Olivier Besancenot était l’invité de Ruquier dans l’émission « On n’est pas couché » du 3 mars 2018.
Comme souvent, il a été très brillant !
Il a répété cette phrase qui me semble plein de justesse :
« Le comble du comble, c’est qu’on vit dans un monde où ceux qui gagnent 150 000 € par mois en exploitant les autres arrivent à convaincre ceux qui vivent avec 1 500 que la cause de leur problème sont ceux qui vivent avec 2 000 ou avec 500 »
Vous pouvez retrouver tout l’entretien derrière ce <Lien>
Mais ce n’est pas de son intervention que je voudrais parler aujourd’hui mais de celle de la philosophe Sylviane Agacinski ;
Sylviane Agacinski est née en 1945. Elle fut un moment proche de Jacques Derrida. Elle a enseigné à l’École des hautes études en sciences sociales de 1991 à 2010.
Même si ce détail est peu important, je note qu’elle a fait ses études au lycée Juliette-Récamier de Lyon et passé sa licence de philosophie à l’université de Lyon.
Elle est très active actuellement sur un sujet d’importance : la lutte contre la marchandisation du corps des femmes et la gratuité du don d’organe.
Elle vient de publier, au Seuil un livre : « Le tiers-corps – Réflexions sur le don d’organes »
Telerama a consacré un article à ce livre « Le don d’organes solidaire et gratuit est la seule option pour éviter la marchandisation du corps »
Outre « On n’est pas couché » elle avait été invitée sur France Inter : « Personne ne va vendre l’un de ses reins s’il n’est pas dans une grande misère » et sur France Culture à l’émission <La Grande Table> du 9 mars 2018 où elle avait notamment dit :
« Le don est un élan, un geste par essence non commercial et qui peut ne pas être payé en retour. La réciprocité n’est pas un automatisme. Dans le cas du don d’organes, elle est indirecte, car le donneur rend ce qu’il a reçu par ailleurs de la société. »
Mais le point central de ce que je veux partager aujourd’hui, c’est son intervention vers la fin de l’entretien des chroniqueurs de Ruquier avec Olivier Besancenot.
Laurent Ruquier l’interpelle et lui demande ce qu’elle pense de ce que dit Olivier Besancenot. (Cela commence à 29:30) <Je redonne le Lien>
« Je suis très touché par ce discours.
D’abord, on vient de fermer la Poste à côté de chez moi, je sais que dans les villages c’est une catastrophe quand la Poste disparait.
Et avant qu’elle ferme il y a de plus en plus de machines.
J’avais une banque, il y avait plein d’employés, on avait des rendez-vous facilement.
Maintenant on se trouve dans un petit hall de gare affreux avec 4 machines et une employé et on fait la queue pour obtenir quelque chose.
Ce n’est pas toujours plus pour l’usager, c’est toujours moins.
C’est aussi toujours moins pour les gens qui travaillent. Ce n’est pas toujours plus.
C’est un discours qui me touche […]
Vous parlez justement sur la sécurité du travail. Je regardais à la télévision différents reportages.
J’ai vu des choses…
On nous donne parfois l’Allemagne en modèle, on s’aperçoit que pour arriver à avoir autour de 1000 euros ou un peu plus, des millions d’allemands ont 2 ou 3 jobs.
Ils se lèvent très tôt le matin et se couche très tard le soir, ils ont 3 emplois pour en arriver là.
Après on va dire, oui mais ils ont moins de chômage que nous.
Oui mais à quel prix, ils ont moins de chômage ?
J’ai vu un autre reportage sur les « Work campers » aux Etats-Unis.
Il y a des industries qui ferment, ce ne sont pas les politiques qui sont en cause c’est le système capitaliste et la logique du profit à tout prix.
Ce sont des travailleurs endettés qui vendent leurs maisons et achètent un camping-car. Ce ne sont pas les plus déshérités.
Ces gens vont sillonner l’Amérique avec leur camping-car pour ce que certains vont appeler la mobilité, la fluidité et ils vont d’une ville à l’autre chercher du travail.
Un couple, le dernier travail qu’on leur propose c’est un travail de 12 heures par jour, 7 jours consécutifs pour ramasser les betteraves. [..]
Nous sommes quand même effarés, il y a là une telle abolition des droits élémentaires que chacun essaye de sauver sa peau comme il peut. C’est une catastrophe. [..]
Il y a derrière tout cela aussi l’Europe, les institutions européennes, l’ouverture au marché, l’Europe est l’ensemble le plus ouvert au marché et à la concurrence, il y a la mondialisation.
Alors qu’est-ce que vous voulez que les politiques fassent ?
- Ou ils suivent la logique économique telle qu’elle est
- Ou ils essayent de lutter avec des gens qui se raccrochent désespérément à leurs dernières [elle ne finit pas cette phrase et ajoute] de toute façon cela ne pourra pas tenir.
Je sens une impuissance du politique dans l’histoire
Normalement on devrait penser que l’économie est au service des êtres humains, ce n’est pas le cas.
Ce sont les humains qui sont tous au service de l’économie, c’est-à-dire au service des profits du capitalisme financier qui pressent, qui pressent pour plus de taux de profit.
Cela va de toute façon craquer.
Je pense qu’on va aller un jour vers une catastrophe sociale.et là ça sautera. »
Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas Sylviane Agacinski a épousé Lionel Jospin en 1994 …
<1037>
La catastrophe, c’est surtout le manque de perspectives mobilisatrices hormis celles de tirer au mieux son épingle du jeu pour pouvoir consommer plus.
L’ Europe était le seul véritable espace où l’on pouvait préserver une éthique sociale mais cela n’a jamais été à l’ordre du jour de ses préoccupations, dommage!
Certes l’Europe est un espace où la politique pourrait mieux réguler l’économie et les multinationales.
Toutefois c’est bien la financiarisation du monde qui nous mène à la catastrophe car sans vision à long terme et avec très peu de considération pour l’humain.
Par ailleurs les GAFA sont à l’oeuvre aussi pour la déshumanisation du monde.
J’entends à la grande table que je suis en train d’écouter qu’Amazon a l’intention de créer une monnaie pour acheter les produits Amazon.
Créer la monnaie c’est l’apanage de la souveraineté et donc de l’Etat.
Amazon travaille à la déshumanisation du monde et il y a tant d’idiots utiles qui l’aident dans cette tâche.
Les GAFA ont suffisamment de capacité financière pour manipuler les perceptions des gens au point d’imposer l’image du monde de demain qui n’est autre que l’extrapolation plus ou moins fantasmée de leur business.
On n’est pas obligé de souscrire
Je suis d’accord nous ne sommes pas obligé de souscrire !