Lundi 11 mai 2015
«E. Todd a révélé une face cachée du 11 janvier, mais il y a les autres faces et il faut maintenant restituer la complexité de leur ensemble.»
Edgar Morin
Il y a des lundis qui sont plus difficiles que d’autres…
Jusqu’à maintenant j’ai toujours été intéressé et même conquis par les analyses et les prises de position « iconoclastes » d’Emmanuel Todd.
Mais avec le pamphlet qu’il vient de publier <Qui est Charlie> et dans lequel il veut dénoncer l’imposture de l’unité nationale du 11 janvier, j’ai beaucoup de mal.
Il faut toute la sagesse d’Edgar Morin pour me pousser à essayer de comprendre ce que dit Emmanuel Todd et y trouver des éléments rendant intelligibles les évènements.
Que dit Todd ?
D’abord, il lit dans les cartes. Il part de la situation de la France d’il y a plusieurs générations et il constate que la France « Centrale » (Bassin parisien, façade méditerranéenne…) était alors très majoritairement laïque, républicaine et anti cléricale, alors que la France périphérique (L’ouest, le Rhône Alpes, Massif Central, Franche Comté et aussi l’Est) était catholique et anti-républicain.
Dans le livre qu’il a publié avec Hervé Le Bras <Le mystère français> (que j’ai acheté et tenté de lire) il avait déjà fait cette distinction et inventé le concept de « Catholicisme zombie », autrement dit un catholicisme qui n’est plus dans la pratique mais qui serait omniprésent dans la culture et dans les esprits.
La deuxième couche de ce raisonnement c’est qu’il décrète que les habitants des parties « républicaines » de la France sont pour l’égalité et contre l’autorité, alors que les parties « catholiques zombies » sont pour un ordre hiérarchique, autoritaire et inégalitaire.
Dans ce premier livre, il expliquait que les zones républicaines ne votaient plus pour le PS et la gauche et que ce sont les « catholiques zombies », inégalitaires qui votent pour le PS et ont voté François Hollande. Il y voit une des raisons de la dérive du Parti Socialiste vers le libéralisme et le renoncement au rêve égalitaire. Il constate aussi que ce partage de la France explique le vote oui ou non au traité de Maastricht.
Pour le 11 janvier, il constate que l’importance des défilés du 11 janvier en province, car pour Paris qui a toujours été républicain c’est un peu différent, était directement corrélée avec cette répartition : manifestation massive dans les zones des « catholiques zombies » et peu de manifestants dans les régions historiquement républicaines et ouvrières.
Cette corrélation qu’il établit, il la décrète scientifique.
Il a plus de mal à expliquer quels sont les éléments qui lui permettent d’affirmer que les manifestants du 11 janvier étaient massivement des cadres moyens et supérieurs, des blancs d’origine occidental et chrétienne. Selon lui les ouvriers, employés, les personnes d’origine musulmane étaient absentes.
Il reconnaît le côté sympathique des « bobos » qui ont manifesté, mais il récuse le terme d’unité nationale puisqu’il y avait deux Frances et surtout il tente d’expliquer que si les manifestants pensaient être tolérants et ouverts, dans leur subconscient ils représentaient une pensée totalitaire qui rejetait les musulmans comme ne faisant pas partie du corpus national sauf à adhérer totalement à la pensée unique de la liberté d’expression totale et notamment à la pensée de Charlie Hebdo. Il désapprouve ce rejet de la religion de l’Islam qui est plutôt celle des classes pauvres de notre société.
Donc contrairement à ce que les manifestants exprimaient ou pensaient croire, ils n’étaient pas les porteurs de la tolérance mais ceux de l’intolérance.
Emmanuel Todd explique de manière un peu plus intime son trouble profond. Il se reconnait athée mais pour la première fois il parle de ses racines juives. Il voit l’antisémitisme qui s’accroit en France, et il cible cet antisémitisme dans les banlieues et par des jeunes issues ou converties à la religion musulmane. Et il prétend que l’intolérance à l’égard de l’Islam produit des réactions en chaîne dans la société à l’égard de toutes les religions et notamment contre les juifs.
Il parle alors d’un nécessaire accommodement avec l’Islam pour pacifier la société française.
De manière parallèle, il dénonce et je crois à juste titre des manifestations hystériques de l’autorité publique lorsque des jeunes enfants sont convoqués au commissariat parce qu’ils se sont laissés aller à dire des propos excessifs ou lorsque on cherche à évaluer la laïcité dans la longueur d’une jupe. Il écrit ainsi dans l’interview à l’Obs : «Ce qui m’inquiète n’est pas tant la poignée de déséquilibrés mentaux qui se réclament de l’Islam pour commettre des crimes, que les raisons pour lesquelles, en janvier dernier, une société est devenue totalement hystérique jusqu’à aller convoquer des gamins de 8 ans dans des commissariats de police.»
Pour vous faire une idée de tout cela, vous pouvez écouter l’excellente interview qu’il a réalisé chez Bourdin : <http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/emmanuel-todd-face-a-jean-jacques-bourdin-en-direct-521094.html>
Vous pouvez aussi écouter lorsqu’il a défendu ses thèses dans le 7/9 de Patrick Cohen à France Inter mais dans une ambiance assez tendue : <http://www.franceinter.fr/emission-le-79-emmanuel-todd-ce-qui-minquiete-le-plus-cest-la-montee-de-lantisemitisme>
A la fin de l’émission Sophia Aram a répondu à E. Todd de manière assez leste, ce dernier se plaignant du climat d’intolérance qui régnait dans ce studio.
Par ailleurs, la polémique déclenchée par Todd est présente dans tous les médias. Mais je vous joins un texte qui me parait intéressant de Michael Walzer, un américain professeur à l’université Princeton : « Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam »
Pour finir je vous donne un retour sur les mots du jour du 2 et 3 mars 2015
Je vous avais parlé, début mars, de ma cure ayurvédique. Elle m’a aidé dans mon quotidien par rapport aux dégâts causés par les thérapies allopathiques.
Force est de constater cependant, qu’elle n’a eu aucun effet sur la progression de mon cancer qui devait pourtant être éradiqué par l’ablation de l’organe origine et créateur des cellules atteintes.
Il y a 6 mois, le marqueur du cancer était à nouveau détectable et montrait une seconde récidive après l’opération.
Mon urologue décidait de ne pas utiliser de thérapie et d’attendre 6 mois pour agir. Il parlait d’une perspective où la valeur du marqueur serait multipliée par 2.
La dernière mesure montre, en 6 mois, une multiplication du marqueur par plus de 9.
Je devine donc que mon combat honorable et intime contre la maladie qui me ronge risque de devenir plus âpre.
Il y a des lundis qui sont plus difficiles que d’autres…