Lundi 27 mars 2023

« Personne n’a envie d’être un con-vaincu. »
Thomas d’Ansembourg

Le climat social devient violent en France, vous ne trouvez pas ?

Ce dimanche, les mégabassines de Sainte-Solines se sont ajoutées à la réforme des retraites pour donner lieu à des affrontements et des blessés entre des manifestants et des forces de l’ordre.

J’ai regardé avec intérêt cette vidéo du média « Blast » sur la problématique de cette solution mise en œuvre par des céréaliers, pour pouvoir continuer à produire comme avant la sécheresse, en prélevant,  dans la nappe phréatique, d’immenses masses d’eau dont ils ont besoin pour leur activité.

La conséquence de cette solution est d’aggraver à terme le problème par un asséchement renforcé des sols et un effondrement accéléré du niveau de la nappe phréatique et bien sûr de diminuer l’eau disponible pour tous les autres utilisateurs. Et parmi ces utilisateurs il y a des humains mais aussi d’autres espèces vivantes qui disparaissent et avec elles la biodiversité.

<Mégabassines : la guerre est déclarée>

Mais pour revenir à la réforme des retraites, il faut rappeler quelques éléments chronologiques.

En utilisant l’argument de la guerre en Ukraine qui monopolisait son temps de réflexion disponible, le président Macron a enjambé l’élection présidentielle.

Je veux dire qu’il a présenté tardivement un programme minimal et il a refusé tout débat sur ce programme et sur tout autre sujet.

Si on ne peut plus débattre pendant l’élection présidentielle, quand pourra t’on débattre ?

Le débat du second tour n’en était pas un. Il s’agissait simplement de montrer que l’autre candidate n’était pas capable d’assurer le rôle. Elle a parfaitement collaboré et joué le rôle qu’on attendait d’elle.

Dans le programme lilliputien du Président sortant, il y avait quand même une mesure : l’allongement de l’âge de départ à la retraite

Et c’est ainsi qu’au pas de charge, cette affaire a été menée, en utilisant tous les rouages de la constitution pour que cela aille vite.

Plutôt que de discuter avec les représentants syndicaux, Emmanuel Macron a demandé à son gouvernement de négocier avec la Droite LR, dont la candidate proposait la même réforme dans son programme.

Cela n’a pas fonctionné, parmi les députés LR, il en est suffisamment qui détestent tellement Macron qu’ils sont prêts à tout pour l’empêcher.

L’opposition de la NUPES a aussi joué un rôle délétère, elle n’a pas débattu mais vociféré, elle n’a pas argumenté mais asséné ses croyances et son récit. Elle a réussi à aider Emmanuel Macron à rendre l’Assemblée Nationale encore plus impopulaire.

Et puis finalement le Président sortant qui est reparti pour un second mandat a pris la parole le 23 mars.

Il me semble possible de résumer son intervention de la manière suivante :

« J’ai raison, ma réforme est indispensable. C’est celle qui peut le mieux répondre aux défis qui se présentent à nous. Vous ne l’avez pas bien comprise, je ne l’ai probablement pas bien expliqué. Je vais donc vous en convaincre en vous explicitant mes arguments. »

Il y a un certain nombre de français qui n’ont pas été satisfaits ni du 49-3, ni de la manière dont Monsieur Macron a tenté de les convaincre qu’il avait raison.

J’avais déjà évoqué Thomas d’Ansembourg, lors du mot du jour du 10 janvier 2017 : « La paix ça s’apprend »

Thomas d’Ansembourg est un psychothérapeute belge spécialisé dans la communication non-violente.

Il organise des séminaires en ligne, mais on trouve facilement des petites interventions pleine de sens sur la communication entre les humains.

Dans celle-ci, il s’agit <de la communication dans un couple>, mais je pense que ces réflexions sont parfaitement adaptées à notre situation politique :

« Il y a infiniment plus d’intelligence dans deux cœurs qui essaient de se rapprocher.
Je dis bien qui essaient parce qu’on n’arrive pas toujours.
Il y a bien plus d’intelligence dans deux cœurs qui essaient de se rapprocher que dans deux intelligences qui essaient d’avoir raison à coup de gourdin qui est malheureusement quasiment le seul modèle que nous ayons.

Lorsqu’on regarde la moindre émission télévisée avec ceux qui sont censé nous inspirer comme dirigeants, on voit des collisions d’ego avec des êtres qui veulent avoir raison !
Et qui ne passent pas leur temps de silence à écouter pour comprendre, mais à préparer leur contre-attaque.
C’est d’une misère. Une absence de discernement. C’est d’une grande pauvreté.
Prenez un petit moment d’écoute de vous-même pour aller voir les moments où vous vous retrouvez dans des rapports de force, dans cette prétention à avoir raison, à vouloir con-vaincre l’autre.
Vous entendez dans ce joli mot que personne n’a envie d’être un con-vaincu ?
Qu’est ce qui s’active en vous quand quelqu’un veut vous convaincre : La plupart du temps, c’est la fuite : « Fous moi la paix » ou la rébellion : « Arrête d’essayer de me convaincre, c’est moi qui vais te convaincre et on enclenche des rapports de force. »

Il est beaucoup plus intelligent et sage de passer son temps de silence à tenter de comprendre l’autre que de préparer sa contre-attaque.

Tous les français ne disent pas à M Macron qu’il ne faut pas une réforme de la retraite, mais beaucoup disent : « pas celle-là et pas avec cette méthode »

Mais il semble que M Macron ne cherche pas à comprendre et continue dans son idée et tente de faire des français des « con-vaincus ».

Cette méthode ne fonctionne visiblement pas.

Thomas d’Ansembourg ajoute :

« Il est temps de changer de modèle.
C’est vraiment un enjeu citoyen.
Et d’arrêter de s’accrocher à une vieille croyance que l’homme est un loup pour l’homme et que la violence est l’expression de la nature humaine.
Waouh, qu’est ce que nous avons été plombés par ce système de pensée.
J’ai entendu ça dans le petit cours de psycho que j’ai reçu dans mes études de droit.
Tout petit cours de psychologie : la violence est l’expression de la nature humaine
Ça fait 25 ans que j’expérimente le contraire.
La violence n’est pas l’expression de notre nature.

La violence est l’expression de la frustration de notre nature, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Si vous êtes aimé, reconnu, trouvez du sens à votre vie, avez une joyeuse appartenance, vous savez comment déployer vos talents et le monde autour de vous vous y encourage : pourquoi seriez-vous violent ?
Inversement, vous vous sentez pas aimé, vous n’avez pas d’appartenance, vous ne trouvez pas votre place dans la vie, la vie n’a pas de sens à vos yeux, vous ne vous sentez pas compris, vous ne comprenez rien à ce qui se passe, là ça commence à bouillonner !

D’où l’urgence d’apprendre à bien connaître notre nature, pour qu’elle trouve sa voie, son expansion dans le respect de la nature de l’autre évidemment.
C’est ainsi que la connaissance de soi est un enjeu de santé publique. »

Message destiné à des couples, mais les français et leur président peuvent aussi l’entendre avec intérêt, c’est ce que je pense.

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3 réflexions au sujet de « Lundi 27 mars 2023 »

  • 27 mars 2023 à 9 h 32 min
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    Depuis les années 1970 où j’ai commencé à m’interesser à la vie politique au moins comme observateur, j’ai toujours connu les présidents de la République de droite comme de gauche rejetés par l’opinion au bout de quelques années et même De Gaulle avant eux s’est fait remercier par les électeurs.
    Je pense que les français élisent ceux qui les font rêver un moment pour se rendre compte un peu plus tard que la réalité est différente, je ne suis pas persuadé qu’il est dans leur ADN d’élire un ou une chef de l’Etat adepte du compromis d’ailleurs quel groupe de pression le ou la soutiendrait?

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    • 27 mars 2023 à 11 h 23 min
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      Dans l’absolu je peux être d’accord avec toi.
      Toutefois dans le cas qui nous occupe je vois quand même 2 points particuliers et surtout de grandes différence avec De Gaulle
      1° Macron, surtout en 2022, a été élu parce qu’il n’y avait personne de crédible en face. Il n’a pas fait campagne. Il n’a pas déroulé de programme cohérent. Il ne s’est soumis à aucun débat
      2° De Gaulle a prévu des institutions dans lesquelles, le Président était très puissant parce qu’il y avait une relation forte entre le Président et la Nation. Et pour ce faire il utilisait le référendum que j’appelle révocatoire.
      C’est à dire je vous pose une question de confiance qui me parait essentiel, si vous me dites non, je pars. Tous les professeurs de Droit que j’ai connu m’ont appris que cela c’était un plébiscite et que c’était très mauvais, c’était le mal. Je consteste aujourd’hui mes professeurs : Le régime de la 5ème République rend nécessaire cette respiration démocratique qui donne la possibilité de trancher le pb de la légitimité et du pouvoir de ce monarque républicain qui n’existe dans aucun pays démocratique libéral comparable à la France.

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  • 27 mars 2023 à 15 h 33 min
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    j’aime beaucoup le passage “Inversement, vous vous sentez pas aimé, vous n’avez pas d’appartenance, vous ne trouvez pas votre place dans la vie, la vie n’a pas de sens à vos yeux, vous ne vous sentez pas compris, vous ne comprenez rien à ce qui se passe, là ça commence à bouillonner !” qui explique bien des violences dans notre société de jeunes en perte de repères et de reconnaissance, nombreux sont perdus et ne trouvant par eux-même de réponse à leur mal-être, ils sont violents, envers eux-même, envers leurs proches, envers la société. il est dommage que l’analyse ne soit pas plus prise en compte dans nos projets politiques!!!

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