Quand l’hebdomadaire « Le Un » a voulu consacrer un numéro à la commune, il a réalisé un hors-série sur Louise Michel avec ce titre « Louise Michel, l’égérie de la Commune ».
Ce <site> de la gauche radicale lyonnaise pose ce constat qui parait très juste :
« De tous les personnages de la Commune de Paris, Louise Michel est la première femme à avoir triomphé de la conspiration du silence et de l’oubli. »
Il existe des rues, des squares « Louise Michel » et même des Boulevards de ce nom, notamment à Gennevilliers et à Evry. Le nombre de collèges et de lycée « Louise Michel » me semble encore plus nombreux. Le nombre de livres qui lui ont été consacrés est aussi important.
Cette visibilité tranche avec les autres figures essentielles de la commune.
Elle est née en Haute Marne, mais dans un château, celui de Vroncourt, le 29 mai 1830, deux mois avant la révolution de 1830 qui aura lieu du 27 au 29 juillet 1830,
déjà une révolution des parisiens contre la réaction, incarnée par le roi Charles X.
Elle est née dans un château dans lequel sa mère était domestique au service des Demahis, famille de petite noblesse ouverte aux idéaux républicains.
Les biographes se disputent sur l’identité du père, mais une chose est certaine, c’était un des membres de la famille Demahis, le plus vraisemblable étant le fils des châtelains, Laurent qui sera éloigné du château après sa naissance.
Elle était donc fille naturelle.
Il faut rappeler que parmi les décisions de la commune se trouve la suppression de la catégorie « illégitime » pour les enfants nés hors mariage.
Louise sera élevée, près de sa mère, dans la famille de Laurent Demahis, qu’elle appelle ses grands-parents. Jusqu’à ses 20 ans, Louise porte le patronyme de son grand-père Étienne-Charles Demahis qui lui donne le goût d’une culture classique où domine l’héritage des Lumières, notamment Voltaire et Jean-Jacques Rousseau.
Selon <Wikipedia> :
« elle reçoit une instruction solide, une éducation libérale et semble avoir été heureuse, faisant preuve, très jeune, d’un tempérament altruiste. »
Finalement ses grands parents l’ont protégé et soutenu. Mais lorsqu’ils meurent en 1850, la famille des héritiers oblige Louise et sa mère à quitter le château et Louise doit abandonner le nom Demahis pour prendre celui de sa mère.
Elle poursuit des études pour devenir institutrice, en 1853, mais refuse de de prêter serment à Napoléon III, ce qui est nécessaire pour exercer dans l’école de l’empire. C’est pourquoi elle crée une école libre à Audeloncourt (Haute-Marne) puis dans d’autres communes avant de se rendre à Paris pour poursuive son activité d’enseignante et aussi de militante et même d’écrivain.
Elle intègre les milieux révolutionnaires, y rencontre Jules Vallès, Eugène Varlin, Raoul Rigault et Émile Eudes, et collabore à des journaux d’opposition comme Le Cri du peuple. En 1869, elle est secrétaire de la Société démocratique de moralisation, ayant pour but d’aider les ouvrières.
Elle est très active dans les milieux anarchistes et socialistes avant la Commune.
Et pendant la commune, elle joue un rôle de premier plan, elle est à la fois ambulancière, et combattante.
Elle se bat jusque dans la semaine sanglante. C’est pour faire libérer sa mère, qu’elle se rend Le 24 mai.
Pendant sa détention, elle assiste aux exécutions et voit mourir ses amis, parmi lesquels son ami Théophile Ferré exécuté en même temps que Louis Rossel.
Lorsqu’elle est interrogée pour la première fois par le conseil de guerre, elle déclare :
« Ce que je réclame de vous, c’est le poteau de Satory où, déjà, sont tombés nos frères ; il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Eh bien, on a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi »
Elle revendique les crimes et délits dont on l’accuse et réclame la mort au tribunal « Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ».
La presse versaillaise la nomme « la Louve avide de sang ».
Pendant ses premières années à Paris, pendant qu’elle poursuivait l’ambition de devenir écrivain, elle a commencé un échange épistolaire régulier avec Victor Hugo. Et ce dernier lui dédiera un poème, <Viro Major> (« Plus qu’un homme »), dont je cite un extrait
« Ayant vu le massacre immense, le combat,
Le peuple sur sa croix, Paris sur son grabat,
La pitié formidable était dans tes paroles ;
Tu faisais ce que font les grandes âmes folles,
Et lasse de lutter, de rêver, de souffrir,
Tu disais : J’ai tué ! car tu voulais mourir. […]
Et ceux qui comme moi, te savent incapable
De tout ce qui n’est pas héroïsme et vertu,
Qui savent que si Dieu te disait : D’où viens-tu ?
Tu répondrais : Je viens de la nuit où l’on souffre ;
Dieu, je sors du devoir dont vous faites un gouffre !
Ceux qui savent tes vers mystérieux et doux,
Tes jours, tes nuits, tes soins, tes pleurs, donnés à tous,
Ton oubli de toi-même à secourir les autres,
Ta parole semblable aux flammes des apôtres ;
Ceux qui savent le toit sans feu, sans air, sans pain,
Le lit de sangle avec la table de sapin,
Ta bonté, ta fierté de femme populaire,
L’âpre attendrissement qui dort sous ta colère,
Ton long regard de haine à tous les inhumains,
Et les pieds des enfants réchauffés dans tes mains ;
Ceux-là, femme, devant ta majesté farouche,
Méditaient, et, malgré l’amer pli de ta bouche,
Malgré le maudisseur qui, s’acharnant sur toi,
Te jetait tous les cris indignés de la loi,
Malgré ta voix fatale et haute qui t’accuse,
Voyaient resplendir l’ange à travers la méduse. »
Elle sera finalement condamnée à la déportation en Nouvelle Calédonie, elle y restera 7 ans.
Ce ne seront pas pour elles des années perdues car là-bas aussi, elle va agir pour enseigner, pour s’instruire, pour dénoncer l’injustice. Wikipédia rapporte :
« Elle crée le journal Petites Affiches de la Nouvelle-Calédonie. Elle apprend une langue canaque et traduit dans une langue poétique plusieurs des mythes fondateurs des Kanaks, dont un mythe portant sur le déluge.
Elle édite en 1885 Légendes et chansons de gestes canaques. S’intéressant aux langues kanakes et, dans sa recherche de ce que pourrait être une langue universelle, à la langue pidgin qu’est le bichelamar, elle cherche à instruire les autochtones kanaks et, contrairement à certains communards qui s’associent à leur répression, elle prend leur défense lors de leur révolte de 1878. Elle obtient l’année suivante l’autorisation de s’installer à Nouméa et de reprendre son métier d’enseignante, d’abord auprès des enfants de déportés (notamment des Algériens de Nouvelle-Calédonie), de gardiens, puis dans les écoles de filles. Elle instruit les Canaques adultes le dimanche, inventant toute une pédagogie adaptée à leurs concepts et leur expérience. »
Elle reviendra en France et poursuivra sa quête de de justice et d’égalité.
Pendant les dix dernières années de sa vie, Louise Michel, devenue une grande figure révolutionnaire et anarchiste, multiplie les conférences à Paris et en province, accompagnées d’actions militantes et ce malgré sa fatigue ; en alternance, elle effectue des séjours à Londres en compagnie d’amis. Très surveillée par la police, elle est plusieurs fois arrêtée et emprisonnée. Condamnée à six ans d’incarcération, elle est libérée au bout de trois sur intervention de Clemenceau, pour revoir sa mère sur le point de mourir.
Elle meurt, le 9 janvier 1905 à Marseille.
Elle a beaucoup écrit, notamment ses mémoires
Beaucoup de ses phrases sont passées dans la postérité et sont régulièrement republiées par des hommes épris d’égalité. Je retiens <celle-ci> :
« S’il y a des miséreux dans la société, des gens sans asile, sans vêtements et sans pain, c’est que la société dans laquelle nous vivons est mal organisée. On ne peut pas admettre qu’il y ait encore des gens qui crèvent la faim quand d’autres ont des millions à dépenser en turpitudes. C’est cette pensée qui me révolte ! »
Elle était aussi totalement féministe. Le « Un » cite des extraits de ses mémoires :
« Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine. En attendant, la femme est toujours, comme le disait le vieux Molière, le potage de l’homme. »
« Les filles, élevées dans la niaiserie, sont désarmées tout exprès pour être mieux trompées »
« Partout, l’homme souffre dans cette société maudite ; mais nulle douleur n’est comparable à celle de la femme. »
« Dans la rue, elle est marchandise. Dans les couvents, les règlements broient son cerveau et son cœur. Dans le monde, elle ploie sous le dégoût. Dans son ménage, son fardeau l’écrase »
« Nous sommes une moitié de l’humanité, nous combattons avec tous les opprimés et nous garderons notre part de l’égalité qui est la seule justice. »
Laurent Joffrin, dans un article publié le 9 août 2019 : <Louise Michel, comme une rouge> cite un épisode de la fin de sa vie :
« On l’emprisonne puis on la libère. Un exalté, Lucas, lui tire deux balles dans la tête dont l’une restera fichée dans son crâne. Elle demande son acquittement et l’obtient. »
Il finit son article par cet adage simple écrit par elle pour ceux qui croient encore à l’avenir :
« Chacun cherche sa route, nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté sera arrivé, le genre humain sera heureux. »
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