« Vers des communautés de travail inspirées »
Frédéric Laloux.
J’annonçais hier que j’allais parler de Frédéric Laloux et de sa « Conférence » qu’il a consacrée à son livre « Reinventing Organizations » avec pour sous-titre en français la phrase que j’ai mise en exergue.
Frédéric Laloux était partenaire associé chez McKinsey, le fameux cabinet de conseil auprès des directions générales. Il s’est beaucoup interrogé sur le management et a écrit un livre « Reinventing Organizations » paru en anglais en 2014.
Un article du New York Times l’a décrit de la manière suivante :
« Le livre de management le plus important et le plus inspirant qu’il m’ait été donné de lire »
Tony Schwartz
La version française est parue en 2015 chez les Editions Diateino.
Ce livre ne se trouve pas sur mon bureau, mais sur celui du bureau voisin car Annie le trouve très intéressant et c’est d’ailleurs elle qui m’a fait découvrir la conférence qui constitue le point d’entrée de cet article. Si j’ai regardé avec attention la conférence, je ne me suis pas plongé dans ce livre de 500 pages.
On trouve de nombreuses références sur Internet, par exemple cet essai d’en faire une synthèse en 9 pages : http://www.reinventingorganizations.com/uploads/2/1/9/8/21988088/chene_synthese_laloux2014.pdf
Frédéric Laloux introduit sa conférence notamment par sa question sur les cerveaux et sa réponse de l’existence, dans notre corps, de trois cerveaux dont le cœur.
Et il pose cette question :
« Ce n’est que dans les années 90 que les deux autres cerveaux ont été découverts et reconnus.Pourquoi ne pas les avoir trouvés avant, alors qu’un cadavre, un scalpel et un microscope basique le permettaient aisément ? »
Il fait d’ailleurs un rappel historique sur la découverte du système neuronal des intestins dès le XIXème siècle.
Et il répond à cette question de la découverte tardive :
«Nous n’étions pas capables d’envisager l’existence de plusieurs cerveaux parce que notre vision du monde nous en empêchait.»
Pour Frédéric Laloux, l’explication est simple depuis la nuit des temps toute l’idéologie humaine tournait autour de cette croyance : pour qu’une organisation fonctionne il faut un « boss », un seul qui décide ! Donc un seul cerveau ! Trois cerveaux seraient probablement le début de l’anarchie.
On pourrait peut-être émettre l’hypothèse que l’invention d’un Dieu monothéiste relève de cette même croyance, il faut un organisateur, un chef unique et omnipotent.
Il a l’intuition que la découverte des deux autres cerveaux dans les années « nonantes », comme il dit en langue franco-belge, a été rendu possible par l’avènement d’internet et des réseaux qui ont rendu crédible l’existence de plusieurs réseaux et donc de plusieurs centres de décisions.
C’est ainsi, selon lui, qu’une possibilité d’intelligence collective dans les entreprises, sans boss, est entrée dans les consciences.
J’avais déjà évoqué ce type de réflexion en 2014, plus exactement <Le mot du jour du 18 décembre 2014> où il était question de « l’entreprise libérée » dans laquelle la hiérarchie était remise en cause. Annie m’explique que le terme « L’entreprise libérée » est un terme qui ne s’est pas imposé.
Ce terme n’est d’ailleurs pas repris par Frédéric Laloux qui va utiliser des codes couleurs. Il envisage donc d’autres façons de faire fonctionner les organisations que par un centre de décision hiérarchique. A ce stade (à partir de la minute 13 de la vidéo) il évoque, en étudiant l’histoire du monde, l’évolution des organisations et les différents changements de paradigmes concernant les modes d’organisation et de management dans le cadre d’enjeux de plus en plus complexes.
Il associe des couleurs à ces paradigmes Rouge, Ambre, Orange, Vert, Opale.
Et puis, il développe une réflexion qui m’a interpellé. L’économie a démontré que l’organisation pyramidale, au niveau étatique, est bien trop rigide pour faire face aux défis de l’innovation et de l’efficacité. Ce fut le grand échec des systèmes soviétiques. Tout le monde a compris que la multiplication des acteurs et la décentralisation des centres d’initiatives que sont les entreprises et particulièrement aujourd’hui les start-up sont bien davantage en capacité de résoudre la complexité et de trouver des solutions qui fonctionnent. Or, des patrons qui vous expliquent cette capacité d’un marché libre (je précise cependant régulé et je l’oppose à des solutions bureaucratiques) à trouver des solutions innovantes et efficaces, dès qu’ils retournent dans leurs entreprises reviennent au dogme du cerveau unique et de l’organisation hiérarchique.
Je ne suis pas en mesure de résumer l’ensemble de cette conférence qui dure 1h40, mon ambition est simplement de vous donner envie de la regarder.
Frédéric Laloux évoque cependant plusieurs entreprises qui ont fait le choix d’une organisation non hiérarchique, dans son développement il parle d’organisation « Opale ».
Concrètement ces structures sont des organisations non pyramidales. C’est à dire que la structure hiérarchique a disparu. En règle générale il reste un dirigeant mais il n’a pas du tout le même rôle que dans une organisation classique. Ces organisations opales ont en commun d’avoir supprimé en partie ou complètement les managers d’équipe, les managers intermédiaires et les top-managers, d’avoir réduit drastiquement les fonctions supports centralisées et d’avoir supprimé les réunions de comité exécutif.
Il donne plusieurs exemples mais évoque particulièrement une entreprise néerlandaise : Buurtzorg de soins à domicile.
Ainsi chez Buurtzorg, les équipes de 10-12 infirmières fonctionnent sans chef, les coachs régionaux accompagnent 40 à 50 équipes et n’ont aucun pouvoir de décision sur celles-ci, et ils ne se réunissent que quatre fois par an avec le directeur. Comment fonctionnent ces entreprises ? L’absence de structure hiérarchique n’empêche pas l’existence d’une structure d’un autre ordre, qui ne repose plus sur l’organisation de postes à occuper mais sur l’articulation de rôles à remplir
Ainsi, chaque salarié remplit des rôles techniques opérationnels, mais également des rôles de management, qui sont répartis entre les différents membres de l’équipe au lieu d’être concentrés dans les mains d’une personne
De même, les fonctions de soutien, habituellement centralisées, sont réparties entre les membres des équipes
Les équipes se chargent elles-mêmes des ressources humaines (recrutements et licenciements, formation, évaluations, plannings, etc.), des finances (achats, suivi financier, investissements, etc.), des aspects techniques (maintenance, sécurité, qualité)
Lorsqu’il y a des responsables régionaux, ils ont un rôle de coach mais ils n’ont pas de pouvoir de décision et n’ont aucune autorité sur les équipes
Ils sont là pour les conseiller et les accompagner mais ne peuvent en aucun cas les contraindre à quoi que ce soit
Les relations sont fondées sur la confiance ce qui nous rappelle le mot du jour de lundi.
Ce nouveau modèle d’entreprise a vocation à réconcilier le travail salarié avec les aspirations des individus. L’entreprise devient un organisme vivant et réactif à tous les signaux internes et externes du marché et de la société. Ce modèle s’appuie sur l’autonomie des équipes et la conviction que chaque employé doit être pleinement lui-même pour apporter une valeur ajoutée à l’entreprise et que de cette manière l’entreprise saura mieux affronter la complexité du monde et trouver les moyens les plus efficaces.
Ce livre a aussi fait l’objet d’une version simplifiée et illustrée:
Le dessinateur, Etienne Appert, présente son travail et son apport de la manière suivante :
« Considérant que beaucoup de lecteurs pouvaient être intéressés par ce sujet, mais pas nécessairement prêts à lire 500 pages d’étude théorique sur le management, Frédéric m’a proposé de réaliser une version « grand public » du même livre. Nous avons co-construit un objet hybride, qui n’est ni un simple livre illustré, ni une pure bande dessinée, mais où textes et dessins ne cessent d’interagir pour un maximum de clarté et d’efficacité. Cela a amené Frédéric a réécrire entièrement son contenu, c’est donc bien un livre complétement nouveau que nous vous proposons. »
De nombreux articles évoquent l’intérêt de cet ouvrage :
Article dans l’OBS : «Nous n’avons pas besoin de patron»
Dans le Monde on insiste sur l’invention d’une autre façon d’organiser le travail
Ce site destiné au cadres en parle aussi
En tout cas, cet homme mérite d’être entendu et approfondi. Je vous renvoie vers la conférence en français : Conférence
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