenue l’instant où le monde s’est rendu compte que ce pouvait être le début de la fin ; ou le début d’autre chose.
Tu n’étais pas né en 2010.
Ton frère avait un an.
Vous n’y pouviez rien.
Et je croyais n’y rien pouvoir non plus.
Mais quand on est nombreux à n’y rien pouvoir, on finit par pouvoir un peu. »

Bon, il y a beaucoup d’informations dans ce texte !

L’Arabie Saoudite a-t-elle exécuté 81 personnes le même jour ?

Oui c’était le 12 mars 2022. Vous trouverez l’information diffusé par Amnesty International <ICI>

Le Qatar a-t-il exécuté un népalais ?

Oui c’était en avril 2021, vous trouverez la confirmation dans cet article de <L’Orient le jour>

Beaucoup de Népalais se trouvent au Qatar pour y travailler.

Le journal « Sud-Ouest » avait publié, en 2013 déjà : « Coupe du monde au Qatar : 44 ouvriers népalais morts, des preuves de travail forcé ».

Dans cet article très court le journal citait le journal anglais « The Guardian » :

« Au moins 44 ouvriers népalais , travaillant dans des conditions s’apparentant à de l’esclavagisme , sont morts en 2013 sur des chantiers au Qatar […]
Le Guardian dit avoir trouvé des preuves et des témoignages de travail forcé sur un projet d’infrastructure majeur en vue de la Coupe du monde 2022, même si les travaux liés directement à l’événement n’ont pas encore commencé.

Le journal relaie les allégations de certains ouvriers qui disent ne pas avoir été payés depuis des mois , qu’on leur a confisqué leur passeport et qu’on les prive d’eau potable gratuite sur les chantiers, malgré des températures caniculaires. »

Le 21 février 2021 le même journal Le Guardian estimait que <6 500 ouvriers seraient morts dans les chantiers au Qatar>

Vous trouverez sur le site de la <Diplomatie Belge> cette information sur les mœurs :

« La prostitution, l’homosexualité et les relations extraconjugales (non seulement adultérines mais toute relation sexuelle hors mariage) sont illégales. Ces délits sont sévèrement sanctionnés en vertu de la loi islamique (sharia).

Les personnes reconnues coupables d’actes homosexuels encourent jusqu’à dix ans de prison. Il est donc conseillé aux personnes LGBTI de considérer soigneusement les risques d’un voyage au Qatar.

Les unions de fait sont illégales au Qatar. Un homme et une femme ne sont pas autorisés à vivre dans le même logement à moins d’être légalement mariés ou d’avoir un lien de parenté. Les relations sexuelles hors mariage constituent une infraction criminelle.

Les démonstrations d’affection en public, y compris le fait de se tenir par la main ou de s’embraser, ne sont pas acceptables socialement.

Hommes et femmes doivent s’habiller modestement, notamment en se couvrant les genoux et les épaules . Les femmes étrangères ne sont cependant pas obligées de porter le voile. »

Le journaliste Jérôme Latta a publié dans le Monde, hier, 19 septembre : « 
Le Mondial au Qatar, c’est la (grosse) goutte qui fait déborder la coupe » dans lequel il écrit :

« Il y a ce bilan humain effarant, dont l’unité est le millier de morts, sur les chantiers du pays, et l’aberration écologique de ces huit stades climatisés de 40 000 à 80 000 places – sept nouveaux – serrés dans une agglomération de 800 000 habitants, dont les tribunes n’étaient pas remplies lors des Mondiaux d’athlétisme en 2019.

Le Mondial qatari représente, certes, moins une rupture qu’un aboutissement navrant. C’est la (grosse) goutte qui fait déborder la coupe, en exhibant la réalité des grands événements sportifs : gigantisme, compromission politique, gabegie économique et environnementale, cupidité des organisations sportives, mépris des fans, etc.

Le procès fait à la FIFA World Cup Qatar 2022 est celui d’un modèle poussé à son extrême, qui laisse beaucoup d’entre nous devant un sinistre dilemme : ne pas voir le problème ou ne pas voir la Coupe du monde. »

Chacun agira comme lui dicte sa conscience.

Pour ma part, je ne peux pas ne pas voir le Problème écologique, humain et éthique.

Je ne pourrais pas regarder une minute de cette sinistre et criminelle farce.

Je vous rappelle que Coluche avait eu cette phrase « et dire que pour cela ne se vende pas, il suffit simplement de ne pas l’acheter. »

<1712>

Les caricaturistes se sont lâchés.

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