Mardi 20 octobre 2020

«Cela fait des siècles que les fanatiques haïssent « l’humour »
Guillaume Erner dans sa chronique du 19/10/2020

La terreur islamiste a de nouveau frappé la France. Une fois de plus le prétexte fut le rire, un dessin, une caricature.

En janvier 2015, après les attentats des 7, 8 et 9 janvier à Charlie Hebdo, Montrouge et à l’Hyper Cacher, j’avais écrit le mot du jour du <12 janvier 2015> qui était une réflexion sur le rire, sur sa force et l’arme qu’il constitue contre les intolérants, les totalitaires de toute obédience et parmi lesquels les fanatiques religieux constituent une des pires espèces.

Pour ce faire, je m’étais appuyé sur «le nom de la Rose» d’Umberto Ecco et cette diatribe du moine fanatique qui empoisonnait ses frères religieux qui s’intéressaient à un livre qui évoquait le rire :

« Le rire libère de la peur du diable, […]
Le rire distrait, quelques instants de la peur.
Mais la loi s’impose à travers la peur, dont le vrai nom est crainte de Dieu. […]
Et que serions nous, nous créatures pécheresses, sans la peur, peut être le plus sage et le plus affectueux des dons divins ? »

Ce lundi matin Guillaume Erner en se basant lui aussi sur «le nom de la Rose» a également parlé du rire dans sa chronique : « L’Humeur du matin par Guillaume Erner  » :

<Qu’est ce qui a été visé en Samuel Paty ? >

Et la réponse de Guillaume Erner est :

« A peu près tout ce que nous aimons, le savoir, le partage, la tolérance, mais aussi, le rire, le rire qui récapitule probablement ce qui précède, le savoir, le partage et la tolérance. »

Et il ajoute :

« […] Le terroriste qui a frappé au nom de l’islam ne s’est pas seulement attaqué à un enseignant professant le dialogue et l’ouverture, la laïcité et la coexistence, il s’en est pris à quelqu’un qui enseignait le rire.

Ce qu’il y a de plus singulier dans ces assassinats, tellement nombreux hélas, depuis le premier attentat contre Charlie Hebdo, c’est que ces terroristes visent le rire. Ces fanatiques ne s’en sont pas pris à des prêcheurs d’intolérance, à des promoteurs de la haine, non ils s’en sont pris à des dessinateurs de crobar, ou à ceux qui montraient ces petits crobars. Pourquoi cette obsession ? Pourquoi cette réaction inouïe face à des dessins humoristiques ? […]

En réalité, cela fait des siècles que les fanatiques haïssent « l’humour ». Cette haine est d’ailleurs au cœur de l’un des plus grands romans historiques du XXe siècle, « Le nom de la rose », d’Umberto Eco. Souvenez-vous, dans le « nom de la rose », le personnage central Guillaume De Baskerville est un jeune franciscain amoureux du rire, il affronte le vieux moine aveugle, contempteur du rire, Jorge de Burgos. D’ailleurs il est largement question, dans le nom de la rose, non pas des caricatures de Mahomet, mais d’un de leurs équivalents pour l’église du Moyen Âge, le texte parodique et truculent des « Cena Cypriani », rédigé au IX e siècle, ou il est notamment question d’un banquet ou Jésus mange un âne à belles dents…

Or l’église condamne le rire ; il n’y a pas de passage présentant Jésus riant, et la règle monastique de Saint Benoit interdit « le rire prolongé ou aux éclats ».

Pourquoi cette haine du rire ?

Parce que le rire est la libre interprétation – il doit permettre une lecture au premier, deuxième ou troisième degré ? On peut rire ou ne pas rire, le rire est de la liberté, et souvent on n’y peut rien : il n’y a rien de pire que de se forcer à rire.

D’où ce que Guillaume de Baskerville répond au moine Jorge de Burgos dans la scène finale : « le diable est la foi sans sourire (…). Je te hais Jorge, et si je pouvais je te mènerai en bas sur le plateau, nu avec des plumes de volatile enfilées dans le trou du cul, et la face peinte comme un jongleur et un bouffon, pour que tout le monastère rie de toi, et n’ait plus peur ».

Guillaume avait raison, rire des fanatiques est la meilleure manière de les montrer pour ce qu’ils sont, des bouffons. »

Cette chronique renvoie aussi vers un article qui évoque le sujet du rire et de la religion, dans le Nom de la Rose : <Problématique du rire dans Le Nom de la Rose d’Umberto Eco (1980)>

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Lundi 19 octobre 2020

«Miséricordieux»
Mot souvent utilisé par des croyants en évoquant le dieu auquel ils croient

Selon le dictionnaire du <CNRS>, la miséricorde se définit ainsi :

« 1remoitié du xiies. misericorde «bonté par laquelle Dieu pardonne aux hommes. […] Emprunté au latin misericordia «compassion, pitié», dér. de misericors «qui a le cœur (cors) sensible à la pitié».»

Nous sommes donc dans la combinaison des trois mots latins suivants :

  • miser (« malheureux »)
  • misereor (« avoir pitié »)
  • cor, cordis (« cœur »)

Le Littré donne encore d’autres explications : <Miséricorde>

Mais le mot utilisé par les religieux est « miséricordieux ».

Le dictionnaire <CNRS> définit ce mot de la manière suivante :

« Plein de miséricorde, qui pardonne généreusement ».

L’assassin de Samuel Paty a tweeté sur son compte après son sinistre forfait, comme le relate <Le Monde> :

« Un message de revendication a été publié sur un compte Twitter, vendredi, quelques minutes après le drame. Un compte sous le pseudonyme @Tchetchene_270 sur lequel apparaissait une photo de la tête décapitée du professeur avec le message : « Au nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux, (…) à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad, calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment. » »

Alors, on explique que la miséricorde décrite ainsi est l’acceptation chrétienne de ce mot, dans laquelle le pardon est au cœur du sentiment.

Mais il semble que l’islam ne donne pas la même définition.

<Wikipedia> explique ainsi que :

« Rahma » est un concept coranique souvent associé à la miséricorde divine et se traduisant par « la sensibilité »ou « la bonté, la bienveillance » Présent 114 fois dans le Coran, ce terme concerne Allah, sauf trois fois où le terme est utilisé pour des humains :« les fils envers leurs père et mère (XVII, 24), les époux entre eux (XXX, 21), les Chrétiens entre eux (LVII, 27). »
La traduction la plus courante de ce concept est « miséricorde ». Pour D. Gimaret, elle « est inadéquate, pour la raison que dans le français actuel, et notamment dans le vocabulaire religieux, «miséricorde» inclut fondamentalement l’idée de pardon ». Alors que le principe de pardon divin est généralement absent du concept de Rahma. »

Nous avons plus de précisions sur ce <site>

« « Au nom d’Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux ». Le Coran s’ouvre par ces mots, ainsi que 113 des 114 sourates qui le composent. Une sourate entière, la 55, porte le nom de ar-Rahmân, « le Tout Miséricordieux ». En outre, la Fâtiha (la première sourate) est récitée par les musulmans à chacune de leurs cinq prières quotidiennes. Enfin, la liste des 99 « beaux noms de Dieu » de la tradition islamique, commence par : Dieu (Allâh), le Bienfaiteur (ar-Rahîm), le Miséricordieux (ar-Rahmân). La notion de miséricorde est donc très présente dans l’islam.

Que signifie-t-elle au juste ?

[…] On l’a vu, à proprement parler, la miséricorde en islam désigne davantage la compassion ou la bienveillance (d’Allah ou des croyants) que le pardon des fautes. Interpréter ces versets coraniques avec la compréhension chrétienne du terme « miséricorde » serait faire un profond contresens. L’Encyclopédie de l’islam ne craint pas d’affirmer que l’idée de pardon « est totalement absente des emplois coraniques de rahma », même si le Coran associe parfois ces notions : Ton Seigneur est celui qui pardonne : Il est le maître de la miséricorde (XVIII, 58).

D’ailleurs, l’islam est aussi très loin de l’idée chrétienne d’un pardon illimité s’étendant à toutes les fautes et à tous les hommes ! Il suffit de comparer la parabole du débiteur impitoyable auquel le maître remet 10 000 talents, ou la réponse de Jésus à Pierre « Je ne te dis pas [de pardonner] jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois » (cf. Mt 18,21-22) avec ce verset coranique : […] Il pardonne à qui Il veut. (IV, 116). Non seulement, Dieu ne pardonne qu’aux musulmans, auxquels il réserve son paradis, mais ce pardon s’étend arbitrairement sur « qui il veut » […] A cinq reprises, le Coran affirmera : « Dieu pardonne à qui Il veut ; Il châtie qui Il veut » (II, 284 ; III, 129 ; V,18 ; V,40 ; XLVIII, 14)  »

Mais ceci est de l’ordre religieux.

En France, ce n’est pas la loi religieuse qui s’impose, mais la Loi de la République.

Et nous la défendons fort mal.

Ce professeur, Samuel Paty a fait son devoir, il a voulu expliquer à ses élèves ce qu’était la liberté d’expression, comme le voulait le programme de l’éducation nationale.

Mais pour que cet enseignement ne s’abime pas dans le concept, il a voulu expliquer en quoi les caricatures de Mahomet constituent une expression de cette liberté.

Il a même pris la précaution de suggérer à des élèves qui pourraient être « choqués » par ces dessins de se cacher les yeux ou de quitter momentanément la classe.

Il a accompli sa mission, l’apprentissage des Lois de la République.

Et que lisons-nous dans cet <article de Libération ?>

« Libération a pu consulter une note du renseignement territorial des Yvelines (RT78) rédigée le 12 octobre. Elle établit une chronologie précise des événements depuis le 5 octobre, et le cours tenu par Samuel Paty, durant lequel le professeur d’histoire a montré une caricature de Mahomet à des élèves de 4e. La note affirme que l’épisode a déclenché «une vive polémique chez certains parents de confession musulmane, considérant qu’il s’agit d’une véritable offense». Le RT des Yvelines envisage alors des «menaces de sit-in et de manifestations», et transmet ses observations à sa centrale (SCRT), à l’antenne yvelinoise de la Direction générale de la sécurité intérieure (DDSI), aux préfectures des Yvelines et de Paris.

Le document confirme que Samuel Paty a préalablement demandé aux élèves «qui pourraient être offensés par cette image, de fermer les yeux ou de sortir de la classe quelques secondes en présence d’une auxiliaire de vie scolaire». C’est la présence, à ce moment-là, d’une accompagnante d’un élève en situation de handicap (AESH) qui permet de confirmer les détails de la scène. Le lendemain, une mère de famille « contactait la principale en pleurs », affirme la note du RT78, «lui rapportant que sa fille avait été mise à l’écart dans le couloir sous prétexte qu’elle était musulmane», et qu’elle «vivait cette situation comme une discrimination». La cheffe d’établissement demande alors à Samuel Paty de rencontrer la mère en fin de semaine, et de revenir avec la classe concernée sur son enseignement «controversé», en l’invitant également à «s’excuser s’il avait été maladroit». L’intéressé s’exécute, précise le document du renseignement.

Pour autant, la tension ne retombe pas. Selon le RT78, la cheffe d’établissement reçoit le 7 octobre «des messages anonymes de protestation, via la boîte mail de l’établissement». L’un d’entre eux mettait en exergue le climat de défiance envers les musulmans: «Face au climat actuel de la France, où un climat d’islamophobie s’est installé, pourquoi cherchez-vous à diviser en plus dès le plus jeune âge?»

La principale rencontre ensuite le père de famille et le prédicateur du collectif Cheikh-Yassine, Abdelhakim Sefrioui, actuellement en garde à vue après la diffusion de vidéos virales sur les réseaux sociaux. Sefrioui y qualifie notamment Samuel Paty de «voyou ». Lors de l’entrevue avec la cheffe d’établissement, ils font part de leur colère et refusent de rencontrer Samuel Paty. Cette dernière demande alors, selon la note du RT78, «l’intervention de l’équipe Laïcité et Valeurs de la République [personnels d’accompagnement et de prévention de l’Académie, ndlr]». Par ailleurs, la venue d’un inspecteur est programmée le 9 octobre à 13h45, afin «d’accompagner la principale lors d’un entretien avec le professeur pour notamment lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité». En outre, poursuit le document, «cela permettait de préparer la rencontre programmée entre le professeur, la principale puis les parents d’élèves».

En dépit de la diffusion des vidéos qui ont animé les réseaux sociaux, la note du RT78 conclut: « La communication entre la direction et les familles a visiblement permis d’apaiser les tensions, lesquelles sont principalement du fait de la famille C. [le père actuellement en garde à vue, ndlr]. Précisons que pour l’heure, les responsables de la communauté musulmane locale ne sont pas manifestés. […] Au sein du collège, aucune tension majeure n’est palpable, tant du côté de la communauté éducative que de la fédération des parents d’élèves qui, tout en reconnaissant une certaine maladresse du professeur (bien apprécié par sa hiérarchie), ne le désavoue pas pour autant »

Je lis donc qu’on a demandé à ce remarquable professeur de s’excuser auprès de parents en plein délire et même qu’un inspecteur avait l’intention de lui rappeler les règles laïcité et de neutralité !

C’est inadmissible !

On ne peut pas mettre sur un même plan le rôle de ce professeur et la sensibilité exacerbée d’une famille.

L’Éducation Nationale, L’État Français n’ont pas dit le Droit, pas fait parler la République.

Alors, depuis il y a eu le meurtre et maintenant le langage est différent.

Comme la Mosquée de Pantin qui a diffusé la vidéo d’un père de famille revendicatif.

Après avoir supprimé cette diffusion, après l’acte de terrorisme, la Mosquée de Pantin a appelé à manifester pour la paix !! ??

Les responsables de la Mosquée reconnaissent avoir diffusé l’appel <la mosquée de Pantin reconnaît avoir diffusé la vidéo du père de famille >

La défense du président de la Mosquée interrogé est surprenante :

«Je n’ai pas été choqué par les caricatures. Qu’elles soient publiées ou non, on s’en fiche maintenant.» […] Ce qui aurait motivé M Henniche, c’est la discrimination imposée, selon lui, aux élèves musulmans dans le cadre du cours donné le 5 octobre par Samuel Paty. «Je ne comprends pas que l’on demande à des enfants de la République de sortir d’une classe», déclare Henniche. »

Mais comme l’écrit Libération :

« Cette lecture des événements ne correspond pas tout à fait à ce qui s’est passé au collège du Bois-d’Aulne. De fait, Brahim C., le père de famille, semble avoir entretenu une certaine ambiguïté dans sa vidéo postée le 7 octobre. Quoi qu’il en soit, M’hammed Henniche endosse la responsabilité d’avoir diffusé la vidéo. Mais il réfute avoir démultiplié son audience. «Elle était déjà virale dans les milieux musulmans», assure-t-il. »

On apprend ainsi que le président de la mosquée est une figure connue en région parisienne. A la tête de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, M Henniche est influent auprès de responsables locaux de lieux de culte et de personnalités politiques du département. L’affaire est plus qu’embarrassante pour la future grande mosquée de Pantin. Sa construction aurait dû démarrer cet été mais a été retardée à cause de la pandémie de Covid-19. […] En attendant, les prières ont toujours lieu dans les anciens locaux très fréquentés, il y a quelques années, par des groupes de jeunes salafistes. «Cela a beaucoup changé», assure Henniche. Pourtant, l’imam salafiste Ibrahim Abou Talha y est toujours en poste. D’origine malienne, il s’est formé au sulfureux centre de Dammaj au Yémen qui avait vu passer l’un des frères Kouachi.

Mais sa défense ultime est que :

«Personne, dit-il, vraiment personne, ne pouvait imaginer, le 9 octobre quand je l’ai postée, que cela se terminerait par cet assassinat».

Et il en va de même avec Abdallah Zekri (Observatoire de lutte contre l’islamophobie) qui prétend qu’« Il faut faire bloc autour de la République ».

Ce triste sire est le même qui a affirmé que la jeune Mila « l’avait bien cherché ». J’avais parlé de cette autre affaire de lâcheté républicaine lors du mot du jour du <6 février 2020>.

Le Point est revenu il y a 4 jours sur cette lâcheté <Affaire Mila : une défaite française> qui explique dans quelles conditions elle doit vivre aujourd’hui.

Rien ne peut justifier cette violence, ces menaces et ces comportements.

Nous n’avons peut-être pas un problème avec l’Islam en France, mais nous avons clairement un grave problème avec certains musulmans en France !

Je finirai par cette réponse d’une jeune fille sur Twitter :


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Jeudi 7 mai 2020

«Rendre lisible un texte du VIIe siècle à un lecteur du XXIe siècle en usant d’une langue simple.»
Quête poursuivie par Malek Chebel dans sa traduction du Coran

Dans l’entretien évoqué hier, Malek Chebel revient assez longuement sur sa traduction du Coran et répond aussi aux questions que lui pose Léna Mauger sur son interprétation du livre sacré de l’Islam.

J’ai trouvé plus opérant de faire, de cette partie, un mot du jour spécifique.

Je l’ai déjà écrit, je dispose de sa traduction du Coran sur ma tablette. Mon objectif n’est pas de lire ou de m’approprier le Coran. Mais à plusieurs reprises j’ai éprouvé le besoin d’aller vérifier ce qu’il y avait vraiment d’écrit dans ce livre sur un sujet particulier ou plus encore vérifier quand on se référait précisément à une sourate du Coran.

Il me fallait donc disposer d’une traduction en laquelle je pouvais avoir confiance. Confiance que j’accorde à Malek Chebel.

J’ai d’ailleurs cité lors d’un mot du jour sa traduction du verset 32 de la Sourate V : « Celui qui sauve un seul homme est considéré comme ayant sauvé tous les hommes »

Malek Chebel explique d’abord pourquoi il a entrepris une traduction en français du Coran

« Après le 11-Septembre, j’ai été sidéré par la méconnaissance de ce texte d’une beauté extraordinaire, truffé d’images élégantes et de métaphores. Les imams, « ceux qui dirigent la prière », bloquent l’accès au Coran. Ils sont pour la plupart de simples répétiteurs d’un texte qu’ils ne comprennent pas. Les actuelles traductions du Coran sont absconses ou vieillies. Celles qui passent pour être acceptables utilisent une langue obsolète : trop savante, trop maniérée ou trop décalée. J’ai donc voulu traduire ce texte, pas pour le « détraduire », mais pour le rendre dans une langue rigoureuse, sobre, belle, actuelle et sans concession. […]

 Il m’a fallu démarrer ce travail avec une peau lisse. Il m’a pris dix ans, et j’en suis sorti plein de rides. Je m’étais fixé deux objectifs : rendre lisible un texte du VIIe siècle à un lecteur du XXIe siècle en usant d’une langue simple avec de nombreuses notes de bas de page, et le vendre à moins de 25 euros.»

Il nous apprend que même certains professeurs de l’école coranique avouent ne pas comprendre ou même tenter de comprendre leur texte sacré :

« Jeune, j’avais appris ce texte par cœur, en l’ânonnant comme tous les enfants de mon âge tenus par la peur des châtiments corporels en terre musulmane. Je suis tombé un jour sur mon professeur de l’école coranique, je l’ai interrogé sur un problème d’exégèse, il m’a pris par le coude : « Je peux t’avouer quelque chose ? Moi j’ai appris le Coran phonétiquement, sans rien y comprendre. »

Le Coran est un texte prescriptif :

« Il dicte précisément un ensemble de devoirs et d’interdits. Le Coran dit que le ramadan dure un mois, que les prières doivent être pratiquées cinq fois par jour, que l’aumône doit être prélevée et donnée aux pauvres, que les mécréants doivent être châtiés… La codification de l’inceste est très rigoureuse. »

Mais selon Malek Chebel on attribue des fausses prescriptions au Coran

« L’exigence de la circoncision ne figure pas dans le texte, c’est une tradition. L’excision est aussi absente. Et on ne trouve nulle recommandation sur la taille et la forme de la barbe, qui relève simplement d’une volonté d’imiter le Prophète. Mais il faut faire attention : d’une interprétation à l’autre, les écarts sont nombreux. […]

Le Coran ne dit rien sur la virginité. C’est la tradition bédouine patriarcale qui l’a imposée : elle faisait office de livret de famille, de filet de sécurité pour s’assurer de la paternité d’une grossesse et assurer les héritages. Les imams et les théologiens se sont appuyés au IXe siècle sur ce doute pour le cristalliser. Depuis personne n’a remis en cause leur parole, même si les mœurs ont évolué. […]

Les musulmanes étaient indépendantes à l’origine. On l’oublie souvent, mais Khadidja, la première épouse du Prophète et première musulmane, était plus âgée que lui, veuve et femme d’affaires. C’est elle qui l’a engagé comme caravanier. Sur les dix épouses du Prophète, six n’étaient pas vierges.

[Les femmes musulmanes n’ont pas d’obligation de se voiler] Seuls deux versets et demi du Coran évoquent le voile en utilisant le mot « djilbab », qui peut aussi bien se traduire par « fichu », l’accessoire traditionnel des vieilles dames en Orient. Les représentations les plus proches de l’époque coranique montrent des femmes tantôt découvertes, tantôt voilées, mais jamais intégralement.

Le voile intégral du type tchador ou burqa est apparu au XIXe siècle avec l’essor en Arabie Saoudite du wahhabisme, une vision puritaine et rigoriste de l’islam. L’obligation s’est rigidifiée avec le temps. En 1923, l’Égyptienne Huda Sharawi, leader du féminisme arabe, pouvait retirer son voile au Caire, suivie par des centaines de femmes, sans encourir de sanctions. »

Des prédicateurs affirment aujourd’hui qu’une femme non voilée n’est pas un être humain, mais une exhibitionniste, voire une hystérique. Soyons sérieux ! S’il faut voiler la femme pour en faire une musulmane, que faire des millions de femmes dévoilées pendant quatorze siècles ? Étaient-elles de mauvaises musulmanes ? Et les -Asiatiques non voilées, et les Africaines non -voilées, sont-elles encore musulmanes ?

Je défends un islam du cœur, pas un islam du fichu.

Il avait pris position contre le port du voile mais il s’est heurté aux conservateurs et aux archaïsmes instillés par les traditions des pays musulmans influents

« Oui, j’y suis allé la fleur au fusil. Je voulais montrer que l’islam était affaire de choix, que le voile est étranger à la religion.

Mais les conservateurs ont réussi leur travail de sape. Les idées des prédicateurs envoyés dans les banlieues françaises à partir des années 1970 ont infusé dans les mosquées, les salons, les mariages. Il n’y a plus de -mobilisation. Des mères nées dans les pays arabes et jamais voilées de leur vie imitent la quête identitaire de leurs filles. L’interdiction à l’école du port du foulard, selon un principe de laïcité, est défiée. Et ce, au moment même où des femmes des pays arabes revendiquent leur liberté. Au Qatar, plusieurs familles ont demandé à leurs filles de ne plus porter le voile à l’école. »

Il explique aussi la différence entre la charia et le Coran :

« Le Coran est un livre sacré ; comme tel, il donne des prescriptions relativement précises sur le dogme. La charia, en revanche, est une déclinaison, une transposition juridique du texte sacré. Elle rassemble un ensemble de normes définies par des hommes : la famille, la sexualité, l’héritage, l’éducation des enfants, l’obéissance aux préceptes dictés par les imams… De fait, elle est plus rigoriste. Œuvre des théologiens du VIIIe et du IXe siècle, elle traduit fatalement leur imaginaire et le degré d’acceptation de l’époque.

Les califes ont gouverné pendant des siècles avec la charia. Seuls les régimes musulmans les plus conservateurs l’appliquent aujourd’hui en totalité ou partie. On n’accepte plus aussi facilement que l’on coupe la main au voleur, que l’on lapide, que l’on excommunie pour une opinion…

Les fondamentalistes ne font aucune différence entre la charia et le Coran. Ces groupuscules populistes religieux envoient des gamins à la boucherie en présentant le djihad comme un impératif de la foi musulmane, alors que le Coran interdit strictement la guerre entre musulmans !

Le djihad ne peut être qu’une guerre d’autodéfense visant à protéger ses femmes, sa terre et ses enfants.

On peut aussi interpréter le djihad dont parle le Prophète comme une guerre spirituelle contre soi-même et ses mauvais penchants, un peu dans l’esprit du bouddhisme. »

Malek Chebel a introduit sa traduction du Coran par un texte daté du 23 février 2009, cité également dans le livre d’entretien de la revue XXI.

J’en cite le début et la conclusion pleine d’humilité et de retenue :

« Tous ceux qui maîtrisent la langue arabe savent qu’il est extrêmement difficile de comprendre le Coran et que sa traduction passe pour être une vraie gageure. D’ailleurs, on ne traduit pas le Coran comme une œuvre profane, on en interprète seulement les idées, on cherche à les comprendre et, si besoin est, à les restituer aux lecteurs d’une autre langue. […]

L’Islam cherche sa place dans le cadre d’une mondialisation des échanges humains et d’une circulation rapide des idées.
Faut-il le préserver de cette dynamique ?
Qui peut d’ailleurs croire qu’il en serait prémuni pour autant ?
Aussi, pour ne pas pratiquer une politique d’omission volontaire et d’autisme, j’ai cherché les voies possibles d’une cohérence de la compréhension du monde d’aujourd’hui avec les préceptes coraniques, sans dénaturer l’esprit de la Révélation ni méconnaître les réalités complexes qui influencent la présence au monde des musulmans.
Et c’est avec la plus grande bonne foi que j’ai agi, un peu dans l’esprit de ce que Goethe disait lorsqu’il écrivit ces mots – peut-être pensait-il au Coran :
«Ce livre sacré qui, chaque fois que nous le prenons, nous rebute de nouveau, puis nous attire, nous plonge dans l’étonnement et finit par exiger le respect. »

<1417>

Mercredi 6 mai 2020

«Face à un islam fondamentaliste, il s’agit de proposer un islam moderne, actif, réactif, une religion compatible avec le vivre ensemble et le temps présent, mais aussi avec les raffinements exquis qu’elle a inventés»
Malek Chebel

Le second entretien que j’ai choisi dans ce livre remarquable « Comprendre le Monde » que la revue XXI a réalisé à partir des articles qui avaient été publiés dans les numéros de la revue, est consacré à un intellectuel algérien qui donnait une vision lumineuse du monde de l’Islam : Malek Chebel.

Il était d’ailleurs le défenseur de l’Islam des lumières. Il était, puisqu’il est mort le 12 novembre 2016 à Paris, d’un cancer.

J’avais, à cette occasion, écrit un mot du jour lui rendant hommage : <17 novembre 2016>

C’était un anthropologue des religions qui a aussi étudié la psychanalyse.

Il a beaucoup exploré la sensualité, l’érotisme et le corps dans la culture islamique, mais aussi la vie intellectuelle et la société de l’Islam.

Sa voix douce et son érudition se trouvaient assez souvent sur les plateaux de télévision. Moi je l’ai surtout écouté sur les ondes de France Culture.

Dans une de ces émissions, invité de Laure Adler, il s’était décrit ainsi :

« Je suis un arabophone contrarié et un francophone accidentel »

<Cette page> énumère les différentes émissions de France Culture auxquelles il a participé.

Il a aussi traduit le CORAN et c’est sa version dont je dispose sur ma tablette. Mais j’en reparlerai demain.

L’entretien que je partage aujourd’hui a été publié dans le numéro 28 de la Revue XXI, paru en 2014 et a pour titre : « Penser l’islam en liberté »

La journaliste, Léna Mauger le décrit ainsi :

« Il tire lentement une chaise et s’assied dans son salon tiré au cordeau, où se distingue un mur-bibliothèque rempli de livres anciens en arabe, d’encyclopédies, de fresques historiques, de manuels de philosophie et de théologie. Depuis la publication de son premier ouvrage, Le Corps en Islam, en 1984, il n’a cessé d’explorer la dimension sensuelle, souvent ignorée, de la culture musulmane : sexualité, passion amoureuse, histoire de la chair, liberté des femmes. À 61 ans, l’universitaire se revendique passeur d’un islam moderne, éclairé, affranchi des évidences et des clichés. Depuis dix ans, il porte sa vision d’un « islam des lumières » de rencontres en conférences à travers le monde, rêvant d’un enseignement scientifique à l’université. »

Il parle d’abord d’un souvenir d’enfance qui l’a marqué à cause du désir contrarié, de l’injustice et de son rapport aux livres :

«  Dans mon enfance. J’avais 6 ou 7 ans et, un jour, mon grand-père, polygame, a demandé à tous ses enfants et petits-enfants, garçons et filles, de lui transmettre une liste d’affaires scolaires pour la rentrée. J’avais perdu mon père peu avant et j’étais peut-être le plus marginal de la lignée. J’ai sollicité le minimum : quatre stylos Bic de couleurs différentes dans une pochette en plastique. Le jour de la distribution, le dernier des enfants de mon grand-père a réclamé ces stylos. Mon grand-père me les a ôtés des mains pour les lui donner. Depuis, la question du désir m’a longtemps torturé. Plus tard, j’ai compris que ma quête d’écriture était la quête de ces quatre stylos, symboles de ce père disparu. Les livres m’ont sauvé, guidé, épaulé. Sans eux, sans le désir d’écrire, je serais peut-être devenu un docker dans ma ville natale, Skikda, qui est un port. C’est là-bas que j’ai rencontré mon épouse, la fille du libraire ! »

Il est né dans une famille riche, patriarcale. Mais ayant perdu son père, il n’avait pas de défenseur face au grand père tout puissant qui selon ses propos se désintéressait des branches mortes de la famille. Il se retrouve dans un centre pour enfants abandonnés :

« À la mort de mon père, je suis entré dans un processus de déstructuration : j’étais d’une famille riche, mais je n’étais pas riche. Mon grand-père, grand propriétaire terrien, avait plus de vingt-huit descendants directs et indirects. Pour ne pas réduire son train de vie, ce patriarche a décidé de laisser de côté les branches mortes de la famille, à savoir mon frère et moi. La situation de ma mère était intenable : en ces années-là, une veuve perdait son statut social, elle devenait une quantité négligeable, superflue.

Un matin, ma mère nous a habillés comme pour une sortie de fête. Mon oncle, notre tuteur, est venu nous chercher en voiture. Il nous a déposés dans une Ddass qui recueillait les éclopés de la terre. -Orphelins, délinquants, jeunes drogués : tout ce monde parallèle devait apprendre à vivre en communauté au milieu d’une immense plage pelée de sept kilomètres. En un an, j’ai acquis des mécanismes de survie qui me sont utiles aujourd’hui, comme la ténacité, le travail, l’anticipation. Ce centre de regroupement était une école de vie. Je m’en échappais en contemplant la mer bleu pétrole : c’était elle, ma berceuse, ma conteuse, ma nounou. Elle a recueilli mes premières confidences.

Par chance, le directeur de l’établissement m’a pris sous son aile. Lui aussi était sans famille. Il était l’adulte sans enfant, et moi l’enfant sans référent paternel. Sur deux cent cinquante gosses, nous étions trois ou quatre seulement à étudier. J’ai obtenu ma sixième, qui était alors un examen et pas seulement un passage. Cela m’a permis d’être accepté en internat à l’école publique, du collège jusqu’au bac. »

C’est donc la rencontre avec un adulte, un référent ainsi que sa volonté et son désir d’apprendre qui vont permettre à Malek Chebel de s’extraire de cet établissement dans lequel très peu réussissent.

Il faut parfois beaucoup de combats, d’adversité pour devenir doux et lumineux.

Il va entreprendre d’abord des études de psychologies mais ce qu’il révèle de l’ambiance, de la liberté, des mœurs de l’Algérie de sa jeunesse montrent la régression qui existe actuellement :

« Plus tard, j’ai retrouvé dans mes documents de lycée un poème écrit en seconde dans lequel je rêvais de faire de la psychologie sans savoir ce que c’était !

En Algérie, notre classe a ouvert la discipline sous l’impulsion de jeunes professeurs français antimilitaristes, influencés par Camus, Foucault, Fanon…

Nous étions dans le bouillonnement post-1968 : la marijuana, Baudelaire, les voyages à Katmandou, Bob Marley, le reggae, le blues, le rêve sans limites, les voyages sans visa, les nuits à la belle étoile.

Tamanrasset, dans le Sud algérien, représentait le mythe américain à nos portes… Évidemment, tout le monde ne fumait pas du hasch ou était accro au sexe, mais cela faisait partie de notre bouillon de culture, un jus tonique.

La sexualité, jusqu’ici refoulée, était approchée de façon plus libre. Les femmes ne portaient pas de voile, la question ne se posait même pas. Elles prenaient le bus seules, allaient à la fac, se mettaient en maillot de bain deux pièces sur la plage, et n’étaient jamais embêtées pour cela. Au contraire, elles étaient adulées, enviées, courtisées.

Il va finir sa licence de psychologie en tant que major de promo ce qui lui permettra d’obtenir une bourse et venir étudier en France.

A cette époque, le début des années 1970, on parlait peu d’Islam en France :

«  Je n’étais pas vu comme un musulman. Personne alors ne parlait d’islam, de barbe, de voile ou de halal. Seuls quelques milliers d’ouvriers de Renault ou Citroën, des hommes seuls, faisaient le ramadan et la prière dans leur coin – et d’ailleurs, certains finissaient par ne plus pratiquer… J’avais effectué un stage à l’hôpital en Algérie, le tabou de la virginité m’a paru être une porte d’entrée pour comprendre les nœuds des sociétés musulmanes. À la Sorbonne, j’ai demandé à faire ma thèse sur l’hymen au Maghreb, ce passeport pour le mariage. »

Il raconte sa tentative de revenir en Algérie enseignait à l’Université et l’envahissement du monde universitaire algérien par les frères musulmans et leurs idées rétrogrades :

« En 1981, après ma première thèse, j’ai fait une tentative de retour et enseigné la psychologie à l’université de Constantine. L’Algérie cherchait alors à arabiser son système éducatif. Les autorités étaient en quête d’enseignants venus du monde arabe. De nombreux professeurs sont arrivés d’Égypte. Parmi eux, hélas, beaucoup étaient des Frères musulmans, des prédicateurs. Nous avons été la première génération à être confrontée à cet enseignement avec des thématiques religieuses fortes. L’islamisation de l’Algérie a démarré à la fac, par les étudiants et les femmes.

Mes cours sur la sexualité, les dérèglements affectifs et le corps déplaisaient. Un responsable de l’association religieuse a fini par m’annoncer que mon amphi allait être réduit de moitié pour installer une mosquée sur le campus. […] J’ai pris un aller simple pour Paris »

Il faut comprendre d’où vient Malek Chebel, de son évolution, de ses expériences pour comprendre l’émergence du concept d’« islam des Lumières »

« Le 11 septembre 2011, quand deux avions ont détruit les tours du World Trade Center, les concepts ont vacillé, la peur de l’islam s’est installée. La France, qui s’était endormie avec quatre millions de travailleurs immigrés sur son sol, s’est réveillée avec quatre millions de musulmans. J’écrivais un livre sur l’actualité de l’islam et j’ai voulu traiter de l’islam et la modernité. Le titre Islam des Lumières s’est naturellement imposé.

Face à un islam fondamentaliste, il s’agit de proposer un islam moderne, actif, réactif, une religion compatible avec le vivre ensemble et le temps présent, mais aussi avec les raffinements exquis qu’elle a -inventés. Dans cinquante ans, les musulmans seront deux milliards, croyez-vous que les interdits seuls arriveront à les canaliser ?

Non, il faut nourrir une culture du débat, l’ouverture d’esprit, la tolérance, le respect de l’autre. Si certains veulent vivre au Moyen Âge, c’est leur choix. Mais ils ne peuvent l’imposer en règle universelle. Les politiques et les théologiens du monde arabo-musulman ont verrouillé l’expression de paroles alternatives. Comme à l’époque des Lumières, les libres penseurs, les intellectuels, les philosophes doivent jouer un rôle d’éclaireurs. »

Dans cet article il parvient de résumer en quelques lignes l’Histoire de l’évolution contrariée de l’Islam :

« Il y a eu depuis le Moyen Âge de nombreuses réformes, mais homéopathiques. Et ceux qui les ont -portées l’ont souvent payé cher.

Dès le VIIIe siècle, soit un siècle après la Révélation, un esprit critique s’amorce en islam : on voit des ajustements et des correctifs au dogme théologique.

Du XIe au XVe siècle, l’islam produit une série de penseurs majeurs et autant de philosophies distinctes de la doxa. À cette époque, Averroès, né en Andalousie, juriste, médecin, philosophe et grand commentateur d’Aristote, milite pour asseoir la prééminence de la raison sur la croyance, ou au moins un équilibre entre les deux. Ibn Rochd, c’est son nom arabe, avance l’idée d’une foi cantonnée à la sphère privée. Mais il est exilé : son ouverture d’esprit et sa modernité déplaisent aux autorités musulmanes. Aujourd’hui encore, son œuvre est tenue pour subversive, certaines bibliothèques nationales refusent de la mettre à disposition des étudiants.

Il faut attendre le XIXe siècle pour voir naître un mouvement d’envergure, appelé « Nahda ». Ce mouvement, le « renouveau », est animé par une élite arabe souvent laïque. Il se développe sur les ferments du projet de Bonaparte, qui entendait transformer la -société égyptienne selon les idéaux de la Révolution française. Au Caire, puis à Damas, des philosophes, des activistes politiques et des journalistes ouvrent le débat sur la pertinence de la charia, sur la polygamie, sur l’adaptation de l’islam au monde…

Le juriste Mohamed Abduh crée avec un Afghan le mouvement du modernisme islamique et publie de nombreux articles sur le rôle de l’instruction et le retard de l’islam. De retour en Égypte après son exil, il est nommé mufti, soit « interprète de la loi musulmane ». Un autre intellectuel égyptien, Ali Abderraziq, publie en 1925 un livre majeur, « L’Islam et les fondements du pouvoir », qui s’attaque au refus de la distinction entre temporel et intemporel, un dogme qui permet aux théologiens de se mêler de politique. Ce livre, longtemps retiré de la vente, vaut à Ali Abderraziq d’être déchu de ses responsabilités à l’université.

En Algérie, au Maroc, en Tunisie, partout, une floraison extraordinaire de penseurs, d’hommes d’État, de théologiens et même de femmes font alors bouger les lignes, en posant des questions d’une audace folle.

Le tournant de la crise de l’islam se joue au XVe siècle avec la chute de Grenade. La perte de l’Espagne andalouse, le plus beau joyau, marque le début du rétrécissement du monde musulman. La perte d’influence est forte, l’islam se « provincialise » et les premières pensées critiques provoquent immédiatement des contre-réformes. Prenant le passé comme horizon, des théologiens réclament une application stricte de la charia, qui n’est autre qu’un discours humain sur le Coran.

Le début de la colonisation et la fin du califat, aboli par Atatürk en 1923, renforcent cette contraction d’un monde sur lui-même. Les fondamentalistes se mettent à jouer des frustrations pour s’ériger en censeurs. Ils se servent de l’islam comme d’un outil. Pour accéder au pouvoir, comme les Frères musulmans. Pour obtenir des droits à la sainteté, comme les salafistes. Ou pour régner sur un pays, comme les djihadistes.

La crise est profonde dans le monde musulman : absence de légitimité, absence d’éducation, peu de perspectives pour les jeunes.

L’islam n’est qu’un habit, et il est balkanisé.

Aucune puissance, aucune autorité n’a de magistère. »

Selon Malek Chebel 80 % du corpus de l’islam s’adapte parfaitement à notre époque. Sa conception du monde, sa pratique, ses analyses et ses objectifs sont conciliables avec les règles économiques modernes, mais aussi avec l’éthique universelle : la démocratie, la République, les droits de l’homme et les conventions internationales :

« L’islam encourage la philosophie, les mathématiques, la biologie, la médecine, la curiosité scientifique et l’obligation de la lecture mais, de cela, personne ne parle ! ».

Le blocage provient à la fois d’archaïsme défendu par un groupe d’hommes qui n’ont pas intérêt au changement. Ce qui explique le statut médiéval de la femme, le refus quasi systématique de s’ouvrir à une théologie critique. Il dénonce aussi le rôle de grandes puissances régionales comme l’Arabie Saoudite ou l’Iran, arc-boutés sur leurs privilèges régaliens pour tirer profit d’avantages matériels immédiats.

Et il trouve dans les propos du prophète et le Coran, la justification de ses théories sur la sensualité au sein de l’Islam :

« Interrogé sur ce qu’il avait aimé de ce monde, le Prophète répondit : « Les femmes, les parfums et la prière. » La tradition raconte qu’il passa vingt-huit nuits consécutives avec son épouse copte Marya ! Sur les 6 218 versets du Coran, 650 parlent de la sexualité, de la femme, des règles, de la fécondité… Soit plus d’un dixième des versets !

Les musulmans vivent dans un quiproquo immense : ils subissent la contrainte de la religion, alors que l’islam leur recommande de vivre pleinement leur vie terrestre. La civilisation musulmane repose sur une idée fondamentale : le masculin et le féminin sont de création divine. L’exercice de la sexualité, l’amour et la tendresse sont donc, pour les hommes et les femmes unis par le mariage, une bénédiction de Dieu. Je n’ai fait qu’analyser les textes, mais écrivant cela, j’ai été traité de mécréant. Aucun de mes livres sur l’intime n’a encore été traduit dans le monde arabe ! »

Il ne répond pas à la question que lui pose la journaliste quant à sa croyance :

« Je suis en quête de sens, l’existence de l’homme m’intrigue. Mais il faut me juger selon ma méthodologie. Je suis d’abord un penseur ou un chercheur, la foi est du ressort de l’intime. »

A la fin de l’entretien il continue à prôner l’optimiste selon lui la société musulmane est en attente, l’histoire du monde musulman s’accélère, les blocages ne pourront durer.

J’aimais l’écouter et le lire.

Il permettait de voir la face lumineuse de l’Islam.

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Vendredi 24 avril 2020

« 1er Ramadan 1441 »
Identification de ce jour dans le calendrier hégirien

Nous sommes donc le 24 avril 2020 de l’ère chrétienne selon le calendrier solaire grégorien.

Mais si vous allez sur le site de la mosquée de Lyon vous trouverez cette annonce  qui donne une autre identification à ce jour :

« 1er ramadan 1441 »

Ramadan est un mois d’un autre calendrier : le calendrier hégirien, qui est lui un calendrier lunaire.

C’est le neuvième mois de ce calendrier.

On parle de calendrier hégirien, parce qu’il débute lors de « l’hégire »

L’hégire désigne le départ du prophète de l’Islam Mohammed et de plusieurs de ses compagnons de La Mecque vers l’oasis de Yathrib, ancien nom de Médine, en 622 du calendrier solaire chrétien.

Les habitants de la Mecque ne sont pas très réceptifs à l’enseignement de Mohammed, en ces temps-là, et les compagnons du prophète sont victimes de violence et vont donc quitter La Mecque. Fuir diront certains.

<Wikipedia>, nous apprend

« Le terme hégire signifie en arabe « immigration » (du point de vue de Médine) ; le sens de « rupture de liens » (sous-entendu : familiaux) est parfois rencontré. Cet événement crée une rupture fondamentale avec la société telle qu’elle était connue des Arabes jusqu’alors. Mahomet vient en effet de rompre un modèle sociétal établi sur les liens du sang (organisation clanique), en faveur d’un modèle de communauté de destin fondée sur la croyance. Dans ce nouveau modèle, où tout le monde est censé être « frère », il n’est plus permis d’abandonner le démuni ou le faible comme c’était le cas auparavant. Les clans puissants de La Mecque vont tout faire pour éliminer cette nouvelle forme de société qui diminue leur influence car l’égalité entre les croyants est proclamée lors de la rédaction de la constitution de Médine, qu’ils soient libres ou esclaves, arabes ou non-arabes ».

Pour marquer l’importance de cet événement, le calendrier musulman commence donc au premier jour de l’année lunaire de l’Hégire, ce qui correspond au 16 juillet 622 du calendrier chrétien.

Pour les musulmans ce neuvième mois est le mois du jeûne.

Le jeûne du mois de Ramadan constitue l’un des cinq piliers de l’islam. Au cours de ce mois, les musulmans ayant l’âge requis selon les courants de l’islam ne doivent pas manger, boire, fumer, ni entretenir de rapport sexuel de l’aube au coucher du Soleil.

Selon <Wikipedia>

« Le nom ramadan a été donné au neuvième mois dans le monde arabe bien avant l’arrivée de l’islam. »

Comme le calendrier hégirien est un calendrier lunaire : chaque mois commence après la nouvelle lune, lorsque le premier fin croissant est visible. Il doit être aperçu avant qu’il ne disparaisse à l’horizon dans les lueurs crépusculaires. Si la nouvelle lune est postérieure au coucher du Soleil, l’observation se fait le lendemain. Comme le calendrier musulman peut compter dix, onze ou, les années bissextiles, douze jours de moins que le calendrier solaire et aucune intercalation, ramadan se décale d’autant chaque année et passe progressivement d’une saison à l’autre.

Tout cela étant parfaitement prévisible puisqu’il s’agit de mouvement cosmique et de la rotation de la lune autour de la terre, elle-même insérée dans le système solaire. Il y a donc un tableau prévisible qui donne le début du mois de ramadan de chaque année future. Ainsi cette année, il était prévu que le mois de ramadan commence le 24 avril.

Et c’est ainsi que le conçoit l’essayiste, islamologue et théologien Mohamed Bajrafil qui était l’invité des matins de France Culture de ce jeudi 23 avril 2020.

Mais ce n’est pas la position dominante des responsables de la communauté musulmane.

Ces derniers insistent sur l’observation locale du croissant de lune pour marquer le début du ramadan, parce que le premier croissant après la nouvelle lune n’est pas visible partout en même temps, les dates de début et de fin du mois dépendent de ce qui est visible dans chaque lieu.

Et c’est pourquoi un comité officiel s’est réuni et à l’issue d’une cérémonie à la Grande Mosquée de Paris, la date du début du Ramadan a été dévoilée ce jeudi 23 avril

Selon ce que relate le journal <France soir> :

« Le comité a pris acte de l’apparition de la nouvelle lune en ce 29ème jour du mois de Chaâbane 1441 de l’année Hégirienne, le mois sacré débutera donc demain vendredi 24 avril. »

C’est donc bien le 24 avril que commence le mois de ramadan, comme c’était prévu.

J’ai trouvé l’intervention de Mohamed Bajrafil sur le ramadan en temps de confinement très intéressant. Pour lui le confinement ne pose pas problème :

« Le Ramadan est une pratique cachée, donc il cadre parfaitement avec le confinement. Là, il nous est donné la possibilité de combiner confinement spirituel et corporel. »

Mohamed Bajrafil est né en 1978 aux Comores, il est de tradition soufiste.

Il a rappelé que le ramadan constitue une discipline personnelle que vouloir obliger quelqu’un de respecter le ramadan n’est pas conforme à l’Islam d’abord parce que si l’action de faire le jeûne n’est pas une décision personnelle, elle n’a aucune valeur. Le faire parce qu’on est forcé, selon Mohamed Bajrafil, c’est comme si on ne le faisait pas. Celui qui force n’est pas davantage dans l’esprit du ramadan.

Et il dit notamment

« On doit vraiment lutter pour que personne ne suive personne mais que tout le monde agisse en son âme et conscience. Tout le monde doit pouvoir choisir de jeûner ou non et de prier ou non. »

Il dit aussi que, selon lui, l’aspect festif que certains exacerbent n’est pas davantage dans l’esprit. C’est une fête de la charité et du manque. Les repas de la nuit ont pour fonction de supporter le jeune de la journée sans que le manque ne doive disparaître. Il s’agit de se mettre à la place de celles et de ceux qui sont en manque général d’alimentation dans le but d’être plus sensible à leur sort.

« On a donné à ce rite un caractère festif qui n’a rien à voir avec le ramadan en lui-même. On en a fait un moment de festivité alors que ça doit rester un moment de spiritualité. »

A la fin du mois de Ramadan il s’agit d’ailleurs de donner des aliments aux pauvres. Et il ajoute :

« Le Ramadan est la pratique qui va le mieux avec la pauvreté. Elle est la pratique idoine car on nous demande de nous priver et nous donne un esprit de solidarité incroyable. »

Une présentation de cette épreuve spirituelle musulmane qui m’a touchée.

Je redonne le lien vers cette émission <Le ramadan est une pratique cachée qui cadre parfaitement avec le confinement>

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Vendredi 13 mars 2020

« Le Vivant, fils de l’Éveillé »
Roman philosophique d’Ibn Tufayl

Nous avançons donc avec certitude vers un désastre économique mondial ou si tous les prochains évènements sont favorables, au moins une très grave crise.

Concernons le COVID-19, les autorités agissent avec beaucoup d’ampleur et de vigueur.

J’aime que le président Macron, contrairement à Trump, mette en avant la science et les scientifiques pour approcher de plus près le savoir actuel de l’humanité sur cette épidémie.

Pour le reste, je ne m’engagerai pas davantage dans l’expression d’un avis sur la gravité de la situation sanitaire sur laquelle je n’ai pas compétence pour me prononcer.

Je considère comme très pédagogique la mésaventure qui est arrivée à un brillant basketteur français Rudy Gobert qui joue dans le championnat américain.

Lors d’une conférence de presse, il s’est moqué du COVID-19 et par provocation il a touché tous les micros de la salle. Mais il a appris un peu plus tard qu’il était infecté du coronavirus. Et même le championnat américain (NBA) a été suspendu en raison de sa contamination.

Gobert a écrit sur les réseaux sociaux après cette expérience :

« Je veux m’excuser publiquement auprès de tous ceux que j’ai pu mettre en danger, a également écrit Gobert. À l’époque, je ne savais pas que j’étais infecté. J’ai été négligent et je n’ai pas d’excuse. J’espère que mon histoire servira d’avertissement et incitera tout le monde à prendre cela au sérieux. Je ferai tout ce que je peux pour utiliser mon expérience comme moyen d’éduquer les autres et de prévenir la propagation de ce virus. »

La solution passe donc par le civisme qui nous conduit à adopter et à appliquer toutes les mesures barrières pour nous protéger, mais aussi pour protéger les autres, si nous étions infectés sans le savoir.

Certains pourraient peut-être connaître la tentation de se retrouver dans la situation de Robin Crusoé, tout seul sur une île, loin de tout humain susceptible de les contaminer.

Lors de mon mot du jour sur l’«islamophobie » j’ai déjà évoqué la remarquable émission, du dimanche matin sur France Culture, animé par Ghaleb Bencheikh : « Questions d’Islam ».

C’est Annie qui m’a fait découvrir cette émission qui parle d’idées, de philosophie, d’Histoire, de controverses, de débats et qui est de très loin l’émission religieuse, de toutes celles produites sur France Culture, la plus riche et la plus intéressante pour celles et ceux qui ont le goût d’apprendre et de s’ouvrir l’esprit.

Et c’est grâce à cette émission que j’ai appris l’existence du philosophe andalou Ibn Tufayl (1105-1185)

Rappelons que « Robinson Crusoé » est un roman écrit par l’auteur anglais Daniel Defoe et publié en 1719.

Cette émission m’a donc appris que près de 600 ans avant, cet auteur musulman a écrit l’histoire d’un homme sur une île déserte.

Il s’agit en fait d’un roman philosophique que l’on traduit en latin par « Philosophus autodidactus », et en français par « Le Vivant, fils de l’Éveillé ». L’original en arabe est « Hayy ibn Yaqdhan » ou « Ḥayy ibn Yaqẓān ».

C’est donc l’histoire d’un homme sur une île déserte. Il s’ouvre par la supposition d’un enfant né sans père ni mère. Il est adopté par une gazelle, qui l’allaite. Il grandit, observe, réfléchit. Doué d’une intelligence supérieure, non seulement il sait ingénieusement pourvoir à tous ses besoins, mais il arrive bientôt à découvrir de lui-même, par les seules forces de son raisonnement, les notions les plus élevées que la science humaine possède sur l’univers.

Lors de l’émission du 1er mars 2020, Ghaleb Bencheikh avait invité le philosophe Jean-Baptiste Brenet qui est professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où il enseigne la philosophie arabe. Jean-Baptiste Brenet vient de publier une adaptation de ce conte : « Robinson de Guadix, une adaptation de l’épître d’Ibn Tufayl, Vivant fils d’Éveillé » aux éditions Verdier (février 2020).

Kamel Daoud en a écrit la préface

Sur le site de France Culture, on lit :

« Écrit en arabe au XIIe siècle par le penseur andalou Ibn Tufayl, Vivant fils d’Éveillé est un chef-d’œuvre de la philosophie. L’épître dévoile sous la forme d’un conte les secrets de la « sagesse orientale ». Traduite en latin en 1671, elle connaîtra un immense succès dans l’Europe des lettres. Jean-Baptiste Brenet en propose ici une adaptation qui recompose le récit et donne la parole au personnage principal. Voici l’histoire d’un homme sur une île déserte, élevé sans père ni mère, qui découvre par sa raison seule la vérité de l’univers entier, puis qui rencontre un autre homme, religieux, mais sagace, venu d’une terre voisine. « Sorte de Robinson psychologique », écrivait Ernest Renan à propos du livre. Son premier auteur, Ibn Tufayl, est né à Guadix. »

Après cette émission j’ai trouvé un article de « L’Obs » du 29/02/2020 qui a eu la pertinente idée de faire dialoguer l’auteur avec le rédacteur de sa préface : Kamel Daoud.

L’article comme l’émission précisent que ce roman a été le texte arabe le plus lu dans le monde occidental après « le Coran » et « les Mille et Une Nuits », avant d’être totalement occulté, restant sous la forme de trace mémorielle pour le seul monde arabe et quelques doctes arabisants.

Kamel Daoud explique que

« Ce livre est un manifeste de liberté. Il se clôt sur un échec de « pédagogie », la radicalité de sa conclusion, mais c’est pour mieux l’exorciser. Sinon, conséquent avec son pessimisme, Ibn Tufayl n’aurait pas écrit l’histoire de Hayy. Il aurait choisi le silence et la vérité muette de l’insulaire, au lieu de revenir vers la cité avec un livre sous le bras proposé aux siècles à venir. On comprend mieux pourquoi il fut si célèbre à son époque, si connu et traduit durant le lent éveil du Moyen Age et pourquoi aujourd’hui il mérite de revenir et d’obséder. Car on ne peut plus parier sur l’invisible comme voie de salut, mais plutôt sur la liberté de le vouloir et d’aller au-delà des murs des royaumes, il reste que cette aventure est le mythe ultime de notre condition. S’y glisse une méfiance envers l’apparent, une distance prudente avec le Dogme et une empathie discrète envers ceux qui ne peuvent pas saisir l’envers cosmique de la Lettre, mais aussi la défense d’une liberté de croire et de découvrir qui restent incessibles. »

Dans cet article Jean-Baptiste Brenet précise : .-

« Sans qu’on l’ait prouvé, il est assez évident que Defoe a eu connaissance du texte d’Ibn Tufayl. Au XVIIIe siècle, d’ailleurs, plusieurs auteurs anonymes feront eux-mêmes la connexion entre le « Robinson » de Defoe et la fable du « Philosophe autodidacte. […]

Il croise à peu près tous les thèmes caractéristiques de la philosophie de l’Andalousie au XIIe siècle fondée sur Aristote, dont la modernité héritera. Cela va du développement de l’intellect, de l’ordre du savoir, de l’accès à la vérité et au « salut », jusqu’au rapport entre spéculation et « mystique », à l’accord entre philosophie et religion, ou bien à la nature politique de l’homme et au rôle social du philosophe.

Le prologue notamment est très instructif pour nous, puisqu’il dresse un bilan de la philosophie connue : on y voit passer Avicenne, Al-Farabi, Ibn Bajja, Aristote bien sûr ; mais aussi les soufis et le théologien Al-Ghazali, qu’Ibn Tufayl utilise de façon paradoxale dans un cadre philosophique. »

Et j’aime la réponse de Kamel Daoud à cette question : Ce texte, qu’a-t-il à dire au « musulman » du XXIe siècle ?

« On a ici un philosophe qui, dans un royaume, a osé réfléchir à haute voix – parce qu’écrire, c’est parler à haute voix mieux encore qu’avec sa propre voix – la question de la liberté, du salut, du bonheur, du sens, de la possibilité de sauver à la fois l’intuition et la Loi, la vision et la soumission. Ces questions se posent encore à nous aujourd’hui, et parfois de manière très violente :
Faut-il s’engager ou pas ?
Dois-je me rétracter sur mes propres convictions ou accepter l’usage du religieux au nom d’un ordre avec lequel je n’adhère plus ?
Doit-on être solidaire ou solitaire, à la fois ?
Qui est propriétaire de la religion ?
Qui a le droit d’en parler ?…

Que je sois d’accord ou pas avec lui, ce livre plaide pour la liberté de réfléchir des choses aussi fondamentales, il prêche l’individu, la singularité, le vivant et la vigilance, la possibilité de la raison. Il est nécessaire d’y revenir et de diffuser encore plus massivement des textes comme celui-ci pour prouver que penser librement la question religieuse ne date pas de maintenant mais a toujours existé, et que cela ne s’est pas toujours conclu avec des tragédies, des massacres ou des pendaisons. Et c’est d’autant plus urgent qu’il y a aujourd’hui des textes qui ont des royaumes, des principautés, des émirats derrière le dos, et qui nous font mal. Au fond, ce n’est pas nous qui revisitons ce texte, c’est lui qui vient nous revisiter, parce que c’est important. »

Je vous renvoie vers l’émission de Ghaleb Bencheikh «Questions d’islam : Le philosophe autodidacte »

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Jeudi 6 février 2020

« Islamophobie »
Mot piège

En réponse à mon premier article de cette série, Lucien a répondu :

« Les mots peuvent être des armes, certains sont des larmes ! »

Certains mots sont aussi des « pièges, des ruses, des escroqueries »

C’est indiscutablement le cas du mot « islamophobie ».

Et comme je l’écrivais lors de ce premier article, il faut expliquer un mot par d’autres mots imparfaits, incomplets pour comprendre la globalité d’un sujet.

Essayons donc, de faire œuvre de pédagogie, de rigueur et de lucidité.

Dans la rigueur du français, ce mot signifie la phobie de l’islam.

La « phobie » c’est avant tout la crainte de quelque chose.

Wikipedia nous apprend que le mot vient du grec ancien « φόβος » / « phóbos, » qui signifie frayeur, crainte ou répulsion et signifie une peur démesurée et dépendant d’un ressenti plutôt que de causes rationnelles, d’un objet ou d’une situation précise.

Ce terme est particulièrement utilisée en médecine : pour « agoraphobie », peur de la foule et des lieux publics, «  claustrophobie », peur des lieux clos, il existe même la « cancérophobie » je ne crois pas nécessaire d’expliquer.

L’arachnophobie, la peur des araignées est très répandue.

La phobie de l’islam signifie donc la peur de l’islam.

Mais les utilisateurs crispés et excités de ce mot entendent dire autre chose : la haine des musulmans, c’est-à-dire des êtres humains qui professent la foi de l’islam ou plus largement qui sont reconnus comme appartenant à la communauté musulmane par leur naissance, par leur famille. Ils veulent donc dire « anti-musulmans »

Cela n’a rien à voir.

  • L’islam est une religion, une idéologie, un concept.
  • Le musulman est un être humain, un citoyen qui dispose de la liberté de conscience.

La loi française protège le second de l’injure, de la menace, de la haine.

Elle ne fait rien de tel pour la première : la religion, l’idéologie.

Le terme d’islamophobie constitue donc un piège, un subterfuge qui veut se servir de la liberté de conscience des citoyens pour interdire la critique de l’islam.

Rien ne permet de mieux illustrer ce point que « l’affaire Mila » et surtout les réactions qui ont été causées par elle.

Je vais raconter l’histoire de Mila en reprenant les éléments qu’apporte <20 minutes> et d’autres que j’ai trouvé ailleurs, comme <cette vidéo> dans laquelle la jeune fille raconte sa version des faits.

Mila est une lycéenne, elle est originaire de l’Isère et elle a 16 ans

Cette jeune fille se revendique lesbienne. Elle a posté une vidéo, samedi 18 janvier sur instagram, dans laquelle elle parlait de chant. Ensuite, les choses sont moins claires, elle aurait échangé avec une autre fille de relations amoureuses. Il semble qu’il a été question à un moment d’une discussion avec une autre fille dans laquelle les deux ont marqué leur accord sur le fait que les arabes, « rebeux » dans le texte n’étaient pas «leur truc» pour ce type de relations. La discussion s’est envenimée, et des jeunes ont commencé à la traiter de « sale lesbienne » puis de « sale raciste » et aussi d’ « islamophobe » et elle affirme des insultes « plus hard ». Et puis la discussion a dérivé sur la religion et c’est là que Mila a dit (selon 20 minutes) :

« Le Coran est une religion de haine […] Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci au revoir ».

Il est vrai et je peux le reconnaitre que l’argument scatologique ainsi que la préconisation d’un coït anal digital divin n’apporte rien au débat et n’élève pas la pensée.

Cette jeune fille dans un moment d’énervement a utilisé l’injure, elle aurait pu s’abstenir.

Et elle a d’ailleurs eu des paroles d’explications et d’excuses dont se fait l’écho <La nouvelle Tribune> :

« Je ne regrette absolument pas mes propos, c’était vraiment ma pensée », a notamment déclaré l’ado lors de son passage sur le plateau de l’émission. Elle a tout de même voulu présenter ses excuses à celles et ceux qui se sont sentis blesser par ses déclarations.

Je m’excuse un petit peu pour les personnes que j’ai pu blesser, qui pratiquent leur religion en paix, et je n’ai jamais voulu viser des êtres humains, j’ai voulu blasphémer, j’ai voulu parler d’une religion, dire ce que j’en pensais », a-t-elle ajouté. »

Elle dit donc clairement qu’elle a voulu exprimer son opinion sur l’islam et elle souhaitait blasphémer.

Ce qui est totalement et absolument autorisé et accepté par la Loi et les textes fondamentaux français.

Dans toutes les versions de la phrase polémique, il n’est jamais question de personnes, de musulmans. Il est question d’une idéologie, d’une doctrine que Mila n’aime pas.

Cette histoire qui aurait pu rester dans un cercle très restreint, une sorte « d’embrouille » entre jeunes n’aurait pas dû s’étendre à une discussion nationale.

Mais c’est la suite qui est importante. La jeune fille a immédiatement été la cible d’une vaste campagne de cyberharcèlement, d’insultes et de menaces de mort avec toute la gradation de sévices qu’entendent pratiquer les fous de de Dieu à l’égard de celles et ceux qui leur déplaisent. Certains internautes ont dévoilé l’identité de la jeune fille, son adresse, et même celle de son lycée. La jeune fille a déclaré :

« Je recevais 200 messages de pure haine à la minute ».

Face à cette vague de haine, la jeune fille a dû être « déscolarisée » a indiqué à 20 Minutes le rectorat de Grenoble.

« Le proviseur de son établissement, situé dans le nord Isère, a procédé dès lundi matin à un signalement auprès du procureur de la République, et auprès de la plateforme Pharos [service de la police nationale chargé de la lutte contre la cybercriminalité]. La lycéenne, élève de seconde, ne s’est pas présentée en cours cette semaine »

Le ministre de l’intérieur a déclaré que la jeune fille et sa famille ont été mises sous protection policière.

Deux affaires ont été portées devant la justice, l’une, comme il se doit, contre les personnes ayant proféré des menaces de mort, l’autre plus étonnante contre Mila avec pour motif : «provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes». Cette seconde affaire est sans fondement, Mila a attaqué l’islam non les musulmans.

Et la <Justice Française> a fait son devoir et a rejeté cette accusation ;

«Dans un communiqué diffusé jeudi 30 janvier, le parquet de Vienne a indiqué que les investigations «n’ont révélé aucun élément de nature à caractériser une infraction pénale (…) L’enquête a démontré que les propos diffusés, quelle que soit leur tonalité outrageante, avaient pour seul objet d’exprimer une opinion personnelle à l’égard d’une religion, sans volonté d’exhorter à la haine ou à la violence contre des individus à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette communauté de croyance».

L’autre pour identifier les internautes ayant exprimé les menaces de mort continue.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là.

Il y a d’abord Abdallah Zekri qui dirige l’Observatoire national contre l’islamophobie et qui est délégué général du CFCM qui a tenu des propos inacceptables.

Je rappelle que le Conseil français du culte musulman (CFCM) est une association française régie par la loi de 1901, placé sous l’égide du ministère de l’Intérieur, et qui a vocation à représenter les musulmans de France auprès des instances étatiques pour les questions relatives à la pratique religieuse. Il a été mis en place alors que Sarkozy était ministre de l’Intérieur.

Après avoir condamné les menaces de mort il a rejeté sur Mila la responsabilité de ce qui lui arrive. <Marianne le cite> :

« Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit. » Lorsque les chroniqueurs de Sud Radio lui ont fait remarquer que Mila avait réagi, certes avec outrance, à des insultes, le délégué général du CFCM a affiché ses doutes : « Est-ce qu’on lui a dit ‘sale française’ ? Ou est-ce qu’elle le dit pour se faire plaindre ? Vous la croyez, cette fille-là ? Moi je ne la crois pas. » Quand l’avocate Yael Mellul indique à Zekri qu’il peut difficilement dire que Mila « n’a que ce qu’elle mérite », celui-ci rétorque : « Si, je le dis. Elle l’a cherché, elle assume. Les propos qu’elle a tenus, je ne peux pas les accepter. »

Il ignore probablement qu’il habite le pays de Voltaire, de Hugo, de Jaurès, de Camus.

Beaucoup plus grave : La ministre de la Justice Nicole Belloubet sur Europe 1 a fait la même dichotomie.

Elle a donc condamné les menaces de mort et puis dans un même élan, je dirais sur le même plan elle a jouté :

«L’insulte à la religion, c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave»

Les bras m’en tombent !

Il y a deux énormités dans ce qu’elle raconte

La première c’est de mettre sur le même plan des menaces de mort, de viols et tout ce qui s’en suit donc très clairement un appel à la haine vers une personne physique et quelques insultes à une religion. Elle est donc exactement sur la même longueur d’onde qu’ Abdallah Zekri les insultes peuvent expliquer les menaces de mort !

La seconde est encore plus grave. Nous avons donc une Ministre de la Justice qui ignore ce point fondamental du Droit en France : le blasphème n’existe pas.

D’ailleurs les juges connaissent le Droit et ont jugé l’affaire dans ce sens.

L’avocat Richard Malka lui a répondu de manière cinglante : «Non, Madame Belloubet, injurier l’islam n’est pas une atteinte à la liberté de conscience!»

Et on voit bien ce que je dénonçais au début, le mot islamophobie est un piège puisque lentement on en vient à accepter dans les esprits le concept de blasphème.

Je me souviens, un jour dans notre cuisine, peu de temps après la tuerie de Charlie Hebdo, un jeune lecteur du mot du jour m’a interpellé :

« Tu ne trouves pas qu’on en fait un peu trop sur cette affaire »

Je me souviens de ma sidération et j’ai trouvé un dessin de presse qui mieux que les mots exprime la situation.

Je partage le tweet de Raphaël Enthoven :

« #JeSuisMila car le blasphème n’est pas un délit, mais une œuvre de santé publique. »

Et Charlie Hebdo qui ose ce titre : <Affaire Mila : le droit au blasphème fait fuir les lâches>

L’islam a un grand problème, comme le christianisme et le judaïsme : c’est une religion monothéiste.

Et Régis Debray a magnifiquement synthétisé le problème :

« Non seulement, ces religions [monothéistes] entendent régler nos mœurs et notre vie intime mais ce sont elles qui ont liées la notion de croyance et la notion de vérité et ça c’est de la dynamite. »

La confusion entre la croyance et la vérité !

Et pendant des siècles chaque fois qu’ils disposaient du pouvoir temporel elles ont imposé leur terreur, tuant les blasphémateurs et les incroyants.

Les religions ont insulté et traité de manière ignoble toutes celles et ceux qui ne suivaient pas « leur vérité ».

Le blasphème, c’est-à-dire la critique du sacré a été un formidable progrès dans nos sociétés. C’est une libération

Et l’islam est hélas aujourd’hui la seule religion qui de manière officielle continue à tuer pour le blasphème dans certains pays.

C’est là qu’il faut interrompre tous ces mots imparfaits qui essayent de décrire le problème que pose l’utilisation du mot islamophobie.

Pour en dire d’autres qui nuancent et apportent des précisions.

Il y a une très grande majorité de musulmans en France qui vivent leur Foi de manière apaisée et qui sont parfaitement intégrés dans les valeurs de la République.

Et puis il y a des musulmans qui tentent de faire évoluer les mentalités. C’est Annie qui m’a fait découvrir cette remarquable émission du dimanche matin sur France Culture : <Questions d’islam> par Ghaleb Bencheikh le dimanche entre 7 heures et 8 heures. Des réflexions d’une hauteur de vue remarquable.

La dernière émission avait invité l’essayiste Malik Bezouh qui a écrit un livre dont la couverture est déjà tout un programme :

Il dit :

« Blasphème, homosexualité, masturbation, athéisme… la puissance du tabou qui enveloppe ces thèmes rend presque impossible tout débat en islam. Figé politiquement par un despotisme empêchant l’émergence d’une réflexion apaisée et rationnelle, englué dans un conservatisme religieux anachronique, et travaillé en profondeur par des courants réactionnaires, le monde islamique, hétérogène, complexe, est à la peine lorsqu’il s’agit de considérer sereinement ces sujets, pourtant fondamentaux. Marqueurs d’une modernité enfantée par un Occident jadis chrétien, hier colonisateur, aujourd’hui sécularisé, ces questions génèrent des crispations parfois paroxystiques comme en attestent les attentats commis sur notre sol depuis quelques années. Aujourd’hui, l’islam est à la croisée des chemins. »

Vous pouvez écouter cette émission derrière <ce lien>

Une autre réalité à dire, c’est qu’il existe une haine anti-musulmane et anti-arabe dans une partie de la population française.

Inacceptable bien sûr, mais l’islamophobie n’est pas le bon mot pour décrire cela.

Wikipedia cite Caroline Fourest et Fiammetta Venner qui affirment,

« en 2003, que le mot a pour la première fois été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens, puis réactivé « au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission », pour justifier en 1990 la fatwa contre l’écrivain Salman Rushdie, pour condamner à mort Taslima Nasreen et plusieurs autres intellectuels musulmans pour des écrits jugés blasphématoires. Elles ajoutent que le terme est toujours utilisé par le régime iranien pour condamner toute production artistique jugée blasphématoire, comme l’accusation d’islamophobie lancée en 2007 par Mehdi Halhor contre le dessin animé Persepolis, réalisé d’après la bande dessinée de Marjane Satrapi. »

Et c’est une idéologie nocive qui vient de certains pays musulmans archaïques et intolérants et qui tentent grâce à leurs formidables pouvoirs financiers d’infiltrer la société française musulmane pour l’éloigner du modèle républicain et la faire muter vers des mœurs régressifs et un formidable recul de la liberté de pensée et d’opinion.

Ils utilisent le mot «islamophobie » pour souder une communauté de plus en plus large, empêcher la critique et la dénonciation de leur entreprise sournoise.

Saviez-vous que lorsque le CFCM a été créé, le gouvernement français a renoncé à ce que la charte de l’Islam au cœur de cette création ne contienne le droit fondamental de changer de religion :

« En novembre 1999, Jean-Pierre Chevènement entame une consultation large rassemblant toutes les fédérations musulmanes, les grandes mosquées et certaines personnalités3 et leur soumet un texte qui ne pouvait « faire l’objet d’une négociation », mais qui a cependant été amendé. Le texte initial ajoutait que cette convention : « consacre notamment le droit de toute personne à changer de religion ou de conviction ». Assimilée à un acte d’apostasie, cette précision sur le droit à changer de religion ou de conviction était pour Jean-Pierre Chevènement cruciale. Elle soulevait la question de la liberté religieuse. Si un musulman est libre de changer de religion, sa décision supplante celle du groupe. Inversement, pour un individu soumis à la communauté des croyants, cette soumission prime sur celle qu’il doit à la nation.

Après de longues discussions, Chevènement obtint dans un premier temps un engagement sur ce point, mais celui-ci fut finalement retiré à la demande des autorités musulmanes. Le pacte fut signé le 28 janvier 2000. Si Alain Billon, conseiller de Chevènement, considère le texte comme « expression positive de laïcité », il souleva immédiatement des critiques qui portent précisément sur le droit de changer de religion : ainsi, pour Leïla Babes et Michel Renard, « les pouvoirs publics, en acceptant d’altérer un texte présenté comme « non négociable », introduisent un état d’exception qui pourrait se révéler préjudiciable pour l’intégration de l’islam dans le cadre du droit. »

C’est sidérant !

Cela ne change rien au Droit français et à la liberté d’opinion.

Mais cela prouve bien le problème que posent certains idéologues de l’Islam à notre République et à notre manière de penser la liberté.

« Islamophobie » est vraiment un mot important de l’actualité française.

Et certains hommes de gauche se perdent dans ce combat qui n’est pas un bon combat.

Et j’espère que personne ne doutera que je pense que le combat contre la haine des musulmans ou le racisme anti-arabe sont, quant à eux, de très bons combats.

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Jeudi 17 octobre 2019

« Quand ils ont peur, c’est pour eux-mêmes. Mais leur haine est pour les autres. »
Albert Camus, État de siège

Et quelques politiciens, proches de Marion Maréchal qui ne veut plus qu’on accole à son nom celui de la famille «Le Pen», dont elle est issue, ont donc organisé une : « convention de la droite » le 28 septembre 2019.

Soyons précis ce rassemblement qui a réuni un millier de personne dans le 15ème arrondissement de Paris, dans une salle dédiée à l’organisation d’«opérations à caractère festif » et répondant au nom de « La Palmeraie » a été organisée par le magazine « L’Incorrect » et des associations « Racines d’avenir » et « Cercle Audace ». Déjà leurs titres constituent un programme.

Cet évènement n’a pas attiré de femmes ou d’hommes politiques de premier plan, mais il y avait un invité particulier qui est monté sur la tribune, a agrippé le pupitre et a lu un discours d’une demi-heure, courbé sur ses feuilles.

On parle beaucoup de ce discours en raison de son contenu et aussi parce que la chaîne de télévision LCI a retransmis l’intégralité de ce discours.

Peut-être que cette chaîne avait la conviction qu’elle était en train de retransmettre un moment d’Histoire… j’espère que non !

Plus probablement espérait-elle faire de l’audience, de sorte de pouvoir bénéficier de la manne publicitaire.

Et c’est ainsi qu’Eric Zemmour a révélé à la salle mi-conquise, mi-sceptique, car elle trouvait peut-être qu’il exagérait un peu, l’existence d’« Une guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel »

A d’autres moments du discours il ajoutait l’appartenance religieuse : catholique, comme par exemple :

« L’homme blanc hétérosexuel catholique n’est pas attaqué parce qu’il est trop fort, mais parce qu’il est trop faible, non parce qu’il est assez tolérant, mais parce qu’il l’est trop. »

Cette fois nous ne sommes plus dans le concept, mais devant une question pratique : les droits de l’homme et la liberté d’opinion doivent-ils autoriser Eric Zemmour à s’exprimer ?

Poser la question de cette manière et après les mots du jour précédents la réponse ne saurait être que Oui.

Certains propos constituent des délits et peuvent faire l’objet de sanction pénale. D’ailleurs Eric Zemmour a été définitivement condamné, après une longue procédure jusqu’à la Cour de Cassation qui a confirmé, le 19 septembre 2019, la condamnation pour provocation à la haine religieuse après des propos anti-musulmans tenus dans le cadre de l’émission « C à vous » diffusée le 6 septembre 2016 sur France 5.

Il ne faut donc pas de censure préalable, mais laisser dire puis condamner, s’il y a lieu.

Mais il faut écouter et essayer de comprendre ce qu’il dit.

Son intervention intégrale, se trouve derrière <ce lien>.

Il faut bien sûr analyser et décrypter.

D’abord « extermination ». Si comme moi, vous êtes un homme blanc hétérosexuel et qu’on vous dit qu’on veut donc vous exterminer, il est très possible qu’après un haussement d’épaule, cette phrase vous revienne et commence à instiller le doute : et s’il avait raison ?

Si vous êtes sur cette pente, vous allez rapidement essayer de déterminer qui sont ceux qui voudraient vous exterminer. Et un peu plus loin vous allez regarder ces exterminateurs potentiels avec suspicion, peut-être crainte, bientôt avec ressentiment et dans ce cas la voie de la haine est proche.

Quand vous dite à quelqu’un qu’il va être exterminé, vous devez vous attendre qu’il réagisse et qu’il ne se laisse pas faire. Une pulsion assez basique consisterait à exterminer les exterminateurs…

Nous sommes clairement dans une logique de guerre civile.

L’homme courbé sur son pupitre désigne très clairement les exterminateurs, ils sont dans deux camps d’un côté « les progressistes », de l’autre « les musulmans ». Et l’homme blanc hétérosexuel catholique est

« […] ainsi pris entre l’enclume et le marteau de deux universalismes »

Même si « les musulmans » en tant que communauté homogène n’existent pas. Ce qui existe ce sont « des musulmans » dans leurs diversités. Mais on comprend à peu près l’amalgame qu’il fait pour désigner ce premier groupe qui constitue peut-être, dans son esprit, le marteau

Mais les « progressistes » ceux qui seraient alors l’enclume sur laquelle reposerait notre tête pour que le marteau puisse l’écraser dans l’entreprise d’extermination, qui sont-ils ?

Voici ce que dit Éric Zemmour.

« Progressisme : la religion du progrès, un millénarisme qui fait de l’individu un dieu et de ses volontés jusqu’aux caprices un droit sacré et divin. Le progressisme est un matérialisme divinisé qui croit que les hommes sont des êtres indifférenciés, interchangeables, sans sexes ni racines, des êtres entièrement construits comme des Legos et qui peuvent être donc déconstruits par des démiurges. […]

Le progressisme est un messianisme sécularisé, comme le furent le jacobinisme, le communisme, le fascisme, le nazisme, le néolibéralisme ou le droit-de-l’hommisme. Le progressisme est une révolution. D’ailleurs, souvenez-vous, le livre de campagne de notre cher président s’appelait Révolution. Une révolution ne supporte aucun obstacle, aucun retard, aucun état d’âme. Robespierre nous a appris qu’il fallait tuer les méchants. Lénine et Staline ont rajouté qu’il fallait aussi tuer les gentils. La société progressiste au nom de la liberté est une société liberticide. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Le cri de Saint-Just est toujours à son programme. Depuis les Lumières, depuis la Révolution française, depuis la révolution de 17, jusqu’à même la IIIe République avec ses radicaux franç-macs, jusqu’à aujourd’hui, c’est toujours le même progressisme : la liberté c’est pour eux, pas pour les autres. […] »

Il ajoute que ce millénarisme dispose d’outils de diffusion, de « propagande » dit-il et pour que ce soit clair pour le « mal-comprenant » il cite Goebbels, le ministre de la propagande de Hitler afin que le lien avec le nazisme tombe dans l’évidence :

« appareil de propagande qui réunit la télévision, la radio, le cinéma, la publicité, sans oublier les chiens de garde d’Internet. Son efficacité fait passer Goebbels pour un modeste artisan et Joseph Staline pour un débutant timoré. Le progressisme, c’est l’omniprésence de la parole soi-disant libre, servie par une technologie d’une puissance de diffusion jamais vue dans l’histoire mais en même temps, comme ils aiment dire, un appareil répressif de plus en plus sophistiqué pour la canaliser et la censurer. »

Dans ce progressisme il classe aussi le :

« libre échange mondialisé […] la sainte cause des minorités » sexuelles et ethniques de l’extrême gauche. »

L’ennemi du progressisme ainsi défini est donc :

«Le seul ennemi à abattre, c’était l’homme blanc hétérosexuel catholique […] Le seul à qui l’on fait porter le poids du péché mortel de la colonisation, de l’esclavage, de la pédophilie, du capitalisme, du saccage de la planète, le seul à qui on interdit les comportements les plus naturels de la virilité depuis la nuit des temps au nom de la nécessaire lutte contre les préjugés de genre, le seul à qui on arrache son rôle de père, le seul qu’on transforme au mieux en seconde mère ou au pire en gamète, le seul qu’on accuse de violences conjugales, le seul qu’on balance comme un porc. »

Noter qu’entre autre combat, il défend aussi « les comportements les plus naturels de la virilité depuis la nuit des temps ».

Bien sûr, il parle des musulmans, de l’immigration, du grand remplacement inventé par Renaud Camus, et de l’inversion de la colonisation

« Le dynamisme démographique de notre continent a permis aux Blancs de coloniser le monde. Ils ont exterminé les Indiens et les Aborigènes, asservi les Africains. Aujourd’hui, nous vivons une inversion démographique, qui entraîne une inversion des courants migratoires, qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront leurs Indiens et leurs esclaves : c’est vous ! […au ] triptyque d’antan – immigration, intégration, assimilation – s’est substitué invasion, colonisation, occupation ».

[…] nous sommes ainsi pris entre l’enclume et le marteau de deux universalismes qui écrasent nos nations, nos peuples, nos territoires, nos traditions, nos modes de vie, nos cultures : d’un côté, l’universalisme marchand qui, au nom des droits de l’homme, asservi nos cerveaux pour les transformer en zombies déracinés ; de l’autre, l’universalisme islamique qui tire profit très habilement de notre religion des droits de l’homme pour protéger son opération d’occupation et de colonisation de portions du territoire français qu’il transforme peu à peu, grâce au poids du nombre et de la loi religieuse, en enclave étrangère. (…) Ces deux universalismes, ces deux mondialismes, sont deux totalitarismes. »

Pour répondre à cette menace, il remet au centre du débat et du combat : « l’identité »

« Je ne dis pas que la question de l’identité est la seule qui nous soit posée, je ne dis pas que l’économie n’existe pas (…), je prétends seulement que la question identitaire du peuple français les précède toutes, qu’elle préexiste à toutes, même à celle de la souveraineté. C’est une question de vie ou de mort […] Nous devons savoir que la question du peuple français est existentielle quand les autres relèvent des moyens d’existence. Les jeunes Français seront-ils majoritaires sur la terre de leurs ancêtres ? Je répète cette question car jamais elle n’avait été posée avec une telle acuité. Dans le passé, la France (…) a été occupée, rançonnée, asservie, mais jamais son peuple n’a été menacé de remplacement sur son propre sol. […] Ne croyez pas ceux qui vous mentent depuis 50 ans […] les optimistes qui vous disent que vous avez tort d’avoir peur, vous avez raison d’avoir peur, c’est votre vie en tant que peuple qui est en jeu ».

Ce sont les mots de la discorde, il instille l’idée que nous avons été envahis, que nous sommes déjà occupés qu’il faut donc entrer en résistance, que nous allons être colonisés et finalement exterminés, c’est à dire disparaître.

Que nous devons avoir peur, que notre vie, en tant que peuple, est menacé.

<Marianne> a donné la parole à une philosophe Marylin Maeso, spécialiste d’Albert Camus et auteure d’un essai, « Les conspirateurs du silence » (L’Observatoire).

Elle cite Albert Camus qui dans sa pièce de théâtre de 1948 « L’état de siège » écrit :

« Quand ils ont peur, c’est pour eux-mêmes. Mais leur haine est pour les autres. »

Marylin Maeso ajoute :

« Arrêtons-nous sur ce fantasme d’une « guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel catholique ». Le brandir au moment même où la Tchétchénie emprisonne et assassine ses citoyens homosexuels, pendant que la Chine crée des camps où les Ouïghours sont torturés, forcés à renier leur religion, dépouillés de leurs organes et tués avec l’aval de trente-sept pays n’est pas un geste anodin. Les mots ont un sens, et leur détournement, un objectif bien précis. Cette stratégie s’appuie sur un double mécanisme de subversion du langage et d’instrumentalisation de l’histoire ayant pour but de recouvrir le réel d’un dangereux voile idéologique. En se réappropriant une terminologie martiale extrêmement connotée (« occupation », « asservissement », « extermination », « propagande [digne de] Goebbels », etc.) pour la plaquer sur une réalité sans commune mesure, Zemmour fait poindre la menace d’une guerre civile doublée d’une guerre de civilisation, d’autant plus meurtrière qu’elle avance masquée.

C’est la fameuse thèse du « Grand Remplacement » formulée par Renaud Camus, que le polémiste n’a pas manqué de citer lors de sa conférence, et qui soutient que l’immigration est une extermination douce, qui ne passe pas par l’industrialisation de la mort de masse mais par la conquête silencieuse et fourbe de la natalité. Quant à l’utilisation fallacieuse de l’histoire, qu’il s’agisse du colonialisme ou du nazisme, elle a pour fonction de mobiliser des schémas de pensée traumatiques durablement gravés dans notre mémoire collective, de manière à optimiser le potentiel de ce que le philosophe Peter Sloterdijk appelle les « affects thymotiques » (colère, vengeance, rejet de l’autre, etc.) et que Zemmour entend ici exploiter. »

Eric Zemmour utilise des mots « colonisation », « invasion », « occupation », « extermination » qui expriment la violence, mais qui surtout font référence à des moments historiques très connotés où il y avait d’un côté le bien et de l’autre le mal, des moments très sombres, d’oppression et de guerre.

L’« autre » vous veut du mal, c’est un ennemi qu’il faut combattre, chasser et s’il le faut, tuer.

Cette rhétorique de guerre civile est dangereuse et en outre ne présente aucune solution viable et à long terme.

Mais si Zemmour a un si grand succès d’audience de télévision ou de radio, si ses livres se vendent si bien, c’est aussi parce que ses propos trouvent un écho chez un grand nombre de nos concitoyens et qu’en face une grande partie du discours politique « des gens raisonnable » est dans le déni et l’évitement.

Ainsi, quand lors de l’Esprit Public du 6 octobre 2019, Philippe Manière a essayé de suggérer que si Eric Zemmour prônait des solutions ineptes et moralement inacceptables, il évoquait un certain nombre de problèmes qui dans des quartiers de France sont réels et exaspèrent un grand nombre de français, il s’est immédiatement fait rabrouer pour dire que tout ceci était faux et que les tableaux excel disaient le contraire. On ne dira jamais assez qu’on ne comprend rien aux communautés humaines si on se contente d’analyser des tableaux excel.

Dire que l’émergence d’un islam militant sur les terres de notre pays parmi les migrants de fraiche date comme dans des populations depuis beaucoup plus longtemps français ne pose pas un problème à notre République, à notre manière de faire société et de vivre en société constitue un déni contreproductif.

Quand on dit que l’islam peut parfaitement s’intégrer dans la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905 et que cette Loi est adaptée à toutes les religions, c’est qu’on dispose d’une vision biaisée de la réalité.

La Loi de 1905 ne concernait en rien l’islam, elle a, dans un contexte de conflit et de violence, assuré la séparation entre la sphère politique et le véritable État dans l’État qu’était la religion dominante catholique. Religion qui était riche de lieux de culte, de patrimoine, de généreux donateurs français et d’un corpus idéologique parfaitement adapté à la société française qu’elle avait d’ailleurs contribué à façonner.

Rien de tel pour l’islam et pour les français musulmans pratiquants qui veulent vivre pleinement leur Foi en France. Bien sûr, pour celles et ceux, qui ont, je dirais, une relation apaisée avec leur religion et plus encore celles et ceux qui ont une relation distanciée voire plus de relation du tout, il n’y a pas de difficulté particulière de vie en société en France.

En outre, l’Islam jusqu’à maintenant, n’a pas montré sa grande capacité de séparer la politique et la religion. Quand Atatürk parle de laïcité en Turquie, il dit très clairement que tous les turcs sont musulmans et que le gouvernement est composé de musulmans, simplement il ne veut pas que « les religieux » contestent le pouvoir politique, son pouvoir dans le domaine des affaires et des intérêts de l’État.

Gérard Collomb, lors de son discours de départ du ministère de l’intérieur avait dit :

«On vit côte à côte, je crains que demain on ne vive face à face, nous sommes en face de problèmes immenses»

Et que rapporte Gérard Davet et Fabrice Lhomme dans leur livre « Un président ça ne devrait pas dire ça… » des propos de François Hollande ?:

« Qu’il y ait un problème avec l’islam, c’est vrai. Nul n’en doute.»

Et L’ancien président dit aussi

«Comment peut-on éviter la partition? Car c’est quand même ça qui est en train de se produire: la partition.»

Les solutions ne sont pas simples, la stigmatisation des musulmans que font Zemmour et ses semblables est inacceptable, injuste, inutile et dangereuse pour la cohésion de la société française. Mais il faut aussi regarder les problèmes qui existent et qui constituent le terreau du succès de cet homme peu recommandable.

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Jeudi 12 avril 2018

« Enquête au Paradis »
Merzak Allouache

Mardi nous parlions des imams algériens qui viendront participer au ramadan des musulmans français pour prier.

Je n’ai pas souvent cité le journal de Lyon « Le Progrès », mais cette fois un de ses articles m’a interpellé surtout dans la continuité du mot du jour de mardi et même de hier.

Cet article parle d’un documentaire « Enquête au Paradis », tourné en Algérie, et primé dans plusieurs festivals internationaux.

Ce documentaire s’intéresse à l’intégrisme religieux dans la religion islamique, et notamment au salafisme que Manuel Valls voudrait faire interdire en France sans préciser toutefois comment en pratique cela pourrait se réaliser. Car si des mosquées sont régulièrement fermées et des imams étrangers expulsés c’est parce leurs prêches sont contraires aux lois de la France, qu’ils appellent à la violence, à la discrimination. Mais parmi les salafistes il en existe qui appelle seulement à du piétisme sans violence et même si cela a pour conséquence de partager le monde entre croyants et mécréants et qu’à l’intérieur du cercle privé les relations homme/femme ainsi que les règles de vies observées sont assez éloignées de nos standards, une interdiction semble compliquée.

Le documentaire montre d’abord une vidéo d’un prédicateur salafiste :

« Le prêche est ahurissant. Un concentré de haine et de misogynie, vu des dizaines de milliers de fois par des Internautes du monde entier. Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux – y compris dans la région de Lyon -, un imam salafiste d’Arabie saoudite évoque les «72 Vierges du Paradis» (houris) promises à chaque bon musulman de sexe masculin après sa mort. Le barbu ajoute, sans s’étrangler, que ces houris auraient une peau si douce qu’avec elles, « pas besoin de crème ou de vaseline ». Cet extrait que l’intellectuel Kamel Daoud qualifie de « pornographie sacrée », sert de support à l’exceptionnel documentaire « Enquête au Paradis » […] l’un des très rares en France à programmer ce travail à la fois critique, drôle et édifiant. Une comédienne y joue le rôle d’une vraie journaliste. Munie de son ordinateur portable, elle fait visionner cette séquence extrémiste en Algérie à des femmes et des hommes de tous les milieux sociaux pour recueillir leurs réactions, très diverses. »

Le Progrès interviewe le réalisateur, Franco-algérien, Merzak Allouache et pose la question de la découverte de cette vidéo : .

«Des personnes l’avaient partagée sur Youtube. J’ai été choqué en découvrant son contenu. De telles vidéos peuvent être vues par des millions d’individus. Internet est un vecteur très important et incontrôlable pour des gourous de ce genre. Leur discours profondément patriarcal et misogyne provient, à mon avis, de trois sources : la tradition, la religion et le confort qu’il procure à ces hommes qui trouvent intérêt à vivre avec des femmes soumises. »

L’article prend soin de préciser que ce documentaire ne dit pas – loin de là- que la majorité des musulmans s’abreuve aujourd’hui de telles vidéos et montre au contraire la diversité des points de vue, la contestation, le débat et l’humour…

Puis Merzak Allouache parle de l’Algérie :

« Mon film traite exclusivement de l’Algérie. Ce mouvement a quelque chose de paradoxal dans ce pays. Nous avons vécu des années terribles, atroces… La « décennie noire » s’est terminée par des massacres dans des villages. Des bébés, des enfants des femmes étaient égorgés par des terroristes islamistes. Pourquoi, 20 ans après, assistons-nous à un retour en force de l’intégrisme religieux ? Je me pose la question. Je pense qu’en imposant un silence, la loi d’amnistie a favorisé une sorte amnésie qui permet aujourd’hui aux islamistes – entre autres raisons – de reprendre du poil de la bête. Depuis la fin des années 1990, nous n’avons eu aucun véritable débat sur ce qui s’est passé durant les années de plomb. Le slogan qui prévalait, c’était : «Nous devons oublier. Nous sommes tous des frères ! » Mais ça ne marche pas comme ça… »

Ce film n’a pas été encore vu en Algérie.

TELERAMA a également consacré un article à ce film :

« Au centre de son film, Nedjma, jeune journaliste d’investigation, choisit d’enquêter sur le paradis. Celui qu’agitent à tout va sur internet les prédicateurs salafistes du Maghreb et du Moyen-Orient. Sillonnant le pays, croisant les propos de citoyens lambda et d’intellectuel(elle)s, elle interroge la prégnance de cette croyance dans la population, ses conséquences. Sobre, d’une redoutable efficacité et non dénué d’humour, le dispositif permet tout à la fois de déconstruire le discours wahhabite et de dresser un état des lieux de la société algérienne. De pointer le recul de la condition des femmes, de mettre à nu le malaise d’une jeunesse sans perspective tentée par les sirènes djihadistes, de radiographier un pays comme sans projet mais qui résiste encore…. »

Le réalisateur a également accordé un entretien à TELERAMA :

« En fait, l’Algérie recueille les fruits de la disparition de l’école républicaine. Quelques années après l’indépendance, le choix a été fait de son arabisation. Les coopérants, venus de France et d’Europe, aider le pays ont été remplacés par des professeurs du Moyen-Orient, en particulier des Egyptiens. Dont, semble-t-il, beaucoup de Frères musulmans. Dès lors, les choses se sont gâtées. La ministre de l’Education Nouria Benghabrit (une sociologue francophone nommée en 2014, ndlr) essaie de réformer tout cela. Elle doit faire face à un travail de sabotage des forces obscurantistes, des islamistes pour l’en empêcher. Elle est devenue la bête noire des conservateurs. Chaque année éclate un scandale au moment du bac, les sujets fuitent… pour la mettre en difficulté. Elle est très courageuse, elle résiste. Le pouvoir n’en finit pas d’envoyer des signaux contradictoires. Les démocrates qui s’expriment dans le film analysent la complicité qui existe entre le pouvoir et les salafistes, leur pas de deux incestueux. »

Et il dit autre chose sur la relation à Dieu dans ce courant et le rapport de certains musulmans d’origine algérienne en France avec la patrie de leurs ancêtres :

En Algérie, le rapport à Dieu est particulier. On ne dit pas : « J’aime Dieu » mais « J’ai peur de Dieu. » Et partout, dans les mosquées, les écoles, les salafistes travaillent sur la peur.

« Tout est interdit, tout est pêché. Après la mort, tu auras les filles que tu n’as pas eues dans la vie martèlent les prêches salafistes. La frustration dans la vie quotidienne ne peut générer que de la violence. Ce discours salafiste fait aussi des émules en France. Je crois qu’il y a une relation directe entre ce qui se passe en Algérie et les immigrés qui se trouvent en France. Il y a un va-et-vient continuel entre les deux rives de la Méditerranée. Je suis étonné de voir qu’entre Alger et Paris, quelle que soit la période, les avions sont toujours blindés. Et il faut bien l’admettre, entre ceux du bled et ceux qui vivent en France mais ne sont pas intégrés, c’est la mentalité, l’idéologie du bled qui a gagné. Ils subliment le pays d’origine sans vraiment venir vivre ici. On pouvait penser que ce serait l’inverse, mais non. Ce qui se passe dans les banlieues est le fruit de la relation directe avec le bled par Internet, par les allers-retours incessants. »

Le journaliste finit par une observation positive : « Votre film fait malgré tout du bien en ce qu’il donne la parole à des Algériens dont les mots sont souvent étouffés. Qu’il fait affleurer une parole collective qui bouscule l’image d’une Algérie immobile. »

Slate consacre aussi un article à ce film, comme le Monde qui révèle :

« Place aurait ainsi été faite, à compter des années 1990, à l’arrivée massive de l’argent et des médias d’Arabie saoudite au service du wahhabisme (1 200 chaînes satellitaires religieuses diffusent en Algérie, contre 30 chaînes laïques). Soit l’instrumentalisation délibérée de la stagnation et de la frustration sociales pour mieux conforter les pouvoirs en place ; la mise entre parenthèses du monde réel au profit d’une rétribution post mortem ; l’enseignement d’une théologie de la mort qui sape l’envie de vivre et de se battre pour améliorer l’ici-bas. L’inverse, on l’aura compris, de ce que fait ce documentaire pétri de vitalité, qui propose in fine, histoire d’en sourire quand même, la possibilité d’une mauvaise interprétation du texte sacré sur le paradis, où attendrait en réalité pour chaque homme non pas 72 jeunes vierges, mais une seule vierge de 72 ans… »

Une seule vierge de 72 ans me parait plus conforme au projet de ces illuminés qui ont tellement de difficultés avec des relations équilibrées entre femme et homme.

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Mercredi 11 avril 2018

« 300 imams de France sont des fonctionnaires d’Etats étrangers »
Réalité de la France contemporaine et acceptée dans le cadre d’accord bi-nationaux

Nos politiques parlent toujours d’islam de France. La réalité est un peu moins franco-française.

Nous savons qu’il existe des financements étrangers de l’Islam de France, on parle beaucoup du Qatar et aussi de l’Arabie Saoudite. Mais concernant les responsables religieux, les imams, trois pays, pour l’essentiel, se chargent d’envoyer des imams en France : La Turquie, l’Algérie et le Maroc et de les rémunérer.

Ces situations existent dans le cadre d’accord bilatéraux avec la France.

Et <le site BFM TV> nous apprend en outre que ces religieux sont des fonctionnaires des pays qui les envoient :

« Parmi les imams exerçant en France, 300 sont des fonctionnaires d’Etats étrangers qui les rémunèrent: à savoir la Turquie, l’Algérie et le Maroc. Ces expatriations de fonctionnaires de la foi musulmane se font dans le cadre de conventions bilatérales signées par ces trois pays. […] On peut partir du principe qu’il y a 3000 mosquées en France. […] Dans ce schéma, les imams détachés, fonctionnaires turcs, algériens ou marocains, représenteraient 10% environ de l’ensemble.

Parmi ces fonctionnaires religieux déployés par des Etats étrangers, on trouve ainsi […] « 151 imams turcs, 120 Algériens, et 28 Marocains ». L’addition de ces trois groupes n’atteint pas la barre des 300. La raison? Le départ récent de deux imams marocains. »

Le JDD du 11 février 2018 dans un article « Islam de France : ce que veut faire Macron » précise quelques points supplémentaires :

« [Macron] n’a guère apprécié que son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, profite d’une visite à Paris pour s’entretenir avec les dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) et afficher outrageusement le poids de son pays au sein de l’islam français. […]

Désormais, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a pour mission de préparer la réforme du CFCM, institution créée en 2003 sous l’égide de Nicolas Sarkozy, mais qui n’est jamais parvenue à s’imposer – à peine un tiers des musulmans connaissent son existence […] Tous les experts consultés ont livré le même diagnostic : le mode de désignation des membres du CFCM est en soi un facteur d’immobilisme, une sorte de péché originel. Ils sont élus dans les mosquées selon une répartition des sièges proportionnelle à la surface des bâtiments et dans un scrutin où l’influence des pays étrangers (Algérie, Maroc, Turquie, Arabie saoudite, Qatar) se révèle déterminante.

Capital qui a consacré un article à ce sujet : « Comment sont financées les mosquées en France ? » explique :

« S’il est effectivement difficile d’obtenir des données précises sur le sujet, un rapport parlementaire publié le 5 juillet estimait que le financement des mosquées par des pays étrangers restait « marginal », l’essentiel étant assuré grâce aux dons des fidèles (la loi interdisant aux pouvoirs publics de subventionner les cultes). « Le financement du culte musulman se rapproche de celui des autres cultes, notamment du culte catholique, qui provient à 80 % des dons des fidèles », soulignent les auteurs.

Le rapport cite notamment le président de l’Union des organisations islamiques de France, Amar Lasfar, pour qui « hormis une vingtaine de mosquées financées par des organisations ou des États étrangers, l’immense majorité est financée par la communauté musulmane ».

Parmi les pays concernés, figure l’Arabie Saoudite qui affirme avoir « participé au financement de huit mosquées françaises : les aides ont varié entre 200.000 et 900.000 euros par projet. Au total, nous avons versé 3.759.400 euros ». Il s’agit principalement de lieux situés en banlieue parisienne (Cergy, Nanterre, Asnières…), à Strasbourg ainsi qu’à Givors près de Lyon.

L’Algérie, de son côté, évoque une subvention de 2 millions d’euros par an allouée à la Grande Mosquée de Paris, qui l’utilise pour son fonctionnement et les répartit ensuite vers des dizaines d’associations ou lieux de culte affiliés. Le Maroc, lui, est propriétaire de la mosquée d’Evry et a participé à la construction ou la restauration de celles de Saint-Étienne, Strasbourg et Mantes-la-Jolie. Le Royaume chérifien a consacré 6 millions d’euros en 2016 à cette activité ainsi qu’à la rémunération de 30 imams envoyés en France. […]

Par ailleurs, l’Arabie Saoudite a indiqué prendre en charge le salaire d’environ 14 imams exerçant dans des mosquées en France, sans que ces derniers soient détachés par les Saoudiens.

Reste la question des financements par des particuliers étrangers, pour lesquels c’est beaucoup plus flou : seule l’Arabie Saoudite indique « 3 dons privés » versés pour la construction de mosquées. « Ces dons privés étrangers, éclatés, ne peuvent faire l’objet d’une collecte statistique exhaustive. Ils sont pourtant, sans nul doute, ceux qui suscitent, dans l’opinion publique, le plus de suspicion, quant à l’orientation idéologique qui les anime », regrettent les auteurs du rapport. L’initiative de Manuel Valls permettra peut-être, à terme, d’améliorer la transparence sur ce point… »

La Loi de séparation de l’église de l’Etat interdit à l’Etat de financer les activités cultuelles ou la construction des édifices religieux. Mais cette loi était destinée aux églises chrétiennes qui avaient eu le temps et l’argent pour s’implanter dans le pays au cours des siècles.

Rien de tel pour l’Islam.

Or comme le proclame le titre du livre d’Hakim El Karoui « L’islam, une religion française  », nous ne pouvons pas nier cette réalité que l’islam existe et est pratiquée dans notre pays.

Il est probable que la loi de 1905 n’est pas adaptée à cette situation.

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