Lundi 14 novembre 2016

Lundi 14 novembre 2016
« Hillary Clinton n’a pas gagné les élections présidentielles malgré Donald Trump »
Pensées personnelles sur les élections américaines.
Et le 9 novembre au matin, nous apprîmes que le 45ème Président des Etats-Unis ne serait pas une femme, mais l’extravagant Donald Trump.
Le 9, le 10 et bien sûr le 11 novembre il n’y eut pas de mot du jour.
Certains m’ont écrit des messages et des questions inquiètes : La victoire de Trump m’avait-elle plongé dans un tel état de sidération que je m’étais réfugié dans le silence ?
Cette hypothèse n’est en rien farfelue, mais elle est fausse.
Le dernier mot du jour sur la « politique post vérité » dont l’intérêt ne vous a certainement pas échappé était fort long et il fallait lire jusqu’au bout pour arriver à cette phrase : « Je vais prendre quelques jours de congé, le prochain mot du jour sera envoyé le 14 novembre 2016. ».
Il y a quelques années, j’avais fait un  stage à Paris sur la lecture rapide. Une idée force que j’ai retenue pour appréhender un livre ou un texte long : il faut toujours lire le début et la fin, pour le milieu on se débrouille…Quand on a le temps et l’intérêt on le lit attentivement, sinon on le survole de plus ou moins haut.
Donc pour ce premier mot du jour après l’élection que dire ?
J’ai hésité, d’abord, entre un mot de Gramsci et le titre d’un journal conservateur iranien.
La phrase de Gramsci est la suivante : « L’ancien se meurt, le nouveau ne parvient pas à voir le jour, dans ce clair-obscur surgissent les monstres. ». (Les Cahiers de Prison, Cahiers 3, Ed. Gallimard Paris, 1983)
Sidération est le mot qu’il convient d’appliquer aux gouvernants des pays occidentaux suite à cette élection qu’ils n’espéraient pas et à laquelle ils ne croyaient pas. Même la Russie de Poutine exprime beaucoup de réserves bien que  Donald Trump ait exprimé sa volonté de sortir de l’opposition avec son pays et de trouver un « bon deal » (mot qui lui est cher) avec la Russie. Mais Poutine n’aime pas les personnes imprévisibles.
Pour trouver des forces politiques qui se réjouissent il faut essentiellement  chercher du côté des extrémistes comme Marine Le Pen, Beppe Grillo ou des conservateurs iraniens.
Un autre mot du jour auquel vous avez échappé est ainsi : « La victoire du fou sur la menteuse ; un autre exploit de la démocratie libérale » qui est le titre d’un quotidien ultraconservateur iranien Kayhan.
 
Beaucoup de choses ont été écrites sur cette élection depuis le 9 novembre.
D’abord pour souligner le côté baroque d’une élection indirecte où Hillary Clinton, bien qu’ayant obtenu plus de voix que son rival, a été déclarée vaincue à cause du système des grands électeurs qui organise l’élection.
Ensuite, certains affirment que Clinton a été vaincue parce qu’elle est une femme et qu’après avoir élu un noir, voter pour une femme c’était trop progressiste pour être acceptable. Peut-être…
Le vote est un vote blanc affirme d’autres ! C’est vrai, les blancs ont voté à 58% pour Trump, alors que les noirs à 88% et les hispaniques à 65% ont voté pour Clinton.
Il y a aussi eu un vote religieux, les protestants ont voté à 58% et les catholiques à 52 % pour Trump. Les chrétiens ont donc voté pour quelqu’un se situant très loin de leurs valeurs. Toutes les autres religions et les sans religions ont voté à moins de 30% pour Trump, les juifs à 24%.
Toutes ces statistiques totalement impensables en France sont parfaitement acceptées et détaillées aux Etats Unis.
Les femmes ont quand même voté à 54% pour Clinton, mais pas les femmes blanches qui ont voté majoritairement pour Trump !
Trump aurait dû être battu, puisqu’il a eu des propos qui aurait dû dresser contre lui l’unanimité des femmes, des noirs et des hispaniques. Or ce ne fut pas le cas !
En outre, ses compétences pour le job ne sont pas évidentes.
Alors ont peu avoir une vision moraliste, comme beaucoup d’analystes mais je ne crois pas que cela permet de comprendre le monde et surtout pas cette élection.
En 2008, Obama a battu Mac Cain en obtenant 69,5 millions de suffrage contre près de 60 millions pour le Républicain.
Et en 2012, Obama obtint près de 66 millions de voix contre 61 millions à Mitt Romney.
Hillary Clinton a obtenu, en 2016, 60 839 922 voix et Trump 60 265 858 voix soit moins de voix que Mitt Romney, il y a 4 ans. Trump a eu à peine quelques voix de plus que Mac Cain en 2008, alors que ce dernier a été largement défait par Obama.
Ce qui s’est passé, ce n’est pas l’élection de Trump, c’est la défaite d’Hillary Clinton !
Trump a juste su conserver le vote républicain traditionnel malgré ses positions iconoclastes par rapport aux valeurs des républicains fondamentalistes.
Hillary Clinton a perdu alors qu’elle avait en face d’elle un homme qui aurait dû être rejeté par les femmes, les religieux, les minorités ethniques etc.
Alors on peut revenir sur les défauts d’Hillary Clinton. Mais fondamentalement quelle était l’opposition entre Clinton et Trump ?
Clinton avait une vision plus sociale mais surtout ne voulait rien changer sur les fondamentaux économiques et le libre-échange.
Or Trump a eu un discours très clair pour le protectionnisme, l’arrêt de l’immigration et la diminution de la couteuse politique d’intervention militaire des USA dans le monde.
Bernie Sanders, avec des moyens tout à fait différents et des solutions de redistribution très éloignées des conceptions de Trump, développait la même critique de fond sur le système économique.
Les Etats-Unis sont toujours très en avance sur les autres pays.
La globalisation est essentiellement l’œuvre des anglo-saxons et surtout des américains. Cette globalisation s’est basée sur le libre-échange, la libre circulation des marchandises et des capitaux, à un degré moindre la libre circulation des hommes.
Le libre-échange permet une plus grande production de richesses et dans un premier temps elle permet aux classes moyennes des pays développés d’augmenter son pouvoir d’achat parce que les produits vendus sont moins chers.
Mais maintenant, les choses sont claires, à moyen et long terme le libre-échange ne profite, dans les pays développés, qu’à une minorité.
C’est ce dont s’aperçoivent les américains, les salaires stagnent voire régressent. Si des esprits « modernes », comme Alain Juppé par exemple qui dit vouloir appliquer en France des recettes qui ont marché ailleurs, se fondent sur le taux de chômage très bas aux Etats-Unis ils se leurrent ou ils nous trompent.
Le taux de chômage officiel aux Etats-Unis est de 5% environ alors qu’en France il est de 10%. Mais le chômage s’analyse comme le nombre de personnes qui cherchent officiellement un emploi.
Il existe une autre manière de quantifier, bien plus solide pour analyser ce qui se passe dans la société économique, c’est de mesurer dans la population des personnes en âge de travailler le taux d’individus qui n’ont pas d’emploi.
Et dans cette mesure on verra que les Etats-Unis ne font pas mieux que La France et même plutôt moins bien. Vous pouvez, par exemple, lire cet article : http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2015/05/20/un-taux-de-chomage-plus-eleve-aux-etats-unis-qu%E2%80%99en-france/
Quand on fait cette mesure, on inclut dans les sans emploi, des personnes qui ont choisi de ne pas travailler, peut-être des femmes, voire des hommes au foyer, mais on approche aussi le nombre de gens exclus, découragés et qui ne tentent même plus de trouver un emploi.
Les blancs sont privilégiés aux Etats-Unis, vous constaterez cependant si vous lisez cet article réservé aux abonnés du Monde que le taux de mortalité a augmenté aux Etats-Unis au sein de la population blanche non éduquée.
En dehors des positions moralistes qui se défendent car certains des propos de Trump sont odieux et inacceptables et son rejet du réchauffement climatique constitue un danger supplémentaire pour l’humanité, il faut constater cependant que des américains avaient des raisons sérieuses de rejeter le statu quo économique que leur proposait Clinton.
 
Ont-ils pour autant eu raison de permettre à Trump d’accéder aux plus hautes fonctions ?
Et Trump fera t’il ce qu’il a dit ?
L’avenir nous renseignera sur ces deux points.
Je dois l’avouer, je suis très pessimiste