Mercredi 29 mai 2019

« Les philosophes ne proposent pas un modèle alternatif au modèle capitaliste. »
Michel Serres

Le dimanche sur France Inter, Ali Baddou anime une excellente émission qui s’appelle « Questions Politiques ».

Enfin, pour qu’elle soit vraiment excellente il faut un invité qui ait des choses pertinentes à dire.

C’est de plus en plus rare, dans le monde politique. Or, le monde politique est justement le domaine de cette émission.

Mais dimanche 26 mai 2019, était un jour de chance : en raison des élections européennes, il était interdit au service public de relayer des avis partisans.

Ali Baddou n’a donc pas invité un politique mais Michel Serres. Michel Serres est né le 1er septembre 1930 à Agen. Il aura donc bientôt 89 ans et il est donc plus jeune qu’Edgar Morin qui était au cœur du mot du jour de vendredi dernier.

Vous pouvez voir la vidéo de cet entretien derrière ce lien : « Michel Serres – Questions Politiques du 26 mai 2019 »

Michel Serres est probablement l’auteur le plus souvent cité dans les mots du jour, celui d’aujourd’hui est le quatorzième pour lequel l’exergue a été écrit ou dit par lui.

C’est pour moi toujours un plaisir, un ravissement de l’écouter.

Et même s’il répète des idées, des histoires il arrive toujours un moment où il me surprend et me redonne matière à penser.

Il y a plus de deux ans, fin 2016, le navigateur Thomas Coville avait battu le record du tour du monde à la voile en multicoque avec un temps de 49 j et quelques minutes….. Il est arrivé le soir de Noël avec plus de 8 jours d’avance sur son poursuivant. Michel Serres avait marqué son admiration pour ce navigateur, il faut savoir qu’à 19 ans il est rentré dans la navale et il revendique toujours son état de marin.

Il était donc invité le 2 janvier 2017 sur France Inter et avait parlé de cette admiration devant l’exploit de Thomas Coville.

Mais il ne savait pas que Thomas Coville, réciproquement avait un immense respect pour le philosophe qu’il est. Il avait emmené des émissions de Michel Serres qu’il écoutait pendant son tour du monde.

La journaliste, pendant l’émission, les a mis en relation et ils ont pu échanger par téléphone.

Voici ce que cela a donné :

Thomas Coville :

« Vous êtes une des personnes qui depuis […] mon adolescence, m’ont inspiré d’aller jusqu’au bout de mes rêves. »

Michel Serres :

« Ne changez pas les rôles, c’est moi qui vous doit l’admiration ! »

Thomas Coville

« Non, non, non, non. Vous avez rempli votre rôle de philosophe.

Quand une nation donne plus la parole aux sportifs qu’aux philosophes c’est qu’elle est en danger.

Moi je vous ai écouté comme philosophe, comme celui qui se permet, parce qu’il a étudié, parce qu’il est sage, de donner un sens, donner une voix – et après à ceux qui l’écoutent d’essayer de la transcrire en faits.

J’ai finalement trouvé dans le petit garçon que j’étais une voix qui était un rêve complètement fou, faire le tour du monde en solitaire en multicoque, mais c’est parti d’un monsieur qui vous dit “écoutez cette petite voix, allez jusqu’au bout de vos rêves et ce rêve-là en alimentera un autre qui en fera faire un autre, etc.

Vous êtes l’un de ceux qui m’a inspiré et m’a fait aller jusqu’au bout »

C’est <ICI>.

Je trouve cet hommage à Michel Serres à la fois touchant et particulièrement juste.

Mais ce n’est pas de cette émission de 2017 dont je voulais parler, mais de celle « du 26 mai 2019 »

Vous n’avez qu’à l’écouter.

Je vais quand même picorer quelques fulgurances, de ci de là.

Michel Serres a publié en février 2019 un nouveau petit livre (96 pages, 80 g, 7 euros) : « morales espiègles » dans lequel il parle de rire, de chahut, de dialogue entre Petite Poucette et Grand papa ronchon.

Dans l’émission, il oppose « le rire doux » celui qui moque sans volonté de faire du mal, la farce, le canular et le « rire dur » celui qui peut tuer :

« J’ai publié morales espiègles pour une bonne raison. C’est que quand on met les pieds dans la morale, on parait des donneurs de leçon. C’est emmerdant comme la pluie et c’est inefficace. S’il y a une voie pour l’enseignement de la morale, c’est le rire. C’est une vieille tradition. Molière corrigeait les mœurs en riant. Même la commedia dell’arte, c’est vieux comme le monde. Par exemple, on vous dit : « ne soyez pas menteur ». Ça va quoi…Mais si vous regardez une comédie qui s’appelle « le menteur » vous riez de la première réplique à la dernière…Il ment, on pose une question, il est obligé de mentir plus et encore plus, de sorte qu’à la fin tout est cul par-dessus tête.

Si vous écoutez cela, vous allez dire : « mais mon Dieu si je mens je vais m’embarquer dans une galère terrible ». Et là, c’est efficace. […]

Dans les réseaux sociaux il peut y avoir une telle calomnie qui prend de l’importance que celui qui en est victime peut prendre des décisions extrêmes qui est de se suicider. Le rire dur c’est la calomnie, c’est ultra critique. On rit ad hominem, sur la personne même.

J’ai parlé du « menteur », c’est un fantoche, c’est un personne de théâtre, c’est un acteur. Ce n’est pas lui qui est en cause mais le personnage qu’il représente »

Il dit aussi que nous avons toujours un peu d’agressivité en nous, et il ajoute :

« La seule règle morale que je connaisse, transformer notre agressivité en action, en travail, en créativité. »

Quand on l’emmène sur le terrain politique il explique que :

« Les institutions sont désadaptées par rapport à l’état actuel du monde […]

Nous sommes en train de vivre une période exceptionnelle de l’Histoire.
On a vécu 70 ans de paix, l’espérance de vie a cru jusqu’à 80 ans, la population paysanne est passée de 75 à 2 %… Par conséquent, toutes les institutions que nous avons créées l’ont été à une époque où le monde n’était pas ce qu’il est devenu. À peu près toutes sont obsolètes. »

Pour lui, le problème vient du fait qu’on n’a pas « réinventé » ces institutions :

« Quand on a fait la Révolution de 89, on avait Rousseau derrière. Aujourd’hui, on n’a personne, et c’est la faute à qui ? Aux philosophes. C’est leur rôle de prévoir ou d’inventer une nouvelle forme de gouvernement ou d’institutions, et ils ne l’ont pas fait. »

Le système actuel lui semble désastreux. :

« L’économie telle que le capitalisme l’a mise en place est catastrophique, au moins du point de vue écologique […] L’économie est en train de détruire la planète. [Mais] les philosophes ne proposent pas un modèle alternatif au modèle capitaliste »

En revanche il est contre le catastrophisme, même éclairé parce qu’il paralyse. Il veut bien dire « Alerte » et même « Alerte rouge ». Mais il reste optimiste et croit à l’action.

Il raconte aussi le début d’internet et de la silicon valley qu’il a vu naître alors qu’il était à Stanford. Il raconte les espoirs qui naissaient alors pour un monde libertaire, un monde plus égalitaire. Mais c’est l’argent qui a tout gâché. Quand on est riche comme les Gafa, on a plus de goût à l’égalité.

Pour lui la solution qui peut être esquissé c’est celle du droit, le droit est global et international.

Il avait écrit un livre « Le contrat Naturel » il y a 30 ans dans lequel il préconisait de faire de la nature un sujet de droit.

Il explique aussi qu’il avait eu une discussion avec le secrétaire général de l’ONU qui lui expliquait qu’il voudrait bien parler de l’eau, des ressources, de la biodiversité mais que les représentants des nations lui disent qu’ils représentent leurs États et leurs habitants pas la nature. D’où cette idée de faire de la nature un sujet de droit.

Or, Michel Serres nous apprend qu’aux États-Unis, le « Lac Erié » est devenu sujet de droit. Ainsi Michel Serres était un précurseur. Car cette évolution signifie que des « représentants » ont pour ce lac « le droit d’ester pour attaquer des utilisateurs abusifs ».

Il conclut :

« Le ‘contrat naturel’ est en train d’arriver dans les mœurs et les habitudes juridiques ».

Mais je ne vais pas retracer tous les échanges, ce serait trop long.

Devant les journalistes qui l’assaillent de question et lui demandent des solutions à tous les problèmes, il répond humblement :

« Ne me posez pas des questions auxquelles je n’ai pas de réponse »

Regardez et écoutez : « Michel Serres – Questions Politiques du 26 mai 2019 »

<1244>

Mardi 21 mai 2019

« Ordos, la ville fantôme »
Un exemple de la folie des hommes

Hier, j’esquissais l’effroyable prédation qu’homo sapiens exerce sur la terre, sans tenir compte du vivant non humain dont il a pourtant besoin pour sa survie.

Dans sa démesure, il arrache à la nature ou aux terres arables des millions d’hectares, utilise des millions tonnes de ressources pour bâtir et construire des villes, des complexes industriels, des aéroports et autres œuvres de son imagination.

Cet aveuglement devant les limites de ce que peut offrir la terre devient folie quand en plus de la démesure, il construit pour rien, sans ce que cela ne présente même une utilité ou un sens.

L’Europe, notamment l’Espagne n’a pas été exempte de cette folie.

Mais aujourd’hui, je voudrais partager un exemple chinois qui en compte de nombreux, semble t’il. Il s’agit d’Ordos en Mongolie-Intérieure.

Comme nous l’apprend <ce site> :

Ordos est une ville de la Mongolie Intérieure. Située dans le district de Dongshen au nord de Baotou. Le Régime chinois a voulu construire un quartier nouveau, une ville nouvelle d’Ordos avec l’ambition d’accueillir un million d’habitants nouveaux.

Le site nous donne des précisions :

« La ville d’Ordos est unique et vous laissera une étrange impression de ville désertée. Rien que pour son authenticité, elle mérite qu’on s’y arrête avant de partir sur les traces de Gengis Khan et son Mausolée.

Ordos est à l’origine (siècle avant J.C) une ancienne cité utilisée comme point de contrôle pour l’accès aux pâturages des peuples nomades turco-mongols. La ville fut ensuite recolonisée par les chinois en 127.

Son nom lui vient du clan Ordos qui était à l’époque chargée de protéger le Mausolée de Gengis Khan, fondateur de l’empire mongol.

La ville nouvelle d’Ordos

Avec l’aide du gouvernement et de gros investisseurs chinois, une toute nouvelle ville du même nom fut construite à quelques kilomètres de l’ancienne cité. Cette nouvelle ville érigée dans les années 2000 est aujourd’hui considéré comme l’une des plus grandes villes fantômes du monde en raison de sa très faible population.

En 2009, un grand nombre de quartiers et de bâtiments étaient encore en construction ou laissé à l’abandon faute d’investissements. L’estimation de la population fut alors revue à la baisse et 300 000 personnes sont attendues pour 2020 au lieu d’un million. »


Un autre site nous explique l’origine de cette folie :

« A l’origine, un million de personnes devaient vivre [dans la ville nouvelle d’Ordos] . C’était du moins l’objectif visé par le gouvernement chinois lorsqu’il a fait sortir de terre la nouvelle ville d’Ordos, dans le nord de la Chine, au tournant du millénaire. Des lotissements, des musées futuristes, des tours de bureaux et des routes à quatre voies ont été créés.

Mais le projet a avorté: reste le quartier de Kangbashi, qui peut accueillir 300’000 habitants. Pourtant, comme le rapporte le magazine d’information «Focus», seules 5000 personnes ont élu domicile dans le quartier.

Le fait que Kangbashi ait tout ce qu’il faut sauf des habitants est dû à une politique de développement urbain ratée et à l’orgueil démesuré des dirigeants. Au tournant du millénaire, d’énormes gisements de charbon et de gaz ont été découverts dans la région d’Ordos, et la ville désertique de Mongolie intérieure devait devenir une ville en plein essor.

Mais les bâtiments ont été construits à la hâte et à moindre coût, et les prix étaient bien trop élevés pour des ouvriers. Les appartements ont surtout été achetés par des investisseurs comme placement et non comme bien locatif.

Il est difficile de vérifier les chiffres avancés par «Focus» quant au nombre de personnes vivant réellement dans le quartier de Kangbashi. D’autres sources parlent de 20’000 à 100’000 personnes qui vivraient ici. »

Un article de GEO en 2011 consacrait un long développement à cette « ville en devenir » selon les propos des dirigeants chinois agacés quand on parle de « ville fantôme »

L’introduction de cet article commence ainsi :

« Ordos, place Gengis-Khans. Des statues monumentales de cavaliers mongols montent la garde devant les buildings austères de l’administration locale. Face à cette horde figée, la ville nouvelle étend sur trente kilomètres carrés ses larges avenues, ses immeubles futuristes et ses monuments à l’architecture fantasque – théâtre en forme de chapeau mongol, bibliothèque évoquant trois livres inclinés, musée rappelant un bloc de charbon. Un Dubai chinois, sorti des plaines de Mongolie-Intérieure en 2004, aussi vaste et vide que la steppe qui l’entoure.

Vide? pas tout à fait: dans un coin de la place, Sha, 18 ans, a installé son stand de boissons. La jeune femme est venue du nord-est du pays pour vendre des rafraîchissements aux premiers habitants de la ville-champignon. Ce n’est pas la foule, mais il en faudrait plus pour doucher son enthousiasme: «Chaque semaine, il y a un peu plus d’habitants, et un peu plus de clients» »

Cette démesure, cette quête de l’inutile et de la folie humaine ne sont pas limitées à Ordos comme nous l’apprend cet article de décembre 2015 de <la Tribune> :

«   Ordos, en Mongolie-Intérieure, est devenue le symbole des villes fantômes chinoises. Construite entre 2005 et 2010, avec une capacité d’accueil d’un million de personnes, ses stades, avenues et gratte-ciel restent désespérément vides.

La Chine est ainsi parsemée de villes sans vie. Quelques-unes se rempliront, exode rural oblige ; une partie d’entre elles mettront des décennies à se peupler et d’autres resteront à jamais un musée, vitrine de la surcapacité et de la mauvaise allocation des ressources.

Un article publié par l’agence de presse officielle Xinhua, en octobre, a mis en lumière l’ampleur du phénomène. Chaque capitale provinciale construit actuellement de quatre à cinq nouveaux quartiers. Cela amènera la Chine à loger 3,4 milliards d’habitants, soit presque trois fois plus que la population chinoise actuelle. Une étude de MIT estime qu’il y a 50 villes vides en Chine.

Comment une telle frénésie est-elle possible ? D’une part construire permet aux gouvernements locaux de générer du PIB. Tous se disent qu’avec le temps, les espaces vides se rempliront forcément. Avoir construit un « nouveau quartier » est indispensable sur la carte de visite du gouverneur d’une ville, en compétition avec son voisin pour attirer les ruraux. Le problème, c’est qu’en attendant, ces espaces vides coûtent de l’argent aux banques, qui se voient obligées de reconduire des prêts stériles plutôt que d’investir dans des PME innovantes. »

<Vous trouverez aussi un reportage avec des photos sur ce site de Canal+>

Pour voir de manière plus palpable ce que ce cela signifie, il faut regarder <Cette vidéo qui montre la réalité de cette ville>.

Vous y verrez notamment ce remarquable et grand stade, inauguré en 2011 et quasi toujours entièrement vide.


<1239>

Lundi 20 mai 2019

« Les animaux vont disparaître, il n’en restera plus bientôt »
Michel Simon, en 1965

Le lundi 6 mai 2019, a eu lieu à Paris le <sommet mondial pour la biodiversité> :

« Le rapport qui sera adopté ce lundi 6 mai après-midi par 130 États à Paris sur la biodiversité sera sans appel : “Une grande partie de la nature est déjà perdue, et ce qui reste continue à décliner”. Selon les chercheurs, ce sera la sixième extinction de masse de l’Histoire… et la première due à l’Homme. Une extinction de masse, c’est quand l’essentiel de espèces qui vivent sur terre disparaissent en peu de temps. »

L’INA a publié une archive qui date de 1965, il y a 54 ans !

C’est un extrait d’une interview du grand acteur Michel Simon que tout le monde pense français mais qui est suisse.

Vous la trouverez <ici>

Et voici ce que dit Michel Simon :

« C’est tragique […]
Je n’envisage pas l’avenir. Ce n’est pas pensable.

Cette prolifération de l’être humain qui est pire que celle du rat. […]

Les bêtes sont merveilleuses parce qu’elles sont en contact direct avec la nature.
Ce qui aurait pu peut être sauver l’humanité c’est peut-être la femme, parce qu’elle est encore en contact avec la nature.
Elle échappe aux lois, aux imbécilités émises par les anormaux.
Elle est encore en contact avec la nature mais elle n’a pas voix au chapitre. […]

Les animaux vont disparaître il n’en restera plus bientôt.
En Afrique c’est l’hécatombe permanente.
Ici quand je suis venu, j’avais une trentaine de nids d’hirondelles.

L’année dernière j’ai eu deux nids d’hirondelles et pour la première fois j’ai ramassé une hirondelle qui était tombée de son nid, qui était si pauvrement alimentée. Grâce aux progrès de la science, la science chimique qui assassine la terre, qui assassine l’insecte, qui assassine l’oiseau, qui tue toute vie, qui assassine l’homme, on s’en apercevra peut être trop tard.
Grâce à cela, il n’y a plus d’oiseaux.
Dans ce parc, quand je suis arrivé en 1933, c’était merveilleux.
Le printemps, c’était une orgie de chants d’oiseaux.
C’était quelque chose de merveilleux.
Aujourd’hui il n’y en a plus.

[…] Je ramasse chaque printemps des oiseaux morts […] qui ont mangé des insectes empoisonnés et qui meurent ! »

C’était visionnaire, lucide et très dur.

En 1965, probablement que ce n’était pas entendable et que les gens ne croyaient pas ce qu’il entendait.

Aujourd’hui, nous savons qu’il avait raison.

Homo sapiens, peut-il penser qu’il a la moindre chance de survivre sur une planète dont il serait devenu le quasi seul animal vivant ?

Les insecticides, le réchauffement climatique et ce qu’il faut bien appeler la prédation de la terre par homo sapiens réduit de plus en plus la biodiversité nécessaire à la vie sur terre.

Je ne sais pas si les humains sont trop nombreux sur terre, en tout cas ils ne peuvent pas prendre davantage de place sur notre planète et il faut qu’ils se préoccupent de la place laissée aux autres espèces vivantes.

Exactement le contraire que ce que fait le président brésilien Jair Bolsonaro en <Amazonie>, ou le président turc Erdogan <en créant le plus grand aéroport du monde> ou encore la Chine avec son projet <de la nouvelle route de la soie>. Ce ne sont que quelques exemples dans un monde qui continue à croire qu’homo sapiens peut aller au bout de sa quête économique sans limite.

<1238>

Lundi 1 avril 2019

« C’est de nos vies dont il est question »
Alexandria Ocasio-Cortez

Je voudrais aussi partager une intervention pleine de force, de charisme et de vérité d’une étonnante élue à la chambre des représentants des Etats-Unis.

On l’appelle « AOC » , mais son nom est Alexandria Ocasio-Cortez, née le même jour que moi et …Chantal : le 13 octobre, mais beaucoup plus récemment (que moi) 1989 , à New York. Elle a grandi dans le Bronx, un des quartiers pauvres de New York.

Elle est élue le 6 novembre 2018 représentante du 14e district de New York à la Chambre des représentants des États-Unis, devenant la plus jeune représentante jamais élue au Congrès américain. Elle incarne la nouvelle vague démocrate, qui se revendique du socialisme démocratique dans la lignée de Bernie Sanders.

Elle est entrée en politique très vite : Étudiante à l’université de Boston, elle travaille auprès du sénateur démocrate Ted Kennedy sur les questions d’immigration car elle est la seule membre de son équipe à parler espagnol.

Lors de la campagne présidentielle de 2008, elle fait du démarchage téléphonique pour le candidat démocrate Barack Obama.

Elle fait de brillantes études, mais pour survivre aux Etats-Unis quand on n’est pas de famille riche, il faut accepter des petits boulots.

Et c’est ainsi qu’avant d’être élue, elle était serveuse dans un restaurant de tacos dans le sud de Manhattan.

Mais vous pourrez trouver d’avantages de précision sur Wikipedia : <Alexandria Ocasio-Cortez>

La vidéo dont il est question est une réponse cinglante à un élu républicain, le parti de Trump.

La question concernait l’écologie et l’environnement.

L’élu républicain accusait les démocrates de dérive « élitiste ».

Ce qui a fait sortir de ses gonds Alexandria Ocasio-Cortez :

« Le 26 mars. La démocrate était venue défendre le Green New Deal, un plan environnemental dont l’objectif est d’atteindre 100 % d’énergies propres et renouvelables d’ici 2035. Une initiative que le parlementaire républicain Sean Duffy a rapidement taxé d’« élitiste ».

Le qualificatif a suscité l’indignation de la femme politique qui a répliqué : « Ce n’est pas un sujet élitiste, c’est une question de qualité de vie ».

Elle a ensuite tenu avec vigueur un plaidoyer en faveur de l’écologie et pointé l’inaction de certains politiciens devant l’ampleur de la crise.

« C’est de nos vies dont il est question. Ça concerne la vie des Américains. Et cela ne devrait pas être une question partisane », soulève la démocrate. Au sein de l’hémicycle, elle évoque les enfants du Bronx qui souffrent d’asthme, la crise sanitaire qui touche la ville de Flint au Michigan ou encore les inondations qui submergent des terres du Midwest américain. La jeune femme fraîchement élue oppose à ces menaces la cupidité des hommes politiques qui se soucient davantage de “renflouer les banques” ou d’«aider les compagnies pétrolières» que d’affronter la «crise nationale” qui frappe le pays. »

Il est des saines colères. Celle-là, en est une.

J’ai vu d’autres interventions d’Alexandra Ocasio-Cortez tout aussi pertinente et pleine de force.

Alexandria Ocasio-Cortez donne espoir à ce que l’Amérique profonde s’éloigne des dérives néo-libérales et de la bêtise Trumpienne.

La vidéo peut être visualisée <ICI>

<1223>

Mercredi 6 Mars 2019

« C’est quoi cette idée de mettre des herbicides dans nos culottes ? »
Sophia Aram

Pour mot du jour d’aujourd’hui, le coup de gueule salutaire de Sophia Aram lors de sa <chronique du lundi 26 février 2019>

Alors que les femmes utilisent en moyenne 11000 tampons dans leur vie, les fabricants industriels refusent de communiquer sur leur composition.

Et oui c’était la belle époque, à la question, “bonjour mesdames et messieurs les industriels, au fait c’est quoi la composition des tampons que je m’enfile tous les mois depuis des années ?“.

La réponse des industriels était toujours la même :

“on peut pas te le dire, c’est un secret…”

-M’enfin mesdames et  messieurs les industriels, ça m’intéresse quand même un peu de savoir ce que vous mettez à l’intérieur de nos tampons, rapport au fait que nous on se les met à l’intérieur du dedans de nous ?

-Non, non, non on ne vous le dit pas c’est une surprise.”

Et quelques années plus tard, nous y voilà enfin !

60 millions de consommateurs dévoile les résultats d’une série d’essais sur les protections féminines, des traces de résidus toxiques, polluants industriels ou pesticides, y ont été détectés

Ah ben la voilà la bonne surprise !!!

En fait on s’enfile du glyphosate dans la teucha !!!

C’est rien que pour nous les filles, c’est cadeau !

Elle n’est pas belle la vie ?!!!

Alors, avant que tous les parangons de la modernité agricole viennent m’expliquer qu’il est tout à fait normal qu’une serviette hygiénique, un kilo de poids chiche ou un baril de Roundup contiennent exactement la même substance à savoir du glyphosate, j’aimerais quand même poser une question…

C’est quoi cette idée de mettre des herbicides dans nos culottes ?

C’est pour tuer les mauvaises herbes ?  Ou pour nous éviter de nous retrouver avec une pelouse à la place du pubis ?!!!

Je veux bien que vous confondiez notre “jardin secret” avec un champ de maïs mais y a un moment où il faudra quand même redescendre un peu de la moissonneuse batteuse et discuter risques sanitaires ou tout simplement espérance de vie.

Parce que aussi surprenant que cela puisse paraître, le réceptacle qui entoure le tampon, et que vous avez tendance à considérer comme un hangar à herbicide… ça s’appelle une femme.

Alors, une femme qu’est-ce que c’est ?

C’est un organisme vivant et qui, comme tous les organismes vivants, aspire à le rester le plus longtemps possible, et de préférence en bonne santé… C’est dingue, non ?

Et non, ce n’est pas parce qu’une femme a en moyenne 13 menstruations par an, 480 cycles sur l’ensemble de sa vie et qu’elle utilisera 10560 protections hygiéniques dans sa vie, qu’il faut en profiter pour y écouler vos surplus d’herbicide.

Et ce, pour des milliers de raisons tout à fait compréhensibles par toute personne ne confondant pas une femme avec un hangar agricole.

Alors si on pouvait éviter de nous empoisonner le minou et considérer ensemble que l’on est en droit de savoir exactement qui on invite dans notre culotte et quels seront les effets à courts, moyens et long terme sur notre santé parce qu’à ce jour je ne suis pas certaine que beaucoup de femmes aient consciemment invité Monsanto ou d’autres industriels à venir nous rendre une visite aussi intime. »

Rien à ajouter, sauf à dire que Monsanto est une fiction, comme toutes les autres sociétés ou personnes morales. Derrière Chaque société, il y a des individus, des personnes physiques qui prennent des décisions ou laissent faire. Ce sont eux les responsables.

<1206>

Vendredi 8 février 2019

« Où atterrir ? »
Bruno Latour

Lundi j’évoquais un ouvrage sur la démocratie, aujourd’hui c’est l’écologie qui est au cœur de la réflexion et du livre de Bruno Latour : « Où atterrir ? Comment s’orienter en politique » aux éditions La Découverte.

C’est encore un livre que j’aurais voulu lire avant d’en parler. Je n’y ai pas renoncé, mais ce n’est pas pour tout de suite. Or cet ouvrage date déjà d’octobre 2017.

J’en ai entendu parler lors de la Grande Table du 09/10/2017 : « La nature politique de Bruno Latour »

Bruno Latour est Agrégé de philosophie et s’est intéressé par la suite à l’anthropologie. Mais depuis quelques années son sujet central de réflexion principal est celui de l’écologie.

Si vous vous intéressez un peu à ce philosophe, vous lirez un peu partout : « Bruno Latour est l’auteur français le plus cité et le plus traduit dans le monde. »

Le point central de sa réflexion est ce constat que la modernité, la globalisation économique telle qu’elle est lancée ne dispose pas d’une Terre, c’est-à-dire d’une planète qui permette de s’épanouir.

Il a utilisé dans son ouvrage précédent le terme de « GAIA » qui dans la mythologie grecque est une déesse primordiale identifiée à la « Déesse mère » pour essayer d’illustrer sa démarche.

Cet ouvrage précédent « Face à Gaïa » avait pour sous-titre : « Huit conférences sur le nouveau régime climatique »

La Présentation de ce livre explique :

« Gaïa n’est pas le Globe, n’est pas la Terre-Mère, n’est pas une déesse païenne, mais elle n’est pas non plus la Nature, telle qu’on l’imagine depuis le XVIIe siècle, cette Nature qui sert de pendant à la subjectivité humaine. La Nature constituait l’arrière-plan de nos actions.

Or, à cause des effets imprévus de l’histoire humaine, ce que nous regroupions sous le nom de Nature quitte l’arrière-plan et monte sur scène. L’air, les océans, les glaciers, le climat, les sols, tout ce que nous avons rendu instable, interagit avec nous. Nous sommes entrés dans la géohistoire. C’est l’époque de l’Anthropocène. Avec le risque d’une guerre de tous contre tous.

L’ancienne Nature disparaît et laisse la place à un être dont il est difficile de prévoir les manifestations. Cet être, loin d’être stable et rassurant, semble constitué d’un ensemble de boucles de rétroactions en perpétuel bouleversement. Gaïa est le nom qui lui convient le mieux. »

« Où atterrir » est la suite de cette réflexion.

Et en effet, s’il n’existe pas de planète, de terre, de sol, de territoire pour y loger le Globe de la globalisation vers lequel tous les pays prétendent se diriger, pour vivre tous comme des américains, il s’agit d’atterrir. C’est-à-dire prendre en compte les contraintes et les ressources dont on dispose.

Pour présenter ce livre Philosophie Magazine écrit :

« L’élection de Donald Trump a fait sortir Bruno Latour de ses gonds. […] posons les pièces du Meccano – c’est le côté empirique, presque bricoleur, de Latour : la globalisation dérégulée, le creusement vertigineux des inégalités, le climatoscepticisme, le Brexit, l’accès de Trump à la présidence américaine, l’amplification des migrations en Europe, la crispation des identités locales et des frontières, la signature des accords de Paris après la COP21. Pour le pire ou le meilleur, certains éléments soufflent vers le global, d’autres ramènent au lopin.

Latour les articule ensemble autour d’un axe : le Nouveau Régime Climatique (notion qu’il élaborait dans Face à Gaïa, 2015) qui nous requiert.

Car nous le savons, nous commençons à l’éprouver, la planète ne survivra pas aux rêves exponentiels de modernisation, l’épreuve commune à tous sera, est déjà pour des millions de migrants, « de se retrouver privé de terre ». Cette évidence, insiste Latour en serrant ses boulons, la poignée « d’élites » qui dérégulent à tour de bras l’a comprise dès la fin des années 1980. C’est pourquoi elles nient énergiquement le réchauffement climatique pour, tant qu’il est encore temps et avant la panique générale, faire main basse sur les richesses et se mettre à l’abri hors du monde, « hors sol » (la thèse est « abrupte », Latour nous avait prévenus !).

La Grande-Bretagne, patrie du capitalisme, et les États-Unis, principaux responsables des inégalités mondiales et du dérèglement climatique, choisissent de faire sécession du monde commun en s’isolant en forteresses. Trump dénonce les accords de Paris sur le climat, promet le profit maximal réservé à la seule Amérique et ferme les frontières. […]

Le plus intéressant vient ensuite, […] Il s’agit en gros de réorienter la tension de l’axe du progrès entre le « Global » (la Terre vue de haut à la manière des idéaux des Modernes) et le « Local » (l’attachement au territoire), sur lequel se déterminait la partition gauche/droite, en le triangulant avec un troisième pôle attracteur : le « Terrestre », qui permettrait au local de s’ouvrir et au global de reformater ses horizons infinis. Attachement et détachement, sortir à la fois de l’illusion des frontières et de celle d’un « Grand Dehors », tel est le programme pour rendre le monde, le seul que nous ayons, habitable et partageable par tous.»

En exergue de livre, Bruno Latour a ironiquement fait figurer une phrase de Jared Kushner, le gendre de Donald Trump : « Nous avons assez lu de livres. »

Il émet surtout une hypothèse qu’il avoue ne pas pouvoir démontrer et qui est cité plus précisément par <MEDIAPART> :

« Tout cela participe du même phénomène : les élites ont été si bien convaincues qu’il n’y aurait pas de vie future pour tout le monde qu’elles ont décidé de se débarrasser au plus vite de tous les fardeaux de la solidarité – c’est la dérégulation : qu’il fallait construire une sorte de forteresse dorée pour les quelques pour cent qui allaient pouvoir s’en tirer – c’est l’explosion des inégalités ; et que pour dissimuler l’égoïsme crasse d’une telle fuite hors du monde commun, il fallait absolument rejeter la menace à l’origine de cette fuite éperdue – c’est la dénégation de la mutation climatique. »

Pour Bruno Latour, nous serions face à une situation où, pour « reprendre la métaphore éculée du Titanic : les gens éclairés voient l’iceberg arriver droit sur la proue, savent que le naufrage est assuré, s’approprient les canots de sauvetage ; demandent à l’orchestre de jouer assez longtemps des berceuses pour qu’ils profitent de la nuit noire pour se carapater avant que la gîte excessive alerte les autres classes ! ».

Qu’une partie importante des classes dirigeantes soit arrivée à la conclusion que, si elles « voulaient survivre à leur aise, il ne fallait plus faire semblant, même en rêve, de partager la terre avec le reste du monde »

Et MEDIAPART pour renforcer cette accusation cite :

«  l’article traduit dans le numéro 7 de la Revue du Crieur. Celui-ci montre que les ultrariches de la Silicon Valley ou des startups new-yorkaises, pourtant censés afficher leur confiance en l’avenir technologique de l’homme, commencent en réalité à stocker vivres et munitions, à acheter des terrains reculés, à se faire construire des bunkers de luxe et à se faire opérer des yeux pour survivre dans un monde où l’on ne pourra pas acheter ses lentilles de contact en bas de chez soi… »

Pour lui il semble donc que le déni climatique, la dérégulation économique et financière soient 3 faces de la même réalité.

<Le journal Les inrocks> lui pose la question qui vient naturellement concernant le complotisme de cette hypothèse :

« Vous estimez que les élites ont abandonné l’idée de monde commun. Elles auraient saisi la réalité des alertes sur le réchauffement et en seraient arrivées à la conclusion qu’il n’y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. Elles auraient alors mis en place une stratégie de dénégation du changement climatique pour déréguler et s’accaparer plus de richesses. Assumez-vous l’accent complotiste d’une telle théorie ?

Oui, cela peut sentir la théorie du complot, mais vous savez, le problème, c’est que les complots sont parfois exacts. Et en plus, celui là est au grand jour. Hier encore le ministre de l’environnement de Donald Trump a suspendu la seule mesure un peu ferme qu’avait pris Barack Obama pour diminuer les émissions étatsuniennes de CO2. Il ne s’agit pas ici d’un complot souterrain que j’aurais inventé mais d’une décision publique qui confirme exactement ce que je dis : la seule politique cohérente du gouvernement Trump – tout le reste est complètement chaotique – c’est l’organisation du déni climatique. C’est quand même très impressionnant. L’argument de l’abandon de la solidarité par les élites, là, j’avoue, je n’ai pas de preuves directes que cela a un lien avec la réalisation de la crise écologique. »

Bruno Latour affirme ainsi dans plusieurs interventions :

« Les super-riches ont renoncé à l’idée d’un monde commun »

Vous pourrez aussi lire cet entretien publié par « L’Obs » : Réchauffement climatique : le “J’accuse” de Bruno Latour

J’en tire les extraits suivants :

« C’est un réquisitoire cinglant. Le dernier essai de Bruno Latour s’appelle «Où atterrir?». Et dès les premières pages, le philosophe s’interroge sur l’étrange passivité de l’humanité devant le réchauffement climatique. […]

Plus grave encore au regard des normes actuelles du débat public: Latour prend la défense du peuple, y compris quand celui-ci se détourne de la mondialisation, se met à avoir peur, réclame un sol, une tradition, une identité… Latour, universitaire globe-trotter et citoyen du monde, virerait-il populiste? Non. Simplement, écrit-il, il faut avant de juger se rappeler que «ce peuple a été froidement trahi», qu’il a été «abandonné en rase campagne» par ceux qui avaient la charge de maintenir le monde commun. A l’oral, recevant «l’Obs», il est encore plus cash.

“Ma proposition est la suivante: au lieu d’accuser les gens d’être des réactionnaires ou des populistes, d’être des connards, on devrait leur dire que, oui, c’est vrai, on s’est mal orienté.»”

Il a une façon très drôle de prononcer «connard», imitant le mépris de classe qui suinte de tant de discours actuels sur les classes populaires. Dans son livre, il lui arrive d’avoir la dent très dure avec ces «super-riches» qui vivent «hors-sol», accumulant les miles à forcer de sillonner la planète…

[…]

Le Moderne s’est placé en surplomb de la nature et aujourd’hui, celle-ci se venge. Son essai, qui sort cette semaine, prend le temps d’expliquer ce retournement:

“Voilà que sous le sol de la propriété privée, de l’accaparement des terres, de l’exploitation des territoires, un autre sol, une autre terre, un autre territoire s’est mis à remuer, à trembler, à s’émouvoir», écrit-il avec son style imagé.»”

[…]

A l’étranger, son œuvre jouit depuis longtemps d’une influence immense. Un classement en a fait le dixième penseur le plus cité au monde. L’Allemand Peter Sloterdijk, la Belge Isabelle Stengers (qui a popularisé le thème de Gaïa), l’Américaine Donna Haraway (auteur du «Manifeste cyborg») ou l’ethnopsychiatre français Tobie Nathan se sont nourris de ses travaux. »

Il y a aussi l’entretien de Bruno Latour dans Libération : «Avec le réchauffement, le sol se dérobe sous nos pieds à tous» publié en mars 2018

Dans cet article l’attitude de Trump de sortir de l’accord de Paris est analysé comme une clarification des positions :

«Le détonateur du livre est la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris, le 1er juin 2017. Pour la première fois, un gouvernement assume le fait que l’humanité se sépare désormais en deux, que «nous, les nantis, n’appartenons pas à la même Terre que vous, et que vous mourrez avec elle». En quoi cette décision nous aide-t-elle à définir un cap politique ?

Les hommes politiques ont longtemps maintenu une hypocrisie de façade, personne n’avait osé rompre ainsi. On reconnaissait qu’il y avait des problèmes écologiques, mais on disait que le développement allait continuer et qu’il serait partagé, à terme, avec tout le monde. Or c’est la première fois que le pays le plus responsable de cette situation, avec l’Europe et la Chine, dit «non, nous ne partagerons pas, ce qui vous arrive ne nous arrive pas». Cela a permis, au moins, de mettre la question écologique au centre de la politique. »

Vous pourrez trouver encore de nombreux éclaircissements sur cette réflexion :

Quoi de mieux que d’aller à la source : une conférence de Bruno Latour de 1h43 à l’AGORA DES SAVOIRS : <Bruno Latour – Où atterrir ? : Comment s’orienter en politique>

<Et puis ce remarquable entretien dans la Revue Esprit>

Il y a aussi ces deux émissions de France Culture : <Objectif Terre !> et <Bruno Latour, le nouveau régime climatique> dans laquelle est également évoqué le livre « L’entraide. L’autre loi de la jungle – Pablo Servigne et Gauthier Chapelle » qui a déjà fait l’objet d’un mot du jour : le 18 décembre 2017

Il peut aussi être intéressant de lire ce billet de blog qui critique le livre de Bruno Latour : «  Faut-il monter dans l’avion de Bruno Latour ? »

<1187>

Jeudi 6 décembre 2018

« C’est une crise de la représentation démocratique dans toutes les démocraties occidentales »
Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine

L’invité des matins de France Culture du 4 décembre 2018 pour essayer expliquer la situation actuelle de la France était Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine. Et son propos le plus marquant fut celui-ci :

« C’est une crise de la représentation démocratique dans tous les pays occidentaux »

Dans <L’Esprit Public d’Emily Aubry de ce dimanche>, un des invités, François Xavier Bellamy a eu le même constat :

« Une crise très profonde de la représentation politique »

<L’émission Du grain à moudre du 4 décembre> avait invité Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature de 2002 à 2006 et auteur du livre « Radicaliser la démocratie : proposition pour une refondation » paru aux Editions du Seuil en 2015

Et Dominique Rousseau a encore souligné cette crise-là : la crise de la représentation démocratique. Et pour illustrer son propos il a même fait appel au grand révolutionnaire Sieyès :

« La crise que l’on connaît c’est l’épuisement d’une forme représentative de la démocratie. Toutes les formes représentatives de la démocratie. Sieyès disait «  Le peuple ne peut vouloir, ne peut agir et ne peut parler que par ses représentants ». On vivait là-dessus depuis 1789. Ce n’est plus le cas. Le Peuple dit, nous voulons parler par nous-même, en dehors de la parole des représentants. »

Quand on cite un glorieux ancien, je m’efforce toujours d’aller vérifier. Sieyès a tenu ces propos lors d’un Discours tenu le 7 septembre 1789 devant l’Assemblée Nationale constituante. La question abordée était celle du véto du Roi. La citation de Dominique Rousseau est extraite du paragraphe suivant :

« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

Toujours se méfier des citations. Bien sûr cette phrase est prononcée au tout début de la révolution. Le pouvoir est encore partagé entre l’Assemblée et le Roi. Le Roi qui était entré sans sa royauté par la croyance d’un Roi de droit divin !

Toujours est-il que dans ce paragraphe Sieyès oppose clairement le principe représentatif et la démocratie. Il ajoute aussi cette phrase énigmatique : « La France ne saurait être une démocratie. » Pourquoi ? Peut-être parce qu’elle est trop vaste pour pratiquer la démocratie directe qui semble donc, si l’on comprend bien l’idée de Sieyès, la seule vraie forme de la démocratie.

Mais Sieyès est surtout connu pour une autre phrase beaucoup plus célèbre

« Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.
Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.
Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »

Cette phrase se situe dans l’introduction de « Qu’est-ce que le Tiers-État ? », un pamphlet publié par l’abbé Sieyès en janvier 1789 en prélude à la convocation des États généraux. Sieyes y présente et critique la situation du moment, et indique les réformes souhaitables, notamment que le vote de chaque ordre se fasse proportionnellement à sa représentativité réelle dans la nation (évidemment favorable au Tiers-État, qui représente près de 98 % des Français). Il donne les prémices de l’avènement d’une assemblée nationale constituante.

Cela me semble assez proche de l’esprit exprimé par celles et ceux que nous appelons « les gilets jaunes » qui ne sont certainement pas 98% des français mais sont une part très importante de la population et une part qui est devenu assez invisible dans les institutions et les médias selon l’expression de Pierre Rosanvallon.

D’ailleurs Dominique Rousseau cite aussi Rosanvallon et cette explication de la révolte :

« Les “gilets jaunes” sont les forces vives de la nation, pour reprendre les mots de De Gaulle. C’est eux qui font vivre le pays. Et ils sont, comme disait Rosanvallon, invisible. Ou du moins ils l’étaient jusqu’à présent parce qu’on parlait en leurs noms. Les « gilets jaunes » sont tout dans le pays car c’est eux qui font le boulot. Ils ne sont rien dans les institutions. »

Pierre Rosanvallon qui avait écrit en 1998 un livre « Le peuple introuvable : histoire de la représentation démocratique en France» dans lequel il a souligné que si la démocratie a proclamé la souveraineté du peuple, mais que ce qui est advenu c’est une société d’individus. Et ainsi s’il peut être envisageable de représenter un peuple, il est compliqué de vouloir représenter une collection d’individus.

Une collection d’individus…

Lorsque Emmanuel Macron a été élu, nous étions dans cette crise de la représentation. Les partis politiques de gouvernement étaient rejetés. A ce rejet s’est ajouté un concours de circonstance qui a permis à ce jeune homme brillant et intégré dans la mondialisation d’être élu.

Il n’aura donc pas fallu longtemps pour que le mouvement que le jeune homme a créé et qui devait incarner la nouveauté, le nouveau monde, se trouve, à son tour, dans la tourmente et le rejet.

Mais la représentation est aussi normalement incarné par les corps intermédiaires que sont les syndicats et les médias qui eux aussi font l’objet de la plus grande méfiance du grand nombre.

En outre, cette crise des syndicats qui étaient déjà fragiles en raison du nombre très restreint d’adhérents a encore été accentuée par le jeune Président qui n’a pas souhaité les intégrer dans le processus de décision, persuadé qu’il connaissait le chemin à suivre par sa seule intelligence et son savoir.

Le mouvement actuel ne tient aussi aucun compte de ces corps intermédiaires.

La crise de la représentation est révélée par les faiblesses même du mouvement des gilets jaunes incapable de désigner des représentants ou après les avoir désignés, les récuse. Certains porte-paroles ont même expliqué qu’ils étaient menacés physiquement s’ils acceptaient de se rendre à des réunions de négociation avec les autorités politiques.

Une collection d’individus…

Mais, je crois surtout qu’il ne faut pas se polariser sur la France et la personnalité de Macron qui joue certes un rôle dans ces évènements mais qui n’est pas central.

Car comme le dit Jean Garrigues : « C’est une crise de la représentation démocratique dans toutes les démocraties occidentales ».

Toutes…

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés

Comment a été élu Donald Trump ?

Il s’est emparé du Parti Républicain à la hussarde contre la volonté de tous les dirigeants du Parti. D’ailleurs, lors des primaires il en vaincu plus de 10 qui étaient des représentants éminents, anciens et expérimentés du Parti. Puis il a vaincu la représentante du Parti Démocrate.

Plus récemment, un autre énergumène a profité de la crise de la représentation et du discrédit des Partis Politiques et notamment du Parti des travailleurs de Lula pour s’emparer du pouvoir. Il s’agit de Jair Bolsonaro.

Et l’Italie ? Les élites économiques et politiques avaient cru trouver leur champion en Matteo Renzi. Aujourd’hui c’est un leader d’extrême droite qui est au pouvoir, du moins qui monopolise la parole du pouvoir : Matteo Salvini.

C’est très inquiétant parce que l’Italie est un laboratoire qui fait office de précurseur et réalise les choses avant les autres.

Ils ont été les premiers à se débarrasser des grands Partis : la Démocratie chrétienne, le Parti communiste italien, le Parti socialiste. Puis c’est un milliardaire, spécialiste des médias bien avant Trump qui s’est emparé du pouvoir exécutif. Puis le « cercle de la raison » a vu émerger et soutenu Matteo Renzi, comme elle l’a fait pour Macron. Et c’est l’extrême droite qui est venu et on ne voit pas bien ce qui va venir après.

Dans le monde, les partis qui continuent à pouvoir prétendre à un soutien relativement solide des électeurs qui votent (je suis prudent et ne parle pas de peuple) sont des partis qui se sont donnés à un homme fort et autoritaire : Erdogan en Turquie, Orban en Hongrie, Poutine en Russie.

Des leaders qui font la part belle au nationalisme et à la xénophobie ou au moins insiste sur le danger extérieur pour renforcer leur pouvoir à l’intérieur.

La Grande Bretagne, le pays qui a inventé la démocratie moderne est aussi dans la tourmente.

L’Allemagne qui n’a pas inventé la démocratie, malgré ses grands philosophes, est aussi en difficulté du point de vue des partis de la représentation politique.

Alors il en est certain qui rêve à une démocratie directe plus active, notamment grâce aux outils numériques et modernes.

Peut-on vraiment croire à cette évolution ?

Certainement pas si on continue à rester des collections d’individus, des collections de consommateurs.

Seuls des citoyens, attachés à la chose publique peuvent faire fonctionner des institutions et une démocratie.

Mais la démocratie porte en elle l’aspiration à l’égalité des citoyens. Égalité politique qui peut accepter une certaine dose d’inégalité économique mais pas l’inégalité qui aujourd’hui se développe et fait diverger toujours davantage le destin des hommes, dans nos civilisations occidentales. Or le jeune Président avait pour ambition de faire entrer davantage la France dans la mondialisation et donc d’augmenter encore les inégalités entre français alors que jusqu’à présent notre système social malade et fragile continuait à nous préserver des dérives anglo-saxonnes.

Alors bien sûr quand on veut taxer le carburant de gens qui n’ont pas de marges de manœuvres financières… Pour qui le carburant est nécessaire pour aller travailler et bien plus que cela nécessaire pour avoir encore des espaces de liberté

Aurélie Filipetti dans l’émission l’Esprit Public citée en début d’article a eu cette belle phrase : « Tous leurs désirs nécessitent du carburant », pour retrouver un ami, emmener les enfants au sport, pour aller consommer etc..

Alors c’est compliqué, indécent serait plus juste, de leur demander de porter la charge de la transition écologique quand ces gens entendent que l’ex PDG de Nissan, Carlos Ghosn, faisait le tour du monde en avion plusieurs fois par semaine. On parle de l’avion personnel de cet homme. A-t-il payé cet avion ? Et même le kérosène, le carburant non taxé des avions, cet homme riche le payait-il de ses deniers propres ?

Bien sûr que non.

Vous savez bien que personne n’a jamais serré la main d’une personne morale, je veux dire d’une entreprise, mais à la fin c’est toujours elle qui paie la note. Pour des gens comme Carlos Ghosn.

Je suis persuadé que le principal problème de la crise de la représentation démocratique provient de la trahison et de la sécession de la plus grande partie des élites qui ne sentent plus de destin commun avec les gens simples. Ils veulent vivre dans un monde aseptisé de luxe où ils ne rencontrent les gens modestes que lorsqu’ils sont à leur service.

<1162>


Mardi 4 décembre 2018

«Le coco fesse des Seychelles est menacé à cause du braconnage»
Divers articles dont celui de Sciences et Avenir mis en lien

Mon neveu Grégory qui est un lecteur du mot du jour et qui est aussi un esprit subtil et clairvoyant, m’a dit un jour : « Finalement ce qui est bien pour toi, c’est que tu écris ton mot du jour sur le sujet que tu choisis sans demander de compte à personne, dans une souveraine liberté ».

Il n’a pas exactement utilisé ces mots, mais c’était bien l’esprit de son propos.

En effet, personne ne me contraint à traiter un sujet en particulier.

Si on écoute la radio, regarde la télévision, lit les journaux français et internationaux, il semblerait qu’il y a un sujet en France qui semble être au premier plan.

Il me semble qu’au départ de ce trouble, il était question d’un problème écologique.

Les questions écologiques sont aujourd’hui multiples sur notre planète.

Et j’ai donc, en toute liberté, décidé d’en traiter un qui concerne la biodiversité.

Le cocotier de mer (Lodoicea maldivica) est une espèce de palmier qui produit la plus grosse graine du règne végétal et qui ne pousse qu’aux Seychelles.

Jusqu’à peu je ne connaissais pas son existence. Je ne suis pas allé aux Seychelles. Oui je confesse que je tente de limiter mon impact carbone.

Mais à quoi ressemble cette graine ?

Voilà, c’est cette graine ou ce fruit.

Et des esprits orientés, probablement du genre male ont appelé ce fruit : « coco fesse ».

<Wikipedia> nous apprend, qu’aux Seychelles d’autres noms vernaculaires sont utilisés pour désigner ce fruit : coco jumeau, coco indécent et cul de négresse

La première fois qu’un occidental a aperçu ce fruit étonnant il l’avait trouvé en mer ou sur une plage. On ne savait pas sur quel arbre il poussait :

« La première mention botanique de ce palmier vient d’un médecin botaniste portugais, Garcia de Orta, qui en 1563, le nomme coco das Maldivasn. À cette époque, ces grosses noix de coco pouvaient être trouvées en mer dans l’Océan Indien et sur les plages des Maldives, de l’Inde et du Sri Lanka.

Rares, de forme pour le moins suggestive et d’origine inconnue, ces noix avaient tout pour susciter l’imagination débridée des hommes. On les nomma en conséquence cocos de mer ou cocos de Salomon pour évoquer leur origine merveilleuse.

« Ne connaissant pas l’arbre qui le produisait, ne le pouvant découvrir, on avait imaginé que c’était le fruit d’une plante qui croissait au fond de la mer, qui se détachait quand il était mûr, & que sa légèreté faisait surnager au-dessus des eaux » (Pierre Sonnerat, Voyage à la Nouvelle Guinée, 1776).

En Inde, on attribuait à sa coque des propriétés de contrepoison (thériaque), très appréciées des « grands seigneurs de l’Indostan » qui l’achetaient à prix d’or. Les souverains des Maldives firent un négoce fructueux de sa noix avec des pays lointains comme l’Indonésie, le Japon et la Chine où elle était renommée comme plante médicinale. »

C’est une grosse noix verte, ovoïde, pouvant faire jusqu’à 50 cm de long. Le fruit fait en général 20−25 kg mais peut atteindre 45 kg. Avec plus de 25 kg, c’est la graine la plus lourde du règne végétal

Et c’est donc un article de <Sciences et Avenir> qui nous enseigne sur la menace qui porte sur ce fruit qui est très convoité pour des raisons peu convaincantes.

L’article nous donne d’abord le procédé de braconnage et le résultat :

« Le procédé est toujours le même : les braconniers se fraient un chemin dans la forêt tropicale et montagneuse de l’île seychelloise de Praslin :

Les braconniers coupent le coco de mer et repartent sans laisser de trace. À part une cicatrice qui longtemps défigure son arbre amputé.

Depuis le début de l’année, une quarantaine de cocos de mer, gigantesques noix de coco surnommées “coco fesse” pour leur forme suggestive, ont disparu dans la vallée de Mai, classée au patrimoine de l’Unesco. La moitié a été dérobée sur le seul mois d’octobre 2014. »

Nous apprenons qu’il ne présente pas d’intérêt gastronomique :

« Moins sucré que la noix de coco classique, et difficile à fendre une fois arrivé à maturité, il [n’est] pas utilisé dans la gastronomie. »

Sciences et Avenir rappelle l’Histoire :

« Le coco de mer fait l’objet de convoitises depuis des siècles à des milliers de kilomètres de l’archipel de l’océan Indien: mystifié jusqu’en Europe ou en Asie, il passait dès le 16e siècle pour avoir des vertus curatives exceptionnelles.

À l’origine, on pêchait la noix à la dérive en pleine mer, ou on la trouvait échouée sur des plages de l’océan Indien.

Ne l’ayant jamais vue pousser sur terre, les marins pensaient qu’elle provenait d’arbres enracinés dans les fonds marins – d’où son nom, coco de mer.

Ce n’est qu’au 17e siècle que le lieu d’origine du fruit géant, en forme de bassin féminin, d’une vingtaine de kg, fut déterminé : l’île de Praslin. »

Et l’actualité :

« Un regain d’intérêt pour le coco de mer est survenu après l’indépendance des Seychelles, en 1976, et “le développement de l’industrie du tourisme”, explique Victorin Laboudallon, membre du conseil de la Fondation des îles Seychelles (SIF), qui gère la Vallée de Mai. Un engouement lié à sa forme et à des pseudos vertus aphrodisiaques

Le fruit, récemment offert au jeune couple princier de Kate et William lors de leur voyage de noces, est prisé pour son côté décoratif, mais aussi, en Asie, en particulier en Chine, pour ses soi-disant effets aphrodisiaques, associés à sa forme suggestive.

En 2008, deux “cocos fesse” avaient atteint les prix de 6.000 et 11.000 euros lors d’enchères chez Christie’s à Paris.

L’engouement pour cette noix unique atteint une telle proportion qu’en 1978, les autorités décidèrent d’en contrôler le commerce: les Seychellois ne pouvaient plus la vendre qu’au gouvernement, qui la revendait accompagnée d’un certificat. »

Les habitants, (qui doivent avoir des gênes de français réfractaires) ont protesté auprès des autorités et bien sûr la taxe l’interdiction a été levée, mais l’exportation du fruit reste ultra-réglementée.

Mais tout ceci a aussi entraîné du braconnage et cette espèce végétale est désormais menacée :

« Au prix (450 dollars le kg) où se négocie sur les marchés asiatiques ce fruit introuvable hors de Praslin et d’une autre île seychelloise, Curieuse, la contrebande fait cependant rage.

Et, avec quelque 17.000 arbres recensés à Praslin et 10.000 autres à Curieuse, l’espèce est désormais jugée menacée: l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) l’a inscrite sur sa liste rouge en 2011.

Pour tenter d’enrayer le phénomène, et mieux surveiller les 19 hectares de forêt où se nichent les “cocos fesse”, la SIF a augmenté ces dernières années le nombre de gardiens. Mais le terrain accidenté et l’absence d’enclos rendent leur tâche ardue.

Avant on pouvait voir près de 75 cocos sur un arbre, maintenant il y en a juste 25, déplore M. Laboudallon. Les arbres ne donnent pas autant de fruits qu’avant car quand on coupe un coco, cela l’affecte, et il ne produit plus autant. »

Aux Seychelles, le problème du braconnage est pris d’autant plus au sérieux que le coco de mer est un symbole national. Il figure même sur les armoiries du pays. Et, nous apprenons qu’une machine sophistiquée vérifie les valises et détecte les « cocos-fesses » dans les valises :

« Contre l’exportation illégale du fruit, Victoria a installé “une machine radiographique à l’aéroport qui vérifie toutes les valises qui quittent le pays”, assure Ronley Fanchet, directeur de la Conservation au ministère de l’Environnement. »

Pour être complet, il faut aussi montrer l’inflorescence mâle ou fleur mâle de cet étonnant arbre Lodoicea maldivica

Que conclure de tout cela ?

D’abord que la nature renferme des curiosités pleines de malices.

Que dès qu’homo sapiens sent l’odeur de l’argent, il devient dangereux pour la nature.

Enfin qu’homo sapiens est très préoccupé par sa libido et que cette inclination qui souvent devient faiblesse, l’entraine à devenir très stupide. Car bien sûr ce fruit n’a aucun effet aphrodisiaque pas davantage que la corne de rhinocéros.

<1160>

Mardi 2 octobre 2018

« Par rapport aux autres animaux, cela fait longtemps que les humains sont devenus des dieux. Nous n’aimons pas y penser trop sérieusement parce que nous n’avons pas été des dieux particulièrement justes ou miséricordieux. »
Yuval Noah Harari « Homo deus » page 85

Il n’est pas question pour moi de faire un résumé du livre, d’autres l’ont fait : https://www.beseven.fr/resume-detaille-homo-deus/amp/

Ma démarche consiste à aborder les questions et les développements qui m’ont interpellés et pour lesquels Harari m’a soit appris quelque chose ou m’a permis de me poser des questions nouvelles.

Je disais hier que pour entrer dans un ouvrage comme « Homo deus » il fallait commencer par la table des matières.

Il y a donc 3 parties :

  • Partie I – Homos sapiens conquiert le monde
  • Partie II – Homo sapiens donne sens au monde
  • Partie III – Homo sapiens perd le contrôle

Ces trois parties étant précédées par une introduction : Le nouvel ordre du jour humain

Pour Luc Ferry que j’ai cité dans le mot d’hier ces trois parties constituent un simple plagiat d’Auguste Comte selon laquelle l’humanité serait passée par « trois états » : religieux, métaphysique et « positif » (scientifique) et que l’histoire occidentale se partagerait ainsi en trois âges : l’âge théologique où les principes qui définissent la morale et le sens de la vie venaient de Dieu ; l’âge métaphysico-humaniste, inauguré par Rousseau, qui entérinerait le retrait du divin en s’efforçant de situer toute autorité dans le cœur de l’homme, dans son libre arbitre et la sensibilité de son « moi profond ».

A ces remarques, je réponds que d’abord Harari n’est pas un chercheur mais un historien. Il n’invente ou ne trouve rien mais se sert des recherches, des inventions, des théories que d’autres ont élaboré pour en faire une synthèse et pour en tirer des problématiques et des questions.

Ensuite, c’est une vaste blague de dire qu’entre Auguste Comte et Yuval Noah Harari, il n’y a pas une accumulation de connaissances et de découvertes qui ont enrichi la réflexion de l’historien israélien pour présenter sa vision de l’évolution de notre espèce.

Car, c’est la grande force d’Harari de ne pas entrer dans cette aventure, cette histoire par la philosophie qui part d’un postulat donnant à l’homme une dimension, une destinée, une valeur dans le monde du vivant très supérieure à tous les autres êtres vivants.

Pour Harari, l’ « HOMME » est avant tout « homo sapiens », un mammifère, un cousin du singe qui était au départ faible, proie de prédateurs plus puissants que lui, et qui au fur à mesure de son évolution a colonisé la planète terre en créant des civilisations extraordinairement sophistiquées mais en même temps a détruit les ressources de la planète et éliminé en masse d’autres espèces de manière involontaire et surtout de manière inconsciente.

<Le mot du jour du 29 juin 2017> citait le livre «L’arbre de la science » qu’Eugène Huzar écrivait en 1857, au début de l’ère industrielle et qui lançait cette mise en garde :

«L’homme, en jouant ainsi avec cette machine si compliquée, la nature, me fait l’effet d’un aveugle qui ne connaîtrait pas la mécanique et qui aurait la prétention de démonter tous les rouages d’une horloge qui marcherait bien, pour la remonter à sa fantaisie et à son caprice. »

Mais l’expression d’une crainte d’un homme du XIXème siècle peut encore être considérée comme une peur irrationnelle du progrès, de l’inconnu et peut être même un conservatisme paralysant.

Mais quand Luc Ferry, cherche désespérément des références livresques pour filtrer la narration de « Sapiens » ou d « Homo deus » et donner son avis critique, je ne peux m’empêcher de penser à ces savants théologiens qui répondaient, jadis, à toute question par des références bibliques et des arguties rhétoriques.

Méthode à laquelle Galilée aurait répondu selon mon professeur d’Histoire, Girolamo Ramunni :

« Je cherche les réponses à mes questions dans le grand livre de la nature, non dans les livres sacrés »

Car oui la connaissance a augmenté depuis Auguste Comte, parfois le mot du jour a pu s’en faire l’écho :

Ainsi quand Franz de Waal pose cette question et ose cette réponse : « Est-ce que l’homme est plus intelligent que le poulpe ? On ne sait pas » <mot du jour du 28 juin 2017>

Ce grand scientifique qui a consacré une grande partie de sa vie à la recherche sur l’empathie des animaux, faisait le constat que chaque fois qu’on essaye de fixer une limite entre « homo sapiens » et les autres animaux terrestres, la limite est franchie dès que nos connaissances progressent par l’étude de l’univers animal.

Et dans le monde des vivants, au-delà des seuls animaux, nous apprenons comment vivent les végétaux sur terre. Peter Wohlleben nous donne à découvrir dans son merveilleux livre « La vie secrète des arbres », la communication, l’entraide de ces grands végétaux entre eux et avec d’autres organismes vivants de la forêt et dont l’âge pour certains se trouve dans des étalons de durée qui n’ont rien à voir avec ceux des humains : <mot du jour du 22 décembre 2017>

La première partie : «  Homos sapiens conquiert le monde » se divise en deux chapitres :

  • L’anthropocène
  • L’étincelle humaine

Le chapitre « L’anthropocène » commence ainsi :

« Par rapport aux autres animaux, cela fait longtemps que les humains sont devenus des dieux. Nous n’aimons pas y penser trop sérieusement parce que nous n’avons pas été des dieux particulièrement justes ou miséricordieux.

[…] allez voir un film de Disney ou lisez des contes de fées : vous en retirerez facilement l’impression que la planète terre est surtout peuplée de lions, de loups et de tigres qui sont à égalité avec nous, les humains. […]

Combien de loups vivent aujourd’hui en Allemagne, le pays des frères Grimm, du Petit Chaperon rouge et du Grand Méchant Loup ? Moins de 100. […] En revanche, l’Allemagne compte 5 millions de chiens domestiques. Au total, près de 200 000 loups sauvages écument encore la terre contre 400 000 000 chiens domestiques, 40 000 lions contre 600 000 000 chats domestiques, 900 000 buffles africains contre 1,5 milliard de vaches ; 50 millions de pingouin et 20 milliards de poulets » (p.85).

Après ces énumérations et quantifications, Harari émet des hypothèses sur les fondements de nos mythes monothéistes qui sont apparus historiquement en même temps que la révolution agricole.

« Les données anthropologiques et archéologiques indiquent que les chasseurs-cueilleurs archaïques étaient probablement animistes : ils croyaient qu’il n’y avait par nature pas de fossé séparant les hommes des autres animaux. Le monde […] appartenait à tous ses habitants et tout le monde suivait un ensemble commun de règles. Ces règles impliquaient des négociations permanentes entre tous les êtres concernés. […]

La vision animiste du monde guide encore certaines communautés de chasseurs-cueilleurs qui ont survécu jusque dans les Temps modernes.

L’une d’elles est celle des Nayak, qui vivent dans les forêts tropicales de l’Inde du Sud. L’anthropologue Danny Naveh, qui les a étudiés plusieurs années, rapporte que lorsqu’un Nayak marchant dans la jungle rencontre un animal dangereux – un tigre, un serpent ou un éléphant – il peut s’adresser ainsi à lui : « Tu vis dans la forêt. Moi aussi. Tu es venu manger ici, et moi aussi je suis venu ramasser des racines et des tubercules. Je ne suis pas venu te blesser »

Un jour, un Nayak s’est fait tuer par un éléphant mâle, qu’ils appelaient « l’éléphant qui marche toujours tout seul ». Les Nayak ont refusé d’aider les hommes des services forestiers indiens à le capturer. Ils ont expliqué à Naveh que cet éléphant était très proche d’un autre mâle avec lequel il vagabondait toujours. Un jour, le service forestier a capturé le second éléphant, et « l’éléphant qui marche toujours tout seul » est devenu furieux et violent. « Que ressentiriez-vous si on vous enlevait votre épouse ? C’est exactement ce que ressentait cet éléphant.» […]

Beaucoup de peuples industrialisés sont totalement étrangers à cette perspective animiste. Aux yeux de la plupart d’entre nous, les animaux sont foncièrement différents et inférieurs. La raison en est que même nos traditions les plus anciennes sont nées des milliers d’années après la fin de l’ère des chasseurs cueilleurs. L’Ancien Testament, par exemple a été écrit au premier millénaire avant notre ère et ses récits les plus anciens reflètent les réalités du deuxième millénaire. Au Moyen-Orient cependant, l’ère des chasseurs-cueilleurs s’est terminée plus de 7 000 ans auparavant. Il n’est donc guère surprenant que la Bible rejette les croyances animistes et que son seul récit animiste apparaisse au début, comme un sombre avertissement. […Dans la Bible] la seule fois où un animal engage la conversation avec un homme, c’est lorsque le serpent incite Eve à goûter au fruit défendu de la Connaissance. (L’ânesse de Balaam dit aussi quelques mots, mais elle ne fait que lui transmettre un message de Dieu).

Au jardin d’Eden, Adam et Eve fourrageaient. L’expulsion du paradis frappe par sa ressemblance avec la révolution agricole. Au lieu de permettre à Adam de cueillir les fruits sauvages, un Dieu en courroux le condamne à « gagner son pain à la sueur de son front ». Que les animaux bibliques n’aient parlé aux humains qu’à l’époque préagricole de l’Eden n’est sans doute pas un hasard.

Quelles leçons la Bible tire-t’elle de cet épisode ?

Qu’il ne faut pas écouter les serpents, et qu’il vaut généralement mieux éviter de parler aux animaux et aux plantes. Cela ne conduit qu’au désastre.

L’histoire biblique contient pourtant des couches de sens plus profondes et plus anciennes. Dans la plupart des langues sémitiques, « Eve » signifie serpent ou femelle du serpent. Notre mère biblique ancestrale cache donc un mythe animiste archaïque suivant lequel les serpents ne sont pas nos ennemis mais nos ancêtres. Pour maintes cultures animistes, les humains descendent des animaux y compris des serpents et autres reptiles. La plupart des Aborigènes d’Australe croient que le serpent Arc-en-ciel a créé le monde. […] En fait les Occidentaux modernes croient eux aussi qu’ils sont issus de reptiles par l’évolution. Le cerveau de chacun d’entre nous est construit autour d’un noyau reptilien, et la structure de notre corps est au fond celle de reptiles modifiés.

Les auteurs du livre de la Genèse ont eu beau préserver un reliquat de croyances animistes archaïques à travers le nom d’Eve, ils ont pris grand soin d’en dissimuler toutes autres traces. Loin de descendre des serpents, dit la Genèse, les humains ont été créés par Dieu à partir de la matière inanimée. Le serpent n’est pas notre ancêtre, il nous incite à nous rebeller contre notre Père céleste. Alors que les animistes ne voyaient dans les humains qu’une autre espèce d’animal, la Bible plaide que les hommes sont une création unique, et toute velléité de reconnaître l’animal en nous nie nie la puissance et l’autorité de Dieu. » (Pages 86 à 92).

Et Harari achève sa démonstration en rappelant la négation de Darwin par les religions monothéistes et aussi la rupture avec Dieu des hommes convaincus par le récit darwinien :

« Quand les humains modernes ont découvert qu’ils descendaient effectivement des reptiles, ils se sont rebellés contre Dieu et ont cessé de l’écouter, ou même de croire en son existence. » (P 92).

Au bout de ce développement, la question que je me pose est de savoir si finalement l’invention par homo sapiens des religions monothéistes n’a pas eu comme première fonction de séparer homo sapiens des autres animaux afin de pouvoir justifier sa toute-puissance à l’égard des animaux et d’en faire de simples objets de possession dont l’homme pouvait faire ce que bon lui semblait.

Car si l’homme a été créé par Dieu et fait à son image, c’est donc que sapiens porte en lui une divinité qui lui permet d’agir comme un démiurge sur tout le reste du vivant sans tenir aucun compte de ces êtres qui sont sur bien des points semblables à lui. Homo deus était déjà en route.

Je me souviens de Boris Cyrulnik qui a raconté lors d’une émission que lors de ses études de médecine, on lui avait demandé de disséquer une grenouille vivante et que la grenouille criait. Cyrulnik en a fait part à son professeur qui surveillait l’expérience et qui lui a répondu : « mais non la grenouille ne sent rien. C’est comme votre vélo quand il crisse, il ne souffre pas »

Tant de certitudes, d’aveuglement et de cruauté nous laissent aujourd’hui sans voix.

Oui ! l’homme n’a pas été et n’est toujours pas pour les animaux un dieu juste et miséricordieux

<1121>

Vendredi 14 septembre 2018

« Changer d’histoire pour changer l’Histoire »
Cyril Dion – Chapitre 3 du livre : « Petit manuel de résistance contemporaine »

Beaucoup d’émissions très intéressantes ont été diffusées ces dernières semaines sur le sujet du défi écologique qui se pose à l’espèce humaine.

Une première « Economie / écologie l’impossible conjugaison ? » du 1er septembre 2018 dans laquelle l’invité Gaël Giraud a rappelé cette évidence :

« Le dérèglement climatique est un problème créé par les riches dont les premières victimes sont les pauvres. »

Et puis une deuxième : « Comment rendre crédible la catastrophe écologique ? » du 8 septembre 2018, dans laquelle étaient invités la journaliste Jade Lindgaard qui insistait sur les initiatives locales (l’économie sociale et solidaire, les AMAP, l’agriculture biologique), Yves Cochet ancien ministre de l’Environnement de Jospin, et le philosophe Dominique Bourg qui faisait ce constat :

« Ça fait des siècles qu’on a dit aux gens qu’on dominait la nature, que le progrès était forcément linéaire et absolument cumulatif. Après on leur a raconté que l’économie pouvait permettre de tout comprendre et qu’il n’était pas question de nature parce que toute la technique était là pour la biffer et s’y substituer… Ça fait des siècles qu’on raconte ce genre d’âneries, vous n’attendez quand même pas, parce qu’il y a un soubresaut climatique, que les gens vont remettre ça en cause ! »

Et aussi une troisième ou au moins la première moitié de l’émission Esprit Public de dimanche dernier qui portait pour titre humoristique : « La vacance de Monsieur Hulot ». La seconde partie était consacrée à la Chine pour laquelle on apprenait que pour réaliser son ambition projet « Les routes de la Soie » elle envisageait de construire une cinquantaine d’aéroports et d’autres infrastructures qui ne vont pas dans le sens d’une atténuation de l’impact écologique humaine.

A partir de ces 3 émissions, j’envisageais d’écrire un mot du jour de synthèse qui aurait eu pour exergue : « Entre le déni et le catastrophisme » pour démontrer que l’un comme l’autre conduisent à l’inaction, le premier parce qu’il amène les gens à penser qu’il n’y a rien à faire et le second parce que dans ce cas les gens se persuadent qu’il n’y a plus rien à faire. Ce contre quoi je m’insurge, l’Histoire n’est pas écrite.

Mais j’ai préféré finir cette semaine par un extrait du dernier livre de Cyril Dion, le réalisateur du film documentaire : « Demain ». J’y avais consacré le mot du jour du lundi 11 janvier 2016.

Ce livre s’intitule : « Petit manuel de résistance contemporaine »

J’y reviendrai peut-être plus longuement dans une série ultérieure.

Aujourd’hui je m’arrêterai au chapitre 3 qui s’intitule « Changer d’histoire pour changer l’Histoire » et dans lequel, il cite plusieurs fois Yuval Noah Harari.

Il prend comme exemple les réseaux sociaux modernes et notamment Instagram. Et, il compare un article qu’on appelle « Post » dans ce monde-là dans lequel Kim Kardashian appelle à acheter son nouveau gloss à paillettes et un autre où Greenpeace appelle à agir pour le climat.

Si on lit la biographie de Kim Kardashian elle est décrite comme une femme d’affaires, productrice, styliste et animatrice de télévision américaine. On ajoute c’est une personnalité médiatique.

Mais son vrai métier est d’être une influenceuse.

Elle porte une robe, et se prend en photo, elle exhibe un sac à main et se prend en photo, elle se met du rouge à lèvres et se prend en photo.

Puis elle met cette photo sur Instagram et rapidement deux millions d’internautes cliquent pour dire qu’ils aiment cette photo, ce sont des « like ». Et plus que cela, le produit avec lequel elle s’est fait prendre en photo, voit immédiatement une augmentation de ses ventes…

En face des 2 millions de like pour un post de K.K., celui de Greenpeace arrive péniblement à 10 000.

Yuval Noah Harari explique que la formidable capacité de coopérer d’homo sapiens, sa supériorité sur les autres espèces provient de son génie de créer des mythes, des fictions, des histoires qui fédèrent des groupes extrêmement vastes et les poussent à agir ensemble.

Nous sommes aujourd’hui dans la fiction que rien n’est plus important que la vie humaine et sa recherche du bonheur et du bien-être. Et que dans cette quête la consommation est un outil extraordinaire pour se faire du bien, se sentir mieux et réaliser sa vie. Et c’est cette histoire fictionnel qui pousse les femmes et les hommes à acheter des vêtements, des produits de beauté, des voitures, des voyages, des chaines hifi, des consoles de jeu, des repas gastronomiques, des objets Hi Tech et tant d’autres choses, en écoutant leurs désirs.

Et parce qu’une foule innombrable adhère à cette histoire, à cette fiction, Kim Kardashian peut être une influenceuse et gagner énormément d’argent avec cette activité… futile si l’on y songe vraiment.

Mais les fictions humaines évoluent et alors c’est encore une caractéristique des hommes ils considèrent la fiction précédente incompréhensible, une folie…

En l’année 1000, un père chrétien européen était fier que son fils choisisse de se « croiser », c’est-à-dire devenir « croisé » pour aller combattre en Palestine contre les infidèles musulmans, « libérer Jérusalem » et probablement mourir jeune, au combat ou même de maladie dans ces contrées lointaines. Il y avait un objectif, une quête qui correspondait à un mythe, une histoire.

Aujourd’hui, quand un père voit son fils embrasser la foi musulmane pour aller faire le jihad en Syrie ou dans un autre pays proche de la Palestine, pour y aller mourir pour sa Foi, il pense que son fils est fou. Ce n’est plus la fiction d’aujourd’hui pour ce père, ce n’est pas l’histoire à laquelle il croit et qui le fait avancer.

Alors, il faut changer d’histoire, pour que plus personne ne croit que la consommation rend heureux, que l’individualisme et le culte du moi sont des valeurs qui méritent autant d’attention de notre part.

Quand nous aurons trouvé ce nouveau récit, l’hyperconsommation, acheter un nouveau smartphone tous les ans, nous passionner pour la dernière keynote d’Apple nous paraîtra une folie comme se faire tuer pour aller libérer le tombeau fantasmé et mythique du Christ.

Alors, oui il faut « Changer d’histoire pour changer l’Histoire » de l’Humanité sur terre.

<1109>