Jeudi 30 janvier 2020

« Flygskam »
Honte de prendre l’avion

« Flygskam » est un mot suédois qui fusionne « skam » (la honte) et « flyg » (voler). C’est donc la honte de voler ou de prendre l’avion à cause des conséquences environnementales de ce mode de transport.

C’est un mot qui est né en Suède mais a fait l’objet d’articles de journaux du monde entier en 2019. Il suffit de faire une recherche sur ce mot sur Internet pour en être convaincu. C’est typiquement un de ses « mots » qui a fait l’actualité.

Il est vrai que le magazine « GEO » affirme qu'<un trajet en avion est 1 500 fois plus polluant qu’un voyage équivalent en TGV> et explique :

« L’avion est aujourd’hui le moyen de transport le plus polluant, bien plus que les voitures individuelles et le train. […]

Par trajet, l’avion émet en moyenne 125 fois plus de dioxyde de carbone qu’une voiture individuelle, un chiffre qui monte à 1 500 pour les trains. En plus du CO2, l’avion répand également de l’ozone (O3), un gaz à effet de serre, et des cirrus (nuages de la haute atmosphère) qui ont un effet réchauffant. […]

Aucune solution technologique n’existe pour l’instant pour limiter la pollution des avions. Sa version électrique permettrait de parcourir que de petites distances. »

Actuellement le transport routier mondial génère plus de gaz à effet de serre que l’aviation, mais Wikipedia dans son article : <Impact climatique du transport aérien> précise que les tendances actuelles vont faire augmenter de manière très importante l’impact de l’aviation sur le réchauffement climatique :

« Les réacteurs d’avion contribuent de manière importante à l’effet de serre. Cela est dû principalement au CO2 produit par la combustion du kérosène, ainsi qu’aux traînées de condensation et aux nuages d’altitude qu’elles peuvent générer.

L’impact climatique du transport aérien, c’est à dire la contribution de l’aviation commerciale au réchauffement climatique, résulte principalement de la combustion de kérosène dans les réacteurs d’avion. Celle-ci est responsable de l’émission de dioxyde de carbone (CO2), un gaz à effet de serre qui s’accumule dans l’atmosphère et dont les émissions représentent de 3 à 4 % des émissions mondiales […]

Pour consolider les effets sur le climat de l’ensemble des émissions anthropiques, le GIEC utilise le forçage radiatif qui mesure les conséquences des activités passées et présentes sur la température globale. Il a estimé que le forçage radiatif dû à l’aviation représentait 4,9 % du forçage radiatif total de 1790 à 2005, environ trois fois plus que le seul impact du CO2. Avec la croissance rapide et continue du transport aérien (de 6 à 7 % par an depuis 2015) et l’incapacité du secteur à la compenser au même rythme par des améliorations techniques ou opérationnelles, son impact climatique ne cesse de croître. Selon des projections de la tendance actuelle, la part des émissions de CO2 de l’aviation pourrait monter à 22 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2050. »

<Youmatter> qui est un média d’information en ligne rédigé en langue française et anglaise et dont l’objectif est d’analyser et de décrypter tous les grands phénomènes qui agitent nos sociétés, afin de fournir aux citoyens de meilleures clefs de compréhension et d’action dans un monde en transition, nuance un peu ce propos dans un article qui me semble techniquement très élaboré : <Contrairement aux idées reçues, l’avion ne pollue pas vraiment plus que la voiture.>

Mais cet article affirme cependant :

« Malgré tout, il ne faut pas considérer que prendre l’avion soit un acte anodin. L’avion reste un mode de transport polluant et problématique. Certes, globalement le transport aérien n’est pas extrêmement polluant (il représente moins de 4-5% des émissions de CO2 mondiales, alors que le transport routier représente 15% de ces émissions directes). Mais l’avion reste parmi les modes de transports les plus polluants avec la voiture. […] Le problème du transport aérien c’est sa généralisation et sa banalisation : voyager sur de longues distance par avion devrait rester exceptionnel. Sur le plan environnemental, la croissance du transport aérien n’est donc pas en soi souhaitable.

Le problème c’est que la croissance du secteur du transport aérien liée à la mondialisation, plutôt que de remplacer des modes de transport polluants pré-existant (comme la voiture), crée surtout de nouvelles opportunités de transport qui s’ajoutent aux pollutions actuelles. On découvre ainsi de nouvelles destinations, plus lointaines, ce qui nous incite à voyager plus et plus loin, et donc à polluer plus. Il faut garder à l’esprit qu’un vol Paris-New York en avion par exemple émet environ 1 tonne de CO2. Soit presque la totalité du « budget carbone » annuel auquel un français devrait se limiter s’il voulait vraiment lutter contre le changement climatique (1.22 tonnes par an et par habitant). Dans l’ensemble, réduire ses besoins en transport (en avion, mais aussi et surtout en voiture) est donc la meilleure manière de réduire son empreinte carbone. Conclusion : privilégiez le train ! »

Les suédois sont de très grands consommateurs de voyages aériens, et c’est donc chez eux que le  Flygskam est né et a prospéré. En effet, <Wikipedia> nous apprend que ce sentiment [ de honte de prendre l’avion] est nommé pour la première fois en Suède en 2018 dans la foulée des grèves scolaires pour le climat initiées par Greta Thunberg.

Greta Thunberg, en janvier 2019 avait rejoint le Forum économique mondial (Davos en Suisse) en 32 heures de train, avant de dénoncer les 1 500 jets privés des dirigeants venus évoquer le réchauffement climatique.

Mais la jeune activiste n’est pas seule en Suède, deux autres Suédoises, Maja Rosen et Lotta Hammar, lancent une campagne de boycottage baptisée « We stay on the ground 2019 » (« Nous restons au sol en 2019 »), suivie par 15 000 de leurs compatriotes. En 2016, Magdalena Heuwieser lance un manifeste et un réseau international « Stay grounded » pour en « finir avec l’avion roi ».

Le <Figaro Economie> affirme que ce phénomène a touché la France :

« Afin de préserver l’environnement, certains Français renoncent totalement à prendre l’avion, quitte à abandonner leurs rêves de voyages à l’autre bout du monde. Ils privilégient des destinations plus proches, accessibles en train. À l’instar des Suédois, certains Français renoncent à prendre l’avion pour préserver l’environnement.»

C’est dans cet article qu’on peut lire que l’AEE (Agence européenne pour l’environnement) indique que les transports représentent plus d’un quart de la totalité des émissions de gaz à effet de serre en Europe: les transports routiers y contribuent à hauteur de 72%, l’aviation pour 13,3% et le transport maritime pour 13,6%. Le transport ferroviaire représente lui une part infime des émissions. Mais nous avons compris que le plus grave est que l’aviation présente un risque fort d’augmenter considérablement sa part de responsabilité.

<Courrier International> a également consacré un article au « flygskam » et on peut y lire notamment :

« Sur plus de 6 000 personnes sondées par UBS aux États-Unis, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, 21 % assurent avoir déjà décidé de réduire leurs voyages en avion au cours de l’année écoulée – soit une personne sur cinq. Si 16 % seulement des Britanniques interrogés ont déclaré avoir renoncé à certains déplacements aériens au cours des derniers mois, 24 % des voyageurs américains indiquent avoir déjà changé leurs habitudes. Dans ce même panel, une personne sur trois envisage de ne plus prendre l’avion dans les années à venir. »

Et il cite « The New York Times » qui indique que les deux tiers des vols au départ des États-Unis sont le fait de 12 % seulement des citoyens américains, qui effectuent plus de six voyages aller-retour en avion chaque année. Chacun de ces voyageurs émet en moyenne plus de trois tonnes de dioxyde de carbone par an, ce qui est considérable et largement supérieur, par ce seul canal, aux 1,22 tonnes qu’il faudrait atteindre. Le quotidien new yorkais affirme que certaines entreprises se demandent désormais si tous ces voyages sont vraiment nécessaires à l’ère du courrier électronique, de la messagerie collaborative et des téléconférences.

Dans « The Guardian », le journaliste John Vidal, lui-même grand voyageur par goût autant que par nécessité professionnelle, dresse une liste des nouvelles initiatives prises pour encourager divers publics à réduire les trajets aériens.

Aux États-Unis, le site Flying Less, qui s’adresse aux enseignants et aux chercheurs, a par exemple lancé une pétition pour appeler les universités à limiter le nombre des voyages professionnels en avion. Au Danemark, les journalistes du quotidien Politiken ont renoncé aux vols intérieurs et tentent de réduire au minimum indispensable le nombre de vols internationaux. La rubrique Voyage du journal met désormais en avant des destinations accessibles par d’autres moyens de transport – une démarche dont The Guardian entend lui-même s’inspirer. En Suède, une initiative intitulée Flygfritt (“Sans avion”) veut fédérer 100 000 personnes prêtes à s’engager à ne pas prendre l’avion en 2020.

Et c’est le quotidien économique <LES ECHOS> qui affirme que le « flygskam » plombe déjà le trafic aérien en Suède et que le train fait figure de grand gagnant :

« Les chiffres publiés pour l’ensemble des 38 aéroports du pays au premier trimestre 2019 par l’Agence suédoise des transports ont ensuite confirmé cette tendance : le nombre de passagers a diminué de près de 4,4 % sur un an, dont – 5,6 % sur les vols intérieurs. […] Faut-il y voir le point de départ d’un mouvement plus vaste sur le continent ? Pour le moment, les chiffres publiés par la plupart des aéroports des pays voisins témoignent toujours d’une hausse continue du trafic passagers, à l’image du reste du monde. Mais au vu de l’effervescence actuelle des mouvements pour le climat, à Londres comme à Paris , il n’est pas à exclure que la « honte de prendre l’avion » puisse s’étendre à d’autres pays aussi rapidement qu’en Suède. »

Et c’est le Figaro Economie qui pose la question : « Le trafic aérien mondial peut-il être menacé par le «flygskam»? »

« Ainsi, UBS inclut les considérations écologiques et estime que sur les quinze prochaines années, le nombre de vol dans l’Union européenne augmentera d’environ 1,5% par an en moyenne. Un chiffre deux fois plus faible que les prédictions d’Airbus, qui tablait récemment sur une hausse de 3%. Au premier semestre de l’année, le trafic aérien en Europe a d’ailleurs plus faiblement augmenté que l’année dernière, sur la même période, passant de 6,7% à 4,3%.

Aux États-Unis, la hausse de 2,1% prévue par Airbus a également été abaissée par UBS, à 1,3%. Sur le continent américain d’ailleurs, près d’un sondé sur quatre déclare d’ores et déjà avoir modifié ses habitudes.

Selon cette même étude, si une telle modification du paysage aérien, devait se produire, cela modifierait très nettement le marché. UBS estime que cela aboutirait pour Airbus à un manque à gagner colossal d’environ 2,8 milliards d’euros par an à terme. »

Pour cause, dans sa dernière étude de marché, Airbus estimait que pour répondre à l’importante demande mondiale, 39.210 avions neufs devront être construits en tout sur les 20 prochaines années. Si le sondage d’UBS porte les bons chiffres, alors Airbus, qui compte pour 57% du marché, aura à revoir ses prédictions de construction d’avions.

La question est de savoir comment chacun de nous réagit par rapport à ce sujet ?

Le mot du jour de mardi montrait l’urgence de la situation.

Alors je sais bien que les éternels optimistes prédisent que le génie humain va inventer les techniques qui permettront de continuer à tout faire comme avant, tout en préservant la planète.

Admettons que ce soit le plan A !

Mais avez-vous songé au plan B ?


En attendant, les précurseurs suédois ont progressé et ont inventé après « le flygskam », « le Köpskam », la honte de consommer, un néologisme qui émerge peu à peu dans la société nordique et qui vise surtout l’industrie de la mode, particulièrement montrée du doigt pour son impact sur l’environnement.

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