Jeudi 6 février 2020

« Islamophobie »
Mot piège

En réponse à mon premier article de cette série, Lucien a répondu :

« Les mots peuvent être des armes, certains sont des larmes ! »

Certains mots sont aussi des « pièges, des ruses, des escroqueries »

C’est indiscutablement le cas du mot « islamophobie ».

Et comme je l’écrivais lors de ce premier article, il faut expliquer un mot par d’autres mots imparfaits, incomplets pour comprendre la globalité d’un sujet.

Essayons donc, de faire œuvre de pédagogie, de rigueur et de lucidité.

Dans la rigueur du français, ce mot signifie la phobie de l’islam.

La « phobie » c’est avant tout la crainte de quelque chose.

Wikipedia nous apprend que le mot vient du grec ancien « φόβος » / « phóbos, » qui signifie frayeur, crainte ou répulsion et signifie une peur démesurée et dépendant d’un ressenti plutôt que de causes rationnelles, d’un objet ou d’une situation précise.

Ce terme est particulièrement utilisée en médecine : pour « agoraphobie », peur de la foule et des lieux publics, «  claustrophobie », peur des lieux clos, il existe même la « cancérophobie » je ne crois pas nécessaire d’expliquer.

L’arachnophobie, la peur des araignées est très répandue.

La phobie de l’islam signifie donc la peur de l’islam.

Mais les utilisateurs crispés et excités de ce mot entendent dire autre chose : la haine des musulmans, c’est-à-dire des êtres humains qui professent la foi de l’islam ou plus largement qui sont reconnus comme appartenant à la communauté musulmane par leur naissance, par leur famille. Ils veulent donc dire « anti-musulmans »

Cela n’a rien à voir.

  • L’islam est une religion, une idéologie, un concept.
  • Le musulman est un être humain, un citoyen qui dispose de la liberté de conscience.

La loi française protège le second de l’injure, de la menace, de la haine.

Elle ne fait rien de tel pour la première : la religion, l’idéologie.

Le terme d’islamophobie constitue donc un piège, un subterfuge qui veut se servir de la liberté de conscience des citoyens pour interdire la critique de l’islam.

Rien ne permet de mieux illustrer ce point que « l’affaire Mila » et surtout les réactions qui ont été causées par elle.

Je vais raconter l’histoire de Mila en reprenant les éléments qu’apporte <20 minutes> et d’autres que j’ai trouvé ailleurs, comme <cette vidéo> dans laquelle la jeune fille raconte sa version des faits.

Mila est une lycéenne, elle est originaire de l’Isère et elle a 16 ans

Cette jeune fille se revendique lesbienne. Elle a posté une vidéo, samedi 18 janvier sur instagram, dans laquelle elle parlait de chant. Ensuite, les choses sont moins claires, elle aurait échangé avec une autre fille de relations amoureuses. Il semble qu’il a été question à un moment d’une discussion avec une autre fille dans laquelle les deux ont marqué leur accord sur le fait que les arabes, « rebeux » dans le texte n’étaient pas «leur truc» pour ce type de relations. La discussion s’est envenimée, et des jeunes ont commencé à la traiter de « sale lesbienne » puis de « sale raciste » et aussi d’ « islamophobe » et elle affirme des insultes « plus hard ». Et puis la discussion a dérivé sur la religion et c’est là que Mila a dit (selon 20 minutes) :

« Le Coran est une religion de haine […] Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci au revoir ».

Il est vrai et je peux le reconnaitre que l’argument scatologique ainsi que la préconisation d’un coït anal digital divin n’apporte rien au débat et n’élève pas la pensée.

Cette jeune fille dans un moment d’énervement a utilisé l’injure, elle aurait pu s’abstenir.

Et elle a d’ailleurs eu des paroles d’explications et d’excuses dont se fait l’écho <La nouvelle Tribune> :

« Je ne regrette absolument pas mes propos, c’était vraiment ma pensée », a notamment déclaré l’ado lors de son passage sur le plateau de l’émission. Elle a tout de même voulu présenter ses excuses à celles et ceux qui se sont sentis blesser par ses déclarations.

Je m’excuse un petit peu pour les personnes que j’ai pu blesser, qui pratiquent leur religion en paix, et je n’ai jamais voulu viser des êtres humains, j’ai voulu blasphémer, j’ai voulu parler d’une religion, dire ce que j’en pensais », a-t-elle ajouté. »

Elle dit donc clairement qu’elle a voulu exprimer son opinion sur l’islam et elle souhaitait blasphémer.

Ce qui est totalement et absolument autorisé et accepté par la Loi et les textes fondamentaux français.

Dans toutes les versions de la phrase polémique, il n’est jamais question de personnes, de musulmans. Il est question d’une idéologie, d’une doctrine que Mila n’aime pas.

Cette histoire qui aurait pu rester dans un cercle très restreint, une sorte « d’embrouille » entre jeunes n’aurait pas dû s’étendre à une discussion nationale.

Mais c’est la suite qui est importante. La jeune fille a immédiatement été la cible d’une vaste campagne de cyberharcèlement, d’insultes et de menaces de mort avec toute la gradation de sévices qu’entendent pratiquer les fous de de Dieu à l’égard de celles et ceux qui leur déplaisent. Certains internautes ont dévoilé l’identité de la jeune fille, son adresse, et même celle de son lycée. La jeune fille a déclaré :

« Je recevais 200 messages de pure haine à la minute ».

Face à cette vague de haine, la jeune fille a dû être « déscolarisée » a indiqué à 20 Minutes le rectorat de Grenoble.

« Le proviseur de son établissement, situé dans le nord Isère, a procédé dès lundi matin à un signalement auprès du procureur de la République, et auprès de la plateforme Pharos [service de la police nationale chargé de la lutte contre la cybercriminalité]. La lycéenne, élève de seconde, ne s’est pas présentée en cours cette semaine »

Le ministre de l’intérieur a déclaré que la jeune fille et sa famille ont été mises sous protection policière.

Deux affaires ont été portées devant la justice, l’une, comme il se doit, contre les personnes ayant proféré des menaces de mort, l’autre plus étonnante contre Mila avec pour motif : «provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes». Cette seconde affaire est sans fondement, Mila a attaqué l’islam non les musulmans.

Et la <Justice Française> a fait son devoir et a rejeté cette accusation ;

«Dans un communiqué diffusé jeudi 30 janvier, le parquet de Vienne a indiqué que les investigations «n’ont révélé aucun élément de nature à caractériser une infraction pénale (…) L’enquête a démontré que les propos diffusés, quelle que soit leur tonalité outrageante, avaient pour seul objet d’exprimer une opinion personnelle à l’égard d’une religion, sans volonté d’exhorter à la haine ou à la violence contre des individus à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette communauté de croyance».

L’autre pour identifier les internautes ayant exprimé les menaces de mort continue.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là.

Il y a d’abord Abdallah Zekri qui dirige l’Observatoire national contre l’islamophobie et qui est délégué général du CFCM qui a tenu des propos inacceptables.

Je rappelle que le Conseil français du culte musulman (CFCM) est une association française régie par la loi de 1901, placé sous l’égide du ministère de l’Intérieur, et qui a vocation à représenter les musulmans de France auprès des instances étatiques pour les questions relatives à la pratique religieuse. Il a été mis en place alors que Sarkozy était ministre de l’Intérieur.

Après avoir condamné les menaces de mort il a rejeté sur Mila la responsabilité de ce qui lui arrive. <Marianne le cite> :

« Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit.” Lorsque les chroniqueurs de Sud Radio lui ont fait remarquer que Mila avait réagi, certes avec outrance, à des insultes, le délégué général du CFCM a affiché ses doutes : “Est-ce qu’on lui a dit ‘sale française’ ? Ou est-ce qu’elle le dit pour se faire plaindre ? Vous la croyez, cette fille-là ? Moi je ne la crois pas.” Quand l’avocate Yael Mellul indique à Zekri qu’il peut difficilement dire que Mila “n’a que ce qu’elle mérite”, celui-ci rétorque : “Si, je le dis. Elle l’a cherché, elle assume. Les propos qu’elle a tenus, je ne peux pas les accepter. »

Il ignore probablement qu’il habite le pays de Voltaire, de Hugo, de Jaurès, de Camus.

Beaucoup plus grave : La ministre de la Justice Nicole Belloubet sur Europe 1 a fait la même dichotomie.

Elle a donc condamné les menaces de mort et puis dans un même élan, je dirais sur le même plan elle a jouté :

«L’insulte à la religion, c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave»

Les bras m’en tombent !

Il y a deux énormités dans ce qu’elle raconte

La première c’est de mettre sur le même plan des menaces de mort, de viols et tout ce qui s’en suit donc très clairement un appel à la haine vers une personne physique et quelques insultes à une religion. Elle est donc exactement sur la même longueur d’onde qu’ Abdallah Zekri les insultes peuvent expliquer les menaces de mort !

La seconde est encore plus grave. Nous avons donc une Ministre de la Justice qui ignore ce point fondamental du Droit en France : le blasphème n’existe pas.

D’ailleurs les juges connaissent le Droit et ont jugé l’affaire dans ce sens.

L’avocat Richard Malka lui a répondu de manière cinglante : «Non, Madame Belloubet, injurier l’islam n’est pas une atteinte à la liberté de conscience!»

Et on voit bien ce que je dénonçais au début, le mot islamophobie est un piège puisque lentement on en vient à accepter dans les esprits le concept de blasphème.

Je me souviens, un jour dans notre cuisine, peu de temps après la tuerie de Charlie Hebdo, un jeune lecteur du mot du jour m’a interpellé :

« Tu ne trouves pas qu’on en fait un peu trop sur cette affaire »

Je me souviens de ma sidération et j’ai trouvé un dessin de presse qui mieux que les mots exprime la situation.

Je partage le tweet de Raphaël Enthoven :

« #JeSuisMila car le blasphème n’est pas un délit, mais une œuvre de santé publique. »

Et Charlie Hebdo qui ose ce titre : <Affaire Mila : le droit au blasphème fait fuir les lâches>

L’islam a un grand problème, comme le christianisme et le judaïsme : c’est une religion monothéiste.

Et Régis Debray a magnifiquement synthétisé le problème :

« Non seulement, ces religions [monothéistes] entendent régler nos mœurs et notre vie intime mais ce sont elles qui ont liées la notion de croyance et la notion de vérité et ça c’est de la dynamite. »

La confusion entre la croyance et la vérité !

Et pendant des siècles chaque fois qu’ils disposaient du pouvoir temporel elles ont imposé leur terreur, tuant les blasphémateurs et les incroyants.

Les religions ont insulté et traité de manière ignoble toutes celles et ceux qui ne suivaient pas « leur vérité ».

Le blasphème, c’est-à-dire la critique du sacré a été un formidable progrès dans nos sociétés. C’est une libération

Et l’islam est hélas aujourd’hui la seule religion qui de manière officielle continue à tuer pour le blasphème dans certains pays.

C’est là qu’il faut interrompre tous ces mots imparfaits qui essayent de décrire le problème que pose l’utilisation du mot islamophobie.

Pour en dire d’autres qui nuancent et apportent des précisions.

Il y a une très grande majorité de musulmans en France qui vivent leur Foi de manière apaisée et qui sont parfaitement intégrés dans les valeurs de la République.

Et puis il y a des musulmans qui tentent de faire évoluer les mentalités. C’est Annie qui m’a fait découvrir cette remarquable émission du dimanche matin sur France Culture : <Questions d’islam> par Ghaleb Bencheikh le dimanche entre 7 heures et 8 heures. Des réflexions d’une hauteur de vue remarquable.

La dernière émission avait invité l’essayiste Malik Bezouh qui a écrit un livre dont la couverture est déjà tout un programme :

Il dit :

« Blasphème, homosexualité, masturbation, athéisme… la puissance du tabou qui enveloppe ces thèmes rend presque impossible tout débat en islam. Figé politiquement par un despotisme empêchant l’émergence d’une réflexion apaisée et rationnelle, englué dans un conservatisme religieux anachronique, et travaillé en profondeur par des courants réactionnaires, le monde islamique, hétérogène, complexe, est à la peine lorsqu’il s’agit de considérer sereinement ces sujets, pourtant fondamentaux. Marqueurs d’une modernité enfantée par un Occident jadis chrétien, hier colonisateur, aujourd’hui sécularisé, ces questions génèrent des crispations parfois paroxystiques comme en attestent les attentats commis sur notre sol depuis quelques années. Aujourd’hui, l’islam est à la croisée des chemins. »

Vous pouvez écouter cette émission derrière <ce lien>

Une autre réalité à dire, c’est qu’il existe une haine anti-musulmane et anti-arabe dans une partie de la population française.

Inacceptable bien sûr, mais l’islamophobie n’est pas le bon mot pour décrire cela.

Wikipedia cite Caroline Fourest et Fiammetta Venner qui affirment,

« en 2003, que le mot a pour la première fois été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens, puis réactivé « au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission », pour justifier en 1990 la fatwa contre l’écrivain Salman Rushdie, pour condamner à mort Taslima Nasreen et plusieurs autres intellectuels musulmans pour des écrits jugés blasphématoires. Elles ajoutent que le terme est toujours utilisé par le régime iranien pour condamner toute production artistique jugée blasphématoire, comme l’accusation d’islamophobie lancée en 2007 par Mehdi Halhor contre le dessin animé Persepolis, réalisé d’après la bande dessinée de Marjane Satrapi. »

Et c’est une idéologie nocive qui vient de certains pays musulmans archaïques et intolérants et qui tentent grâce à leurs formidables pouvoirs financiers d’infiltrer la société française musulmane pour l’éloigner du modèle républicain et la faire muter vers des mœurs régressifs et un formidable recul de la liberté de pensée et d’opinion.

Ils utilisent le mot «islamophobie » pour souder une communauté de plus en plus large, empêcher la critique et la dénonciation de leur entreprise sournoise.

Saviez-vous que lorsque le CFCM a été créé, le gouvernement français a renoncé à ce que la charte de l’Islam au cœur de cette création ne contienne le droit fondamental de changer de religion :

« En novembre 1999, Jean-Pierre Chevènement entame une consultation large rassemblant toutes les fédérations musulmanes, les grandes mosquées et certaines personnalités3 et leur soumet un texte qui ne pouvait « faire l’objet d’une négociation », mais qui a cependant été amendé. Le texte initial ajoutait que cette convention : « consacre notamment le droit de toute personne à changer de religion ou de conviction ». Assimilée à un acte d’apostasie, cette précision sur le droit à changer de religion ou de conviction était pour Jean-Pierre Chevènement cruciale. Elle soulevait la question de la liberté religieuse. Si un musulman est libre de changer de religion, sa décision supplante celle du groupe. Inversement, pour un individu soumis à la communauté des croyants, cette soumission prime sur celle qu’il doit à la nation.

Après de longues discussions, Chevènement obtint dans un premier temps un engagement sur ce point, mais celui-ci fut finalement retiré à la demande des autorités musulmanes. Le pacte fut signé le 28 janvier 2000. Si Alain Billon, conseiller de Chevènement, considère le texte comme « expression positive de laïcité », il souleva immédiatement des critiques qui portent précisément sur le droit de changer de religion : ainsi, pour Leïla Babes et Michel Renard, « les pouvoirs publics, en acceptant d’altérer un texte présenté comme “non négociable”, introduisent un état d’exception qui pourrait se révéler préjudiciable pour l’intégration de l’islam dans le cadre du droit. »

C’est sidérant !

Cela ne change rien au Droit français et à la liberté d’opinion.

Mais cela prouve bien le problème que posent certains idéologues de l’Islam à notre République et à notre manière de penser la liberté.

« Islamophobie » est vraiment un mot important de l’actualité française.

Et certains hommes de gauche se perdent dans ce combat qui n’est pas un bon combat.

Et j’espère que personne ne doutera que je pense que le combat contre la haine des musulmans ou le racisme anti-arabe sont, quant à eux, de très bons combats.

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Vendredi 13 décembre 2019

«La persécution de la communauté juive de Kaifeng»
Une minuscule communauté qui met en danger la nation chinoise ?

Après le mot du jour d’hier dans lequel je décrivais l’ambition de XI Jinping et des autorités du Parti Communiste Chinois de faire le récit d’une grande nation chinoise homogène dans laquelle les particularités de toute sorte doivent s’estomper, il serait cohérent de parler de l’action du gouvernement chinois au Tibet et au Xinjiang.

Mais il m’a paru plus pertinent encore d’évoquer non une ethnie minoritaire, mais une communauté religieuse qui existe à l’état de trace dans l’immense Chine.

Elle est de taille minuscule, j’ai trouvé peu d’informations à son sujet mais je crois comprendre qu’elle ne compte guère plus que de 1000 membres sur toute la Chine. Une poussière au regard de l’immensité du nombre de chinois et particulièrement de l’ethnie Han.

Pourtant elle est persécutée.

Il s’agit de la communauté juive.

J’ai été informé de ce sujet par un reportage de France 24 sur <La communauté juive de Kaifeng>

La Chine compte une minuscule communauté juive centrée autour de la ville de Kaifeng, dans l’Est. Une centaine de familles était jusqu’il y a peu une curiosité touristique mais elle est désormais sous pression des autorités, sommée d’effacer toute trace visible de son héritage historique. Des décisions qui font écho à la volonté de Xi Jinping, qui a récemment appelé à se prémunir « des infiltrations des puissances étrangères dans la société chinoise, par le biais de moyens religieux ».

C’est une communauté qui ne compte qu’une centaine de familles. Mais elles troublent probablement l’homogénéité ou doit-on parler de la pureté de la nation chinoise ?

Le gouvernement a exigé que les ruines de la synagogue soient détruites.

Les rassemblements pour les prières ont été interdits.

Les autorités chinoises ont fait table rase du passé.

Il a fallu enlever les étoiles de David et même la pancarte indiquant l’existence de l’ancienne synagogue.

Les juifs se seraient installés à Kaifeng il y a dix siècles

Leurs ancêtres seraient des marchands venus de Perse par la Route de la Soie au VIIIème siècle.

Ce <site> donne quelques précisions supplémentaires sur la communauté juive de Kaifeng et l’hostilité de l’administration de Xi Jinping :

« La Nouvelle ère de surveillance et de sécularisation chinoise touche à présent une petite communauté juive de la région rurale de Kaifeng, dans la province du Henan au centre de la Chine. Ses membres disent avoir peur de se rassembler dans les espaces publics ou de protester contre la surveillance du PCC dont ils font l’objet. Leur histoire est aussi fascinante qu’elle est menacée par des politiques qui empêchent la communauté d’avoir tout contact avec les étrangers et qui ont causé l’arrêt des travaux de reconstruction de leur synagogue détruite. […]

Pour beaucoup, apprendre que la Chine abrite depuis plus de mille ans une communauté juive relativement isolée est un choc. Mais les Juifs de Kaifeng étaient autrefois un groupe prospère, avec de bonnes relations, qui vivait au centre de la route de la soie de l’Asie orientale.

Au IXe siècle, un groupe de marchands juifs persans est arrivé en Chine par la route de la soie. Ils ont été chaleureusement accueillis par des émissaires de la dynastie Song du nord dans la ville de Kaifeng. Les marchands ont fini par décider de s’installer à Kaifeng et ont commencé à s’intégrer socialement dans la société chinoise des Hans. En dépit de la lenteur du processus qui a duré plusieurs siècles, des mariages entre leur communauté et des familles hans locales ont pu avoir lieu. Ces familles persano-hans combinaient les traditions du judaïsme avec des éléments sociaux et religieux de la culture chinoise han et, ce faisant, se sont unies pour former un groupe singulier et distinct en Chine : les Juifs de Kaifeng. Ils étaient plus de mille.

En 1163, les Juifs de Kaifeng ont alors décidé d’ériger le Temple respectant les Écritures de la voie, une synagogue autour de laquelle ils organiseraient leur vie religieuse et communautaire.

[…] en 1849, une autre énorme inondation du Fleuve Jaune a de nouveau détruit la synagogue. Les Juifs de Kaifeng, alors pauvres, n’ont pas pu la reconstruire et ses ruines ont été laissées à l’abandon pendant des siècles. Les vestiges étaient devenus un vénérable symbole du passé prospère de la communauté et de son futur cloisonné.

[…] Cependant, lorsque Deng Xiaoping a institué la réforme de la « porte ouverte » en Chine à la fin du XXe siècle, des chercheurs, des universitaires et des touristes occidentaux ont commencé à affluer pour rendre visite aux Juifs de Kaifeng dont ils avaient entendu parler mais qu’ils n’avaient jamais pu rencontrer auparavant. […] Le premier point à l’ordre du jour était la reconstruction de la synagogue.

[…] Parmi les activités proposées figuraient des cours d’hébreu, des cours de cuisine et l’apprentissage de traditions et de textes juifs anciens. Certaines ont attiré des dizaines de personnes et les fêtes juives se sont avérées particulièrement populaires. Autour du quartier historique où vivaient les Juifs de Kaifeng, des panneaux en hébreu ont commencé à apparaître et des expositions sur la vie de leurs ancêtres organisées dans des musées ont attiré des touristes arrivant des quatre coins de la Chine. […] Lorsque les bureaux centraux du PCC ont eu vent de ce plan [de reconstruire la synagogue], l’ordre a été donné d’arrêter les projets »

Le prétexte était que ces actions étaient encouragées par des associations juives internationales.

De toute manière une vague de répression touche aussi les activités communautaires des chrétiens et des musulmans.

C’est l’étroitesse de cette communauté et la volonté chinoise d’effacer l’histoire millénaire des Juifs de Kaifeng jusqu’à étouffer toute tentative d’en récupérer les vestiges qui montre l’étendue du fanatisme des idéologues actuellement au pouvoir en Chine.

Ceci me fait penser au mot du jour du 27 février 2019 qui évoquait cette grande figure du tiers-mondisme Frantz Fanon qui disait : «Quand vous entendez dire du mal du juif, tendez l’oreille, on parle de vous !».

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Jeudi 4 juillet 2019

« Le repas est une caractéristique de l’humanité depuis très longtemps »
Pascal Picq

Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Père du Messie des chrétiens, Jésus de Nazareth, Allah le Dieu de l’Islam, le Dieu monothéiste qui est unique selon ces trois religions et toutes les chapelles qui sont à l’intérieur de ces 3 religions, ce Dieu là, il ne mange pas.

Jacques Attali écrit dans son livre « Histoires de l’Alimentation » page 56 :

« A la différence des divinités des religions précédentes, le Dieu des juifs, qui a créé les hommes, ne mange pas : manger est, dans le judaïsme, le propre des créatures de Dieu ; c’est même ce qui Le distingue des hommes. »

Chez les dieux grecs dans l’Olympe, on festoyait en mangeant et en buvant.

Dans cette somme qu’est « l’Histoire de l’Alimentation » de Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari :

« Dans l’Olympe, le banquet est le passe-temps favori des dieux. « Toute la journée et jusqu’au coucher du soleil, ils demeurent au festin et leur cœur n’a pas à se plaindre du repas où tous on leur part » raconte Homère. Ils mangent et boivent des nourritures d’immortalité, ambroisie et nectar. » (page 154)

C’est toujours intéressant de s’intéresser aux dieux, ou plutôt à la manière dont les hommes décrivent les dieux. Cela dit beaucoup des humains

Le chapitre 2 de ce même livre a pour titre : « La fonction sociale du banquet dans les premières civilisation » et on y lit :

« Si la société divine a vraiment reproduit, dans la conception que s’en faisaient les Mésopotamiens, certaines caractéristiques de la société humaine, c’est sans doute dans les descriptions des banquets auxquels participent les divinités que le parallèle est le mieux établi : l’esprit comme la forme de ces réunions illustrent, en effet, directement la fonction de ce type de réjouissances à Sumer, en Babylonie ou en Assyrie. […]

L’assemblée des grands dieux, au cours de laquelle sont prises des décisions importantes, se tient souvent lors d’un banquet. Le banquet apparaît comme une des principales marques de la solidarité qui unit ce groupe, en même temps qu’il illustre les agréments de la vie divine telle que la conçoivent les humains. Le banquet est normalement organisé et les invitations faites par le dieu le plus âgé ou le plus haut placé. […]

De même, dans le « cycle de Baal » de la littérature ougaratique, en Syrie occidentale, le dieu Baal inaugure le palais qu’on vient de lui construire par un grand banquet. […].

[après avoir cité un certain nombre d’exemples les auteurs concluent ] Ces exemples […] nous livrent les caractéristiques du banquet en Mésopotamie : rassemblement festif d’une communauté, moment important d’une cérémonie, règles de conduite. […]

Le plaisir du repas pris en commun

Tout accord un peu solennel qui unit des individus et surtout des groupes familiaux se concrétise par leur participation à un repas pris en commun » (page 47 et 48) »

La littérature et les éléments dont s’inspire l’historien qui écrit ces lignes date du IIIème ou IIème millénaire avant notre ère.

Il est question déjà de banquet de repas pris en commun.

Pascal Picq a expliqué que, chez les chasseurs cueilleurs, lorsqu’une importante proie venait d’être chassée, la viande qui en résultait faisait l’objet d’un partage, d’une négociation autour d’un repas commun.

Pascal Picq explique que nous sommes des mangeurs sociaux depuis très longtemps. Les chasseurs cueilleurs, semble-t-il, aimait grignoter :

« Quand il y a des baies succulentes pas en grande quantité on les consomme. Ce qui n’est pas en grande quantité on peut picorer au passage.

Quand il y a des collectes importantes qui peuvent être rapportées dans des paniers ou autre, là par contre ils font l’objet d’échange.

Le repas est une caractéristique de l’humanité depuis très longtemps.

En quoi ce que nous mangeons ensemble, en quoi c’est un enjeu social et de solidarité. On l’a peut-être oublié. »

Pascal Picq comme l’histoire des dieux, non monothéistes, nous montre que les humains ont adopté une attitude sociale du repas en commun : moment où on partage, où on discute, où on prend des décisions.

Un grand nombre d’animaux mange tout le temps, au fil de la journée. L’homme prend des repas : il déjeune. Déjeuner signifie sortir du jeûne, ce qui conduit justement à manger à des moments précis de la journée et de ne rien manger entre temps. Je sais bien, qu’aujourd’hui il en est qui grignote. Tout le monde le sait, ce n’est pas bon de grignoter, de ne pas respecter le jeûne entre deux repas.

Il y a divers mots qui sont utilisés pour désigner les repas.

<Ce blog érudit> nous informe que :

« En 1694, le Dictionnaire de l’Académie française (DAF, 1ère éd.) les définit de la façon suivante :

Desjeuner     Repas qu’on fait le matin avant le disner.

Disner    Repas que l’on fait ordinairement à midy.

Souper    Repas du soir. »

En 1935, l’Académie française (DAF, 8e éd.) ne définit plus ces termes exactement de la même façon :

Déjeuner    Repas du matin OU celui du milieu du jour.

Dîner    Repas qu’on fait le soir. […] Il se disait autrefois du Repas du milieu du jour. Il a gardé cette acception dans quelques provinces.

Souper     Repas du soir. On dit plutôt aujourd’hui, en ce sens, Dîner. Il se dit particulièrement d’un Repas que l’on prend à quelque heure de la nuit.

Aujourd’hui nous disons plutôt petit déjeuner, déjeuner et diner. Si ce sujet vous intéresse le blog indiqué ci-avant est très disert sur l’évolution et les particularismes régionaux..

<selon ce site> nos cousins québécois continuent à enchaîner déjeuner, diner, souper.

Du point de vue étymologique Wikipedia nous apprend que « Dîner » et « déjeuner » ont la même origine puisqu’ils sont tous deux dérivés du latin populaire disjunare signifiant « rompre le jeûne », et constituent donc un doublet lexical.

Est-ce que seuls les humains prennent un repas en commun ?

On voit que les vaches broutent ensemble, les moutons aussi. Mais Michel Serres raconte une histoire qui lui a été rapporté par un forestier des landes qui est allé exercer son beau métier au Gabon :

« C’était dans une forêt tropicale. A la fin de la journée, il avait l’habitude de coucher là. Et tout d’un coup un gorille est arrivé et l’a regardé longuement. Et le forestier qui était tout seul a regardé aussi. Et puis le lendemain le gorille est revenu. Et il est revenu comme ça 8 soirs. Et le neuvième soir il est arrivé avec sa guenon, tous les deux. Et la guenon avec un geste de la main, lui a fait un geste presque d’invitation. Et avec un courage que j’admire beaucoup, il les a suivis dans la forêt. Et tout d’un coup il s’est trouvé près d’un tronc d’arbre sur lequel était posé des bananes et d’autres fruits. Le gorille et sa guenon avait invité l’humain a un repas commun. »

C’est très étonnant. Cette sociabilité précède peut-être même l’espèce humaine.

Le repas à heure fixe est urbain. Michel Serres précise qu’à la campagne l’heure des repas dépend des saisons, du rythme et des impératifs des travaux agricoles.

Pour les marins, que Michel Serres a aussi été, les repas dépendent de l’organisation des services de quart. J’ai appris aussi que dans la marine nationale, un pavillon était levé pour indiquer que le capitaine du bateau était en train de manger. Dans une certaine tradition, l’officier le plus jeune chantait le menu au capitaine.

Bien que le Dieu monothéiste ne mange pas, ses fidèles mangent et prient pendant le repas. La messe chrétienne a été organisée par le récit de la dernière cène du Christ où il a partagé le pain et le vin, ce qui est toujours célébré lors des messes ou services divins d’aujourd’hui.

Le shabbat juif est ponctué de repas succulent, la famille se réunit, moment du partage du pain, de bénédictions et de paroles et d’échanges.

Les musulmans ont aussi une grande tradition de repas partagé. Nous connaissons un peu mieux les repas du soir après le jeune du ramadan.

Pour nous autres français, italiens et latins tout se passe autour de repas partagé. Quand on rencontre un ami qu’on n’a pas vu depuis longtemps, immédiatement on l’invite à déjeuner et on parle autour d’un bon repas.

Même dans les exercices de séduction, souvent tout commence par un repas. Quand la famille éparpillé se retrouve, quand un fils longtemps absent revient voir les parents, les retrouvailles se passent autour d’un repas pris ensemble.

Et Michel serres de nous faire remarquer que lorsqu’on est au restaurant, on voit souvent la joie qui illumine le visage des convives quand le plat arrive à table.

Joie, partage, échange, sociabilité tout cela se joue autour de nos repas.

Mais tout le monde ne partage plus aujourd’hui cet enthousiasme pour le repas pris en commun, mais nous essayerons de voir cela demain.

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mardi 2 juillet 2019

« Il est incroyable que le monde ait du goût »
Pierre-Henry Salfati

Dans la première émission du « sens des choses » consacrée à l’alimentation : Le sens religieux de la nourriture : cannibalisme et interdits religieux. Il y avait deux invités :

  • Le premier, très connu Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, que j’ai déjà évoqué lors du mot du jour du <18 juin 2019>
  • Le second moins, Pierre-Henry Salfati scénariste et réalisateur français de cinéma et de télévision. Mais ce n’est pas en tant que réalisateur qu’il a été invité mais en tant que talmudiste.

<Talmudiste> a plusieurs signification, dans le cas de Pierre-Henry Salfati cela signifie qu’il est un spécialiste de l’étude du Talmud.

Le « Talmud » est un ensemble de textes du judaïsme. Si vous ne savez rien de ce pilier de la Loi juive, vous pouvez lire ce court article de <La Croix>.

En résumé, le début de la bible chrétienne commence par les « cinq livres de Moïse » ou Pentateuque, ce n’est qu’une partie de l’ancien testament.

Ces cinq livres sont communs avec la religion hébraïque, d’ailleurs ils ont été écrits dans le cadre de la religion hébraïque, les chrétiens n’ont fait que reprendre ces textes.

Les juifs appellent ces 5 livres : « La Torah »

Cependant, les talmudistes prétendront que les chrétiens n’ont pas bien traduit les textes de « la Torah » et leur ont parfois donné un sens qu’ils n’avaient pas.

« Le Talmud » appartient uniquement à la tradition du judaïsme. Il représente des commentaires de la Torah fait par les rabbins et les docteurs de la Loi et traite toutes les affaires du quotidien, de la législation, de la culture de l’histoire du peuple juif. La Croix écrit :

« On peut y voir une véritable encyclopédie du judaïsme. Maintes fois censuré, interdit et brûlé en place publique (à Paris en 1244, à Rome en 1553, en Pologne en 1757…), il n’a cessé de jouer un rôle d’unité dans la vie intellectuelle et spirituelle juive. Son étude constitue toujours l’objet principal, voire exclusif, de l’enseignement dans les « yeshivot » (écoles talmudiques) à travers le monde. »

Dans l’émission suivante, l’invité était Michel Serres à qui Jacques Attali a demandé de quoi manger est-il le nom ?

Et Michel Serres a répondu

« Je crois que manger est une activité triple

  • Elle est Biologique d’abord et vital qui est la survivance
  • Deuxièmement, c’est une activité sociale, politique et éthique parfois puisque cela pose des questions de circulation des vivres, de spéculation etc…
  • Et puis c’est aussi un acte religieux, sacré »

Manger a quelque chose d’intime avec le sacré.

Le récit sacré qui a structuré une grande partie de notre imaginaire et aussi de notre civilisation s’occupe très vite de la nourriture et du manger.

Et Michel Serres de souligner qu’au début du premier texte de la bible : la genèse il est question de nombreuses fois de manger.

J’ai vérifié : le verbe manger se trouve en effet 17 fois dans le chapitre 3 de la Genèse, celui où les humains vont manger le fruit de l’arbre de connaissance et être chassés du paradis. Il est présent 4 fois au chapitre 2, qui est le chapitre où l’interdiction est posée.

Pierre-Henry Salfati commence son intervention par cette réflexion :

« Le premier monothéisme n’évoque pas l’homme en tant qu’être mangeant, mais en tant qu’être ne mangeant pas.

Quand on sort du ventre de sa mère, le premier réflexe est de casser son jeûne. On va tout de suite manger. Manger sa mère en l’occurrence.

Il s’avère que dans ce texte inouï [Genèse], la première chose qui lierait ce que d’autres appellent Dieu, ce que la Torah appelle autrement, à sa créature, c’est de ne pas manger une chose : tu ne mangeras pas cela.

En quelque sorte le premier contact, c’est le jeûne ou la restriction »

Rappelons, en effet, le texte de la Genèse, chapitre 2, versets 16 et 17 tel que l’écrit la bible chrétienne

« L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ;

Mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal »

Annie nuance beaucoup le propos de Salfati qui prétend que le premier réflexe de l’enfant qui naît est de casser le jeûne.

En effet, l’enfant dans le corps maternel ne jeûne pas, bien au contraire il est nourri sans avoir même besoin de réclamer à partir du cordon ombilical qui le relie au placenta.

D’ailleurs le placenta et les cellules de l’embryon sont issus des mêmes cellules originaires qui ensuite se différencient pour devenir d’une part le nouvel être vivant et l’autre la matrice nourricière.

Alors quand l’enfant sort à l’air libre, son souci n’est pas de casser le jeûne mais de continuer à se nourrir. Et cela constitue, en effet, une rupture celle de devoir faire un effort pour s’alimenter, alors qu’avant il avait tout ce dont il avait besoin sans effort et même si cela devait se faire au détriment de la mère.

Cela étant le texte fondateur du judaïsme édicte en effet comme première règle, une règle alimentaire qui détourne l’homme d’un aliment végétal précis.

Le fruit de l’arbre de la connaissance, tout un programme…

Pierre-Henry Salfati estime que

« On est ailleurs que dans le religieux ici. Si on étudie ce texte uniquement sous l’aspect philologique. Le végétal interdit est curieusement lié au savoir. […] [Dans une tradition du Talmud] l’interdiction devait durer 3 heures. L’interdit sera transgressé malgré la courte période de l’interdiction. Alors on est dans le symbolique, mais pas que. L’homme ne fait que transgresser son propre symbole.

Ce qui va finalement fonder cette religion-là, c’est le rapport à la conscience : qu’il est incroyable que le monde ait du goût

Que cet univers soit comestible. Comestible non seulement parce qu’il va nous sustenter mais en plus que ce que l’on mange a du goût.

On ne se pose pas la question de savoir si les hommes d’autrefois, aimaient le goût de ce qu’ils mangeaient.

Et le gout déjà fait le choix. L’homme va manger ce qui va le nourrir mais aussi ce qu’il aime, ce qui a bon goût.

Manger en hébreu se dit « èèkhol » (je ne suis pas certain de l’écriture rappelons que j’entends ce talmudiste à l’oral) cela se décompose en « taureau » ou « l’unique » puis « l’un et tout » (‘kohl’). Ce qui signifie qu’en hébreu manger, c’est manger le monde, c’est manger un bout du monde. Manger une pomme, c’est manger l’humanité. Curieusement la science le démontrerait. On est ailleurs que dans le religieux.

Le mot « goût » en hébreu veut dire « la raison » et veut aussi dire « l’accent » (dans le sens accent marseillais)

Le fait que le monde soit comestible avec un certain goût est un mystère.»

C’est pour nous une évidence qu’il existe des aliments et que ces derniers aient un goût.

L’innocent ou le talmudiste s’en étonne et s’en réjouit, le monde est comestible et a du goût.

Notons que de joyeux drilles, mais sont-ils vraiment joyeux, je n’en suis pas sûr, estime que manger prend beaucoup trop de temps et qu’il serait plus simple de disposer de quelques poudres ou de pilules sans goût spécifique permettant d’apporter les éléments nutritifs au corps.

Il faut avouer qu’on est alors très loin du sacré et du goût. On est dans l’utilitarisme et on s’éloigne probablement autant de l’humanisme que du divin…

Mais « l’interdit alimentaire » qui est la première chose qui vient à l’esprit quand on associe le premier monothéisme et l’alimentation.

Rappelons que le judaïsme comme l’islam manifestent des interdits alimentaires. Le christianisme, en revanche, n’a pas d’interdit alimentaire.

Dans les religions non monothéistes, en vertu du principe de non-violence envers toute forme de vie, tous les jaïns ainsi qu’une grande partie des bouddhistes, des hindouistes et des sikhs sont végétariens. Ce n’est toutefois une prescription absolue que dans le jaïnisme où la non-violence est l’idéal fondateur et fondamental.

Les prescriptions alimentaires juives sont définies par les règles de la <cacherout>.

Mais le premier interdit qu’il y a eu dans la religion juive est le sacrifice humain qu’on peut situer à 3000 ou 4000 ans avant notre ère.

La Bible considère le cannibalisme comme une malédiction
(Lévitique 26 verset 29, 2 Rois 6 verset 28)

Par la suite, la religion hébraïque a aussi interdit les sacrifices animaux contrairement aux religions concurrentes de l’époque romaine comme le culte de Mithra où on sacrifiait un taureau dans une cérémonie qui avait pour nom le « taurobole »

Il en était de même avec la déesse Cybèle qui fut une autre concurrente du christianisme. Le musée gallo-romain de Lyon présente des autels tauroboliques pour Cybèle.


Mais Pierre-Henry Salfati aborde le sujet de l’interdit de la manière suivante :

« Qu’est-ce qu’on interdit quand on interdit ?

Est-ce qu’on interdit le goût des choses ou est-ce qu’on interdit quelque chose qui serait toxique ? »

Plus loin il explique qu’il n’y a pas de liste d’aliments toxiques dans les textes juifs. Et il ajoute qu’aujourd’hui il y a des tas de rabbins orthodoxes qui meurent du cholestérol. La nourriture casher les rend aussi malades que les autres.

Mais en fait, ce que ce récit apporte c’est de s’intéresser à la nourriture, à regarder ce que l’on mange :

« La première loi talmudique sur la nourriture qui est le lien le plus intime avec le divin, pour ceux qui croient et le lien, le plus intime avec l’humanité pour ceux qui ne croient pas […] commence par : Regarde ce que tu manges.

C’est la première loi, d’examiner ce qu’on mange.

Je vois tous les jours des gens qui sont en train d’examiner plus que jamais ce qu’ils mangent.

Or ce que l’on mange nous tue, c’est clair.

Mais avant de mourir on a le temps de réfléchir.

On est assassiné par ce monde-là, mais il est consommable.

Certains se sont demandés pourquoi l’homme pouvait comprendre un peu le cosmos, peu se sont demandés pourquoi le cosmos est consommable. »

Le talmudiste s’intéresse ensuite aux mots. Et il explique notamment que le christianisme a traduit des mots hébreux par des concepts qui n’appartiennent pas au judaïsme :

« Il y a une énorme méprise sur le judaïsme lié à une grande histoire culturelle. Je veux en venir aux mots par exemple.

En hébreux, il n’y a pas de mot qui signifie « interdit », en fait si on traduit le mot qui est devenu interdit en français, ce mot signifie « attaché ». Cette chose qui vous attache ou à laquelle vous vous attachez. »

Aujourd’hui on parlerait peut être d’addiction. N’en est-il pas ainsi, par exemple, pour le sucre qui crée de l’addiction ?

« Ce qui est devenu « permis » voulait dire à l’origine « libéré ». Ce qui t’attache d’un côté, ce qui te libère de l’autre côté. »

On interdirait donc des choses qui nous aliéneraient et on nous autorise des choses qui nous libèrent.

Salfati résume :

« On nous incite à nous libérer. Quand on te dit ceci te libère, ceci t’attache, c’est autre chose que de la morale. Le Dieu que le christianisme a rendu rétrospectivement les juifs responsables, les juifs n’y sont pour rien. Il n’y a pas de mot « Dieu » dans toute la Torah. Il y a dix noms qui ont été traduits par Dieu, mais originellement ces noms n’ont rien à voir avec cette affaire. […] De soi-même l’homme choisit ce qu’il mange, ce qu’il peut attraper. Au départ les hommes sont des chasseurs, ils veulent attraper ce qui est le plus facile, ce qui est le plus proche. Manger un lion c’est difficile […] L’animal sauvage est difficilement consommable.»

Et l’animal sauvage fait partie des interdits alimentaires de la cacherout.

Et le lien le plus évident avec le sacré n’est-il pas finalement que l’organe qui permet de parler est aussi celui qui permet d’absorber les aliments qui nourrissent notre corps :

« Manger, c’est penser. On parle et on mange par le même organe qui est un trou qui est la bouche.

C’est curieux symboliquement que ce qu’on fait rentrer est la nourriture et ce qui en ressort c’est la parole.»

<1260>

Lundi 11 mars 2019

«Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit.»
Proverbe igbo cité en conclusion de la lettre de Dominique Eddé à Alain Finkielkraut.

Sauf à refuser tout contact avec les médias, personne ne saurait ignorer qu’Alain Finkielkraut a fait l’objet, à Paris d’une agression verbale, lors d’un samedi de manifestation des gilets jaunes par un salafiste qui après l’avoir traité de « sale merde de sioniste » a eu cette imprécation : « Nous sommes le peuple, la France elle est à nous, retourne à Tel Aviv ».

Il faut une certaine audace, pour qu’un Salafiste puisse s’écrier, dans le pays de Voltaire, le pays de la séparation de l’Église et de l’État, que la France est à des personnes qui professent ses idées.

C’est aussi d’une grande stupidité, parce qu’étant donné l’idéologie d’où cet individu parle, il ne pourra qu’attiser la haine et la division dans notre pays et alimenter la rhétorique d’extrême droite contre les musulmans et la théorie du grand remplacement.

Quasi tous les intellectuels, tous les journalistes, même ceux qui sont très opposés à certaines idées d’Alain Finkielkraut ont pris fait et cause pour lui et ont dénoncé l’acte haineux et stupide du salafiste.

J’ai avoué ma faiblesse pour l’émission de Finkielkraut sur France Culture : « Répliques » qui est selon moi un exemple d’émission tolérante où des idées peuvent s’exprimer et se discuter dans le respect.

Les opinons d’Alain Finkielkraut sont quelquefois plus contestables.

J’ai lu un point de vue que j’ai trouvé intéressant et qui a d’autant plus attiré mon attention en raison d’une censure du journal « Le Monde ».

L’article a été écrit par Dominique Eddé qui est libanaise. Elle est romancière, essayiste, critique littéraire, traductrice et éditrice. Elle écrit aussi des articles politiques publiés dans Le Monde et Le Nouvel Observateur.

Son dernier ouvrage traite d’Edward Said, universitaire palestino-américain décédé en 2003 que j’ai déjà évoqué parce qu’il a créé avec Daniel Barenboim, l’orchestre comprenant des musiciens arabes et israéliens, le <West-Eastern Divan Orchestra>

Cet ouvrage a pour titre : « Edward Saïd, Le roman de sa pensée ».

Après l’agression elle a souhaité écrire une lettre à Alain Finkielkraut.

Elle raconte :

« Rédigée le 23 février dernier, cette lettre à Alain Finkielkraut a été acceptée par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « réservée », puis elle a été recalée, sans préavis, 9 jours plus tard alors qu’elle était en route pour l’impression.

L’article qui, en revanche, sera publié sans contrepoids ce même jour, le 5 mars, était signé par le sociologue Pierre-André Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passé et le présent de toute référence à la Palestine et aux Palestiniens. N’existe à ses yeux qu’un État juif innocent mis en péril par le Hamas. Quelques mois plus tôt, un article du sociologue Dany Trom (publié dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’Israël, sans qu’y soient cités une seule fois, pas même par erreur, les Palestiniens.

Cette nouvelle vague de négationnisme par omission ressemble étrangement à celle qui en 1948 installait le sionisme sur le principe d’une terre inhabitée. Derrière ce manque d’altérité ou cette manière de disposer, à sens unique, du passé et de la mémoire, se joue une partie très dangereuse. Elle est à l’origine de ma décision d’écrire cette lettre. Si j’ai choisi, après le curieux revirement du Monde, de solliciter L’Orient-Le Jour plutôt qu’un autre média français, c’est que le moment est sans doute venu pour moi de prendre la parole sur ces questions à partir du lieu qui est le mien et qui me permet de rappeler au passage que s’y trouvent par centaines de milliers les réfugiés palestiniens, victimes de 1948 et de 1967.

Alors que j’écris ces lignes, j’apprends qu’a eu lieu, cette semaine, un défilé antisémite en Belgique, dans le cadre d’un carnaval à Alost. On peine à croire que la haine et la bêtise puissent franchir de telles bornes. On peine aussi à trouver les mots qui tiennent tous les bouts. Je ne cesserai, pour ma part, d’essayer de me battre avec le peu de moyens dont je dispose contre la haine des Juifs et le négationnisme, contre le fanatisme islamiste et les dictatures, contre la politique coloniale israélienne. De tels efforts s’avèrent de plus en plus dérisoires tant la brutalité ou la surdité ont partout des longueurs d’avance. »

L’Orient-Le Jour est un quotidien francophone libanais. C’est un des principaux journaux libanais du Moyen-Orient. Et vous trouverez l’article derrière ce lien : < Cher Alain Finkielkraut>

Elle commence à condamner sans ambigüité l’agression :

« Cher Alain Finkielkraut,

Permettez-moi de commencer par vous dire « salamtak », le mot qui s’emploie en arabe pour souhaiter le meilleur à qui échappe à un accident ou, dans votre cas, une agression. La violence et la haine qui vous ont été infligées ne m’ont pas seulement indignée, elles m’ont fait mal. Parviendrais-je, dans cette situation, à trouver les mots qui vous diront simultanément ma solidarité et le fond de ma pensée ? Je vais essayer. Car, en m’adressant à vous, je m’adresse aussi, à travers vous, à ceux qui ont envie de paix. »

Le plus simple est de lire l’article dans lequel, elle critique Alain Finkielkraut sur son refus de l’altérité et je dirai son manque d’empathie à l’égard du plus grand nombre des musulmans qui ne sont pas salafistes.

Elle écrit ainsi :

«  Ainsi, l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité. Il n’y avait plus d’avenir et de chemin possible que dans l’antériorité. Dans le retour à une civilisation telle qu’un Européen pouvait la rêver avant la catastrophe. Cela, j’ai d’autant moins de mal à le comprendre que j’ai la même nostalgie que vous des chantiers intellectuels du début du siècle dernier. Mais vous vous êtes autorisé cette fusion de la nostalgie et de la pensée qui, au prix de la lucidité, met la seconde au service de la première. Plus inquiétant, vous avez renoncé dans ce « monde d’hier » à ce qu’il avait de plus réjouissant : son cosmopolitisme, son mélange. Les couleurs, les langues, les visages, les mémoires qui, venues d’ailleurs, polluent le monde que vous regrettez, sont assignées par vous à disparaître ou à se faire oublier. Vous dites que deux menaces pèsent sur la France : la judéophobie et la francophobie. Pourquoi refusez-vous obstinément d’inscrire l’islamophobie dans la liste de vos inquiétudes ? Ce n’est pas faire de la place à l’islamisme que d’en faire aux musulmans. C’est même le contraire. À ne vouloir, à ne pouvoir partager votre malaise avec celui d’un nombre considérable de musulmans français, vous faites ce que le sionisme a fait à ses débuts, lorsqu’il a prétendu que la terre d’Israël était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Vous niez une partie de la réalité pour en faire exister une autre. Sans prendre la peine de vous représenter, au passage, la frustration, la rage muette de ceux qui, dans vos propos, passent à la trappe. »

Elle revient sur cette idée sotte de vouloir légiférer sur le mot « antisioniste » :

« Peut-être aurez-vous l’oreille du pouvoir en leur faisant savoir qu’ils ne cloueront pas le bec des opposants au régime israélien en clouant le bec des enragés. On a trop l’habitude en France de prendre les mots et les esprits en otage, de privilégier l’affect au mépris de la raison chaque fois qu’est évoquée la question d’Israël et de la Palestine. On nous demande à présent de reconnaître, sans broncher, que l’antisémitisme et l’antisionisme sont des synonymes.

Que l’on commence par nous dire ce que l’on entend par sionisme et donc par antisionisme. Si antisioniste signifie être contre l’existence d’Israël, je ne suis pas antisioniste. Si cela signifie, en revanche, être contre un État d’Israël, strictement juif, tel que le veulent Netanyahu et bien d’autres, alors oui, je le suis. Tout comme je suis contre toute purification ethnique.

Mandela était-il antisémite au prétexte qu’il défendait des droits égaux pour les Palestiniens et les Israéliens ?

L’antisémitisme et le négationnisme sont des plaies contre lesquelles je n’ai cessé de me battre comme bien d’autres intellectuels arabes. Que l’on ne nous demande pas à présent d’entériner un autre négationnisme – celui qui liquide notre mémoire – du seul fait que nous sommes défaits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux. »

L’article est beaucoup plus riche que ce que j’en cite. Elle finit par un proverbe igbo :

« Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

L’igbo aussi appelé ibo est une langue parlée au Nigéria, dans la région qui avait abritée la révolte du Biafra.

Ce proverbe igbo ressemble un peu à l’expression que j’ai parfois utilisé de tourner autour du pot, afin de voir le pot sous tous ses aspects.

J’ai avoué mon incapacité actuellement de rédiger un mot du jour équilibré sur Israël, mais je crois qu’il faut lire cette intellectuelle arabe modérée et qui dit une autre partie de la réalité de ce qui se joue dans cet orient complexe.

Je ne comprends pas la censure du Monde.

Je redonne le lien vers son article : « Cher Alain Finkielkraut »

<1209>

Mardi 5 mars 2019

« Mardi gras »
C’est aujourd’hui

Nous sommes donc le jour de mardi gras, demain ce sera mercredi des cendres et commencera la période de carême.

Carême fut l’objet du mot du jour du <29 mars 2018>, il paraît juste de consacrer, une année après, un mot à mardi-gras.

Quand on fait des recherches sur mardi gras, la question qui semble la plus importante est de savoir ce qu’on mange le Mardi Gras ?

La réponse semble : des beignets et des crêpes pour utiliser les aliments “gras” (comme le beurre) qu’on ne pourra plus consommer pendant la période de Carême.

<Voici une recette de beignets de Franche-Comté> mise en ligne hier le 4 mars

A Lyon ce sont les bugnes et <Ce journal prétend disposer de la meilleure recette>

Le site l’Internaute précise que les régions ont chacun leur particularité :

« Chaque région de France a ses beignets. Ainsi à Lyon, on perpétue la tradition des bugnes depuis le XVIe siècle, en Aquitaine, on mange des Merveilles, dans les Vosges on mange des beugnots, et en Provence ce sont des oreillettes… »

Ce site nous permet d’ailleurs d’être plus savant :

« Mardi gras est le dernier jour du Carnaval. Le mot italien provient du latin “carnis levare” (“ôter la viande”). Il fait référence aux derniers repas “gras” pris avant le Carême (on parlait au XVIIIe siècle de “Dimanche gras” ou de “Lundi gras” avant Mardi gras). Autrefois, cette saison correspondait, dans une société encore majoritairement agricole, à l’une des périodes les plus critiques. En effet, en février et en mars, les paysans puisaient dans leurs dernières réserves de nourriture stockées avant ou pendant l’hiver : la facilité à stocker œufs et beurre a favorisé – au même titre que pour la Chandeleur – la tradition consistant à préparer crêpes et gaufres pendant cette période.

Des rituels païens existaient dans la période proche de mardi gras : ils annonçaient ou célébraient la renaissance de la nature (durée du jour en progression, début du dégel, puis premiers bourgeons…). C’est cette réalité qui était traduite dans le calendrier romain, où le jour de l’an était fixé au 1er mars… D’ailleurs, il a fallu attendre le XVIe siècle pour le que jour de l’an soit fixé au 1er janvier ! Avec l’avènement de la chrétienté et la mise en place de la tradition du jeûne du Carême (au IVe siècle), la fête se transforme en période d’exubérance précédant les rigueurs de l’avant-Pâques.

Au Moyen Age, le Carême correspondait à une période des plus contraignantes pour la population, privée de danse, de fête, de nourriture copieuse, de sexe et de plaisir, relevait l’historien des religions Odon Vallet sur France 2 en 2014. Avant que cette période ne commence, la fête du Mardi gras et son carnaval permettaient notamment d’élire un “pape des fous” et d’inverser l’ordre du monde rationnel en même temps que l’ordre social (les riches pouvaient se déguiser en pauvres, les hommes en femmes…).

La dualité de la période est illustrée par le tableau « Le combat de Carnaval et de Carême »de Bruegel (1559). Sur une place marchande se mesurent deux chars. Le premier est paré : un homme ventripotent enjambe un tonneau, entouré de personnages absurdes et de musiciens. Sur l’autre char, une vieille femme, tractée par des moines et des nonnes. Sur une planche en bois, on remarque des poissons, symboles du Carême (période où l’on s’abstient de viande, hors produits de la mer). Côté auberge (Carnaval), on joue au dé et on se gave de gaufres ; côté église (Carême), les personnages voilés se prosternent… »


Et à Périgueux, le journal Sud-Ouest nous apprend que la fête sera celle de « Pétassou » le roi carnaval,

Aujourd’hui il me semble qu’il y a plus de gens qui fêtent mardi gras que de personnes qui suivent la rigueur de carême.

C’est une erreur du point de vue de la santé, jeûner est bien meilleur que faire bombance.

Mardi gras tombe cette année le 5 mars 2019, et les années suivantes ce sera :

    • Le 25 février 2020
    • Le16 février 2021
    • Le 1 mars 2022

Ce qui signifie qu’en 2021, Pâques tombera très tôt dans l’année…

<1205>

Vendredi 22 février 2019

« Sodoma »
Frédéric Martel

Revenons à la source, au récit initiatique de notre civilisation judéo-chrétienne et aussi musulmane. A savoir « La Genèse » premier livre de la Bible chrétienne et de la Torah juive. Il est aussi désigné comme le premier livre du Pentateuque (« cinq livres de Moïse »)

La ville de Sodome est connue par le récit qu’en fait le chapitre 19 de la Genèse.

Dans la traduction de Louis Segond :

« Les deux anges arrivèrent à Sodome sur le soir ; et Lot était assis à la porte de Sodome.
Quand Lot les vit, il se leva pour aller au-devant d’eux, et se prosterna la face contre terre.
Puis il dit : Voici, mes seigneurs, entrez, je vous prie, dans la maison de votre serviteur, et passez-y la nuit ; lavez-vous les pieds ; vous vous lèverez de bon matin, et vous poursuivrez votre route. Non, répondirent-ils, nous passerons la nuit dans la rue.
Mais Lot les pressa tellement qu’ils vinrent chez lui et entrèrent dans sa maison. Il leur donna un festin, et fit cuire des pains sans levain. Et ils mangèrent.

Ils n’étaient pas encore couchés que les gens de la ville, les gens de Sodome, entourèrent la maison, depuis les enfants jusqu’aux vieillards ; toute la population était accourue.
Ils appelèrent Lot, et lui dirent : Où sont les hommes qui sont entrés chez toi cette nuit ? Fais-les sortir vers nous, pour que nous les connaissions.

Lot sortit vers eux à l’entrée de la maison, et ferma la porte derrière lui.

Et il dit : Mes frères, je vous prie, ne faites pas le mal !
Voici, j’ai deux filles qui n’ont point connu d’homme ; je vous les amènerai dehors, et vous leur ferez ce qu’il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu’ils sont venus à l’ombre de mon toit.
Ils dirent : Retire-toi ! Ils dirent encore : Celui-ci est venu comme étranger, et il veut faire le juge ! Eh bien, nous te ferons pis qu’à eux. Et, pressant Lot avec violence, ils s’avancèrent pour briser la porte.
Les hommes étendirent la main, firent rentrer Lot vers eux dans la maison, et fermèrent la porte.
Et ils frappèrent d’aveuglement les gens qui étaient à l’entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, de sorte qu’ils se donnèrent une peine inutile pour trouver la porte.  »

Vous noterez que dans ce récit fondateur de notre civilisation, il est totalement intolérable d’avoir des pulsions homosexuelles, mais que Lot, cet homme protégé de Dieu peut allègrement proposer à cette horde en furie de violer ses deux filles vierges dans une orgie sexuelle. Les deux anges et Dieu n’y trouvent rien à redire. Pour ma vision de rationaliste, je dirai plus prosaïquement que l’auteur du récit n’y voit aucun mal. Les religions monothéistes n’ont jamais eu beaucoup de considération pour les femmes…

Par la suite les deux anges vont donc sauver Lot et sa famille et annoncent que Dieu va détruire cette ville et qu’il ne faut pas se retourner dans la fuite.

Et l’histoire se termine ainsi :

« Alors l’Éternel fit pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu, de par l’Éternel.
Il détruisit ces villes, toute la plaine et tous les habitants des villes, et les plantes de la terre.
La femme de Lot regarda en arrière, et elle devint une statue de sel. »

Dans cet article de <Wikipedia>, des théologiens aux idées complexes essayent d’expliquer que cette histoire est plus compliquée qu’il n’y paraît, mais conviennent quand même que

« Dans la tradition chrétienne, ces passages bibliques sont évoqués comme fondements de la condamnation de la sodomie et de l’homosexualité. L’interprétation chrétienne est utilisée par les traités d’éthique chrétienne qui se fondent sur cette lecture particulière du passage Genèse 19, et inspire la plupart des traités de droit criminel condamnant l’homosexualité jusqu’au XVIIIe siècle avec une rigueur inouïe »

La discussion des théologiens tournent autour de l’expression « pour que nous les connaissions » qui pour tout lecteur averti de la Bible signifie avoir des relations sexuelles. Pour les théologiens qui écrivent dans Wikipedia c’est bien la signification pour des relations hétérosexuelles, mais ne le serait pas pour les relations homosexuelles.

Mais le Récit biblique est une chose et l’interprétation que les ecclésiastiques en ont fait est tout aussi importante.

Et cette interprétation est claire, « Sodome » est l’histoire qui montre que Dieu condamne l’homosexualité. Et la ville mythique donnera les noms communs honnis par les religions monothéistes de « sodomie », de « sodomites » et de toutes ses déclinaisons.

Cet autre article de Wikipedia rapporte l’Histoire de l’homosexualité et de la religion chrétienne, dont je tire les extraits suivants :

Ce qui est étonnant dès le début c’est que le premier édit a été décrété par un homosexuel. Rappelons que les relations charnelles entre homme ne posaient pas problème dans la Grèce antique.

« En effet, le 4 décembre 342, les empereurs romains Constantin II et Constant Ier décrétèrent, dans leur édit sur les adultères, la punition de tout homme, déclaré « infâme », qui se marierait en femme». Cette condamnation paraît contraster avec le fait que Constant Ier était lui-même notoirement homosexuel. Cet édit fut suivi par la loi du 14 mai 390 des empereurs Théodose Ier, Valentinien II et Arcadius, qui condamna les homosexuels passifs à la peine de mort par le feu, devant la plèbe réunie. »

Dans ces débuts le christianisme devint rapidement extrêmement cruel avec ce type de sexualité : .

« Plus tard, au VIe siècle de notre ère, jusque-là considérée comme un crime contre la dignité, l’homosexualité devint un crime contre l’ordre naturel créé par Dieu. En effet, en 538, l’empereur chrétien Justinien publia la première de ses Novellæ contre les personnes persévérant dans l’accomplissement d’actes homosexuels (ceux qui « commettent des [actes] contraires à la nature »), qu’il condamnait, en même temps que les blasphémateurs, à être arrêtés et soumis « aux derniers supplices ». Vers 542, en l’an 15 de son règne, Justinien ordonna de couper les parties génitales de deux évêques, Isaïe, évêque de Rhodes, et Alexandre, évêque de Diospolis, présents à Constantinople et, selon Michel le Syrien, « livrés à l’impureté sodomite ». Ils furent ensuite promenés par toute la ville, leurs membres amputés portés sur des lances. Justinien en profita pour établir « au nom de Dieu, la loi que quiconque serait surpris couché avec un mâle, aurait les parties viriles coupées ». »

Et si on s’intéresse plus précisément à L’Église catholique contemporaine, même s’il y a une évolution à l’égard des personnes, l’homosexualité et l’acte homosexuel sont toujours condamnés comme non naturelle et contraire aux lois divines.

Ainsi en novembre 2005 :

«  sur le canal radiophonique de Radio Vatican, à l’occasion de la sortie du document de la Congrégation pour l’éducation catholique refusant l’ordination des prêtres jugés homosexuels, le cardinal Zenon Grocholewski déclara : « Beaucoup de gens défendent l’idée selon laquelle l’homosexualité serait une condition normale de la personne humaine. Au contraire, elle contredit absolument l’anthropologie humaine et la loi naturelle ».

Il y a bien sûr des évolutions, notamment grâce au Pape François, mais l’homosexualité continue à être condamnée par l’Église Catholique.

Et parmi ceux qui le condamnent, beaucoup sont homosexuels. Cette hypocrisie est dénoncée par le journaliste Frédéric Martel dans le livre qu’il vient de publier chez Robert Laffont et qui est sorti en Librairie ce jeudi 21 février: « Sodoma, Enquête au cœur du Vatican »

J’ai entendu parler ce journaliste de son livre pour la première fois sur France Culture le 15 février dans l’émission de Guillaume Erner : « les lourds secrets du Vatican»

Et j’ai appris que le Vatican abriterait une des plus grandes communautés homosexuelles au monde.

Dans cette interview à CNews il affirme que

«Plus un prélat est homophobe, plus il a de chances d’être homosexuel».

Il décrit L’Église catholique comme une société «homosexualisée».

L’écrivain a enquêté pendant quatre ans au sein du Vatican, mais aussi dans trente pays et a interrogé près de 1.500 personnes, dont 41 cardinaux, 52 évêques et monsignori et 45 nonces apostoliques, précise « Le Point » :

Sur 630 pages, le sociologue décrit ce qu’il nomme « le secret le mieux gardé du Vatican » : l’omniprésence des homosexuels au sommet de l’Église. »

Car Frédéric Martel n’évoque pas un « lobby gay » mais presque une « normalité » :

« L’homosexualité s’étend à mesure que l’on s’approche du saint des saints ; il y a de plus en plus d’homosexuels lorsqu’on monte dans la hiérarchie catholique. Dans le collège cardinalice et au Vatican, le processus préférentiel est abouti : l’homosexualité devient la règle, l’hétérosexualité l’exception. »

Et il répète dans ce journal, l’hypocrisie à l’œuvre :

« Les prélats qui tiennent les discours les plus homophobes et traditionnels sur le plan des mœurs s’avèrent eux-mêmes en privé homosexuels ou homophiles, étant ces fameux « rigides hypocrites » dénoncés par François. »

L’article du Point explique que le livre revisite les pontificats de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI sous ce prisme gay. Il est particulièrement terrible pour le pape polonais, qui a multiplié les anathèmes contre l’homosexualité et le préservatif en pleine épidémie du sida, mais dont l’entourage proche aurait été majoritairement constitué de gays, dont deux éminents cardinaux à l’homophobie d’apparat qui ont été mêlés à une affaire de réseau de prostitution masculine.

Par ailleurs, Frédéric Martel affirme que cette culture du secret et cette omni présence de l’homosexualité est une clé essentielle pour comprendre pourquoi certains cardinaux et évêques ont couvert des actes pédophiles : Ils avaient peur que dans le scandale, des révélations éclatent et dénoncent leur homosexualité et leur hypocrisie.

<Dans cet article du Monde>, le Pape actuel qui semble épargné par le livre est cité :

« « Derrière la rigidité, il y a toujours quelque chose de caché ; dans de nombreux cas, une double vie », a ainsi affirmé le pape argentin. Parmi ses ennemis, précise M. Martel, les « homosexuels planqués, pétris de contradictions et d’homophobie intériorisée » seraient légion. »

Dans un article 21 février 2019 sur le site <Slate> Henri Tincq explique que

« L’ouvrage de Frédéric Martel souligne les incohérences entre le discours de l’Église catholique sur l’homosexualité et la pratique de certains de ses dirigeants, notamment au Vatican »

Et il fait l’analyse suivante :

« Martel démontre ici la perversité d’un autre système de pouvoir, d’une machinerie d’Église complexe, génératrice d’une morale aussi ancienne qu’écrasante. Son livre est une quête haletante et absurde à travers les rouages d’une institution ubuesque, corrompue jusqu’à la moelle, schizophrène à un niveau inimaginable, à la fois homosexuelle et homophobe, dont l’auteur nomme les tireurs de ficelles et désigne les principaux criminels. »

Une des raisons de cette sur-représentation des homosexuels à l’intérieur de L’Église catholique serait dû au fait que des jeunes hommes catholiques sentant en eux des pulsions homosexuelles, moralement indéfendables et donc refoulées chercheraient une expression et une «sublimation» dans un milieu de pouvoir presque exclusivement masculin.

Pour cacher une homosexualité prohibée par les lois de l’Église, mais si répandue en son sein, la hiérarchie catholique se livrerait à une surenchère permanente dans l’homophobie. Il existerait un lien étroit entre l’homosexualité pratiquée dans ses rangs à une grande échelle et les combats acharnés que mènerait l’Église des dernières années contre cette «déviance», contre l’avancée des droits des homosexuels (alors même qu’elle se bat pour les droits humains en général), contre les unions de même sexe ou contre les moyens de prévention du virus du sida, notamment le préservatif.

<L’express consacre aussi un article conséquent à cet ouvrage>

Mais je finirai par cet avertissement que donne Marco Politi, vaticaniste italien, auteur de «François parmi les loups» sur le site de « L’Obs »  :

« Mais après «Sodoma», l’Eglise doit se préparer à une autre vague de scandales: un #Metoo des femmes et des religieuses victimes d’abus sexuels par le clergé. En janvier, un prêtre du Vatican, chef de bureau à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a été officiellement démis pour avoir tenté », dans les années passées, d’obtenir les faveurs d’une religieuse pendant la confession. Les femmes ont désormais moins peur du pouvoir clérical et il est fort à parier que bientôt, depuis l’Europe et les Etats-Unis jusqu’en Inde, on assistera à une escalade de révélations.»: »

Et Marco Politi ne parle pas des crimes de pédophilies, pourtant très présent dans l’actualité.

<Dans cette courte vidéo le Pape François reconnait que des prêtres et des évêques ont violé des religieuses>

L’Eglise catholique a vraiment un gros problème avec la sexualité.

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Vendredi 21 décembre 2018

« Bientôt Pâques »
Ma grand-mère maternelle, dès que les fêtes de fin d’année étaient terminées

Il est temps d’arrêter de parler des affaires du monde et de la France, puisque le moment des fêtes de fin d’année débute.

C’est un moment de cadeaux, d’échanges, de repas.

Pour Annie et moi, il s’agit aussi du moment de faire les gâteaux de Noël alsaciens.

Et quand je pense gâteau, je pense à ma grand-mère maternelle dont le nom de Naissance était Franziska Kordonowski.

Elle était polonaise et se disait polonaise, bien que le jour de sa naissance le 15/06/1898, la Pologne n’existait pas, ou n’existait plus ou ne réexistait pas encore.

Un matin, alors que je sortais du métro et que je me demandais quel mot du jour je pourrais bien trouver pour clore cette année 2018, avant la trêve de Noël, le regard doux et bienveillant de ma grand-mère m’est apparu.

Et je me suis souvenu qu’elle disait toujours, à peine les fêtes de fin d’année achevées : « et maintenant, bientôt Pâques »

Bien sûr, le lendemain du lundi de Pâques, elle disait de même : « Et maintenant, bientôt Noël ».

Pour cette femme chrétienne et croyante, l’année était rythmée par les fêtes religieuses et on allait de l’une à l’autre, dans un mouvement cyclique.

Jusqu’au moment où arrivé à un certain âge, on commence à se poser la question : est-ce que je vivrais encore la prochaine fête ?

Nous savons que ces fêtes religieuses ont épousé des fêtes païennes plus anciennes qui justement ponctuaient les saisons.

Le mot du jour du 23 décembre 2016 évoquait justement cette origine païenne de la fête de Noël :

L’empereur Aurélien (270-275), au milieu des divinités multiples qu’honorait le peuple romain, a assuré une place particulière à une divinité solaire : <Sol Invictus> (latin pour « Soleil invaincu »). Il proclame « le Soleil invaincu » patron principal de l’Empire romain et fait du 25 décembre, le jour du solstice d’hiver donc, une fête officielle appelée le « jour de naissance du Soleil » (du latin dies natalis solis invicti).

Parce qu’en effet, ce n’est pas un hasard que Noël se situe à quelques jours du solstice d’hiver. Solstice d’hiver qui a lieu précisément aujourd’hui, le 21 décembre 2018.

D’ailleurs depuis de nombreux siècles, cette fête se situe juste après le solstice d’hiver, lorsque le temps de la nuit commence à refluer devant le jour.

Et Pâques, dans sa formulation même évoque la saison. Je l’avais noté dans un mot du jour non consacré à Pâques, mais à la chanson de Craonne qu’il est bon de rappeler en cette fin d’année commémorative des 100 ans du 11 novembre 1918.

En effet, chaque année les chrétiens fêtent la «résurrection du Christ» le premier dimanche qui suit la première pleine Lune après l’équinoxe de Printemps.

Le printemps qui est bien sûr la saison de la renaissance de la nature.

Et donc, « Bientôt pâques » au moment de Noël pourrait aussi se dire « Bientôt le printemps » au moment de l’hiver.

L’expression « Bientôt pâques » d’une vieille dame de plus de 80 ans, peut aussi s’analyser comme la relativité du temps.

Einstein nous a appris que le temps absolu n’existe pas, il n’existe que des temps relatifs.

Ainsi quand on calcule la durée qui sépare l’hiver et le printemps on trouve environ 90 jours.

Dès lors pour un enfant de 6 ans qui a donc vécu 2 192 jours, cette durée de 90 jours représente 4,11% de son temps passé sur terre.

Pour un jeune homme de 20 ans cela représente 1,23%, et pour une dame de 85 ans qui a vécu 31 046 jours, cela représente 0,29% c’est-à-dire un temps relatif 14 fois plus réduit que celui de l’enfant de 6 ans.

Il apparait donc bien normal que pour cette dame de 85 ans, la période qui sépare l’une et l’autre fête apparaisse très courte dans son échelle de temps.

Pour finir ce mot avec un peu d’ivresse…

Chrystelle est une lectrice du mot du jour et quand elle a vu cette bouteille lors d’un repas convivial auquel elle a participé, elle a immédiatement pris une photo et a pensé à me l’envoyer.

Je ne vais pas la garder pour moi, je la partage donc avec tous ceux qui voudront bien lire ce mot du jour.

Le mot du jour ou the word of the day se met donc en congé pendant quelques temps.

Il reviendra en janvier, à une date qui reste à préciser.

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Jeudi 25 octobre 2018

« Ce n’est pas de la faute des évêques si Jésus n’a choisi que des hommes comme apôtres »
Un participant au dernier synode de l’Eglise catholique qui a permis à des religieuses de participer sur le thème « la place des femmes dans l’Eglise et l’éducation des jeunes filles », mais sans droit de vote et presqu’aucun espace pour parler

Sur France Inter, Giulia Foïs réalise une chronique hebdomadaire, dans laquelle elle s’intéresse aux questions liées au genre.

Le mardi 23 octobre 2018 elle a fait une chronique sur différents sujets et je voudrai en partager un avec vous, concernant les femmes, l’église catholique et la lente évolution de cette dernière par rapport aux premières.

Et nous apprenons ainsi qu’a eu lieu, la semaine dernière un synode quasi révolutionnaire dans l’Eglise Catholique.

Pour savoir exactement ce que signifie synode, je me suis tourné vers des spécialistes, à savoir des journalistes du quotidien « La Croix », qui pose justement cette question : Qu’est-ce qu’un synode?

Nous apprenons donc que dans la tradition de l’Eglise, le synode est une assemblée d’évêques en principe et c’est un organe consultatif pour le Pape. Pour être complet sa signification est plus large car il peut s’agir d’une assemblée locale, un synode diocésain, qui regroupe des ecclésiastiques de plus basse hiérarchie que les évêques.

Par ailleurs, les autres religions chrétiennes protestantes et orthodoxes connaissent aussi des assemblées appelées synodes avec une signification un peu différente. Pour en savoir un peu plus, il faut aller sur Wikipedia.

Revenons aux explications du synode catholique par « La Croix »

« Le mot synode vient du grec. Il est formé de odos (chemin) et sun (ensemble). Il signifie “faire route ensemble” mais également “franchir un même seuil”, “habiter ensemble“, donc se réunir. Le synode (ou le concile) désigne dans l’Église une assemblée réunie pour délibérer et prendre des décisions en matière de doctrine ou de discipline. […]

Il ne faut pas confondre le synode avec le concile qui a un caractère œcuménique et au cours duquel tous les évêques du monde sont appelés à participer. Lors d’un concile, les évêques abordent les questions qu’ils souhaitent et leur vote a autorité sur les décisions du pape. »

Pourquoi ce dernier synode fut il révolutionnaire ?

Parce que jusqu’à présent, « faire route ensemble », « habiter ensemble » signifiait dans la tradition catholique : être ensemble sans présence féminine.

Normal, me direz-vous puisqu’il s’agit d’évêques et que les catholiques veulent des évêques du genre masculin.

Ce n’est pas aussi simple, puisque depuis Paul VI, peuvent participer, toujours selon « La Croix » :

« Des religieux, des recteurs et des dirigeants de mouvements et d’associations nommés par le pape en qualité de pères synodaux et d’experts. »

Et donc ce qui fut révolutionnaire, c’est que des femmes ont été enfin invitées.

Mais, s’il y a révolution, il y a révolution lente.

Voici ce qu’en dit Giulia Foïs

«  Réunis en synode, en fin de semaine dernière, à Rome, les évêques ont invité des religieuses à se joindre au débat…
Eh ben oui…
Comme quoi, on peut porter calotte et accorder aux femmes le droit de porter cerveau. Le droit de s’en servir, même, surtout  quand ça les concerne directement.

Le thème du synode ?
La place des femmes dans l’église, l’éducation des jeunes filles, la « nécessaire lutte, je cite, contre la culture machiste » du dogme et de l’institution…
Du coup, les femmes étaient là, cette fois.
Elles étaient au moins… Oh ! Douze, les religieuses. Soit 10% des participants.

Ok, ce n’est pas beaucoup, mais elles ont pu parler.
A la pause-café, notamment, disait l’une d’entre elle à l’AFP.
Alors évidemment, comme seuls les hommes ont le droit de vote au synode, elles n’ont pas eu leur mot à dire sur le texte final…

Une pétition a bien circulé pour ouvrir le vote aux femmes…
Mais bon, comme le rappelait l’un des participants : ce n’est pas de la faute des évêques si Jésus n’a choisi que des hommes comme apôtres.
Ben oui.
Et la pomme, ce n’est pas la faute d’Adam non plus, ok ?
Mais baste, point de polémique au Vatican de grâce.
Réjouissons-nous qu’elles aient été invitées à participer.
Parce que du coup, elles ont tout bien écouté quand les hommes ont parlé. »

Vous allez me dire que c’est de nouveau la question de notre regard du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein.

 

A vrai dire, pour moi je verrai plutôt un verre quasi vide, ou un verre presque pas rempli.

L’Église n’a pas inventé la société patriarcale, mais y a très largement contribué et a permis de l’entretenir.

C’est une de ses tares, parmi d’autres.

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Lundi 18 juin 2018

« Le Tsu chu chinois et le Kemari japonais »
Ancêtres du football

Un passionné d’Histoire comme moi, quand il veut approfondir le football va forcément s’intéresser à l’origine de ce jeu. Un groupe d’homo sapiens se partage en deux équipes et tape dans un ballon ou quelque chose qui peut faire office de balle.

<Ce documentaire très intéressant> commence par évoquer un jeu qui a été inventé il y a 3 400 ans au Mexique puis qui a été adopté par les Mayas. Il n’en reste pas moins que ce jeu ne se jouait pas au pied. Les « arènes » dans lesquelles se déroulaient cette pratique sont visibles dans toutes les villes vestiges des peuples mayas dans le sud du Mexique, notamment dans la péninsule du Yucatan. Munies d’une balle en caoutchouc pouvant peser jusqu’à plus de 3 Kg, deux équipes s’affrontent en se renvoyant la balle en la frappant à l’aide des hanches, des coudes des fesses ou des genoux, l’usage des mains et des pieds étant interdit. L’objectif est de renvoyer la balle sans qu’elle ne retouche le sol. A chaque faute, c’est-à-dire balle touchant le sol ou usage d’une partie interdite, l’équipe fautive perd un point et l’autre équipe en gagne un.

Ce jeu avait pour nom « le pok-a-tok ». Le terrain de jeu le plus ancien connu, découvert à Paso de la Amada, au Mexique, daterait de 1 600 avant J.-C. Le terrain mesurait environ 80 mètres de long entre deux murs ou deux rangées de gradins. Le terrain de Chichen Itza, le plus grand du monde maya, mesure 140 mètres sur 35 mètres.

<Cet article> en dit plus et évoque notamment le sujet du sacrifice humain à l’issue du jeu sans pouvoir déterminer si c’est le capitaine vainqueur ou perdant qui était tué.

Mais pour en savoir plus j’ai emprunté « Le Dieu football – Ses origines – ses rites – ses symboles » de Philippe Villemus.

Dans ce livre, l’auteur pense que dès le début de l’histoire de l’humanité, les hommes ont dû jouer. Pour être plus précis, en remontant à l’aube des temps, le jeu débuta sans doute quand les premiers humains commencèrent à se transformer de chasseurs-cueilleurs en paysans-agriculteurs. Le temps des loisirs devint un élément de la vie quotidienne. Les jeux et les activités récréatives, individuels ou collectifs, apparurent dans une société où jusqu’alors les individus et les groupes étaient seulement préoccupés par la quête de nourriture, la protection contre les éléments et les ennemis, et l’affirmation de leur supériorité sur la nature

Et comme toujours, homo sapiens va inclure cette activité, a priori ludique dans notre ressenti moderne, dans des rites, des mythes et du religieux. Je cite le livre (page 30) :

« Dans les sociétés traditionnelles, toutes les activités sont marquées par les rites et le sacré. Nous verrons que les jeux de balle originels n’échappent pas à cette règle, en étant adroitement associés à des rituels religieux. »

Et, il est bien possible que les premiers ballons utilisés pour jouer à un football antique fussent des crânes humains :

« À Kingston-on-Thames, en Angleterre, on raconte une histoire tenace. Au XIe siècle, les Saxons vainquirent les Vikings qui venaient de débarquer et allaient envahir le bourg. Le chef viking eut la tête coupée par les vainqueurs. Les seigneurs saxons, selon la légende, poussèrent sa tête à coups de pieds dans les rues du village, comme un vulgaire ballon de foot. Bien avant cette triste histoire, dès que l’homme se tint sur ses deux jambes, on a dû jouer avec un crâne humain, d’abord avec les mains, ensuite avec les pieds. »

En tout cas, l’étrange fascination des hommes pour les jeux de balle remonte à la nuit des temps. Car les marques sont flagrantes et les historiens formels : dans toutes les civilisations, depuis que les hommes jouent, on a joué au « ballon », sous tous les cieux. Des traces de jeux de balle collectifs remontent à la plus haute Antiquité, en Asie, en Égypte, en Assyrie, en Grèce et à Rome. […] La maîtrise de la balle avec les pieds est sans doute apparue très tôt comme un art difficile qui exigeait une habileté très spéciale.

Mais Philippe Villemus cite comme premier jeu de balle au pied un jeu chinois, dans l’Empire du Milieu appelé : « Le Tsu Chu » (parfois on trouve l’orthographe suivant « cuju »):

« Le premier témoignage de l’histoire du jeu de balle au pied nous provient de l’empire chinois des Shang, près de 2 000 ans avant J.-C.[…] Les Shang connaissaient déjà l’écriture.[…] La légende attribue à l’empereur mythique Huang-Ti, vers 2 500 avant J.-C., l’invention d’un jeu de balle. Cette pratique faisait partie de l’entraînement militaire. La balle était ronde et en cuir de porc ou de chien. Elle devait être lancée au-delà de deux bâtons plantés.

Les autres traces avérées du football en Chine remontent à la période de 200 avant J.-C. Le livre des Han ( Han Shu ) retrace l’histoire de la première partie de la dynastie des Han (206 av. J.-C., 220 apr. J.-C.). Cet ouvrage a enregistré les faits et gestes des empereurs et parle d’un jeu de balle au pied. Pour les militaires chinois, cette activité au pied s’appelait tsu chu. Littéralement tsu chu signifie «frapper la balle avec le pied » ( tsu voulant dire « frapper du pied » et chu désignant la balle). Les scribes de la dynastie des Han nous apprennent que le ballon était fait de cuir rembourré de cheveux et de plumes. La balle devait être poussée avec les pieds et projetée dans un filet d’environ quarante centimètres, fixé à des bambous. Les joueurs pouvaient aussi utiliser la poitrine, le dos ou les épaules. Un poème attribué à Li Yu (136-50 av. J.-C.) décrit le jeu ainsi : « La balle est ronde, Le terrain carré pareil à l’image du ciel et de la terre. La balle vole au-dessus de nous comme le soleil Tandis que deux équipes se font face. » On notera l’analogie cosmique. Sous le règne de l’empereur Chengti, les soldats chinois jouaient au tsu chu en l’honneur de son anniversaire. Les vainqueurs devenaient rapidement des héros nationaux. On punissait les vaincus à coups de lanières. Le jeu devait donc être extrêmement violent et demandait une habileté diabolique pour faire passer la balle dans un filet de quarante centimètres de diamètre, situé parfois à plus de neuf mètres de hauteur entre deux bambous. […]

Toutes les parties du corps, sauf les mains, étaient autorisées pour marquer. »

Certains contestent absolument la descendance entre le Tsu chu chinois et le football, ainsi l’historien « Paul Dietschy » connu pour son ouvrage : « L’histoire du football ». Il développe cette thèse dans <cet article>

Et si la Chine connaissait le Tsu Chu, les japonais pratiquaient un autre jeu de balle au pied : « Le Kemari »

« Il y a plus de 2 500 ans, les Japonais pratiquaient aussi un jeu de balle au pied : le kemari . Cette activité était bien distincte du tsu chu chinois, puisque c’était un divertissement plus « paisible », et non pas un entraînement militaire suivi de punition.

Les joueurs pratiquaient le kemari avec beaucoup de courtoisie. La balle était en bambou recouverte de cuir. Pour y jouer, les princes et les courtisans, vêtus de costumes traditionnels, se réunissaient dans une cour ou un terrain bien délimité. L’objectif était de ne pas laisser tomber la sphère d’environ vingt centimètres de diamètre, à terre. Pour y parvenir on pouvait utiliser la tête, le genou ou le pied. Ce jeu, hautement symbolique, n’avait pas la violence du voisin chinois. Il était joué par huit personnes, au plus. Le terrain de jeu s’appelait le kikutsubo ; il était de taille rectangulaire avec un arbre planté à chaque coin (la version classique présentait quatre arbres différents : un érable, un pin, un cerisier et un saule pleureur). Les Japonais avaient même leur jargon kemari : quand il frappait la balle, le joueur criait ariyara ! (« Allons y ! ») Et quand il la passait à un autre joueur ari ! (« Ici ! »).

C’étaient les équivalents, en quelque sorte, des « la passe ! », « ici ! » ou « devant ! » des footballeurs d’aujourd’hui. La période d’or du kemari s’étala entre le Xème et le XVIème siècle. Le jeu se répandit dans les classes populaires et devint source d’inspiration pour les poètes et les auteurs. Une anecdote japonaise rapporte qu’un empereur et son équipe maintinrent la balle en l’air avec plus de mille coups de pied. Les poètes contemporains écrivirent que la balle « semblait suspendue en l’air, accrochée au ciel » Après cet exploit, la balle fut retirée et ennobli par l’empereur lui-même !

[…] Au musée de la FIFA, une estampe japonaise représente d’ailleurs des kemari japonais, en costume traditionnel, s’adonnant à cet ancêtre du football, dans une enceinte bien délimitée. Enfin, il y a des traces suggérant que les joueurs de kemari japonais et de tsu chu chinois s’affrontèrent en 50 avant J.-C. Ce fut, sans aucun doute, la première rencontre internationale de football, qui dut se dérouler dans une ambiance fascinante !

Le kemari est toujours pratiqué aujourd’hui par les Japonais qui veulent préserver les traditions anciennes.

Vous trouverez d’autres illustrations et d’explications sur <ce blog>

L’Égypte et la Mésopotamie qui constituent les racines de notre civilisation occidentale plus que les chinois et les japonais pratiquèrent aussi des jeux de balle, mais on n’en conserve pas le nom.

«  Les Assyriens et les Égyptiens ont, eux aussi, pratiqué des jeux de balle. On a retrouvé, à Beni Hassan, en Haute Égypte, des peintures représentant des scènes de jeux de ballon. De nombreuses tombes de l’époque pharaonique contenaient des balles. Henri Garcia, dans La fabuleuse histoire du rugby, cite Frédéric Dillaye : « À Thèbes, dans des tombeaux égyptiens, on a trouvé des balles de son recouvertes de peau, et absolument faites comme les nôtres. » À Beni Hassan, la frise égyptienne représente plutôt des jongleries avec les mains et un jeu appelé la « balle cavalière », où des personnages juchés sur le dos de deux autres personnes se lancent alternativement des balles. Quand le cavalier, monté sur le dos de son équipier, ratait la balle, il devenait cheval ou âne à son tour. […]

Mais dans cette région d’Égypte, on a également trouvé une balle pleine, faite de feuilles de palmier, et une autre remplie de son et revêtue d’un cuir cousu avec de la ficelle, ce qui laisse à penser qu’elles étaient poussées avec les pieds. Les reliques remonteraient à 2 500 ans avant J.-C […]. Le manque d’information sur ces activités et leurs règles empêche d’en faire l’ancêtre direct du football. D’après certains historiens, les ballons remplis de graines, enrobés de linges coloriés, étaient envoyés avec les pieds dans les champs, durant les rituels de la fertilité en Ancienne Égypte. Pour un meilleur rebond, sans doute, les balles étaient aussi faites de boyaux de chats attachés en forme de sphère, et entourées de cuir ou de peau d’antilope.

En ce qui concerne les Assyriens, on sait qu’ils jouaient eux aussi à des jeux de boules.»

Ce sera tout pour aujourd’hui, mais l’Histoire est encore longue jusqu’à la coupe du monde de la FIFA.

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