Le 1er mars, tous les journaux en faisaient mention : un convoi militaire russe long de plusieurs dizaines de de kilomètres était en route. Le plus souvent on parlait de 60 km, une autre source donnait 27 kilomètres.
<Le Monde> écrit :
« [un convoi militaire russe d’une soixantaine de kilomètres se dirige vers Kiev] Des images satellites prises lundi 28 février en Ukraine montrent un immense convoi militaire russe qui s’étend sur plus de 60 kilomètres au nord-ouest de la capitale Kiev, objectif militaire de première importance pour la Russie dans son offensive dans le pays.
Le convoi « s’étend des abords de l’aéroport « Antonov » [aéroport d’Hostomel, à environ 25 kilomètres du centre de Kiev] au sud aux alentours de Prybirsk » au nord, a fait savoir lundi soir la société américaine d’imagerie satellitaire Maxar dans un courriel.
Cet aéroport est, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le théâtre de violents affrontements, l’armée de Vladimir Poutine tentant de s’emparer de cette infrastructure stratégique pour la prise de la capitale. Dans le convoi capturé par images satellites, qui s’étend sur environ 64 kilomètres, « certains véhicules sont parfois très distants les uns des autres, et sur d’autres portions les équipements militaires sont positionnés à deux ou trois de front », ajoute Maxar. »
Vous vous souvenez d’une colonne militaire, beaucoup plus modeste, qui se dirigeaient vers Benghazi, en Libye, en 2011.
C’était un autre mâle alpha, un autre dictateur : Mouammar Kadhafi qui avait décidé cette manœuvre.
Samedi 19 mars 2011, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont alors lancé des raids aériens pour détruire cette colonne menaçante et Benghazi avait été épargné.
Bien entendu, rien d’identique ne se réalisera pour sauver Kiev. Khadafi n’avait pas à sa disposition l’arme nucléaire.
De toute façon, il n’est pas raisonnable d’entrer dans cette guerre, c’est-à-dire aller vers la guerre totale, ce que Karl von Clausewitz conceptualisait par l’expression « montée aux extrêmes », comme l’avait révélé René Girard dans son dernier ouvrage : « Achever Clausewitz »
D’ailleurs Nicolas Sarkozy….
Un petit instant… C’était Nicolas Sarkozy qui était à la manœuvre et qui a élaboré le récit et pris les décisions pour que les avions occidentaux détruisent la colonne vers Benghazi, puis continue jusqu’à la chute du dictateur, déclenchant alors l’ire de Poutine qui n’avait donné son accord que pour l’étape initiale.
Donc Nicolas Sarkozy qui a vieilli et probablement est devenu plus sage, déclarait à la sortie d’une entrevue avec Emmanuel Macron, le 25 février :
« La seule voie possible est la diplomatie, car l’alternative à la diplomatie c’est la guerre totale »
Et il a ajouté :
« La voie du dialogue, de la diplomatie est difficile, souvent décevante, mais il n’y a pas d’alternative. Il faut donc continuer dans cette voie. Et si la France ne le fait pas, personne ne le fera »
Cette fois, il a parfaitement raison. Il ne suit donc plus les conseils de Bernard Henry Levy qui voudrait repartir comme à Benghazi mais que Dominique de Villepin a sèchement remis à sa place sur <France 2>, finissant sa charge par ces mots :
« Je ne crois pas que la posture sur les plateaux de télévision soit la bonne réponse ».
Peut-être que si les États de l’Union européenne n’avaient pas désarmé, en s’en remettant entièrement au bouclier américain, Poutine n’aurait pas osé attaquer l’Ukraine.
C’est probablement parce qu’il a la conviction de notre faiblesse qu’il a pris l’option militaire.
A ce stade, il est trop tard, il serait totalement irraisonnable d’intervenir militairement. C’est à l’après qu’il faut nous intéresser, comme le disait Dominique Moïsi.
Ce qui signifie donc que cette colonne militaire va atteindre Kiev et probablement submerger les défenses ukrainiennes.
Certains analystes, connaissant le déchainement de violence dont sont capables les hordes poutiniennes, s’étonnait de la mesure relative et actuelle que l’aviation russe observait par rapport aux civils et au bombardement des centres villes.
Il faut se rappeler dans quel état les troupes russes avaient laissé la capitale de la Tchétchénie : Grozny ou encore Alep en Syrie après leur bombardement.
Peut-être que cette relative retenue était due au fait que les troupes russes avaient en face ceux qu’ils appellent « leurs frères ukrainiens ».
Il est à craindre, qu’en raison de la résistance ukrainienne, l’horreur augmente.
Camille Magnard dans <La Revue de presse internationale> du 1er mars raconte :
« Au sixième jour de la guerre, l’heure ne semble plus aux attaques-éclairs menées par des véhicules isolés, envoyés en première ligne pour percer (sans succès) les défenses ukrainiennes. Face aux déconvenues et à la frustration des premiers jours, Moscou s’apprête, selon le quotidien allemand Die Welt, à lancer « la seconde phase de son assaut », une nouvelle tentative de percée militaire vers la capitale ukrainienne, mais cette fois, avec une force de frappe beaucoup plus massive et des soutiens logistiques, derrière la ligne de front, qui pourraient permettre à l’armée russe de tenir le siège pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines.
« La guerre est entrée dans une nouvelle phase », confirme The Economist, et désormais plus aucune illusion n’est possible sur le fait que les Russes visent et tuent bien des cibles civiles, contrairement à ce que Vladimir Poutine assurait hier encore au téléphone à Emmanuel Macron. Pour preuve, il suffit de regarder les images du pilonnage de quartiers résidentiels pendant des heures hier dans la ville de Kharkiv, la seconde plus grosse du pays. On dénombre, au bas mot, 11 civils morts. « Si les frappes russes évitaient jusque-là les quartiers les plus peuplés pour se concentrer sur les cibles militaires, la donne a changé pour le pire à Kharkiv », explicite le New York Times. Bien sûr, ce ne sont pas (encore) les tapis de bombes que les Russes avaient fait tomber sur Grozny en Tchétchénie en 1999 ou plus récemment sur Alep en Syrie en 2016. Mais c’est bien cela, la menace qui est contenue dans cette montée en puissance de l’artillerie et des forces aériennes utilisées pour la première fois sur des civils hier à Kharkiv : bien plus que de faire tomber la ville sous contrôle russe, il s’agit de semer la terreur et de faire pression sur les négociations qui ont péniblement débuté ce lundi 28 février, sans donner pour le moment aucun résultat probant.
Dans le même registre, l’Ukraine accuse l’armée russe d’utiliser des armes interdites par le droit international. La presse ukrainienne, à l’image du quotidien Sohodny, évoque – et c’est une première depuis le début de la guerre – d’importantes pertes militaires : dans la petite ville de Okhtyrka, au nord-ouest de Kharkiv, « on a préparé 70 nouvelles places au cimetière » pour y enterrer les 70 soldats (là encore c’est une estimation basse) tués dans le bombardement de leur caserne. Les Russes auraient utilisé des armes thermobariques, un type de bombe particulièrement destructeur qui combine explosion, onde de choc et effet de dépression pour ensuite causer un maximum de dégâts sur les installations militaires et sur les hommes. Selon les experts militaires, c’est le niveau juste avant l’arme nucléaire, en terme de létalité.
Des journalistes avaient bien repéré, avec effroi ces derniers jours sur les routes ukrainiennes, l’énorme camion qui transporte le lance-roquette à têtes thermobariques TOS-1, mais jamais jusque-là on avait eu la preuve qu’ils avaient été utilisés dans ce conflit. C’est apparemment chose faite à Okhtyrka, selon les autorités ukrainiennes… et, tout comme les civils bombardés à Kharkiv, cela pose la question des violations de la Convention de Genève par la Russie »
Que dire devant cette sauvagerie ?
Probablement en revenir à l’Art.
A une œuvre qui fait partie de l’Histoire de l’Humanité.
Une œuvre réalisée par Pablo Picasso (1881-1973)
Pablo Picasso a peint son tableau peut être le plus célèbre « Guernica » en 1937. Guernica est une petite ville basque qui a été détruite par des bombardements qui annoncent ceux de la seconde guerre mondiale. Pour L’Allemagne nazie, il s’agit d’une sorte de répétition. Mais le monde d’alors n’avait pas connu un tel déchainement de violence sur une ville peuplée de civils. Hitler et Mussolini, par cet acte veulent affirmer leur soutien officiel aux nationalistes de Franco face aux Républicains.
Guernica, en ruine, compte des centaines de morts et de blessés, tous civils. Picasso, exilé à Paris, prend connaissance du drame dans les journaux. Troublé par les récits qu’il lit et les photographies qu’il voit, il crée Guernica comme il pousserait un énorme cri de colère face à la folie de l’humanité. On raconte même que lorsque l’ambassadeur nazi Otto Abetz a demandé à Picasso devant une photo de Guernica :
« C’est vous qui avez fait cela ? », l’artiste a répondu : « Non… vous »
En 1939, alors que la guerre fait rage, Pablo Picasso confie son œuvre au Museum of Modern Art de New York, connu sous l’acronyme MoMA, inauguré 10 ans auparavant.
Picasso veut que « Guernica » rejoigne plus tard l’Espagne mais uniquement quand la démocratie sera rétablie.
En 1981, après la mise en place d’une Constitution et d’un gouvernement démocratique en Espagne, ce projet sera accompli.
Le tableau n’a plus quitté Madrid depuis. Il se trouve au musée Reina Sofia.
Sur ce <site> vous trouverez une description et analyse de cette œuvre mythique.
L’histoire de ce tableau nous apprend aussi qu’il y aura un Après-Poutine et qu’en attendant il nous faut tenter de devenir moins naïf.
Et aussi accepter de payer le prix pour ne pas se trouver démuni le jour où des prédateurs auront la tentation de nous considérer comme des proies.
Je suis très surpris du discours de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée Nationale ce mardi, non pas la première partie, mais la seconde dans laquelle il reprend la posture de l’herbivore dans un monde de carnivore.
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