Mercredi 31 octobre 2018

« Bolsonaro : la fulgurante ascension du capitaine de la haine »
Titre d’un article de Libération consacré à l’élection brésilienne Chantal Rayes et François-Xavier Gomez

Jair Bolsonaro, a été élu Président du Brésil.

Il a des idées étonnantes, ainsi il veut
« Donner l’accès au port d’arme aux gens biens ».

Mais qui sont selon lui les gens biens, les gens bons ?

En 2003, il avait fait scandale en prenant violemment à partie une parlementaire de gauche Maria do Rosario, et lui a lancé cette insulte innommable :
« Jamais je n’irai vous violer, vous ne méritez même pas ça !».

Il n’aime pas le droit du travail, d’ailleurs il a promis de quasi l’abolir :
« C’est une disgrâce d’être patron dans notre pays, avec toutes ces lois du travail. »

Sa misogynie va jusqu’à ses propres enfants
« J’ai quatre garçons. Pour le cinquième, j’ai eu un coup de mou et ça a été une fille ».

Dans une interview accordée au magazine Playboy en 2011, Jair Bolsonaro assure qu’il serait incapable d’aimer un fils homosexuel :
« Je préférerais qu’il meure dans un accident de voiture plutôt que de le voir avec un moustachu »

Quand en 2011, une animatrice brésilienne lui demande lors d’une interview télévisée quelle serait sa réaction si l’un de ses fils tombait amoureux d’une femme noire.
« Je ne discuterais pas de la promiscuité avec qui que ce soit. Il n’y a aucune chance que ça arrive. Mes enfants sont bien éduqués. Ils n’habitent pas dans les mêmes endroits que vous ».

En 2017, il part à la rencontre d’une communauté quilombola, composée de descendants d’esclaves en fuite. A la fin de cette visite, il résume:
« Ils ne font rien ! Ils ne servent même pas à la reproduction ! ».

Il ne fait pas mystère de ses préférences sur les méthodes de gouvernement. Ainsi il vote en faveur de la destitution de la présidente Dilma Rousseff et il dédie, très officiellement son vote à
« la mémoire du colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra ».

Ce militaire est accusé de plusieurs assassinats, et il aurait torturé Dilma Rousseff elle-même pendant la dictature, alors qu’elle était une jeune résistante.

Et il précise :« L’erreur de la dictature a été de torturer sans tuer ».

Car une dictature militaire avait gouverné le Brésil entre 1964 et 1985.

En août dernier, alors qu’il est en pleine campagne pour la présidentielle, il explique comment il va remettre de l’ordre dans son pays : en donnant l’impunité aux policiers :
« S’ils tuent 10, 20 ou 30 personnes, avec 10, 20 ou 30 balles dans la tête chacun, ils doivent être décorés, pas poursuivis ».

Voici un florilège que j’ai trouvé sur plusieurs sites. C’est cet homme, misogyne, homophobe, raciste et partisan de la dictature militaire que le suffrage universel a mis, sans fraude, à la tête du Brésil, 5ème pays mondial par la taille, 6ème par la population et 7ème par le PIB.

Avant le second tour de l’élection présidentielle, l’émission « Affaires Etrangères » a été consacrée au Brésil et à l’Amérique du Sud.

Dans cette émission, il était surtout question des relations entre Etats d’Amérique du Sud, avec le Chili et la Colombie à droite et le Venezuela de Maduro qui sert de repoussoir aux électeurs de Bolsonaro qui a déclaré :

« Les gens bien au Brésil veulent se débarrasser du socialisme, ils ne veulent pas d’un régime comme celui du Venezuela. Nous ne voulons pas que le Brésil soit demain ce que le Venezuela est aujourd’hui. »

Des tensions avec le Venezuela sont à craindre.

Christobal Rovira Kaltwasser, un professeur de sciences politiques à Santiago du Chili  pense que:

« Ce phénomène Bolsonaro n’est pas représentatif du paysage politique d’Amérique latine, qui a effectivement viré à droite, mais reste modéré ».

Et un uruguayen, Andres Malamud, auquel l’émission donne la parole affirme :

« Je ne vois pas de schéma uniforme se dégager dans la région, explique-t-il : le Mexique vire à gauche la même année où le Brésil risque fort de virer à droite. En fait, s’il y a un schéma quelconque, c’est celui de l’hétérogénéité, avec certains pays (le Nicaragua et le Venezuela) où la démocratie s’est effondrée, et d’autres (la Colombie et l’Équateur) où elle s’est consolidée.” »

Au lendemain des élections, <les matins de France Culture> y ont été consacrés avec deux invités Olivier Dabène, professeur à sciences Po et président de l’OPALC (Observatoire Politique de l’Amérique latine et des Caraïbes) et une journaliste franco-brésilienne, Dani Legras.

Olivier Dabène explique qu’après le premier tour l’élection du candidat d’extrême droite n’était pas une surprise. Mais

« Si on remonte à quelques mois, c’est une immense surprise. Il y a un an tout le monde riait de cette candidature, personne ne l’a prenait au sérieux. Et finalement elle a enflé et rallié beaucoup de supporters à gauche et surtout à droite. Finalement à l’issue du premier tour cela devenait mission impossible de [l’empêcher de gagner]. […]

C’est un jour bien triste de voir revenir un nostalgique de la dictature au pouvoir, légalement, sans aucune fraude. Le suffrage universel a parlé.

Pendant 28 ans, il a été [un parlementaire] ignoré, méprisé. Il n’était pas corrompu parce qu’aucune entreprise ne s’intéressait à lui, parce qu’il était totalement insignifiant..

Pendant la campagne c’est moins évident, car lors de celle-ci des campagnes massives de « fausses nouvelles » émanant de son camp ont envahi les réseaux sociaux et au-delà. Ces campagnes très couteuses ont probablement fait l’objet de financement illégaux et de liens pervers avec certaines puissances économiques

<Ce site analyse la campagne brésilienne sous l’aspect des fake news> On apprend qu’un tweet a circulé accusant le Parti de Travailleurs (PT) d’avoir distribué un biberon avec une tétine en forme de pénis dans des écoles maternelles.

Rappelons d’où on vient : Lula, ouvrier métallurgiste de profession est élu président de la République en 2002, après avoir fondé le Parti des travailleurs (PT), mouvement d’inspiration socialiste, il sera président du 1er janvier 2003 au 1er janvier 2011. Dilma Rousseff son bras droit lui succéda en 2011et fut réélu. Le Parti des travailleurs permit à des millions de brésiliens à sortir de la misère grâce à une solide politique de redistribution et à un boom économique qui fit du Brésil un des grands acteurs économiques du monde.

Mais cela, c’était avant.

La crise économique a rudement touché le Brésil dont l’endettement a grimpé, les brésiliens ont vu leur pouvoir d’achat stagner et les difficultés économiques au quotidien se développer.

Parallèlement, l’insécurité, les violences font du Brésil un des pays les plus violents de la planète, créant chez les citoyens un besoin de sécurité, d’autorité et de protection auquel visiblement Bolsonaro a fait croire qu’il saurait répondre.  Olivier Dabène a indiqué qu’il y avait actuellement un homicide tous les 8 minutes et a précisé que cela représentait plus de morts par an (60 000) que tout le conflit israélo-palestinien. Et enfin, il y a la corruption endémique. Lula et le Parti des travailleurs n’ont pas su lutter contre elle et au contraire s’y sont enfoncés. Lula est d’ailleurs en prison pour de tels faits et Dilma Roussef a été destituée.

Beaucoup disent que le Parti des travailleurs étaient moins corrompus que les Partis de Droite. La moitié des députés brésiliens font l’objet de poursuites judiciaires pour corruption.

Il faut remarquer que dans les urnes si le Parti des Travailleurs a été battu il a au moins été au second tour, ce qui n’est pas le cas de la droite traditionnelle qui a disparu encore davantage que le PT.

Mais il y a eu un rejet du PT de la majorité des électeurs brésiliens qui se sont exprimés.

La journaliste Dani Legras a reconnu avec tristesse que même sa mère a voté Bolsonaro, bien que dans sa jeunesse et en tant qu’étudiante elle a eu à souffrir de la dictature militaire. Mais la mère de la journaliste minimise le danger d’une dictature militaire et affirme que ce dont le Brésil a besoin c’est d’un régime autoritaire sachant lutter contre la violence, l’autre raison étant de se débarrasser du Parti des travailleurs.

Olivier Dabène précise cependant :

« Il y a aussi 31 millions de Brésiliens qui n’ont pas voté. C’est un taux d’abstention record. Bolsonaro, ce n’est pas le raz-de-marée qu’on décrit. Il y a des Brésiliens qui ont choisi de ne pas trancher. Il y a énormément de votes blancs et nuls, et cela traduit un malaise. »

Toutefois s’ils n’ont pas voté c’est qu’ils acceptaient que cet homme peu recommandable arrive au pouvoir.

Homme qui a aussi été soutenu et porté par les mouvements évangélistes qui soutiennent son programme conservateur.

Ce politique qui avoue ne rien y comprendre à l’économie et prétend donner les clés à un économiste ultra libéral admirateur de l’école de de Chicago. Cette initiative et tendance lui ont permis d’obtenir l’appui des milieux économiques vers la fin de la campagne.

Evidemment l’écologie n’est pas sa préoccupation et la forêt amazonienne va encore davantage être exploitée et la déforestation va progresser.

J’ai choisi pour exergue pour ce mot du jour le titre d’un article de Libération consacré à cette élection « Bolsonaro : la fulgurante ascension du capitaine de la haine »

Ce qui me préoccupe c’est cette évolution étonnante des démocraties qui fait basculer les Etats-Unis d’Obama à Trump, le Brésil de Lula à Bolsonaro et à un degré moindre de Renzi (qui est une personne beaucoup moins lumineuse et intéressante que Lula ou Obama) à Salvani.

On pensait être dans une dynamique de progrès et on retombe plus bas qu’on n’était avant.

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Une réflexion au sujet de « Mercredi 31 octobre 2018 »

  • 31 octobre 2018 à 8 h 45 min
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    Si on reprend la hiérarchie de la pyramide des besoins de Maslow, le besoin de sécurité (environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise) apparaît tout de suite après la réalisation des besoins vitaux (respirer, manger, dormir…) et lorsqu’un besoin précédent n’est pas satisfait, il devient prioritaire.
    Sous cet aspect, les évolutions politiques actuelles deviennent très banales, même dans les pays développés et considérés comme riches

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