Mardi 29 janvier 2019

« L’envers du décor »
Sonia Kronlund dans son émission “Les Pieds sur terre” du 28/01/2019 qui parle de la violence en cuisine

La France est fière de ses grands restaurants. La semaine dernière le nouveau Guide Michelin a été publié, des chefs ont perdu des étoiles et d’autres ont en gagné.

Parallèlement, on répète à satiété que c’est un gisement d’emplois et que les jeunes français ne se pressent pas pour occuper ce type d’emploi. Certains même prennent prétexte de ce fait pour dire que cela prouve bien que des gens se complaisent dans le chômage puisque lorsqu’il y a du travail, les postes ne sont pas pourvus.

Mais quelle est la réalité qui se cache en cuisine dans beaucoup de ces maisons ?

Hier, quand je me demandais quel mot du jour je pourrais bien partager aujourd’hui et j’écoutais France Culture en retournant à mon travail. C’était l’émission de Sonia Kronlund : « Les pieds sur terre », dont le titre était « L’envers du décor »

C’est une autre journaliste Pauline Maucort qui est allé à la rencontre de jeunes qui racontent la vie, les relations, l’ambiance dans les cuisines, ce sont 4 histoires.

Pauline Maucort a un cousin qui a le même âge qu’elle : Maxime.

Lorsqu’elle était au lycée, lui travaillait déjà.

Elle se souvient que pendant les fêtes, bien souvent toute la famille se déplaçait en Alsace, là où travaillait Maxime. C’était le seul moyen de passer avec lui les quelques heures qu’il avait entre les services. A l’époque Maxime était apprenti serveur et n’arrêtait jamais de travailler

Des horaires de fou, il avait juste un jour de congé par semaine, parfois deux par semaine mais c’était impossible de savoir lequel à l’avance, ce n’était jamais le même et jamais le weekend end, on y pensait même pas.

Une année, à Noël alors que Maxime n’avait aucun jour de congé, la famille avait décidé d’aller déjeuner dans le restaurant gastronomique où il travaillait. C’était une folie, mais tous se réjouissait de le voir dans le beau costume 3 pièces dont il était fier. Pourtant en arrivant, ce n’est pas lui qui les a placés.

Quand il a fini par apparaître, pour prendre la commandes des boissons, c’est à peine s’ils l’ont reconnu : il était tendu, livide, il ne souriait pas et ne semblait même pas les voir. Il s’exécutait professionnel avec un petit tremblement dans le menton qui n’échappait pas à sa cousine Pauline. Il n’était pas seulement concentré, il y avait quelque chose de pétrifié dans son attitude, son regard vide.

Plus tard Pauline comprendra que c’était la peur.

Pendant les dix ans pendant lesquels Maxime a travaillé dans la restauration, Maxime ne s’est jamais plaint.

Puis il a démissionné et il a changé de métier, C’est alors qu’il s’est mis à parler.

Vous en saurez plus en écoutant l’émission : « L’envers du décor ».

Mais il y a de nombreux articles consacrés à ce sujet :

Heureusement que cette réalité est désormais décrite et que des chefs réagissent comme l’écrit Ouest-France : « Violences en cuisine. Des chefs s’insurgent et protègent leurs commis »

Ma conclusion sera de nouveau une critique aux technocrates qui plutôt que de se plonger dans leurs tableaux excel et dans leurs statistiques et dire que les jeunes ne cherchent pas de travail, feraient mieux d’aller simplement voir à hauteur d’être humain, ils comprendraient mieux certaines réalités.

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Jeudi 11 février 2016

Jeudi 11 février 2016
«Derrière la polémique sur les 35 heures, les heures supplémentaires»
Les 35 heures sont à nouveau sur la sellette.
Mais enfin de quoi parle-t-on en réalité ?
L’histoire de l’économie est une histoire de l’amélioration de la productivité. Ce qui signifie qu’on produit davantage en moins de temps.
Par ailleurs le chômage est énorme et si certains pays parviennent, mieux que la France, à s’en sortir c’est parce qu’ils multiplient les jobs précaires avec peu d’heures de travail. Peut-être faut-il aller dans leur sens, mais le problème n’est pas la durée du travail.
Daniel Cohen l’a souligné, la révolution numérique actuelle ne crée pas d’emplois. Certains croyants disent : «toutes les révolutions industrielles ont supprimé massivement des jobs, mais en contrepartie ont créé de meilleurs jobs en plus grand nombre. Il suffit d’attendre que la révolution numérique donne toute sa mesure.»
En attendant d’autres, comme le rappelle Brice Couturier, «estiment que la moitié des métiers actuels auront disparu dans 20 ans. Le World Economic Forum est d’une précision diabolique : d’ici 2020, la 4°révolution industrielle aura créé 2 millions d’emplois dans les pays industrialisés, mais elle en aura détruit 7 millions….»
Cette discussion sur la durée du travail est des 35 heures est un leurre, un trompe l’œil.
Barbara Romagnon explique : «La meilleure preuve en est que la durée moyenne des temps pleins en France est supérieure à 39 heures, selon l’Insee. L’employeur peut faire travailler davantage ses salariés, à la seule condition de respecter la législation européenne qui fixe la limite de temps de travail hebdomadaire à 44 heures (ou 48 heures sur un cycle court). Les lois sur les 35 heures ont aussi ouvert la voie aux « forfaits jours  » et à l’annualisation qui permettent de moduler le temps de travail sur l’année. Un salarié peut faire 40 heures une semaine et 30 heures la semaine suivante sans que le patron ait à payer les 5 heures supplémentaires de la première semaine.»
Les 35 heures, c’est le seuil à partir duquel, se déclenche les heures supplémentaires qui sont payés en plus et plus cher ! Voilà le nœud !
Ce dont il est question, ce n’est pas la durée de travail,  c’est le prix du travail pour les employeurs, ce qui correspond au revenu des salariés.
Pendant un certain temps on nous a amusé avec les charges sociales qu’il fallait réduire à tout prix.
Mais maintenant on va davantage à l’os : la somme d’argent qu’on paye à un salarié en contrepartie de son travail.
Nous, je, vous sommes trop payés en moyenne dans un monde globalisé avec des frontières ouvertes.
C’est de cela qu’il est question !
Sachant bien que tout le monde n’est pas trop payé, il en existe qui ont encore des marges de manœuvres !
C’est plus compliqué puisqu’il y a d’abord eu une diminution de 1 300 000 à 800 000 parce que c’était prévu dans le contrat pour sa dernière année de contrat et parce qu’il commençait à se faire vieux. En résumé et après négociation son salaire est passé de 1,3 M à 1,5M.
Lui il n’est pas trop payé. Évidemment si vous essayez de raisonner par la morale, vous pouvez trouver cela exagéré. Mais du point de vue économique cela se comprend. Il y a des milliers de « moutons », pardon de « supporters » qui acceptent de payer des billets d’entrée dans les stades où il joue, d’acheter des maillots et d’autres colifichets à son nom, de s’abonner à des télés payantes pour regarder les matches auxquels il participe. C’est un salarié qui a un peu plus de moyens que d’autres pour se défendre devant ses employeurs et demander une redistribution des gains un peu plus avantageuse pour lui.
Mais en moyenne, nous, quasi tous les autres nous sommes trop payés !
Voilà ce qui est sous-jacent à ce débat interminable sur les 35 heures.
Nous pouvons accuser les autres, les capitalistes qui ont délocalisé pour mieux nous contraindre. L’Europe qui nous a soumis à cette superbe injonction de la concurrence libre et non faussée ! Le numérique et internet qui rend encore davantage possible la dérégulation.
Mais nous sommes aussi en partie responsables. Notre goût délétère de toujours chercher le prix le moins cher.
Vous comprenez cela ! «Moi je veux être payé cher pour ce que je produits, mais je veux acheter le moins cher possible !»
Petit exemple un salarié de la Fnac qui disait à l’époque : «c’est terrible, les gens viennent à la Fnac demander conseil puis il rentre chez eux et vont acheter le produit conseillé sur internet chez un concurrent qui n’a pas nos conseils».
Depuis la Fnac s’est adapté, elle n’a plus beaucoup de salariés très compétents et qu’il faut payer très cher !
Mais ce que nous pouvons aujourd’hui comprendre c’est qu’une partie de nous est ce client qui veut moins cher et qu’une partie de nous est ce salarié qui a des compétences et des prétentions à être payé plus cher.
En réalité nous sommes chacun 1/3 de producteur 1/3 de consommateur et 1/3 d’être social. Ce dernier tiers correspondant à celui qui contribue à l’Etat providence et qui bénéficie aussi de l’Etat providence.
C’est à ce dilemme que Jean-Paul Delevoye, le dernier Médiateur de la République, apportait cette évidence : « L’économie est mondiale mais le social est local !»
Eh bien nous avons accepté, comme une évidence, que celui qui devait être privilégié dans notre être œconomicus c’était le 1/3 consommateur.
Probablement qu’individuellement nous ne pouvions rien faire devant ce phénomène de masse.
Mais il faut comprendre que la responsabilité de tout cela n’est pas totalement extérieure à nous.
Peut-être quand même devrions nous nous interroger sur nos comportements de consommation pour que le phénomène soit mieux maîtrisé.
Prenons un 1/3 de dentiste consommateur, il voudra voyager et au meilleur prix !
Il ne va quand même pas prendre Air France où le 1/3 producteur de pilote a beaucoup trop davantage et est beaucoup trop payé !
Il est vrai que chez Ryanair le 1/3 producteur de pilote est beaucoup mieux maîtrisé financièrement.
Mais dans ce raisonnement, il faut comprendre que le 1/3 de dentiste producteur est beaucoup trop payé par rapport à la concurrence mondiale.

Il ne s’étonnera pas que le 1/3 de pilote d’avion consommateur cherchera un dentiste dont le 1/3 producteur est moins cher !

<Pour illustrer mon propos vous pouvez écouter Sofia Lichani qui était hôtesse de l’air chez Ryanair, elle en a écrit un livre>. Dans cette entreprise, c’est l’employé qui paye sa formation initiale réalisée par son entreprise.

Pour les dentistes, si on fait une recherche sur internet on voit l’émergence de cabinets de dentiste low cost, l’uberisation est proche ?
Aujourd’hui on pourrait aussi penser aux agriculteurs dont le 1/3 producteur pour beaucoup n’est vraiment plus payé convenablement…
Je vous laisse à cette réflexion bien loin de l’idée que nous ne travaillons pas assez !
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Jeudi 8 octobre 2015

«Le temps de travail est protecteur à plusieurs titres
– il se mesure de manière objective
– il permet de séparer la vie professionnelle de la vie personnelle.
– le limiter, c’est protéger la santé.»
Pascal Lokiec, professeur de droit social à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense

Il semblerait que la grande question du moment en France est celle «du carcan des 35 heures».

Je veux bien comprendre qu’il y a de ci de là des problèmes d’organisation.

Mais enfin, les réflexions de Daniel Cohen et d’autres montrent à l’évidence que nous avons un problème général d’emploi correctement rémunéré pour tous, dans tous les pays développés.

Alors il existe des pays, peut-être ont-ils raison, qui préfèrent des jobs très mal payés (Allemagne, USA, GB) que pas de job du tout et des allocations chômages coûteuses (France).

Mais s’il n’y a pas assez d’emplois pour tout le monde, j’ai du mal à comprendre que la solution est de faire travailler davantage celles et ceux qui ont déjà un emploi.

<Notons, qu’en Suède la municipalité de Göteborg expérimente la journée de 6 heures et la semaine de 30 heures avec pour objectif d’augmenter la productivité>

Mais ce n’est pas de cet aspect de la durée du travail que je souhaite vous entretenir aujourd’hui mais de la référence même au temps de travail comme mesure du travail.

Parce que la tentation, « la modernité » conduit toujours davantage à considérer que le temps de travail constitue une mesure archaïque du travail. C’est particulièrement vrai dans le monde numérique.

On est passé d’une économie de «main d’œuvre» à une économie de «cerveau d’œuvre» et le cerveau n’arrête pas de réfléchir. On réfléchit tout le temps.

Par quoi veut-on alors le remplacer ?

Certains parlent de «charge de travail» à laquelle l’employé doit faire face.

Plus généralisé est le management par objectif qui permet aussi de s’émanciper largement du temps de travail. Au début, cette convention « Tu as un objectif à atteindre, mais tu t’organises comme tu l’entends » constitue un hymne à la liberté, à l’ingéniosité et peut être même à la capacité de travailler moins si on « se débrouille très bien ». Et puis un objectif, en principe c’est objectif et rationnel.

Mais vous comprendrez bien que la quantification de l’objectif, comme la charge de travail, peut constituer un piège qui pour celui qui s’astreint ou même est contraint, sous peine de perdre son emploi, d’atteindre son objectif, peut dégénérer dans une explosion perverse de la durée consacrée au travail.

Pascal Lokiec, professeur de droit social à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense invité à l’émission du grain à moudre du 15/09/2015 rappelle qu’en réalité seul le temps de travail, la durée qu’on consacre au travail constitue une mesure objective.

Il explique :

« Il faut être très vigilant quand on entend dire que demain le temps de travail ne sera plus la mesure du travail. Le temps de travail est protecteur à plusieurs titres :
D’abord il se mesure de manière objective
La charge de travail qu’on veut parfois substituer au temps de travail est très subjective
Ensuite le temps de travail permet de séparer la vie professionnelle de la vie personnelle.
Et enfin limiter le temps de travail c’est protéger la santé.»

C’est pourquoi la durée de travail reste un critère déterminant.

L’émission était consacrée à un rapport sur le droit du travail du DRH d’Orange à Myriam El Khomri consacré aux impacts du numérique sur la vie au travail.

Parmi les propositions, une redéfinition du salariat et une réflexion sur le temps de travail.

[…] Elles sont censées alimenter le projet de loi que la ministre du Travail présentera, au plus tôt, d’ici la fin de l’année.

Est-il nécessaire de légiférer sur le sujet ?

Ce qui est sûr, c’est que l’arrivée du numérique a profondément modifié notre rapport au travail. Au sein de l’entreprise en brouillant la frontière entre vie professionnelle et vie privée, au point de remettre en cause la notion –centrale- de temps de travail. Mais aussi en dehors, en favorisant l’émergence de nouveaux entrepreneurs, des travailleurs indépendants, plus autonomes mais aussi plus précaires puisque n’étant pas sécurisé par un contrat. Comment accompagner ces bouleversements sans renier les fondements du droit du travail ?

Sur ces sujets, Mediapart a déniché une intervention du PDG d’Air France qui se lance dans des réflexions «très libres et très ouvertes».

<Ici vous trouverez la video de cette intervention lors des entretiens de Royaumont en décembre 2014>

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Jeudi 30 mai 2013

« En Amazonie, infiltré dans « le meilleur des mondes »
Jean-Baptiste Mallet

Non, il n’est pas question de cette immense forêt, poumon de la terre, et qui est l’objet de beaucoup d’atteintes écologiques et aussi d’atteintes à l’égard des populations autochtones et sur laquelle beaucoup de choses seraient à écrire.

Ce mot du jour fait référence au titre d’un livre d’un journaliste qui s’est fait embaucher dans l’entrepôt de Montélimar du site de vente en ligne AMAZON.

Le mot du jour du 14/05/2013 évoquait le destin des ouvriers du Bengladesh qui travaillaient dans les locaux bas de gamme qui s’écroulaient et dans des conditions misérables pour que nous puissions acheter des vêtements à bas prix.

Ici nous sommes en France, les locaux ne menacent pas de s’écrouler, mais les conditions exigées par l’employeur à l’égard des salariés précaires sont incroyables.

Le plus extravagant c’est quand on recherche cet ouvrage sur Google, Amazon est le premier à vous proposer de vous le vendre.

Si vous voulez acheter ce livre, s’il vous plaît aller chez un libraire.

Vous pouvez aussi lire cet article sur le site du Nouvel Obs. : <Quand Amazon transforme ses recrues en « robots »>

J’en cite quelques extraits :

« Il n’y a que quatre types de postes, attribués une fois pour toutes, en trois équipes (5h50-13h10, 13h40-21h, 21h30-4h50) : ceux qui reçoivent la marchandise (les eachers), ceux qui la rangent dans les rayonnages de cette forêt métallique qui couvre le hangar de 36.000 mètres carrés (les stowers). Ceux qui prennent les produits dans ces casiers pour préparer les commandes (les pickers), ceux qui les emballent (les packers).

Il y a tout ce vocabulaire anglais à maîtriser : inbound, outbound, damage, bins, slam, associates, leaders… Il y a cette devise, sortie du « Meilleur des Mondes » : « Work hard, have fun, make history » (« Travaille dur, amuse-toi, écris l’histoire »).

La vie de « l’associé » est codifiée selon des « process » qui gèrent le moindre détail : la vitesse maximum des voitures sur le parking (15 km/h), la manière de se garer (en marche arrière), le tutoiement obligatoire (censé susciter la confiance), la manipulation des chariots (interdiction de reculer), la façon d’y empiler les articles (par taille, code-barres au-dessus).

Le travail est ultrapénible : même si son parcours est optimisé par un logiciel, le picker marche entre 20 et 25 kilomètres par vacation. Douleurs dans le dos, le cou, le poignet, les cuisses… « […]

Selon Malet, Amazon transforme ses recrues en « robots » hébétés, soumis à des objectifs de productivité croissants. Leurs machines à scanner sont les « flics électroniques » qui transmettent des informations, contrôlées en temps réel par des leaders, eux-mêmes sous la pression de managers.

Comme dans un mauvais jeu de télé-réalité, de semaine en semaine, seuls les plus performants sont gardés. Et les rares élus qui atteignent, dixit Amazon, « les standards élevés qui peuvent paraître irréalisables aux yeux de certains », décrochent un CDI. Un vrai Graal pour ces bataillons de chômeurs en galère. »

Ou simplement écouter la chronique de 3mn de Philippe Meyer qui m’a fait découvrir l’existence de ce livre : <Dans les coulisses d’Amazon>

Ou <cet extrait> publié par L’Humanité

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